Ce fut un baiser humide que celui que Sakura amorça. Les deux femmes pleuraient tendrement, mais de ces larmes dont ne pouvait que s’attendrir, ces larmes qui reflétaient une émotion intense. Voir les lettres avait fait plaisir à Sakura, et c’était sans doute ne pas rendre hommage à ce qu’elle avait ressenti que de qualifier cette émotion de « plaisir ». Alice n’était pas passée parce que Sakura avait vaincu, mais oui, elle n’était plus une esclave. Sa liberté était acquise, par la protection d’Ashnard en personne. Quiconque essaierait de la vendre en tant qu’esclave sur le sol d’Ashnard se rendrait ainsi coupable d’escroquerie. Officiellement, il fallait attendre que la libération de Sakura soit publié dans le journal légal d’Ashnard, mais rien ne pouvait légalement s’opposer à la reconnaissance de son statut de femme libre. Alice répondit donc à son baiser en souriant, heureuse, se sentant incroyablement légère.
« Bien sûr que je veux rester auprès de toi..., dit-elle alors.
- Je n’en doutais pas vraiment, tu sais… répliqua Alice en souriant légèrement.
- J'ai une nouvelle maison, une nouvelle famille, et j'ai même trouvée mon âme sœur... ce n'est pas pour tout quitter...
- Et ce n’est pas non plus comme si je te laisserai partir si facilement, mon amour…
- Mais avant, je veux récupérer ma sœur, et ensuite, je m'entrainerais et deviendrais plus forte, pour te protéger, poursuivit Sakura.
- Alors, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour t’aider à la retrouver.
- Ce ne serra plus une relation esclave/maîtresse, mais une relation amoureuses...
- Je ne t’ai jamais considéré comme une esclave, ma belle… »
L’échange se termina sur un baiser qui remplit d’allégresse le cœur d’Alice, puis Sakura décida de terminer sur une note humoristique, qui fit sourire Alice.
« Et puis, une garde du corps Demi-dragonne, ça en jette., estima-t-elle.
- C’est sûr que tu seras encore plus impressionnante qu’Hodor », pouffa Alice, ayant une brève pensée pour le demi-géant.
L’échange se termina là, et, malgré ses efforts et ses vaines tentatives, Alice ne fut pas autorisée à dormir avec Sakura. L’apothicaire évoqua l’intérêt supérieur et impérieux de la médecine, la nécessité d’ausculter la jeune fille pour comprendre un peu mieux ce qui lui arrivait, et s’assurer que son état ne faiblirait pas. Elles eurent juste le temps de parler encore un peu plus. Alice lui parla d’une cérémonie officielle qui aurait lieu demain, et Sakura lui parla des capacités de sa tunique, et elles se séparèrent.
La nuit fut assez longue. Excitée comme une puce, Alice eut un mal fou à s’endormir, et, pour l’une des rares fois dans sa vie, quand Lõara vint au petit matin pour raviver le feu dans l’âtre de la cheminée, ce fut pour voir qu’Alice était déjà réveillée, regardant par la fenêtre. Elle n’accueillit pas Sakura à sa sortie de l’infirmerie, car elle se trouvait déjà ailleurs, sur la place publique de Sylvandell, celle-là même où, hier, Sakura avait été vendue par les esclavagistes. Difficile de croire ce qui avait pu se passer en seulement une journée. Exceptionnellement, le marché aux esclaves fut fermé, et une estrade fut dressée. Tywill était là, dans une tenue de cérémonie, et Alice le rejoignit, en compagnie du Grand Prêtre de Sylvandell. L’ambassadeur d’Ashnard ne tarderait plus à arriver. Il y avait de nombreux gardes, et des badauds. Les crieurs publics avaient été dans les baronnies pour annoncer qu’une cérémonie d’intronisation allait avoir lieu, et bien des curieux étaient venus, et continuaient à venir.
Lorsqu’on tira Sakura de l’infirmerie, la foule était assez nombreuse, et Alice se sentait assez nerveuse, à voir tous ces gens. Sakura sortit du château, et traversa le Grand Pont, où il y avait deux rangées de soldats au garde-à-vous avec des tambours, qui se mirent à taper dessus en chœur, provoquant des roulements amplifiés par le vide autour d’eux. La foule se tut rapidement. Entourée de plusieurs gardes, Sakura ne tarda pas à arriver, suivant un petit chemin délimité par la foule, la conduisant vers l’estrade. Elle était dressée devant le Temple de Sylvandell, dont le halo vert se dressait avec prétention dans le ciel. Dans le ciel, les dragons volaient et crachaient du feu, inhabituellement nombreux, poussant des grondements, qui, même si Alice ne les comprenait pas, ne pouvaient être que des félicitations.
Sakura arriva à bonne distance de l’estrade, et le Roi Tywill se dressa, et se mit à parler d’une voix forte.
« Peuple de Sylvandell, Empereur d’Ashnard, représenté en la personne de Sa Majesté l’Ambassadeur, fit-il en désignant l’ambassadeur, qui secoua légèrement la tête, en ce jour, j’ai l’immense fierté de vous annoncer que la maison Korvander a reçu un nouveau message de la part des dragons. Ce message, je vous l’avouerai, j’ai eu du mal à le saisir, et je me dois de féliciter la clairvoyance de ma fille, qui a su interpréter sans ombrage la volonté du Patriarche. »
Sa main se tourna vers Alice, qui rougit en recevant une série de vivats.
« Pour l’heure, reprit assez rapidement Tywill, visiblement pressé d’en finir avec ce discours, je ne saurais encore trop comment interpréter ce message, mais je laisserai cette tâche fastidieuse à mes conseillers et mages. Ce qui importe, maintenant, est de suivre les rituels. En vertu des lois, quiconque a reçu l’onction du Patriarche ne peut être qu’un Korvander. Néanmoins, Sakura Konoe, le sang des Korvander ne coule pas dans vos veines. En tant que tel, vous resterez Sakura Konoe, mais la maison Korvander vous considère désormais comme l’un des siens. La justice veut donc qu’on vous reconnaisse sous le nom de Sakura Konoe ‘‘Korvander’’. »
Les cors se mirent à résonner, ainsi que les trompettes et les vivats, pendant plusieurs minutes. Tywill finit par lever une main.
« Sur ce, je vous souhaite une bonne journée, peuple de Sylvandell. Que cette journée soit frappée du sceau du sacré, avec tout ce que le sacré implique ! »
Tywill avait effectivement beaucoup parlé, et le Grand Prêtre prit alors la parole. Alice remarqua alors qu’il tenait entre ses mains un coffre, et le posa sur une table.
« Sakura Konoe, veuillez nous rejoindre. Votre intronisation ne saurait être complète sans la remise de quelques présents. »
Sur un ton plus bas, le Grand Prêtre regarda Alice, en ouvrant le coffre.
« Dészirez-vous en charger ?
- Oui, Prêtre », lança Alice d’une voix très émue.
Son cœur battait la chamade en voyant Sakura, si proche d’elle, et, les mains tremblantes, elle sortit le premier présent, en parlant.
« J’ai quatre présents pour vous, Sakura. Le premier est une dague. La Dague Alpha. Elle a été forgée dans l’acier le plus pur de Sylvandell, dans l’obsidienne la plus dure. Sa lame est constituée de verredragon, qu’on prétend incassable. La Dague Alpha est vôtre. »
Elle avait la forme d’une dague, tout simplement, mais la manche était en forme de dragon. Alice reposa le bien dans le coffre, et en saisit un autre, un morceau de papier.
« Signé de la main du Roi Korvander en personne, et tamponné du sceau de l’Empire d’Ashnard, Ce papier confirme votre statut de femme libre, et vous autorise à bénéficier de la protection de Sylvandell, et de tout ce que cela implique. »
Chaque présent était salué par des applaudissements, et Alice le reposa, sortant enfin le dernier. Un cristal magique, obtenu depuis certaines grottes des collines, et travaillé ensuite par des artistes et des alchimistes.
« Ce cristal contient l’une des flammes du dragon d’Or. C’est l’un des biens les plus précieux de Sylvandell, dont l’utilité vous sera indéniable pour vos transformations. »
Elle reposa le cristal, et referma le coffre, le tournant vers Sakura, puis s’approcha d’elle, lui faisant un sourire, avant de parler sur un ton léger.
« Quant au quatrième cadeau… dit-elle en se mordillant les lèvres, avant de sourire. Il s’agit de mon indéfectible amour… »
Et, sans en dire plus, elle embrassa à nouveau Sakura, pour un long baiser, qui dura bien plusieurs minutes, avant de relâcher ses lèvres, ne se souciant pas spécialement des sifflements et des applaudissements, se contentant de regarder son amour.
« Tu as une déclaration à formuler ? »