Marianne Morana était une femme travaillant dans une agence de recrutement dans les Caligulas, l’un des ghettos de Tekhos Metropolis. Il s’agissait donc d’un quartier sensible, composé presque exclusivement de mâles, que ce soit des réfugiés nexusiens ou ashnardiens venant fuir les affres de la guerre, ou des Tekhans de naissance que la municipalité avait cherché à regrouper dans des zones où il serait plus facile de les surveiller. Ces ghettos, qui constituaient les bas-fonds de la ville, l’envers du décor, étaient connus pour être des zones de trafic importantes, notamment de stupéfiants. Marianne, elle, travaillait au sein d’une agence militaire, ayant pour but de recruter des Tekhans dans le but de rejoindre l’armée, afin de se battre contre les Formiens. L’avantage de ces agences était qu’elle offrait une bonne couverture sociale, ainsi que la perspective, à la fin du service militaire, de bénéficier d’un logement hors des ghettos. Sarah Pezzini avait entendu parler de ces programmes publicitaires, généralement financés par l’armée, et sponsorisés et effectués par des firmes privées, lesdites firmes faisant office d’intermédiaires, comme Blackwater, ou GeoWeapon Corp. Parfois, elles se contentaient juste de recruter les soldats, et, dans d’autres cas, elle les formait, les entraînait, les armait, soit pour leurs propres SMP, soit pour les envoyer ensuite dans les corps d’infanterie de l’armée étatique.
Sarah y songeait en se tenant dans le bureau de l’agence, voyant, dans la salle d’accueil, des affiches et des posters vantant les mérites de l’armée. Pezzini s’avançait dans l’agence, après avoir ouvert la porte. Elle était seule dans le bureau, ce dernier étant fermé... En même temps, c’était la nuit, et sa voiture était garée à l’entrée. Le bureau de l’agence était donc fermé, ce qui, pour autant, n’avait pas empêché d’avoir de l’activité. En l’occurrence, le poste de police local avait reçu un appel téléphonique émanant d’un riverain, les informant que des bruits de lutte avaient été entendus dans les locaux de l’agence, ainsi que le hurlement d’une femme. L’enquête ultérieure sur les ordinateurs de l’immeuble, puis sur l’agenda électronique de la victime, permettrait de réaliser que, ce soir, Morana travaillait pour une bonne partie de la nuit, afin de rattraper du retard dans le traitement et la gestion des dossiers administratifs.
«
Central, je confirme la présence d’un cadavre... » lâcha Sarah dans sa radio, sur un canal crypté et sécurisé.
Elle se tenait à l’étage, dans les bureaux, et, au milieu de ces derniers, le corps de Morana remplissait le centre de l’espace. Le cadavre se trouvait sur le sol, baignant dans son sang, au milieu d’une mare d’hémoglobine. Aucun assassin à proximité. Sarah venait d’appeler le Central, afin de demander l’envoi d’une équipe médicale. Elle connaissait les règles. Il ne fallait pas parasiter la scène de crime en touchant la victime ou les objets alentour, et Sarah entreprit donc de fouiller les environs, cherchant, à défaut de trouver des indices, d’éventuels témoins. Les fenêtres du bureau donnaient sur la cour intérieure où quelques voitures étaient garées.
*
Il y a sûrement une autre personne qui travaillait ici...*
Sarah n’avait vu aucun vigile dans le bureau, mais elle doutait qu’une femme ait choisi de travailler toute seule en pleine nuit, en plein milieu des Caligulas. Pezzini avait sorti son
Dakini, et s’empressa de fouiller. Curieusement, l’électricité ne fonctionnait plus, et il lui était donc impossible de bénéficier d’une autre source d’éclairage que celle de son arme. Le Witchblade ne vibrait pas, ce qui, généralement, avait tendance à signifier qu’elle n’avait rien à craindre. Néanmoins, Pez’ restait prudente, et se rendit dans l’escalier de service, descendant vers le disjoncteur. Elle ouvrit une autre porte métallique, et arriva dans une pièce abritant le générateur et le disjoncteur. Une odeur de brûlé sortait du boîtier, et, en l’ouvrant, Sarah réalisa que plusieurs fusibles avaient sauté. Elle en trouva d’autres, et les remit en place, puis porta sa main vers le bouton d’alimentation quand une voix résonna dans son dos.
«
Non, ne faites pas ça ! Le Diable va se réveiller, ne le ramenez pas ! Non, non ! »
Sarah se retourna brusquement, et le faisceau de son pistolet engloba l’ »image d’une femme de ménage, les yeux exorbités par la peur, qui se rua vers Sarah.
«
Hey ! Mais que... ? -
Le Diable de fer ! Le Diable de fer ! »
Sur quelle espèce de cinglée est-ce qu’elle était tombée ? Massive, la femme de ménage repoussa Pezzini, l’envoyant s’étaler sur le sol.
«
Madame, lâchez-moi, je suis de la police ! -
Le Diable ! Le Diable ! Je l’ai vu, je l’ai vu !! »
Manifestement, la femme ne l’entendait pas, et semblait en état de choc En s’étalant sur Pez’, elle lui avait fait lâcher son arme, et elle était massive Sarah n’allait tout de même pas utiliser le Witchblade pour se débarrasser d’elle...