Quelque chose de bizarre se produisit. Un truc vraiment « weird », comme dirait Jane. Quand Nell proposa un dédommagement corporel, elle crut, en effet, discerner une espèce de... De sourire... Sur les lèvres de Nô. Enfin, plutôt un genre de sourire en demi-teinte, presque une oscillation des lèvres, comme un tic nerveux, mais il y eut bien quelque chose, et, au vu de son regard, ce n’était pas du dégoût. Cependant, cette brève expression corporelle disparut aussi vite qu’elle était apparue, et, probablement pour éviter que Jane ne la charrie là-dessus (car c’était tout à fait le style de Jane), Nô prit congé, en leur disant de la rejoindre dehors.
« Eh ben... Elle est space, ta nouvelle Maman...
- Tu sais, ça s’est fait sans vraiment réfléchir...
- Je me demande bien ce qu’elle peut te trouver, en tout cas. Si j’étais ta mère, il y a longtemps que je t’aurais fessé à coups de martinet pour l’état déplorable de ta chambre. »
Jane haussa les épaules, et rajouta, de mauvaise foi :
« Ça fait partie de mon charme. Le désordre, dans une chambre, ça lui donne une vie, une personnalité. Quand tout est propre, bien rangé, on a l’impression d’être dans une boutique d’exposition, c’est d’un chiant.
- Tu ne t’arrêtes jamais, toi... En tout cas, je dois bien reconnaître qu’elle est bien roulée. On dit que les Japonaises ont des nichons petits, mais elle... Bon, on est encore loin du niveau d’Anna Hawkins Turner, mais y a une putain de belle vue. »
Anna H. Turner était une femme vivant à Atlanta, et connue dans le monde entier pour avoir la poitrine naturelle la plus grosse du monde. Jane avait vu les photos sur Google, c’était limite effrayant. En tout cas, tandis qu’elles parlaient, Nell enfila au moins un débardeur rose, avec la mention « I ♥ COCKS » inscrit dessus, et une minijupe en jean lui arrivant au ras des fesses. Difficile de faire plus vulgaire, et elle récupéra évidemment son téléphone portable. Nell ne savait pas ce que Nô faisait dans la vie, mais elle ne se faisait guère d’illusions. Elle savait combien le crime organisé était influent au Japon, surtout à Seikusu. Quelques recherches sur Internet, et des amis à la fac’, lui avaient appris que tout le complexe scolaire de Seikusu, à savoir le lycée Mishima, et l’université, avaient été reconstruits après la Seconde Guerre Mondiale par des fonds privés, essentiellement. Un cabinet d’avocat prestigieux, le cabinet Dowell, gérait une fondation, la Fondation Mishima, dont le but était de financer le complexe. Or, l’origine de ces fonds était d’origine louche.
Jane, de son côté, était prête, et les deux filles finirent donc pas sortir, Nell ayant enfilé des bottes noires à talon, avec des lunettes de soleil. Sa tenue habituelle pour aller en cours, pour ainsi dire.
« Tu ne t’es jamais dit que ton débardeur faisait vulgaire ? s’enquit Jane dans l’ascenseur.
- Pas cette fois... Quand je vais en cours, j’emporte toujours une sucette » expliqua-t-elle.
Jane sentit le besoin de se faire un facepalm, mais y résista. Le duo sortit ensuite de l’immeuble, pour rejoindre la voiture de Nô. Une élégante voiture, mais, toutefois, le groupe se sépara le long du trajet. Nell devant juste visiter les locaux, elle fut emmenée dans une camionnette, entourée par plusieurs hommes.
« Alors, c’est comme un genre de kidnapping, hein ?
- Soyez assurée que nous ne vous ferons aucun mal. »
Nell sourit, semblant presque déçue, et regarda Jane, avant que la voiture ne démarre à nouveau.
« Et pas de cachotteries, hein ! »
Jane lui fit un sourire joyeux, puis retourna s’asseoir à côté de Nô, observant encore cette dernière. En réalité, la jeune Californienne partageait les interrogations de Nell. Elle n’avait pas grand-chose de japonais. Jane aimait le rock américain, était une grande provocatrice, et n’avait donc que très peu de respects pour les traditions, contrairement à Nô. Était-ce pour ça que la Japonaise l’appréciait ? Parce que Jane évoquait quelque chose qu’elle ne connaissait pas, et qui l’intriguait ? Jane doutait que tout ça soit une machination pour la tuer, car Nô avait largement eu l’occasion de le faire auparavant.
La jeune femme était venue avec un sac à dos posé à ses pieds, et qui comprenait une tenue spéciale, faite pour après.
La voiture finit par rejoindre sa destination s'enfonçant dans le parking souterrain. Les deux filles en sortirent, et Nô en profita pour dire qu’elles avaient du temps libre devant elle. Un sourire vint perler sur les lèvres de Jane.
« Ça tombe bien, j’ai une tenue spéciale dans ce sac à dos... Mais ne compte pas sur moi pour faire ça dans le parking, c’est glauque, et je vais me choper un rhume ! »
Elle rajouta rapidement, avec un sourire espiègle sur le coin des lèvres :
« Tu me conduis dans une de tes chambres ? »