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Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

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Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 15 jeudi 21 novembre 2024, 17:13:27

La douleur. Ah, cruelle et pourtant si familière amie de toujours. Serenos ne ressentait pas souvent la caresse de l’annonciatrice de supplices à venir, et pour tout homme d’action qu’il soit, il dût admettre, quand les griffes de la créature s’enfoncèrent dans sa chair et crissèrent contre les os de sa cage thoracique, qu’il ne s’était jamais vraiment ennuyé d’elle. Par tous les ancêtres, qu’est-ce que cette sensation était désagréable. Mais Serenos Aeslingr était un homme qui ne se laissait pas broyer aussi facilement, même si son adversaire était absolument terrifiante et très nettement supérieure à lui.

Ce n’est pas qu’Eyia fusse une guerrière plus expérimentée ou plus adroite, mais il y avait de ces créatures dans ce monde pour qui les règles de la physique et même du temps ne contraignaient pas ; qu’importe sa petite stature et son manque d’expérience martiale si, pour elle, un humain était aussi lent et prévisible qu’un escargot.

Un grondement sourd échappa aux lèvres du Roi, dont le regard tressaillit de douleur, et il manqua presque de tomber au sol quand la déesse lui attrapa le visage du Roi et lui enserra la tête comme dans un étau. Si ce n’était pas de son anatomie renforcée par les procédés de Melisende, il eut à craindre que son crâne, voire son squelette entier, ne serait rien de plus qu’un amas de poussière dans sa chair.

- Tu te penses sincèrement capable de te mesurer à la reine des pierres ? Quelle arrogance. Rien ne me résiste.

– Je suis très entêté, parvint à dire le Roi entre ses grognements de douleur.

Et pour le démontrer, le Roi passa ses mains autour de la taille de la Reine des Pierres et, sans crier gare, l’entraina dans une ferme étreinte. Bassin à bassin, torse contre poitrine, presque visage à visage, il sentit l’entièreté de son système nerveux s’enflammer dans une éruption de douleur telle qu’il n’avait pas expérimentée depuis les donjons de Rajj’tara, et pourtant, comme pour démontrer l’entêtement susnommé, il banda les muscles et la garda contre lui, plantant les pieds au sol.

Les murs de la pièce s’illuminèrent, comme si chaque crevasse cachait de la lave volcanique prête à érupter, alors que le sol au complet se mit à trembler.

Eyia sentit alors ce que Serenos venait de faire quand une vive sensation de pénétration la traversa de part en part ; le Roi de Meisa déversait à nouveau sa magie dans son île. Sous leurs pieds, cet odieux ennemi venait de planter en elle, ou plutôt dans son île un pieu d’énergie qui, en raison de leur relation fusionnelle, revenait à lui infliger cette cruelle sensation, comme si un énorme clou lui perforait l’abdomen.

Et pis encore, c’est qu’elle pouvait ressentir la signature du Roi dans cette magie ; c’était comme avoir une part de cette homme dans sa chair, un sentiment qui, pour avoir un analogue plus commun, pouvait être perçu comme un geste absolument infect, cruel et méchant. Puis… vint une remarquable chaleur. De ce pieu cruel qui visait manifestement à lui causer de la douleur, provenait maintenant une vague d’aisance, de calme. Il ne lui faisait plus mal.

– Je peux continuer, grogna le Roi au travers de ce qui semblait être, de son côté, un supplice incommensurable.

***

- Prenez vos aises, chers convives, prononça une voix caverneuse avant d’éclater de rire.

– Oh, que votre voix vous étouffe, grogna le prince.

Un juron purement Meisaen qui, comme vous pouvez le deviner aisément, encourageait son interlocuteur à se taire et crever.

Laurelian posa délicatement la tête d’Aldericht sur le sol, puis se tourna vers les ombres, avant de s’approcher de celle qui lui semblait la plus dense, la plus menaçante, la plus vile. Et ses yeux brillèrent doucement, de la même lueur dorée que celle de Serenos, ou encore du prince, mais avec l’intensité d’une paire d’astre solaires, brillant mais n’émettant aucune ombre.

– Il suffit, souffla doucement la pythie en levant une main et la posant sur « l’ épaule » de la créature d’Eyia.

Un moment de silence suivit, pendant lequel les ombres restèrent comme figé devant la petite princesse.

– Vous le ressentez, n’est-ce pas ?

Elle prit la main griffue de l’ombre et en attira une griffe pour la presser contre sa poitrine, devant l’endroit où se trouvait son cœur.

– Le fil du destin ne se brisera pas ici, que ce soit le mien, le vôtre, celui de votre mère-reine, ou de l’anathème.

Elle pressa la griffe de l’ombre contre sa chair, et la pointe se marqua de sang qui, instantanément, infligea une horreur viscérale aux ombres. Un murmure glacé se propagea dans la caverne, et une chose était absolument certain ; cette femme allait sortir d’ici, que les ombres le veuillent ou non.

*Aussi... Ow.

Eyia

Créature

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 16 vendredi 22 novembre 2024, 10:34:41

- Je suis très entêté.

La déesse étouffa un « J’espère bien » lorsque ses mains se refermèrent autour de sa taille. Elle écarquilla les yeux puis fronça les sourcils lorsqu’il l’étreignit.
« Comment ose-t-il ? » Il était en effet impensable pour un mortel d’approcher la déesse sans son autorisation préalable, et encore moins de la toucher – alors l’étreindre relevait quasiment du crime. Lorsqu’elle se retrouva littéralement collée à lui, son torse s’écrasant celui du roi, son visage si proche du sien, Eyia fut partagée entre deux émotions contraires : une réelle envie de le tabasser pour lui apprendre les bonnes manières et une vague excitation – colère et désir étaient après tout deux choses qu’elle affectionnait au plus haut point.

Néanmoins, lorsqu’elle ressentit l’attaque qu’il lui lançait, le désir s’évanouit : ne resta que la colère.

Tout d’abord, elle ne comprit pas la raison de cette étreinte. Voulait-il l’écraser ? Ridicule ; elle pourrait sans trop d’efforts lui donner l’impression qu’il tenait entre ses bras de la lave en fusion. Puis arriva l’attaque. Le coup qu’il lui porta lui donna l’impression qu’une lame venait de percer son ventre. La sensation n’était pas agréable, loin de là, mais Eyia aurait pu la tolérer.
Ce qui était à ses yeux intolérable, c’est ce qu’il laissa une fois la lame sortie de son ventre : une marque. Il venait de recommencer ; encore une fois, il avait laissé quelque chose de lui en elle, souillant son intégrité en même temps que son île. La souveraine sentit un brasier incendier son cœur d’une profonde rage et d’une grande honte ; elle aurait pu en pleurer de colère. Elle ne put donc pas savourer la fin de ce supplice, ni même profiter un peu de la douce sensation d’une chaleur apaisante ; elle était aveuglée par la haine.

- Je peux continuer.

Il n’eut d’abord pas de réponse d’Eyia, à l’exception du regard chargé de haine qu’elle lui adressait. Il pouvait également sentir le souffle haletant de colère qui agitait son buste, ou voir la façon dont ses mâchoires s’étaient serrées, dessinant de façon plus nette leur ossature. En revanche, les deux mains qu’elle avait appuyées sur les épaules du roi, aussi bien pour essayer de le repousser au début de leur étreinte que pour s’y accrocher alors qu’il l’attaquait, ne bougeaient pas ; elles tremblaient un peu, et ce n’était pas de peur.

- Je m’apprêtais à te demander si tu mesurais la portée de tes actes, petit roi, murmura-t-elle, mais la réponse va de soi : tu as fait tout cela en conscience. Pour cela, crois-moi, tu ne mérites que la mort.

La déesse releva son visage vers celui de Serenos. Son regard était comme éteint, ou du moins il était à présent illisible. Doucement, elle le rapprocha de celui du roi et déposa doucement ses lèvres sur les siennes. De prime abord, on aurait pu croire à un signe de tendresse – il n’en était rien.
Lorsqu’elle retira ses lèvres, il put sentir quelque chose de piquant, puis de brûlant sur ses lèvres, comme si un magma incandescent leur coulait dessus. Cette sensation ne s’arrêta pas à sa bouche ; elle se répandait à présent à l’intérieur de sa bouche, le long de sa langue, sur son palais, puis dans sa gorge – ainsi, ce qui semblait une lave invisible glissait peu à peu dans son organisme.

Et elle, toujours dans ses bras, riait, satisfaite de son coup.

Alors qu’il sentait cette chaleur insupportable glisser toujours plus loin en lui, s’insinuant dans son œsophage et ses poumons, le roi eut un instant de faiblesse ; elle en profita pour se déloger, et retomba au sol dans un mouvement maîtrisé, époussetant ses bras et sa taille, comme pour ôter de la surface de son être l’attaque précédente, sans même lui adresser un regard.

Puis, lui tournant le dos, elle eut ce petit mouvement de la main : un claquement de doigts, puis un poing serré.

Alors, Serenos put sentir les pierres autour de lui s’embraser en s’illuminant, réverbérant une lumière aveuglante. En un instant, la grotte fut remplie de ce halo qui pouvait faire fondre n’importe quelle rétine qui oserait les regarder en face.

Ainsi se déroulait une mise à mort aussi royale que divine : en incendiant le corps de l’intérieur comme de l’extérieur, en l’assommant, l’aveuglant et l’embrasant d’une chaleur insupportable.

- « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face »* parait-il, récita-t-elle d’un voix forte. J’aimerais ajouter : « ni même Eyia ».

*   *   *

Sous la roche, dans les galeries, les ombres tremblaient.

C’était un fait suffisamment rare pour être relevé. Même si les ombres n’étaient pas des répliques d’Eyia, elles n’étaient pas familières de la peur. Pour plaire à leur souveraine, elles avaient appris à ne pas s’y fier. Aussi, quand la Pythie s’approcha d’elle, l’ombre ne recula pas ; elle ne flancha pas quand le frisson de terreur la traversa, même si elle devait s’avouer déstabilisée.

Comme leur reine, les ombres n’appréciaient guère les mages et les prophétesses ; cette rancœur millénaire et cette soif de revanche envers ceux qui avaient osé enfermer leur souveraine l’emportaient sur la peur. Aussi, le premier geste que fit l’ombre fut d’attraper de son autre main le poignet de Laurelian. Elle s’apprêtait à fondre sur elle, au même titre que les autres ombres, quand une voix résonna dans les souterrains :

- Petite prophétesse, je te vois.

Le ton de cette phrase était presque chantonnant.
Laurelian n’eut aucune difficulté à reconnaître là la voix qui l’avait assaillie lors de son arrivée sur l’île. C’était bien celle d’Eyia qui, profitant d’un moment d’accalmie pendant ce qu’elle estimait être la lente mise à mort de Serenos, se tournait à nouveau vers sa fille. Dans une théâtralité qui la caractérisait, Eyia faisait cette fois entendre sa voix à tout le monde, et non pas seulement à Laurelian.

- Tu te souviens de moi, n’est-ce pas ?

Un léger rire ponctua cette phrase – puis Laurelian put nettement sentir la déesse pénétrer à nouveau son esprit. Un vacarme de cris et de bruits de corps brisés résonna à nouveau sous son crâne.
Quant aux ombres, elles comprirent qu’il s’agissait là d’un signal pour lancer leur attaque. D’un même mouvement, elles fondirent sur leurs adversaires.



* Allez hop, un peu de La Rochefoucauld
« Modifié: vendredi 22 novembre 2024, 10:42:04 par Eyia »


"Un cri s'écarquille dans la nuit. Et le voilà. Le fantôme de la Reine des pierres, au corps lisse comme une roche polie par les flots battants et salés. La lumière vomissante de cette nuit striée d'éclats devient crémeuse sur sa peau laiteuse. Son nom sonne comme une prière : Eyia."


Serenos I Aeslingr

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Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 17 vendredi 22 novembre 2024, 21:48:22

Plonger la déesse dans sa colère la plus intense n’était peut-être pas le geste le plus sensé que le Roi de Meisa, dans son infinie témérité et arrogance, eusse posé. Mais il savait qu’il ne pouvait pas gagner contre la reine seulement avec des attaques physiques et donc, l’énerver pouvait la pousser à commettre une erreur fatale.

Alors, quand elle lui plaqua ses lèvres sur les siennes, Serenos dût admettre que dans l’art de la déstabilisation et de l’imprévu, il avait assurément trouvé son égale. Le baiser était, comme son étreinte, un stratagème pour porter un autre assaut sournois, et pourtant, il se surprit à y répondre, comme si son instinct, à la limite du suicidaire, trouvait le danger absolument irrésistible, et d’un simple contact de lèvres, le duo d’ennemis se retrouvèrent à s’embrasser avec l’abandon haineux qui leur convenait, et ce malgré la sensation de brûlure qui commençait à se propager des lèvres de la belle.

C’était comme si, par l’effort de sa volonté, sa salive était devenue à l’image même des entrailles de la terre, et la douleur prit le Roi, qui sentit immédiatement son corps se convulser de douleur alors que cette lave liquide glissait dans sa gorge. La déesse éclata de rire, visiblement satisfaite du sort qu’elle avait choisi d’infliger au Roi, et alors qu’elle rit, un sourire tout aussi amusé que souffrant déforma les lèvres d’Aeslingr, qui ne tenait maintenant debout qu’à la bonne grâce de la déesse, celle-ci ne tardant point à le laisser tomber au sol maintenant qu’elle avait signé son arrêt de mort.

Serenos n’avait, faute d’avoir un jour trouvé quelqu’un capable de l’infliger, jamais ressenti une telle douleur de toute son existence. Encore une fois, et c’est bien de le rappeler; les hauts esprits ne sont pas liés aux mêmes règles de réalité que lui pouvait l’être, et leur magie, qui n’en était pas vraiment mais qui s’en approchait assez pour être qualifiée de telle, avait des applications et des propriétés que Serenos ne pouvait pas concevoir. Mais même si la transmutation d’une substance vers une autre n’avait rien de bien exceptionnel, là n’était pas la limite du pouvoir de cette créature primordiale.

À son supplice se rajouta soudainement une explosion de lumière vive qui noya sa vision dans une blancheur insoutenable, au point qu’il ressentit sa présence tout aussi douloureusement que si elle lu avait personnellement enfoncé des aiguilles à tricoter en plein dans les globes oculaires.

– « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face », paraît-il. J’aimerais rajouter « ni même Eyia ».

Serenos tomba sur les genoux, bouche ouverte dans un hurlement muet, sa respiration saccadée par ce cri qu’Il n’arrivait pas à pousser, et malgré ses efforts, sa tête finit par tomber sur sa poitrine.

Était-ce là que Serenos Aeslingr, le Sombrechant de Meisa, fléau des empereurs, souverain des trois plus grands domaines de l’Ayshanra allait s’effondrer ? Le destin qui lui avait été promis, ce même destin que pendant des années il avait cherché à se défaire par tous les moyens possibles, lui serait-il épargné par la grâce et la haine d’une divinité rencontrée par hasard ? En voilà un, de sort qui jamais ne devrait s’infliger sur les égarés et les maudits; toute l’histoire qu’il avait créé de ses mains, se soldant par une fin misérable au cœur d’une montagne.

Il entendit alors la voix d’Eyia, de nouveau. Mais cette fois, ce n’était pas par ses lèvres, mais par la marque qu’il avait fait sur elle; elle s’adressait à Laurelian. Par cette marque, il sentit également les efforts qu’elle déploya pour tourmenter la pythie, donc l’âme timide chercha à s’évader de l’influence de la divinité, sans succès.

Serenos n’avait jamais été un bon père pour la princesse. Il n’avait jamais été un bon père pour aucun de ses enfants. Brisé tel qu’il était, il avait toujours jugé qu’il était inapte à aimer ou à être aimé de ses enfants. Laurelian avait été seule, abandonnée par père et mère, sans aucune raison, aucune explication. Elle avait survécu grâce à la malveillance de d’autres, qui l’avaient abusée et exploitée à la limite de ce qui pouvait être considéré comme humainement possible. Et Serenos, après l’avoir retrouvée, n’avait rien fait, absolument rien, pour amoindrir le poids de son passé, et ce au nom d’une haine aveugle et, bien que méritée, qui était probablement basée sur la perception de la « trahison » qu’en avait le Roi.

Cette enfant, cette même fille qu’il avait négligée, Eyia allait lui faire du mal.

Eyn*, fit une voix –sa voix.

Serenos releva la tête, sa voix rauque s’éleva, brisée par l’effort que parler malgré sa chair interne brulée que ses capacités régénératives peinaient à contrecarrer.

Yrn naman Aeslingr dormoren Serenos, brachren yt stagarn.**

Il tendit la main devant lui, même s’il était déjà à bonne distance d’elle, et agrippa, à la force de son esprit et de son talent magique, la déesse par la marque, par la tâche, qu’il avait fait en elle, et le Roi tira férocement sur cette chaine invisible, avec force, et plongea son être dans l’essence de la déesse, s’abreuvant à même sa source.

L’essence d’Eyia était comme la femme elle-même. Puissante, certainement, mais aussi indomptée, et alors qu’elle se mêlait à celle de Serenos, il eut l’impression qu’il venait d’incendier sa propre âme de son plein chef, comme s’il avait plongé de lui-même dans le cœur fumant d’un volcan. L’énergie primordiale et chaotique n’était pas compatible avec sa propre nature, et donc cette parcelle de pouvoir luttait violemment en lui pour s’échapper de son emprise, digne de sa propriétaire originelle.

Mugissant comme une bête sauvage, le Roi nouvellement imbu d’une puissance quasi divine que son corps n’était absolument pas capable de loger brisa l’emprise d’Eiya sur lui-même et sur les pierres environnantes, sacrifiant une énorme part de ce qu’il lui avait volé, avant de foncer droit sur elle et de bondir, la plaquant au sol, et lui saisissant les poignets.

Yrn daghten ralancar, cräamen Vis-hili!***

Cette commande, si la divine nature d’Eyia lui permît d’en comprendre un traitre mot, avait été prononcée avec tant de fiel.

***

Comme Serenos l’avait ressenti, dès le moment que la Pythie avait de nouveau senti le regard et l’influence de la déesse sur elle, créature d’énorme pouvoir dont l’id était beaucoup plus imposant que le sien, elle fléchit. Et elle fléchit de beaucoup. Et les voix s’élevèrent à nouveau dans son esprit, ainsi que les bruits d’os brisés et de chair meurtrie. Elle leva naturellement les mains et se couvrit les oreilles, bien que l’origine de ces bruits ne soient pas d’origine sonore, mais spirituelle.

La princesse hurla de nouveau, opposant toute la force de sa volonté et de son esprit, diminué par la peur et la panique, alors qu’elle sentait celui la déesse la couvrit de façon fort menaçante, et que les ombres de l’ennemi se ruèrent vers elle.

Un des gardes royaux, cependant, s’interposa et, une épée inconnue à la main, se plaça entre la princesse et ses ennemis, avant de décrire un arc de cercle violent, et au même moment où les ombres se dispersèrent devant son arme, temporairement comme à chaque fois, la princesse cessa de crier. Le valeureux guerrier agrippa la main de la pythie et l’aida à se relever, avant de la tirer à sa suite, sachant que la retraite était encore le seul moyen de garantir leur survie.

Ils ne firent que quelques mètres avant de se retrouver, une nouvelle fois, confronté à un groupe d’ombre, manifestés à même l’obscurité de la grotte. Le garde bondit vers l’arrière, entrainant la princesse au sol, pour lui éviter un coup de griffe mortel de la part de ces ombres, et il se releva prestement sur ses pieds.

Aldericht, pour sa part, semblait être devenu la victime désignée d’une autre ombre qui, profitant de son immobilité, s’était accaparé son attention et le maintenait au sol. Les bras meurtris du prince battaient furieusement sur le visage féminin de l’ombre, mais il n’était plus vraiment en état de lutter. Enfin, ce fut jusqu’à ce que la même guerrière qui avait affronté la bête de tantôt apparut et, d’un féroce coup de pied au visage, décrocha l’ombre d’Aldericht, qu’elle remit sur ses pieds.

– Les autres ? haleta le prince en tirant un couteau dans sa main encore capable.

– Moins de survivants que je le voudrais, mais plus que je l’espérait, répondit la combattante.

Le duo s’élanca vers Laurelian et le monstre qui se muait dans l’ombre, Aldericht brandissant une main lumineuse pour chasser les ténèbres autant qu’il était encore possible de le faire dans son état.


* : Non.
** : Je suis Serenos de la maison Aeslingr, fier et immuable.
*** : Relâche ma fille, sorcière d’antan!

Eyia

Créature

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 18 mardi 26 novembre 2024, 19:20:13

Il aurait dû crever.

Ce qu’il venait de subir, c’était une mise à mort – la plus grande de toutes, et pour cela la pire de toutes. Certains étaient honorés de mourir ainsi ; du moins, c’est ce qu’elle en avait déduit en voyant certains des mortels qui lui vouaient un culte boire des métaux que l’extrême chaleur avait rendu liquides ou se jeter dans des brasiers. C’était un rituel qu’elle avait toujours trouvé étrange, tout en reconnaissant un certain goût pour le spectaculaire chez celles et ceux qui le subissaient. La plupart s’imaginaient ainsi pouvoir rejoindre ses ombres. « Les pauvres ». Il n’en était évidemment rien. Déesse cruelle, Eyia ne s’était jamais intéressée à ces pauvres mortels prêts à mourir pour elle dans de telles conditions.

Aucun mortel ne pouvait survivre à cette lave incandescente, à ce brasier, à cette lumière aveuglante. Aucun.

Aussi vécut-elle comme un affront ce sursaut de vie, alors que Serenos prononçait son nom dans une langue ancienne. Dans une grimace de colère, elle mit fin à la torture qu’elle réservait à la prophétesse, se tournait vers ce mortel qui refusait de mourir. Ouvrant la bouche, elle s’apprêtait à proférer menaces et insultes, quand elle sentit s’embraser cette marque qu’il avait ancré en elle. Surprise, la déesse manqua de tomber à genoux ; ses yeux mouillés par des larmes de rage se plongèrent dans ceux de Serenos. Il était en train de puiser en elle la force de la contrer – une audace qui lui donnait envie de l’achever.
Néanmoins, c’est elle qui flancha, lui offrant un instant de faiblesse dont il sut se saisir. En un éclair, la déesse se retrouva plaquée au sol, aussi étourdie qu’enragée. Le fait qu’il ose la traiter de « sorcière », par-dessus le marché, alimentait cette colère profonde qui bouillonnait en elle.

- Sorcière ? Tu me prends pour une putain de sorcière, mortel ?

… Oui, bon, l’ego des déesses, hein – je vais pas vous faire la leçon dessus. Néanmoins, une fois l’insulte adressée – oui, car c’était bien une insulte pour elle – elle fut comme happée par la colère du roi. Le ton haineux avec lequel il avait prononcé ces mots lui procurait une certaine joie. Elle goûtait enfin à cette rage qu’elle avait senti en lui. Le contact rapproché de leurs corps lui permettait même de la boire à même la source, comme si la colère d’Eyia se rassasiait de celle du roi.
Peu surprenant alors qu’il l’entende finalement rire – un rire amusé, doux, satisfait. Souriante, Eyia n’essayait même pas de se déloger. Elle se contentait de respirer doucement sous lui, son regard cherchant le sien. Cette effusion de rage étaient véritablement en train de la chauffer, dans tous les sens possible du terme : elle lui donnait envie de lui sauter dessus, de l’étreindre, de le meurtrir. Néanmoins, pour le moment, elle reprenait tranquillement ses forces, le corps encore un peu engourdi du coup qu’il lui avait porté.

- Tu m’as rendu mon baiser, petit roi, murmura-t-elle à son oreille. Ta haine pour moi me rend donc désirable à tes yeux ?

Un nouveau rire ponctua sa phrase. Les yeux brûlants, la souveraine lui faisait face, un sourire confiant sur le visage.

- Veux-tu que je te fasse l’honneur de t’accorder une dernière étreinte avant de t’anéantir ? Tu l’aurais bien mérité, reprit-elle du ton assuré et légèrement méprisant que peuvent avoir les bourreaux les plus cruels avant une mise à mort.

Il put le sentir, ce qu’elle fit alors : entrer à nouveau dans l’esprit de Laurelian pour l’accabler d’une migraine atroce, de celles qui te broient le crâne et te clouent au sol sans même la force d'hurler de douleur, tout en le fixant, souriante.
Et ce, juste pour jeter de l’huile sur le brasier incendiaire qui animait Serenos.

*    *    *

Le combat fut particulièrement violent.

Les ombres avaient l’habitude d’adversaires moins valeureux. La plupart se faisaient exterminer en quelques minutes par la géante qui laissait, par charité, quelques survivants aux ombres qui pouvaient ainsi s’amuser à les pourchasser dans les galeries.

Là, en revanche, elles s’épuisaient. Les ombres n’étaient pas leur souveraine qui, bouillonnante de puissance, était capable de buter tout ce beau monde en un claquement de doigts. Elles restaient avant tout des sujets qui ressentaient le besoin crucial de retourner à leur source après un combat acharné. Elles donnèrent tout dans cet assaut, parvenant à blesser et à tuer quelques mortels de plus.

Pardon, votre Majesté.

Eyia entendit à peine cette douce lamentation de ses ombres, toute amusée qu’elle était à torturer cruellement Serenos et sa fille.
Ce qu’Aldericht et ses derniers compagnons d’armes purent voir, ce furent les ombres qui disparaissaient dans un souffle épuisé, se redirigeant vers leur source pour y puiser une énergie nouvelle. Une d’entre elles, néanmoins, dans un soupir, leur murmura :

- Vous ne pourrez jamais fuir – et nous reviendrons.

Puis le silence.


"Un cri s'écarquille dans la nuit. Et le voilà. Le fantôme de la Reine des pierres, au corps lisse comme une roche polie par les flots battants et salés. La lumière vomissante de cette nuit striée d'éclats devient crémeuse sur sa peau laiteuse. Son nom sonne comme une prière : Eyia."


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Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 19 mardi 26 novembre 2024, 22:58:35

Elle prit son appellation comme une insulte.

Bien.

C’était exactement ce qu’il voulait qu’elle perçoive. Parce que c’était ce qu’elle était. Comme elle. Une autre chose qui existait dans un monde qui n’en avait plus besoin. Qui avait besoin d’un dieu, d’un haut esprit, quand ils pouvaient prendre leur propre destinée entre leurs mains? Qui avait besoin d’êtres cruels et sans scrupule, qui se justifiaient dans leurs abominations en invoquant pour cause leur nature capricieuse d’être divin? Ceux qui avaient besoin de ces mêmes créatures pour justifier leurs propres actes, voilà qui.

Elle se moquait bien de lui, et c’était bien là le problème de ses semblables; toujours si pressés de valoriser leur propre indignation, mais moquer celle de ceux qu’ils jugeaient comme des êtres inférieurs.

Sous lui, elle le regardait de ses maudits yeux, daignant de le dévisager avec un sourire, un sourire qui troubla Serenos; c’était exactement le même genre de sourire qu’elle lui avait autrefois adressé. Ce même sourire chargé de confiance que, quoiqu’il fasse, il n’arriverait à rien. Un sourire qui cherchait à le remplir d’amertume, de colère… non, de désespoir. Mais Serenos refusait de se laisser gagner ainsi. Il refusait, fermement, de la laisser faire, cependant.

– Tu m’as rendu mon baiser, petit roi, dit-elle, se redressant un peu pour atteindre son oreille.

Sa joue frolait presque la sienne.

Elle finit donc sa phrase, toujours sur le même ton presque mielleux; « Ta haine pour moi me rend donc désirable à tes yeux… »

Serenos grinça des dents à cette simple suggestion, comme si elle venait de lui dire l’une des plus affreuses choses au monde.

– Pour te haïr, dit-il malgré ses dents serrées, abandonnant son ton respectueux qui semblait lui faire beaucoup trop plaisir. Déjà, faudrait-il que je t’accorde une importance au-delà de ce moment.

Il aurait voulu y croire, mais de fait, sa pique, son fiel, sembla se perdre dans l’océan qu’il voyait dans le regard d’Eyia, et une cruelle pensée prit place dans son esprit; et si, par quelque hasard, elle avait raison? Et s’il y avait effectivement une part de lui qui était enivré par des rapports chargé d’animosité? Et si, au fond, c’était vraiment la seule chose qui le faisait encore réagir, après avoir vu tant de ses émotions être détruites par les expériences les plus sombres.

Un frisson d’horreur le prit.

Elle ne s’arrêta pas là, visiblement indifférente à sa réplique; elle lui proposa de lui accorder ses bras, avec un ton qui laissait clairement savoir qu’elle considérait un tel geste comme une insulte additionnelle. Peut-être cherchait-elle à le provoquer, tout simplement, en le reléguant au même rôle que ces hommes qui ne pouvaient contenir leur désir et leur agression.

Il sentit alors, à travers ce lien étrange qu’il avait lui-même instauré, que la Déesse reprenait son assaut sur sa fille, et sa douleur se répandit dans leurs trois esprits. Et Eyia n’en était pas attristée; tout au contraire, elle s’en amusait.

- Tu veux une étreinte? En voilà une!

Cette fois, ce fut Serenos qui vint chercher les lèvres d’Eyia, et déversa en elle toute l’incandescence de sa présence, dans un effort de brouiller sa connexion envers la Pythie. À l’image d’un soleil, son esprit irradiait l’astral et le spirituel, là où les âmes et esprits se rencontraient. C’était douloureux, c’était fort, et c’était surtout très difficile à ignorer ou passer outre.

Le simple contact des lèvres de cette femme n’avait apparemment rien perdu de son poison, et Serenos sentit de nouveau, par ce simple contact, l’énormité de la puissance divine de celle qu’il venait de traiter de sorcière. Il constatait, encore une fois, que malgré toute sa hargne, elle était loin d’être en échec. En retour, il était clair qu’il ne démordrait pas d’elle jusqu’à ce que l’un, ou l’autre, ne se déclare vaincu.

Une chose qui, pour eux deux, semblait fort improbable. Ils étaient plus à même de se détruire mutuellement, ou plus exactement de voir Serenos se détruire, plutôt que d’admettre la supériorité de l’autre.


* * *

Laurelian, pantelante et la voix enrouée d’avoir trop hurlé, crispée sur elle-même dans les bras de son protecteur après l’assaut cruel de la Déesse, revenait de nouveau à elle, chancelante, et elle regarda vers son frère qui, de son côté, observait les ombres qui semblaient commencer à prendre du recul. Malgré la puissance de leur maîtresse, il semblait que cet éclat que leur dévotion leur accordait n’était pas nécessairement inépuisable.

On pourrait croire que cela voulait dire qu’à force de persévérance, ils pourraient peut-être en venir à bout, mais les Meisaens étaient traditionnellement des gens qui ne se faisait pas de faux espoirs. Pour eux, un ennemi déterminé à les anéantir trouverait éventuellement les ressources pour le faire, et donc, malgré cette accalmie, Aldericht opta pour la sécurité.

– Votre Altesse?

– Elles vont revenir en force.

– C’est ce qu’elles nous laissent supposer. Que devons-nous faire?

Aldericht marqua un moment de réflexion, massant sa mâchoire en dévisageant le corps des vaincus, ainsi que les tunnels sombres et humides qui se trouvaient devant lui. Dehors, la géante, ici, les ombres. Mais quelque part, dans cette galerie, se trouvait l’origine, la source de ces deux forces, peut-être même l’endroit où son père lui-même se trouvait.

– Nous les pourchassons, décida-t-il en rengainant son épée et en focalisant ce qui lui restait de force magique dans ses bras, pour les guérir au mieux qu’il le put. Leur source est sur cette île, et en l’arrêtant, peut-être pourrons-nous ensuite regagner le navire et faire voile vers Meisa. Il me tarde de me retrouver à bonne distance de cette île maudite.

– Et sinon, d’une façon ou d’une autre, nous allons tous mourir, grommela la femme à son côté. C’est bien notre lot, ça.

–Eh, cela pourrait être bien pire, dit le Prince avec un haussement d’épaules et en commençant à marcher vers les entrailles de la terre. Cela aurait pu se passer en hiver. Mourir de froid, c’est long, en plus d’être pénible.

–Oh, ha, ha. Si les ombres vous ont entendu, elles sont bien capable de trouver une façon de vous faire regretter vos paroles, vous savez.


* * *

Alors que son princier fils faisait son chemin dans les galeries, Serenos brisa le contact de sa bouche sur celle d’Eyia, le visage déformé par la douleur et la colère qu’elle lui suscitait. Ses mains, toujours sur les poignets de la Déesse, semblaient la tenir en place, bien qu’il commençat à croire que, peut-être, elle ne faisait simplement pas l’effort de s’arracher à son emprise.

-Combien de vos blasphèmes devrais-je commettre avant que tu ne te rendes, femme ? siffla-t-il entre ses dents, son âme toujours accrochée à la sienne, comme un parasite à son hôte.

Ses doigts se resseraient encore sur les poignets de la déesse. Il serait bien incapable de les lui briser, bien que l’idée en elle-même lui vint en tête l’espace d’un instant. Il ne connaissait rien des limites des hauts esprits. Quel genre de punition pouvait-elle endurer avec ce corps supposément humanoïde? Y avait-il simplement des nerfs, des veines, un cœur ou un cerveau derrière cette peau pâle, ou ce n’était qu’une enveloppe, un contenant d’apparence humaine, une illusion créé pour interagir avec le monde matériel?

Voilà encore une question qui germait dans son esprit curieux. Ce qui était quand même surprenant, même pour lui, considérant sa position.

Eyia

Créature

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 20 mercredi 27 novembre 2024, 19:45:30

Il était bien résistant, pour un petit roi ; Eyia s’en étonnait. Par le passé, toutes ses attaques avaient atteint leur but : aucun mortel ne pouvait souffrir ses assauts sans finir par en mourir, et aucun homme ne pouvait être insensible à ses charmes. Et pourtant, lui ne lâchait rien, et continuait à se battre contre elle, animé par une rage aveugle qui le rendait indestructible.
« Indestructible – n’exagérons rien ». Si la déesse était surprise par la résistance de Serenos, elle n’avait aucun doute sur ses propres capacités à l’abattre ; elle s’était juste imaginée que ce serait bien plus simple de le mettre hors d’état de lui nuire. Encore enivrée de sa colère, elle se laissa embrasser – et manqua de le mordre en sentant le coup qu’il portait. C’était comme si un éclair la traversait de part en part, l’éblouissant et l’assommant. Certes, elle répliqua, prête à rendre coup pour coup, mais elle sentit un court instant son esprit se rompre.
Un court instant, ses yeux se fermèrent – comme si la déesse venait de s’évanouir.

Eyia crut sentir un souffle frais sur sa joue, comme une brise printanière. Une odeur familière l’enroba peu à peu ; celle du bois brûlé mêlée à la senteur de l’encens embrasé, et celle d’une peau tiède dans laquelle son visage se réfugiait avec ces gestes tendres qu’ont les corps en quête de réconfort. La moindre parcelle de son corps était courbaturée, et chaque geste lui coûtait. Elle aurait voulu s’arrêter, se reposer, s’endormir même. Et pourtant, une main dans sa chevelure écartait les mèches devant ses oreilles, et une voix lui soufflait :
- Relève-toi.
Cette scène, elle l’avait vécue encore et encore. Elle n’en gardait pas de souvenirs douloureux, car chacun de ces entraînements aux côtés de sa génitrice lui avait permis d’être la forcenée qu’elle était aujourd’hui.
Néanmoins, Eyia s’étonna de revivre ce souvenir, à la façon d’une dormeuse qui réalise que ce qu’elle vient de vivre n’est qu’un rêve, et qui s’étonne d’être endormie.
« Je rêve. Je me suis évanouie et je rêve. Je me suis évanouie, putain ! »

Dans un hoquet, elle réouvrit les yeux pour faire face à Serenos, qui lui enserrait férocement les poignets. La brutalité de son attaque l’avait littéralement assommée pendant un bref instant, à peine quelques secondes. L’avait-il seulement senti ? Elle n’en avait cure, au fond.

- Combien de vos blasphèmes devrais-je commettre avant que tu ne te rendes, femme ?

Eyia ne lui répondit pas tout de suite. Serenos put d’ailleurs sentir sous lui le corps d’Eyia littéralement s’éteindre. Ses yeux se fermèrent, sa poitrine cessa de se soulever au rythme de ses respirations et sa bouche resta désespérément ouverte, à la façon d’une – une morte, oui. Son adversaire aurait pu connaître un moment de surprise, mais Eyia le savait suffisamment intelligent pour se douter qu’il ne l’avait pas tuée (quelle idée) – sinon, il lui faudrait punir ce qu’elle considérait comme un péché d’orgueil.

Quelques secondes après cette extinction de l’enveloppe charnelle d’Eyia, Serenos put sentir que l’air se faisait plus lourd autour de lui, à la manière de celui, pesant, humide et chargé d’électricité, d’un orage tropical.

En se relevant, en cherchant autour de lui, il ne l’aurait pas vu. Il était comme seul dans cette vaste grotte - comme seul, insistons sur ce terme, car Serenos était un roi doué d’une certaine intelligence (qu’Eyia lui reconnaissait sans peine, dans son infinie bonté). Elle était encore là – il pouvait le sentir – sans pour autant accepter de se rendre visible.

- Tu m’as prise pour une sorcière, puis pour une faible femme que tu pourrais faire ployer entre tes mains – tu insultes ta propre intelligence, Serenos.

C’est ce qu’il put entendre avant de la voir apparaître – ou plutôt de la sentir. Car c’est bien une main dans sa nuque, une main menue mais puissante, lourde d’une énergie divine écrasante, qu’il sentit juste après avoir entendu cette phrase ; une main qui appuyait avec violence sur cette nuque pour l’obliger à s’agenouiller en écrasant son visage sur le sol.

- Reconnais tes dieux, ordonna-t-elle d’une voix impérieuse.

Et de cette main, cette main si petite, si blanche, une puissance jaillit avec une force telle qu’elle aurait brisé la nuque, voire coupé la tête, de n’importe quel mortel. Oh, Eyia ne se faisait pas d’illusion ; il ne mourrait pas. Mais au moins souffrirait-il le martyre, et au moins ferait-il acte de pénitence, même si c’était plus de force que de gré.

*   *   *

Les ombres d’Eyia, une à une, dans un lent ballet voluptueux, se pressèrent autour de la source qui grondait dans le cœur de l’île. Trouver cet endroit était un exploit, car cela impliquait d’emprunter les voies les plus sinueuses, les galeries les plus dangereuses – celles que dont les éboulis, ou encore les stalactites et les stalagmites taillées dans un verre tranchant menaçaient l’intégrité physique de n’importe quel mortel –, les voies que n’importe quel esprit sain aurait jugé risquées.

Cette source consistait en ce qui ressemblait à une épaisse mare d’encre bouillonnante sous un dôme rocheux aux courbes impeccables, dans lequel étaient gravés des inscriptions illisibles – du moins, aux yeux de personnes qui n’y connaissaient rien au culte d’Eyia. Là était inscrite une prière ; ici, les étapes d’un rituel supposé l’apaiser ; plus loin, celles d’un autre rituel supposé réveiller sa fureur (comme si elle avait besoin d’un quelconque rituel pour cela). Les ombres y trempaient, comme n’importe quel être vivant le ferait dans une source chaude.

Il aurait été saugrenu de croire qu’il s’agissait là de la seule source dans laquelle les ombres pouvaient puiser leur force ; néanmoins, c’était la plus proche d’elles, et surtout la plus proche de leur souveraine. C’était à son contact qu’elles gagnaient en puissance et qu’elle se régénérait. En ce sens, Eyia n’avait pas tort de les nommer « ses filles ».

Pourtant, quelque chose vint troubler les ombres, alors même qu’elles reprenaient peu à peu vie. Une intuition, qui devint une certitude : on s’approchait d’elles.

- Voilà des mortels bien téméraires, souffla l’une d’entre elles.
- Nous sommes bien gardées, répondit une autre avant de plonger.

Car, bien évidemment, sur leur chemin, Aldericht, Laurelian et leurs acolytes ne pouvaient pas seulement rencontrer des obstacles rocailleux : il en fallait bien un plus menaçant, bien plus vivant. Et pourquoi, d’ailleurs, se contenter d’un seul obstacle ?

Au détour d’une galerie, ils accédèrent à une grotte dont la forme était assez intrigante. Sur sa voûte, au-dessus de leur tête, des sortes de tunnels étaient comme creusés, comme si – oui, comme si quelque chose y nichait.
Un bruit de craquement résonna dans la grotte, suivi de son écho lugubre – puis un autre, et encore un autre. Nul doute que ces sons n’étaient pas le fruit du hasard, mais la preuve qu’ils n’étaient pas seuls. Ce furent ensuite des bruits de corps en mouvement, comme des frottements, qu’ils purent percevoir, avant qu’ils puissent apercevoir le nouvel ennemi qui les attendait. Surgissant avec lenteur et assurance de leurs nids, des araignées d’une taille impressionnante, taillées dans la plus pure des opaline noires, leur faisaient face, plantant leurs yeux d’aventurine d’un même noir puissant dans les leurs.
Puis elles fondirent sur eux.

« Modifié: mercredi 27 novembre 2024, 19:58:52 par Eyia »


"Un cri s'écarquille dans la nuit. Et le voilà. Le fantôme de la Reine des pierres, au corps lisse comme une roche polie par les flots battants et salés. La lumière vomissante de cette nuit striée d'éclats devient crémeuse sur sa peau laiteuse. Son nom sonne comme une prière : Eyia."


Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos] [FINI!]

Réponse 21 lundi 02 décembre 2024, 20:11:13

- Tu m’as prise pour une sorcière, puis pour une faible femme que tu pourrais faire ployer entre tes mains – tu insultes ta propre intelligence, Serenos.

– Aucune chance de m’y méprendre, cracha le souverain de Meisa, le souffle court alors qu’il peinait à ne pas s’écraser au sol. Ah ! d’accord, d’accord ! Aucune chance de m’y méprendre à nouveau !

La main d’Eyia se posa alors sur sa nuque, et l’entièreté des os de Serenos lui firent l’impression de s’embraser, comme si la déesse isolée avait de nouveau utilisé sa magie pour le ployer de souffrance, mais il savait que ce n’était pas nécessairement de son fait ; tout son corps, de la pointe de ses orteils au bout de ses doigts au sommet de son crâne, tout ressentait les effets de l’abus de la magie. Serenos avait déballé un tel effort pour pousser la Déesse dans ses propres retranchements que son endurance qu’il avait négligé de considérer les siennes. Ce n’était pas son genre de laisser une femme sur sa faim, et ses aïeux étaient témoins qu’il avait toujours fait ce qu’il devait pour ne jamais devoir s’excuser faute de volonté ou de pouvoir, mais cette fois, peut-être, avait-il vu plus gros que le ventre.

Il glapit de douleur alors que les doigts de la déesse se resserrèrent sur sa nuque, menaçant de la briser. Sa respiration accéléra, comme pris de panique, et malgré ses muscles en flamme, il chercha à opposer une résistance, quelconque, aussi futile soit-elle, mais non, plus rien. Sa nuque se ploya malgré lui, et il se retrouva face contre terre, la pierre glacée se pressant douloureusement contre sa pommette.

– Bien ! bien ! lâcha le Roi épuisé. Tu gagnes, je m’incline !

Peut-être pas de son propre gré, la déesse avait la main lourde et il était fort clair entre eux que le Roi ne ploierait pas ainsi l’échine s’il lui restait encore quelque force à opposer.

– Fais de moi ce que tu veux, mais laisse mes gens rentrer avec les corps des membres de guilde. Ne serait-ce que pour ne pas forcer, par le devoir de famille, la main de mes enfants survivants à chercher vengeance.

Aucune réponse.

– Tu ne connais pas les gens de mon peuple. Ils n’abandonnent pas. Tant qu’ils ont une raison de se battre, ils persisteront. Encore, et encore, et encore. Même si tu te déplaces, que tu changes de repaire, tu seras incessamment harcelée, ta paix troublée à chaque instant, peut-être même par des gens encore plus compétents dans cet art que moi-même. Ton île figure sur nos cartes navales, mon trajet a été consigné par écrit, et la signature magique de ton domaine est connue de mes gens.

D’accord, il bluffait un peu sur le dernier point, mais ce n’était pas une chose impossible. Après tout, il était loin d’être le seul magicien sur le continent d’Ayshanra, et assurément le moins adepte à interagir avec les esprits, surtout ceux qui sont catégorisés sous l’appellation de « haut esprit ». Il existait en Meisa des gens qui avaient vécu côte à côte avec des créatures spirituelles, et certains même avaient été élevés parmi ces mêmes créatures, considérés comme l’un des leurs par adoption. Les esprits n’avaient jamais affectionné Serenos, d’où le fait qu’il n’y avait pas un patron derrière lui qui aurait pu défier Eyia sur un pied d’égalité, mais il existait ce genre de personnes.


***


Aldericht était habitué à marcher dans les ténèbres, mais ce n’était pas le cas de ses compagnons. Le pied sûr du prince aveugle traça un chemin devant lui, quittant le sol uniquement lorsqu’absolument nécessaire, repoussant pierres et roches sur son passage avec l’aisance propre à ceux qui, depuis fort longtemps, ne voyaient plus rien.

La main de la princesse, fermement refermée sur la sienne, tremblait comme une feuille d’automne sur le point de tomber de son arbre. Il entendait sa respiration tremblante et apeurée, et les mêmes les gargouillements de son estomac noué par la peur et la fatigue. La présence d’Aldericht, qui focalisait également une part de sa concentration à protéger l’esprit de la princesse d’un nouvel assaut de leur ennemi invisible, suffisait normalement à la calmer, étant le seul de sa fratrie avec lequel elle avait formé un lien de fraternité, les autres ne pouvant voir en elle qu’une étrangère ramenée un beau soir par leur sinistre père et qui donc ne lui accordaient qu’une compassion dûe, et non voulue.

Soudainement, elle resserra ses doigts sur la main d’Aldericht, et il sentit ce qu’elle vit ; d’énormes araignées. Elles étaient là. Et ils n’étaient plus en mesure de combattre. Il avait espéré gagner leur source et l’interrompre, faire ce que son père aurait pu faire, et leur assurer une victoire

Aldericht plongea sa main à sa taille, avant de se rendre compte qu’il n’avait pas d’arme ; son épée avait dû se perdre dans le dédale alors qu’il ne portait pas attention. Voyant que les choses n’allaient pas en leur sens, il tira sur la main de Laurelian et la força à se dissimuler derrière lui, alors qu’il retroussait ses manches.

– Viens à moi, l’affreuse, dit-il d’un ton défiant. Mangera bien qui mangera l’autre !

Et alors que les araignées fondaient sur eux, les ténèbres les recouvrirent complètement. Aldericht aboya de surprise, et Laurelian de terreur en s’agrippant à ce bras salvateur.


***

Lorsqu’ils eurent fini de s’époumonner, Aldericht laissa l’air entrer de nouveau dans ses poumons, attendant le coup mortel.

Mais rien ne vint.

Rien que l’odeur salée de la mer qui remplaça celle, chargée d’humidité et de moisissure, des tréfonds de l’ile.

Il ouvra un œil aveugle, et tapa prudemment du pied ; et à lui vint le son distinct du bois sous sa botte. Le sol tanguait légèrement, et le clapotis des vagues contre la coque d’un navire lui vint aux oreilles ; ils n’étaient plus dans les galeries.

Laurelian fit la même réalisation peu après quand, réalisant qu’elle n’était pas morte, elle ouvrit enfin les yeux, et vit la lumière d’un soleil qui n’aurait pas dû être là. À son souvenir, la nuit était déjà tombée depuis qu’ils avaient mis le pied à terre, et pourtant, la chaleur d’un doux soleil d’été caressait la peau nue de ses épaules et son visage.

– Mais… fit-elle avec surprise, mais… mais…

– Qu’est-ce que c’est que cette diablerie ? s’exclama Alderich, terminant la pensée de sa benjamine.

– Une entente a été passée, fit une voix rauque.

Laurelian tourna la tête vers l’origine de la voix et trouva un Serenos assis sur un baril, les bras sur les genoux, le corps meurtri d’ecchymoses et couvert de blessures. À ses pieds, les cadavres des précédentes victimes de l’île reposaient, aux côtés des gardes qui avaient donné leur vie pour les enfants royaux, magiquement reconstitués et toute trace de leur supplice effacé. Le Roi leva un œil vers ses enfants, l’autre étant boursouflé, et étira un sourire malgré sa lèvre fendue.

– Rentrons. Le plus vite nous seront chez nous… le mieux nous nous porterons.

La pythie le fixa, un bon moment, avant de parler.

– Que vous a-t-elle fait ? Que… qu’est-ce qu’il vous en a coûté… ?

La question, lourde de sens pour la pythie, déforma le visage du Roi dans une moue de douleur, et il secoua la tête, refusant d’en parler.

Le navire Meisaen se détourna bientôt de l’île, ses voyageurs épuisés, brisés et surtout vaincus n’ayant aucun appétit plus fort que celui de mettre le plus de distance possible entre eux-mêmes et cette île maudite.

FIN


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