La proposition de Nephael avait l'air d'avoir déstabilisé ses hôtes, ce qui n'avait rien de vraiment étonnant. Rendre l'équivalent de cinq millions de dollars en yens japonais contre une colocation d'un mois et une peluche ? Drôle de marché. Mais puisque les Bottazzi avaient tout à y gagner et que la Sirène avait ses motivations, l'accord avait largement de quoi être accepté par les deux partis. Malgré tout, Aida demanda quelle genre de garantie elle pourrait avoir si elle et sa sœur acceptaient.
« Eh bien, je pourrais vous rendre la moitié de l'argent maintenant, et le reste à la fin du mois. Et sans vouloir vous vexer, vous n'êtes pas les mieux placées pour me parler de garantie. C'est vrai, qui me dit que n'allez pas essayer de me poignarder pendant que je dors ? »
- Et prendre le risque de tâcher nos draps ? Vous ne connaissez pas l'hospitalité Italienne jeune fille. La mia casa è la tua casa !
Après ça, les deux femmes se levèrent.
- Suivez-là, elle va vous montrer votre chambre.
En entendant ça, Nephael conclut que les deux femmes acceptaient la proposition. Tant mieux, elle n'aurait pas à s'épuiser à négocier avec elles, et ne risquerait donc pas de faire quelque chose qui allait déboucher sur un massacre. Telle qu'elle se connaissait, ça aurait pu arriver.
Selon les règles de l'hospitalité italienne, les sœurs Bottazzi firent visiter toutes les pièces de la maison à leur nouvelle résidente : la salle à manger, la cuisine, cinq chambres, dont l'une était celle des sœurs et une autre servait d'armurerie, et deux salles de bain. Nephael n'arrivait même plus à se souvenir de la dernière fois où elle avait profité d'une bonne douche, sans craindre d'être épiée par quelqu'un. Après quoi, elle visita la cave, séparée en trois parties. Les deux premières servait pour la nourriture et les boissons, mais la troisième était nappée de mystère, et Elena précisa qu'elle ne pourrait la voir que si elle lui donnait une bonne raison.
« Imaginons que, un jour où je m'ennuie, je décide de me balader dans la maison et que, poussée par ma curiosité, j'entre dans la seule pièce dont vous m'avez refusé l'accès. Je vois quelques chose que je n'étais pas censée voir, vous êtes obligée d'essayer de me tuer, je vous tue pour me défendre, puis je tue tous vos hommes, et je démolis cette maison pour cacher les preuves. Vous pensez vraiment que ce qu'il y a derrière cette porte vaut la peine qu'on en arrive là ? »
Il y a un proverbe qui dit : « Toute vérité n'est pas bonne à dire ». Celle ci aurait du ne pas être dite.
Après avoir entendu Nephael, Elena décida d'ouvrir la porte pour satisfaire la curiosité de la Sirène. Mais cette dernière se retrouva vite refroidie quand elle découvrit que cette partie de la cave était en fait un donjon BDSM largement équipé. Si les sœurs gardaient vraiment cette pièce comme ''salle de jeux'', c'est qu'elles étaient bien plus bizarres que ce qu'elle avait supposé un peu plus tôt. Néanmoins, cette vision ne l'effraya pas, mais elle ne resta pas longtemps à regarder, préférant passer à autre chose.
La visite se termina par la salle de conciergerie, avec la machine à laver et les cabines pour se changer si elle voulait profiter de la piscine. C'est vrai qu'avec la chaleur de l'été, ça aurait pu être agréable. Manque de chance, elle n'avait pas de maillot de bain avec elle.
Après quoi, Nephael fut accompagné jusqu'à sa chambre par les Bottazzi, qui la laissèrent en lui précisant l'heure du dîner et que, quand les hommes de main étaient absents, le dressing code était libre.
« Il n'y aura pas de problème avec ça, je n'ai pas d'autres vêtements que ceux que j'ai sur le dos. »
Pour une raison qui lui échappait, la Sirène était très attachée à ces vêtements et, bien que ça finisse par être plus que désagréable de porter toujours les même choses, elle ne s'en formalisait pas plus que ça. Elle les lavait une fois par semaine, et voilà.
Nephael s'installa dans la chambre qu'on lui avait offerte, la regarda dans tous les coins avant de prendre un livre et de s'allonger sur son lit. Depuis combien de temps ne s'était-elle pas installée sur un lit non-défoncé ou non-éventré ? Trop longtemps pour qu'elle ne puisse pas savourer le matelas moelleux et les draps chauds.
En milieu d'après midi, quelqu'un toqua à la porte. Elle alla ouvrir et vit un homme baraqué qui tenait dans ses bras l'ours en peluche qu'elle avait demandée. Elle le prit avec joie, et regarda l'homme partir en fermant la porte derrière lui. Elle ne remarqua même pas que Aida était au bout du couloir.
Elle posa l'ours sur son lit, en position assise, et passa un moment à le regarder. Il éveillait en elle des pensées coupables et réchauffait agréablement son corps. Mais elle ne voulait pas se laisser aller à la perversion maintenant, elle préférait attendre la nuit, que tout le monde dorme et que personne ne risque de la surprendre. Jusque là, elle allait se contenter de s'en servir comme une personne normalement constituée se servirait d'une peluche : elle le serra fort contre elle, puis l'assit contre le bord du lit pour pouvoir poser sa tête sur son ventre rembourré et lire plus confortablement.
Dans cette position, elle ne vit plus le temps passer et fut surprise à l'entente de la cloche annonçant le repas du soir. Elle descendit sans trop se presser vers la salle à manger, et découvrit alors les Bottazzi vêtus de peignoirs plus qu'échancrés, qui laissaient une vue parfaite sur leurs formes et montraient bien qu'elles ne portaient rien en-dessous du tissu éponge. Elle en fut un peu gênée mais, après tout, le dressing code était libre et elles étaient entre femmes... enfin, entre personnes de sexe féminin. Donc pas raison de paniquer.
Aida invita Nephael à se joindre à elles et commença à servir les spaghettis à la sauce carbonara, ainsi qu'à faire tourner le plat de salade verte. Après une prière des sœurs, que la Sirène se contenta d'observer en silence, le repas débuta.
Les minutes passaient, et pourtant, pas un bruit ne venait perturber le silence de la table. Hormis quelques rires étouffés des Bottazzi, qui riaient à dieu-sait-quoi. Tout à coup, Nephael fit tomber sa fourchette dans un moment d'innatention.
« Oups, excusez moi. »
Elle se pencha pour la ramasser, et vit alors que, sous la table, ses hôtes étaient loin d'être inactives : l'un des pieds d'Aida était glissée sous le peignoir d'Elena, expliquant sûrement pourquoi cette dernière riait sans raison apparente et semblait se tortiller sur sa chaise. La Sirène remonta la tête, légèrement secouée, sans trop savoir comment réagir à ce qu'elle venait de voir. Deux sœurs jumelles (trop ressemblantes pour qu'il en soit autrement) qui se faisaient des caresses d'ordre sexuel, à table et sans la moindre retenue. Il n'y avait que dans les mangas pour adultes qu'on voyait ce genre de choses. Et le plus bizarre, ce fut la pensée qui fusa dans la tête de la jeune fille à peine quelques secondes après.
Dressing-code libre, hein ? Et bien pourquoi je ne me mettrais pas toute nue, moi aussi ? Apparemment, ça ne va pas beaucoup les gêner, vu à quoi elles sont occupées.
Aussi folle que soit cette idée exhibitionniste, elle faisait bien envie à Nephael. Pour éviter de céder, elle préféra se concentrer sur autre chose et briser le silence du repas.
« Euh, excusez moi... »
Elle capta ainsi l'attention des Bottazzi.
« J'aimerais qu'on discute un peu à propos de notre accord. »
C'était la seule chose qui pouvait encore l'empêcher de penser à se mettre à poil devant ces deux femmes.
« Tout d'abord, je vous remercie d'avoir su faire preuve de bon sens et préférer une issue pacifique à une guerre que vous auriez de tout façon perdue. Ensuite, je vais profiter du fait que nous soyons réunies pour vous donner ce que vous ai promis, à savoir l'endroit où vous trouverez la première moitié de l'argent. Mais avant, j'aimerais ajouter une ligne à notre accord : durant mon séjour, je risque d'avoir besoin de certaines choses, comme des vêtements, des médicaments ou des produits d'hygiène féminine. J'espère que vous serez d'accord pour utiliser une partie de l'argent promis pour subvenir à ces besoins. Je vous rassure, ça ne coûtera pas grand chose. Je dirais qu'entre ce que j'ai déjà dépensé et ce qu'il va encore me falloir, ça devrait vous revenir à... maximum 5000 dollars, soit un millième de l'argent. Je sais que je ne suis pas en état d'exiger quelque chose de vous, mais je voudrais juste faire en sorte que cette colocation se passe dans les meilleures conditions. »
Nepahel et les Bottazzi passèrent cinq minutes à peaufiner les détails en question, avant d'arriver à un accord définitif qui satisfaisait les deux partis. Il fut décidé que la première moitié de la somme serait rendue dès demain matin.
La suite et la fin du repas se passèrent à nouveau dans un silence de mort. Après quoi, la Sirène quitta la table, salua ses hôtes et retourna dans sa chambre. Le soleil commençait à se coucher, et sa lumière orange passait par la fenêtre pour venir baigner toute la pièce. Nephael s'allongea sur son lit, encore secouée de ce qui s'était passé pendant le repas. Pourquoi avait-elle tant envie de se déshabiller devant ces femmes ? L'exhibitionnisme n'avait jamais fait partie de ses centres d'intérêt, c'était comme si ça c'était jeté sur elle d'un seul coup sans crier gare. Pourtant, elle ne pouvait pas le nier : l'envie était bien là. Elle avait su la refréner, mais que se passerait-il si elle la reprenait à chaque repas ? Las de toutes ces pensées, elle prit son ours en peluche et le serra contre elle, laissant son esprit à la dérive.