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« le: samedi 13 juillet 2013, 19:59:09 »
Le marathon sexuel poursuivait jusque dans la nuit, à travers l’obscurité relative, sous les étoiles et sous les flashs de quelques paires de phares. Quelques coups de klaxons. Au croisement d’un radar ou d’une patrouille Fuku ralentissait, l’air de rien, puis reprenait sa vitesse dès à l’abri. De quoi m’éprouver un peu plus pour me maintenir debout. Le marathon sexuel poursuivait. Je m’acharnais à l’enfiler sans aboutir, elle enchaînait ses orgasmes dans une cadence infernale. Cette injustice, les astronomes ont trop de vertige pour la quantifier. Parfois j’en avais marre, alors avec mon bras traînant dehors je me défoulais sur une vitre adjacente à la fenêtre ouverte. Etrange comme tout paraissait plus fragile : un rien de pression suffisait à laisser une fissure, un coup de poing répandait des éclats un peu partout à l’intérieur, éventuellement sur nous. Toute douleur n’était plus qu’une vague et éphémère distraction, la sensation de trique intersidérale le long de mon sexe détenait le quasi-monopole de mon attention.
En un sens, et quoiqu'atroce, l'épreuve était facile. Un sportif lutte contre son désir de faire une pause ; pas moi. Je la désirais elle, et n’imaginais qu’un seul moyen pour que ça cesse. Certains muscles tétanisaient, quelque chose essorait mon cœur, et ma tête essuyait des maux suspects. Mais je la désirai toujours. Je crevais de soif, aussi sabrai-je – manuellement – une bouteille de vodka, la bus, et la balançai par la fenêtre. Bien plus que d'alcool j'étais ivre, et si j'en ressentis quelque effet, ce ne fut que dans le sens de ma colère. Ce qui me revitalisa pour quelques minutes.
Mais mes forces me quittaient, malgré les maléfices et des stratagèmes aux efficacités fugaces. Les signes de l’épuisement se multipliaient, et lorsque je m’en rendrais compte, si je m’en rendais jamais compte, je m’énerverai – encore – davantage, pour peu que ce fût possible. Pour l’heure je gutturai à chaque pénétration un mélange de russe et... d’arabe peut-être. Cependant que je luttai inconsciemment contre la soudaine faiblesse de mes jambes. Et contre l'envie de vomir mes tripes.
Je lâchai l’extérieur de la voiture, la main meurtrie d’avoir brutalisé la vitre, me tractai Jane en marche arrière, mes hanches toujours cerclées de ses jambes, et puisque les miennes ne tenaient plus, je me laissai plonger vers le sol, elle d’abord, reproduisant la manœuvre par deux fois employée pour l’enfoncer une ultime fois.
Nous nous étalâmes sur un sol constellé d’éclats de vitre, sous peu pointillé de sang, imbibé de sueur, de cyprine et que sais-je ? Nul orgasme. Soudain, la chaleur de mon sexe s’étalait, une vague ardente envahissait mon être. A nouveau je brûlai mais cette fois, nul tourments ni jérémiades. Je suis chaud, remarquai-je simplement. L’énergie thermique, par un processus dont j’ignore les rouages, m’offrait un second souffle. Et pour un souffle ! Je lui lissai ses seins moites par des caresses d’une tendresse pour le moins inattendue ; peut-être la plaignais-je déjà. La pauvre fille s’adonnait à des expériences ésotériques audacieuses, d’un certain point de vue, sans en mesurer ni la portée, ni les risques. Je m’emparai de son dos, de ses fesses, la serrant contre moi.
– Et si on faisait l’amour, Jane ?
A partir de quoi, à chaque pénétration, la limousine branlerait, s’épandrait en craquements et en fracas, échos de nos passions. Une puissance prodigieuse secouait la scène, un sexe d’acier trempé – encore brûlant – plongeant furieusement dans un autre tout tendre. Se retirant, humide d’un baiser foudroyant, et s’y-retournant causer de nouveaux ravages. Une alchimie explosive, une tempête de sensations en résultait. S’emmêlaient la douleur fortifiante et le plaisir merveilleux, obsessionnel, et – Ô mon Ange ! – progressif. Enfin, après la torture, après l’horreur, le bout du tunnel. Existe-t-il un meilleur moment au monde ?
Encore une. Plus qu’une. La charge ultime. Toute la frustration, toute la rage accumulée ce soir – et peut-être hier – derrière mon geste pour accomplir ce qui fut, ma foi, un chef d’œuvre. Je hurlais ; la voiture criait. Je débordais de bonheur ; elle débordait de mon nectar. Nous glissâmes vers l’arrière, entraîné par ma frappe. Les suspensions cédèrent, les jantes crissaient, la voiture dévia, freina, heurta quelque chose, rebondit. Percutant les quatre coins du véhicule, distraitement, je m’accrochai à la première chose qui me vint sous la main : Jane. Nous rebroussâmes, fîmes face à nos poursuivants affolés, dont certains se tamponnaient déjà. Finalement quelqu’un nous emboutit, assez violemment pour nous projeter contre le cockpit.
Par miracle nous survécûmes, bien que quelques secondes s’effacèrent de ma mémoire. Je souffrais d’un peu partout, du sexe notamment, je saignais au visage, et ne parlons pas de l’épuisement. Mais le plus assaillant fut ma migraine. De dehors provenait un tintamarre intenable. En me concentrant fort, je percevais les alarmes de voitures, le crépitement des flammes, les pleurs d’un bébé, et les gueulades des survivants.