Le «
D² », acronyme de
Drink & Dance, était un tout nouveau bar du quartier de la Toussaint. Ce quartier, pourtant peu réputé à cause des nombreux gangs qui en avaient fait leur base opérationnelle, faisait l’objet d’une énième tentative de ré-urbanisation. En gros, il y avait de fréquents contrôles de police, des descentes de flics dans des réserves de drogues, et une recrudescence de nouveaux commerces.
Ce bar, donc, était en construction jusqu’à présent. Mais l’affichette, sur la porte vitrée, annonçait l’ouverture, la grande soirée officielle, pour le samedi soir qui venait. En voyant ce détail, et en recevant le prospectus dans sa boîte aux lettres, l’héritière de la marque de luxe Tissot s’était sentie attirée par cet endroit. Elle voulait aller voir de quoi aurait l’air ce bar. Par ailleurs, toute la journée de vendredi, elle n’avait pas arrêté de recevoir des texto de ses amies pour lui demander si elle voulait y aller avec elles. Bien évidemment, elle accepta, et l’après-midi du samedi fut consacré à faire du shopping.
Après quelques heures de déambulation dans les magasins, Charity avait dégoté l’affaire du siècle. Enfin, la robe du siècle plutôt.
Noire, elle était faite de dentelle fleurie et de guipure. Elle lui arrivait à peu près au-dessus du genou, quand elle était debout, et remontait jusqu’à mi-cuisse lorsqu’elle posait ses fesses sur un siège. Pour accompagner cette merveille, la belle avait fait l’acquisition d’un ravissant ensemble de sous-vêtements. Noirs également, en satin et en dentelle, les petites pièces de tissus enserraient ses formes avec douceur, et les mettaient en valeur. Même si la robe n’était pas décolletée, les rondeurs de sa poitrine étaient nettement décelables. La dentelle fleurie couvrait son décolleté, et son épaule droite. On ne voyait que l’une des bretelles, fines, du soutien-gorge. Quant au shorty qu’elle portait également, il ne se voyait pas sous le tissu fluide de la robe. Pour le sentir, il fallait assurément passer sa main contre elle, contre la cambrure de ses reins.
Pour accompagner le tout, elle avait enfilé des bas, couleur chair et autocollant, et une paire d’escarpins lacés, noirs, qui la juchait sur presque dix centimètres de talon aiguille et de plateforme sous la plante de ses pieds. Les lacets remontaient sur ses chevilles et sur ses mollets pour s’arrêter juste sous le genou. En tournant sur elle-même, s’observant dans le miroir, la belle eut un grand sourire. Elle était belle, séduisante, mais pas vulgaire. Et sa chevelure blonde, relevée en un chignon lâche mais sophistiqué, brillait sous les lumières vives des spots de sa salle de bain. Les mèches ayant échappées à l’élastique ondulaient autour de son visage en forme de cœur. Elle ne s’était pas maquillée énormément. Un soupçon de poudre pour le teint, une poudre légèrement nacrée pour briller en soirée, un soupçon de rouge à lèvre un peu plus rose que la couleur naturelle des siennes, du khôl noir et du mascara pour agrandir encore son regard, et mettre en valeur ses prunelles azurées. Le sourire aux lèvres, elle tournoya une dernière fois devant le miroir avant que la sonnerie ne retentisse dans le luxueux appartement que lui payaient ses parents.
«
Suli, Nicca ! »
Saluant ses deux amies avec chaleur, la blonde prit ses affaires. Une veste en cuir, pour se protéger de l’air frais, son sac à main et ses clés. Puis elle verrouilla, et emboîta le pas des deux japonaises. Une blonde et deux brunes. Un trio charmant. Elles prirent un taxi pour rejoindre le bar, et papotèrent tout leur saoul dans la voiture, durant le trajet. Elles ne tardèrent pas à se trouver dans la file d’attente. Les vigiles fouillaient les gens, pour être certains de ne pas avoir d’attentats ou de fusillades. Seuls les agents de police étaient autorisés à porter une arme.
Passant avec brio la fouille au corps, Charity rejoignit ses amies qui étaient passées avant elle, et elles prirent une table. La soirée commençait, il n’y avait pas encore trop d’animation. Mais, au fil des minutes, alors que la salle se remplissait, les filles sentirent que la soirée s’engageait bien. Elles commandèrent des boissons, et passèrent les deux premières heures à papoter, allant danser de temps à autres quand on les invitait, puis elles revenaient à leur table. Au cours de la troisième heure, les serveur étaient débordés, aussi devaient-elles se rendre au bar pour commander. Elles le firent chacune leur tour.
Quand ce fut à celui de Charity, elle y alla de bonne grâce alors que deux japonais étaient venus pour papoter avec elles. Enfin, surtout avec Suli et Nicca, à vrai dire. Laissant ses amies en bonne compagnie, la demoiselle était chargée d’une commande pour cinq personnes. Elle se fraya un chemin jusqu’au bar, essayant de ne pas bousculer les autres clients. Mais elle était la seule à prendre des précautions. L’un des hommes autour d’elle la bouscula sans remords. Vacillant sur ses escarpins, il l’envoya bouler contre un autre client en se frayant un chemin à grand renforts de coups de coudes.
«
Outch ! Lâcha-t-elle en se rattrapant de justesse à un homme blond. »
Le coup de coude dans les côtes lui avait un peu coupé le souffle. Il faut dire qu’il n’y avait pas été de main morte. Elle aurait sûrement un bleu le lendemain. Il faut dire qu’elle marquait assez vite, avec sa peau laiteuse.
«
Excusez-moi. On m’a poussée, et je n’ai pu me rattraper qu’à vous. Puis-je vous offrir un verre pour me faire pardonner ? »
Polie, et charmeuse en plus. Après avoir détaillé celui sur qui elle s’était appuyée, Charity l’avait trouvé fort à son goût. Oh, elle ne pensait pas à mal en flirtant ainsi, innocemment. Elle voulait juste être agréable, sans être trop entreprenante ou vulgaire.