One Shot / Le cocktail de la vie [PV. Luxury]
« le: mardi 28 mai 2024, 18:01:54 »Le monde entier associait cette mégalopole à l'idéal de vie californien: soleil, plage, joie de vivre, liberté, american dream girls ... En revanche, peu savaient que le véritable nom de la ville avait été El Pueblo de Nuestra Senora la Reina de Los Angeles de Porciuncula. Successivement, elle avait été capitale d'un gouvernorat espagnol, avait brièvement intégré le Mexique pour finalement terminer dans le giron d'un Uncle Sam en pleine expansion. Donc autant dire qu'il y avait là un mélange cosmopolite exceptionnel qui n'avait gardé que le meilleur de ces cultures. En tout cas, c'est ce qu'il se disait lors des campagnes électorales et se relatait dans les canards humanistes. La vérité était tout autre. La criminalité de son turbulent voisin du Sud gangrénait les rues de Los Angeles sous toutes ses formes. Les pouvoirs publics des États-Unis tentaient bien de réagir mais la corruption frappait tous les niveaux de pouvoirs et les dissensions politiques ravivaient sans cesse les braises d'un foyer déjà bien chaud. Pour cacher la misère, l'État de Californie jetait des milliards de dollars annuellement dans l’embellissement de la ville afin de cacher la réalité et ce qui ne devait pas être vu.
Donc, le crime prospérait et toute bonne mafia ou entreprise criminelle se devait d'y avoir une représentation, que ce soit pour le trafic de stupéfiants principalement, mais aussi la prostitution et tout un tas d'autres domaines aux titres évocateurs. Le Mal avait déjà rongé les racines de la ville et était tellement intégré à son fonctionnement que curieusement, certaines unions normalement impossibles voyaient le jour. Par exemple, le quartier de Skid Row, connu pour ses activités nocturnes portées sur le domaine du sexe contre rétribution abritait aussi la plus grande population estudiantine de la ville. En effet, les loyers y étaient assez modérés, conséquences des incessants vas et vient de prostituées, proxénètes et autres travailleurs nocturnes dès que le crépuscule couvrait la ville. La présence de ses jeunes tenait aussi du fait que le Central L.A. Campus ( le CLAC, nom aussi donné à un comprimé d'ecstasy produit dans les caves de Skid Row) bordait ce quartier de mauvaise réputation. En journée, Skid Row apparaissait comme un quartier populaire avec des immeubles assez bas à l'architecture sans âme, de l'ordre de quelques étages. Les rez de chaussée de ces immeubles accueillaient une foultitude d'échoppes, de fast food, de bar, de restaurants et de petits commerces. A toute heure du jour et de la nuit, on pouvait y manger tex-mex, chinois, italien, indien, thaï ou encore créole. Bien entendu, la circulation y était dense et le bruit permanent. On y parlait toutes les langues et à un croisement de rues vers 18h00, on pouvait aussi bien trouver un groupe d'étudiants révisant un sujet d'anglais, qu'une pute faisant le trottoir ou un groupe de jeunes afros fumant un joint avant d'aller disputer un match de basket sur le terrain voisin. Le business local tournait autour de la consommation de ses populations et le mélange passait donc plutôt bien. Évidemment, de temps en temps, la police déployait les grands moyens quand on retrouvait un jeune blanc crevé sur le trottoir , qu'il trempasse ou non dans une quelconque magouille. De toute manière, les flics du coin étaient blasés et attendaient soit leur retraite soit une mutation à Santa Monica ou West Hollywood. En bref, on vivait bien (ou presque) à Skid Row tant qu'on n'y faisait pas de vagues.
C'était le cas de Matthew et Joachim.
Les deux colocs par nécessité étaient devenus potes. Vivre ensemble pour dépenser moins était une règle quand on était jeune et issu d'un milieu populaire. Matthew, dont les ancêtres étaient irlandais, commençait sa vie professionnelle et était fier d'avoir pu intégrer le Los Angeles Fire Department (LAFD). Sa caserne d'affectation n'était qu'à deux rues de son domicile et il ne mettait que 15 minutes à pieds pour s'y rendre. Joachim, lui, avait des origines ...assez indéterminées. Il racontait parfois que ses ancêtres étaient arrivés aux États-Unis à bord d'un négrier mais parfois il s'entendait dire aussi que son grand-père était un diplomate africain en poste à Washington, et qui n'était jamais retourné chez lui. C'était un beau conteur Joachim. Il étudiait le théâtre au CLAC, lui aussi tout proche de l'appartement que les deux compères partageaient.
Cet appartement était un petit trois pièces situé au premier étage d'un immeuble qui en comportait quatre. Là, pas d’ascenseur, juste des escaliers dont on avait volé les dalles, il ne restait que des marches grises en béton coulé. Les murs des communs avaient autrefois été blancs, aujourd'hui, ils étaient d'un maladif jaune pisse mais heureusement n'en sentait pas l'odeur. En bas les boites aux lettres étaient rouillées et l'accès à la cave était condamné depuis longtemps. Les tableaux électriques, accessibles à chaque étage alimentaient les deux appartements de chaque palier et représentaient des dangers mortels si on y mettait les doigts. Il n'y avait pas de fenêtre dans la cage d'escalier et tout était exigu et passablement mal entretenu. Une fois par semaine, une gardienne d'origine latino ne parlant pas un mot d'anglais et qui s'occupait de tout un bloc d'immeubles similaires à celui-ci passait pour verser quelques seaux de flotte dans l'escalier à partir du dernier étage. Après, elle raclettait ce qu'elle pouvait ... Bref, on n'y mangeait pas par terre. En revanche, les appartements reflétaient la personnalité de leurs occupants et celui de Matthew et Joachim respirait le neuf et la fraicheur. Depuis un an qu'ils l'occupaient les deux garçons de 22 ans l'avait repeint et meublé convenablement. Les fenêtres de la pièce de vie et de la cuisine donnaient sur la rue principale et celles des chambres sur la misérable cour intérieure qui faisait office de fourre tout.
Les garçons se plaisaient ici. Le quartier était animé et vivant, relativement sûr le jour et la nuit, ils ne sortaient que pour trainer dans les environs immédiates. Matthew avait un service de jour uniquement et Joachim avait des horaires d'étudiant normal. Ah si !! Ils avaient aussi la chance d'avoir au rez de chaussée, mais sous l'appartement en face du leur, un bar extra tenu par un ancien taulard devenu très sympa. L'immeuble y bénéficiait d'une très bonne réduc sur la bouffe et les consos. C'était à savoir!
Le turn-over des locataires était permanent. Normal ... les étudiants ont pour vocation de ne pas s'éterniser au même endroit... Et d'ailleurs, l'appartement d'en face, celui qui bénéficiait de l'animation du bar d'en dessous mais qui était loué presque moitié prix par rapport au leur était à présent vide. L'ancien locataire était parti la veille au soir et un vieux panneau "A LOUER" décorait une des fenêtres donnant sur rue.
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Samedi matin! Le meilleur moment de la semaine! Celui où on se demande en s'étirant au réveil si on ne va pas rester un peu plus au lit! Matthew ne bossait pas ce weekend. Accoudé à la fenêtre avec un énorme mug plein de café brûlant à la main, il regardait la rue s'animer. Joachim, lui, pionçait encore. La journée promettait d'être belle mais les garçons n'avaient rien vraiment prévu. Parfois c'était bien aussi de glander à la maison ...