L'Oeil s'agitait. Arès s'était totalement volatilisé. Quand le Dieu disparaissait ainsi du champ de vision de l'Oeil, cela voulait dire qu'il était parti trouver une belle demoiselle sur le plan de la Terre ou alors que son emprise sur Tenshi, le jeune homme qui lui servait d'hôte, s'était relâchée. Quand il était sur la Terre ou si Tenshi s'éveillait, le lien magique qui unissait la prêtresse aux cheveux blonds de son maître adoré se brisait et ne se reformait qu'à son retour. Maintenant qu'il était partit, Raven retira le petit orbe de verre de son front, brisant le contact avec le don de double vue que lui procurait le petit objet. "Arès..." Songea-t-elle, le coeur douloureux. La jeune demoiselle replaça l'Oeil dans la petite boite à bijoux qu'elle conservait sur sa table de nuit. Elle ne devait plus avoir aucun intérêt pour Arès et sincèrement, elle le comprenait presque. Elle lui avait donné sa virginité sans même songer que son maître n'avait d'yeux pour elle que pour la raison qu'aucun homme ne l'avait touchée, elle n'avait même pas été capable de protéger leur fils et son ventre sur lequel s'était dessiné une cicatrice en forme d'étoile, pâle comme si la maîtresse d'Arès était allée se faire bronzer avec un vêtement sur le ventre, ne devait pas vraiment attirer l'homme. Elle avait recommencé à le pleurer, comme si Arès était mort. Elle avait reprit l'habitude de fuir la vue du dieu, à protéger son esprit des incursions de son maître, à se défiler à chaque fois, n'allant le voir que pour chanter et le soulager de sa colère incroyable pour ensuite disparaître. "Je ne suis pas digne de son intérêt, de toute façon... je l'ai déçu tellement de fois en une seule nuit... je n'ose pas imaginer ce qui se serait passé si on avait passé une semaine tous les deux... je n'aurais pas été violée, mais bien tuée" Se dit-elle, regardant par la fenêtre. Malgré les innombrables défauts d'Arès, dont son impulsivité et sa colère sensible, Raven continuait de l'aimer. Elle ne pouvait pas faire autrement, il était si différent d'elle et ils étaient si proches qu'elle ne parviendrait pas à l'oublier même si elle se lançai à elle-même une formule d'amnésie.
Le coté sud de l'Olympe offrait une belle vue sur la forêt, bien qu'éloignée, de Meiss. C'était là que la mère de Raven a été violée par un vampire et c'est aussi à cet endroit que l'elfe-vampire est venue au monde. Ce même endroit où Arès l'avait sauvée avant son exécution. Elle l'avait apprit auparavant dans une visite dans son peuple étrange et raciste. C'était une espèce d'Allemagne miniature d'avant la Seconde Guerre mondiale, ils ne veulent pas des gens qui sont de sang-mêlé. Raven avait été maltraitée, là-bas. Elle y avait même rencontré sa mère qui a voulu la tuer. Elle est pourtant revenue faire son rapport de mission auprès de son maître avec un grand sourire, préférant pleurer tranquille dans sa chambre et se perdre à nouveau dans un livre qu'elle avait déjà lu plusieurs fois. Malgré la froideur de ce peuple, la forêt et le soleil qui se couchait ainsi que la mer était vraiment d'une beauté éblouissante. Le sanctuaire d'Arès était divisé en quatre sections. Au nord se trouvait la résidence du Dieu, un temple énorme imaginé par l'architecte favori des dieux, au sud se trouvait la résidence des Prêtresses, l'ouest communiquait avec le temple d'Aphrodite alors que l'est était le lieu de recueil matinal de toutes les servantes, là où elles se réunissaient pour discuter entre elles, et lors des visites d'Aphrodite, qui devenait un lieu d'orgie. Lorsque la déesse passait chez son maître, Raven s'enfermait dans sa chambre, tissait ensuite des milliers de sort pour bloquer les effets de la présence de la Toute-Puissante Déesse et bloquait tout lien avec Arès pour ne pas être davantage jalouse qu'elle ne l'était déjà.
Mais cette nuit-là, Raven était tout simplement seule. La porte de sa chambre n'était pas verrouillée car il n'y avait pas de serrure. D'ailleurs, si le maître avait envie d'une de ses prêtresses, une porte verrouillée aurait été bien inutile. Elle était assise là, le regard perdu dans la fenêtre de sa chambre, sur ce même lit où son maître l'avait violée, un flux continu de larmes coulant sur ses joues. Elle ne portait jamais de maquillage, elle était déjà belle sans en avoir. Elle serrait contre sa poitrine ses genoux, nue, ses longs cheveux dorés voilant son corps aux yeux des intrus. Oh, elle était belle. Oui, très belle. Mais même si elle était belle et à nouveau vierge, elle n'était plus aussi précieuse à son maître qu'elle ne le fut autrefois. En fait, ce n'était qu'une tricherie. Elle ne savait pas réellement non plus ce que pensait Arès, mais le lien entre eux n'était plus teinté de cette convoitise que l'homme avait envers elle, désormais. La porte s'était ouverte, mais elle ne regardait pas. De toute façon, cela n'avait pas d'importance. Un violeur serait entré qu'elle n'aurait pas bronché. Son avenir était fichu. Elle était maintenant vouée à voyager de temples en temples, entrainer les prêtresses de son maître jusqu'au jour où une nouvelle "Magic" naisse et ne prenne sa place. Elle n'attendait justement que cela. Tous les dieux se débarrassaient un jour ou l'autre de ses prêtresses immortelles, Arès n'en était pas plus un salaud qu'un autre. S'il y avait bien un dieu qui accordait un minimum de considération aux sentiments de ses prêtresses, c'était bien lui. Oh et pourquoi pensait-elle à cela? Arès n'était pas ainsi. Il était gentil, maintenant. Peut-être la gardera-t-il pour toujours. Mais...
Combien de temps allait-elle devoir l'aimer, alors que lui allait de droite à gauche? Il y a quelques temps de cela, il était partit reconquérir le cœur de cette comtesse de Daelys, une mortelle qui, comme elle, portait l'enfant du dieu. Raven avait chassé depuis un long moment la jalousie maladive qu'elle avait en elle, mais ce sentiment d'échec lamentable lui avait envahit le cœur. Oh, elle était tout de même un petit peu jalouse parce que la comtesse était importante aux yeux d'Arès alors qu'elle tombera bientôt dans les oubliettes. Il y avait longtemps que la belle, la sublime et la douce Raven avait cet horrible goût de fiel quand Arès passait devant elle, sans même la regarder. La partie noire de Raven qui s'était éveillée lors de leur nuit ensemble ne s'est jamais réanimée, parce qu'elle n'existait plus. Raven se sentait seule. Seule. Oubliée. Inutile. Les autres filles ne l'approchaient plus, ce n'était plus nécessaire. Les guerres se faisaient rares et la demande d'exécution reposait tranquillement dans le bâton de la Magicienne. Comment avait-elle pu en arriver là? Dès qu'elle voyait Arès, elle ne se sentait même plus à sa place, elle se sentait coupable, de trop. Elle était seule. Je le vous répète. Même Pandora, Élosia, Lame et Arrow réunie ne rempliront jamais le trop qu'Arès avait laissé par son absence. Elle avait été exilé par le conseil pendant des semaines, à faire la nounou chez les prêtresses d'en-bas et à son retour, elle n'eut droit à rien. Pas même des condoléances pour son fils perdu.
- "Arès... avez-vous honte de moi?" demanda-t-elle à mi-voix, la gorge enrouée par la peine.
Il lui manquait. Beaucoup. La jeune elfe-vampire sécha ses larmes de son bras, reniflant fréquemment pour ne pas laisser son nez couler. Elle regarda l'ouest, où se trouvait Ashnard. Quelques parts dans ce monde désolé vivait le jeune homme qui avait touché la nouvelle Maitresse de Raven, qui dormait paisiblement dans le comté de cette belle femme. Elle qui dormait ici, dans l'Olympe, dans le lit d'Arès. Ce grand lit aux draps rouges... c'était là où le puissant Olympien avait ravit la virginité de son humble servante. Le corps délaissé de Raven se rappelait parfaitement de cette nuit d'amour et de douceur, mais aussi de violence et de douleur. Elle se souvenait encore des lèvres d'Arès sur son corps, ses mains qui massaient seins, fesses et cuisses, ses doux murmures au creux de l'oreille pointue de l'elfe. Elle se plaqua les mains sur les tempes. Elle ne voulait pas s'en rappeler. Elle voulait tout oublier et ne plus jamais - jamais - retomber amoureuse. Elle s'était fait avoir comme une vraie idiote. Arès n'aimera jamais qu'Heilayne et l'elfe ne sera à jamais qu'un simple plaisir d'une seule nuit, un fantasme satisfait. Elle avait déjà tenté de s'enlever la vie. Maintes fois, d'ailleurs, mais les enchantements d'Arès sur ses prêtresses l'empêchaient de se tuer. Elle n'avait même plus besoin de l'Oeil pour savoir que l'homme de sa vie se donnait à une femme autre qu'elle, elle le savait. Elle le ressentait au plus profond de son coeur. Elle était amoureuse de cet être égoïste qui prenait un plaisir pervers à lui broyer, jour après jour, son pauvre coeur qui demandait déjà grâce, suppliant même de mettre fin à ses souffrances.