Paisible crépuscule ... [ Leiah's Rp ]

Les affaires tournaient bien. Il n'y avait eu que peu de soucis à régler - drogue dissimulée dans les casiers, talon brisé sur scéne, trois alcooliques qui ne comprenaient pas qu'ici, il n'était pas question de prostitution - à Pigalle. Cette soirée-là, il la laissait à un autre. Un acolyte, qu'il appréciait énormément, qui avait un bon feeling avec les filles. Tout ne dépendait que d'elles ; si l'une d'elle avait dit qu'elle n'aimait pas cet homme, il aurait tout annulé. Mais ce n'était pas le cas, bien heureusement ... Même si l'acolyte en question était un gay de pure souche, il pouvait aussi mal se conduire envers quelqu'un ou quelqu'une. Avec l'expérience, Erwan avait appris la méfiance.
Il passa sa main sur son front, toujours aussi stoïque sur cette digue. Il se remmémora le moment où il les avait toutes embrassées sur le front, leur souhaitant bonne chance, et où il avait claqué la porte de Pigalle, afin de passer une soirée loin du tapage. Non pas qu'il dédaignait la musique - il avait son droit de veto dessus, aprés tout - mais il ne se sentait pas capable de supporter des tonalités qu'il connaissait par coeur. " Il faudra songer à se renouveler ", nota t'il intérieurement.


Ce soir-là était bien calme. Il ne s'en faisait pas. "Pigalle" allait bien, ses filles allaient bien, il allait bien, sa bibliothéque allait bien, Phédre allait bien ... Un sourire passa sur ses lèvres. Paris lui manquait, tout de même. Surtout la langue française. " Hum, pas de nostalgie, continue sur ta lancée ". Le Japon allait bien, son estomac allait bien, ses poumons - en y pensant, il s'alluma une cigarette - allaient bien, sa vie sentimentale - solitaire - allait bien, le reste allait bien ... Même si les françaises lui manquaient ... Il se sentait bien étrange, occidental au milieu de cette foule asiatique. Il en venait à regretter beaucoup de choses auxquelles il n'aurait pas dû songer.
Calmement, il continua sa marche, les yeux rivés vers un ciel ombragé. La nuit allait tomber, et il s'éloignait, le coeur serré, de sa chère "boîte". Il ne voulait pas songer au travail, il était venu pour marcher, manger un peu et se vider le crâne.
Autant que possible.

Mais cette ville surprenante lui avait apprise à se méfier, et à ne pas se fier aux apparences : une nuit à l'allure si calme n'annonçait rien qui serait dans cette optique. Il avait presque hâte de rejoindre sa demeure, un appartement non loin de là ... Sans se presser, il emprunta un de ces passages pour accéder à Terra, passage emprunté plus tôt pour embaucher une jeune Terranide disparue depuis - un esclavagiste, sans doute - , et arriva de plein pied sur Terra.
L'atmosphére n'était pas la même, il le sentait. Vivement, il continua sa marche, son long manteau noir lui donnant un aspect d'un étrangeté vampirique, et observa l'endroit. Rues, ruelles ... Un dédale , un labyrinthe.


- Je souhaite m'y perdre, sussura t'il en empruntant un passage, au hasard.


La nuit était belle, chaude. Le ciel, opaque. L'air, doux. Il marcha, à droite, puis gauche, tout droit, pourquoi pas ? Puis, dans un soupçon d'envie, les paupières presques closes, il tourna à droite.

Début de journée, à Nexus, paisible. Oui, bon, Leiah était un tout petit peu à court de liquide. Mais ça, ce n'était qu'un détail. Elle subtilisa de quoi se faire un petit déjeuner correct et se chercha ensuite un endroit où le déguster. Ayant ensuite fini de se remplir l'estomac, elle alla jusqu'à son navire, se lava brièvement mais correctement, et changea de fringues. Elle laissa tomber sa jupe en cuir noir, descendant à peine à mi-cuisse, pour un short en jean, bleu délavé, à peine plus court. Le débardeur noir également laissa la place à un bustier couleur crème. Ses bottes montantes, arrivant juste au-dessous du genou, de couleur sombre, restèrent par contre. Elles étaient bien pratique, la grandissant de dix centimètres et lui permettant de courir comme elle voulait. Parfaites était le mot. Par dessus, n'aimant guère la petite brise fraîche en ce matin doux, elle rajouta un espèce de long manteau, d'une jolie teinte brun clair.

Cela fait, elle verrouilla la petite cabine et remit pied à terre en nouant ses cheveux en un chignon serré. Elle avait une longue journée devant elle si elle désirait renflouer ses caisses. Elle privilégiait les touristes plus fortunés, mais s'attaquait aussi, sournoisement, aux habitués. Et quel endroit serait le meilleur qu'un casino ? Elle trouvait son bonheur. Non seulement presque personne ne faisait attention à une petite brune seule, mais en plus, si jamais elle se faisait remarquer, son fouet la faisait passer pour une Professionnelle dominatrice. La dague planquée dans sa botte ne se voyait pas.

Toute la journée, elle dépouilla des sommes plus ou moins grosses à des clients plus ou moins importants. Aucuns d'eux ne l'avaient vu. Et elle put aussi dérober de quoi se nourrir le midi. Une journée plutôt chanceuse dans l'ensemble. Et la soirée s'annonçait plutôt bien puisqu'elle déroba une bourse bien pleine à un client bien amoché par l'alcool. Il la prit pour la serveuse et commanda par la même occasion, un whisky bien fort. Pas chieuse, la demoiselle passa au bar et indiqua la commande du vieil homme avant de repartir à la recherche d'argent ou d'objets précieux.

Un homme l'intéressa. Il avait l'air plein au as, mais plus que tout, il avait une montre avec une émeraude magnifique. Peut-être avait-il d'autres pierres comme ça... Le regard de Leiah s'illumina et elle se mit à filer l'homme. Il s'arrêta à deux trois tables avant de se poser devant la scène où dansaient des filles peu habillée. Il resta longtemps à les regarder. Et elle en profita pour lui faire les poches. Un petit miracle se produit. Elle trouva deux jolies diamants et un saphir. En s'éloignant précipitemment, son trésor en main, elle heurta la main de l'homme. Il se retourna et vit la fille qui s'enfuyait. Délaissant les danseuses, il se mit à sa poursuite. Elle le senti sur ses talons et, sortant de l'établissement, emprunta un labyrinthe de ruelles. Semant quelques peu son poursuivant, elle tourna à gauche et se cogna violemment à quelqu'un. Un jeune homme. Sautant sur l'occasion, elle s'adressa à lui :

_ Ne bougez pas s'il vous plaît.

Tout en parlant, elle fourra les pierres dans les poches de son manteau, avec l'argent et les objets de valeur, l'ouvrit, et le planqua dans une cachette qu'elle utilisait parfois pour y mettre son repas à l'abris des regards.

Cela fait, elle se redressa, dénoua ses cheveux qui lui arrivèrent aux épaules, et cacha le fouet avec le manteau. Entendant la course d'un individu, se doutant de qui il s'agissait, elle s'empressa de se coller à l'homme, attrapant son bras et lui chuchotant :

_ Jouez le jeu s'il vous plaît. Je vous expliquerais après.

L'homme s'arrêta en les voyant. Il attrapa la jeune femme par le bras et la somma de lui rendre ses biens. Jouant la carte de l'innocence, elle lui assura ne pas le connaître. Elle argua par la même occasion qu'elle avait passé la soirée avec son ami ici présent. Levant les yeux vers l'homme, elle priait à présent pour qu'il joue le jeu.

Tel qu'il l'avait, plus tôt, prédit, voilà que le calme désertait la nuit. Au profit d'une aventure remarquable, cependant.
Bien que destabilisé par cette irruption, il n'avait pas voulu rejeter la jeune femme. Au nom d'une certaine morale, et parce qu'il n'était pas d'une humeur totalement dédaigneuse. Un chouïa, certes, comme d'habitude, mais une certaine sympathie obligea le jeune homme à se plier aux désirs de cette inconnue. Il se souvint que c'était de cette manière même qu'il avait découvert la fleur de son spectacle, une dénommée Gloria, qu'il avait sauvé des mains d'un homme qui l'accusait de vol. Pour quelle raison l'avait-il aidé, ça, il l'ignorait. Il ne savait qu'une chose ; il n'avait pas eu tort. Cela l'engagea sûrement à aider cette jeune femme ... Aussi, quand l'homme s'adressa à lui, les sourcils froncés, comme pour vérifier si cette jeune fille mentait, Erwan retira sa cigarette de sa bouche et répondit avec un aplomb bas et parfait :


- Effectivement, nous sommes ensemble.


Il le défia du regard, ne clignant même pas des yeux, s'assurant un maximum de crédibilité. Ainsi, pour couronner le tout, il pointa du pouce une rue paralléle.


- Cependant, une ombre furtive ...


Il n'eut pas le temps de terminer, que déjà l'homme était parti dans la direction opposé. Erwan le regarda partir, attristé par la naïveté, la cupidité et la bêtise humaine. Cet homme ne retrouverait jamais ce qu'il cherchait, et l'histoire serait ainsi bouclée. Cette idée l'amusa. Il tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette, regardant l'ombre de l'homme disparaitre dans la nuit.
Puis il se tourna vers la jeune fille accrochée à son bras. Quel âge avait-elle ? Ce scénario loufoque était-il l'oeuvre d'une blague, d'une bêtise ? Une adolescente rebelle et voleuse, ou tout simplement fauchée ? A voir ce qu'elle avait pêchée, Erwan se doutait qu'elle avait une certaine expérience. Il conserva les yeux rivés sur elle, et prononça quelques mots, avec un léger sourire ;


- Et là, Toc !, je vous assomme et je m'enfuis avec vos trouvailles, dit-il avec un léger sourire.

Un soupir de soulagement aurait pu franchir les lèvres de la jeune femme si elle n'avait pas craint de se trahir. L'homme avait lâché son bras au moment où l'inconnu avait assuré qu'ils étaient ensemble. Leiah en avait profité pour s'écarter de lui et se rapprocher plus de cet honorable inconnu qui lui sauvait la mise. Elle observa ensuite l'homme faire volte face pour partir dans la direction suggérée par celui qui jouait le jeu du couple. Quand l'intrus fut hors de vue, son sauveur se tourna vers elle. L'odeur de cigarette flottant légèrement autour d'eux ne gênait pas la brune qui venait de passer deux heures dans l'atmosphère enfumée du coin des fumeurs de cigares. Où elle avait récolté quelques beaux petits bijoux. Un sourire orna ses lèvres à sa réplique. Relâchant son bras, elle corrigea :

_ Ou plutôt, vous essayez de m'assomer, je sors ma dague et vous fait reculer. C'est mieux ainsi, non ?

Illustrant ses propos, elle se baissa légèrement, sortant la dague du fourreau de sa botte et joua avec, ayant l'expérience de la manier. Elle la remit ensuite dans sa botte et quitta un instant son sauveur pour aller rechercher son manteau. Il était plein de poussières. Dommage. Enfin. Elle l'épousseta et le remit, revenant vers l'inconnu au grand coeur.

_ Merci beaucoup d'avoir joué le jeu. Je vous suis redevable.
Et d'ailleurs, j'en oublie toutes les politesses. Je suis Leiah. Et vous ?

Un sourire amusé flotta sur ses lèvres. Un couple est censé se connaître. Mais comme ils avaient juste joué le jeu, ils ne se connaissaient évidemment pas. Réajustant son manteau, elle sortit le fouet et le rattacha à sa ceinture, l'air de rien. Elle ne cherchait pas à paraître menaçante, ni même sur ses gardes. Elle était juste prudente et même s'il lui avait sauvé la mise, elle ne se fiait qu'à elle-même. Pas qu'il était indigne de confiance. Au contraire. Il avait accepté comme ça de la protéger en se glissant dans le rôle d'un couple, mais elle n'accordait pas sa confiance facilement. Il avait sa gratitude en tout les cas.

_ Que puis-je faire pour vous remercier ?

Erwan l'observa parler, sans broncher. Non pas qu'il s'ennuyait, mais il se plaisait à la voir ainsi agitée ; c'était divertissant. Elle n'était pas une simple écolière perdue, non, elle était tout à fait atypique. Lui aurait pu pousser un soupir de soulagement, à cette idée, lui qui avait le chic de congédier froidement quiconque lui causait ennui ou souci. Mais pas celle ci, non, elle était trop étrange pour qu'il la considére comme un être humain " de base ". " Nous sommes sur Terra, Erwan" se rappela t'il. " Effectivement, ça aide beaucoup ".
A" Pigalle", combien possédait-il de filles venus de Terra ? Quatre, au moins. Même s'il préférait choisir des humaines - il admirait le fait que des femmes s'en sortent sans user de magie ou autre - il savourait cette femme-serpent, ce polymorphe et cette siréne, qu'il avait embauché grâce à leur talent remarquable. Il agrandissait sa famille, décidement ... Mais il faudrait songer à chercher encore quelques filles.
Il soupira. Il fallait qu'il cesse de penser à son boulot.

- Je t'en prie ...

Il rentra ses mains dans ses poches, nonchalant comme jamais.

- Je m'appelle Erwan.

Inutile de préciser qu'il venait de Terre, il ne jugeait pas cela d'une grande importance. Et cette idée de remerciement l'amusait beaucoup ...

- Voyons, qu'est ce qui te pousses à vouloir me remercier ? Non, pas de dettes, je t'en prie. Ce n'est pas important. Ce qui me rassure, c'est qu'il ne t'ait pas fait de mal.

Erwan avait pour habitude de détester ce genre de personnages, qui se plaisaient à faire du mal aux filles et femmes. Il ne considérait pas les femmes comme des êtres faibles, non, mais par respect, il ne fallait pas abîmer celles à qui l'homme devait énormément de choses.

- Mais dis-moi, ce genre de vols sont fréquents ?

Il ne jugea pas nécessaire de vérifier si son porte-feuille était toujours là. Il savait qu'elle n'y toucherait pas.

Erwan. Prénom peu commun. Du moins pour la jeune femme. Elle n'avait rencontré que deux Erwan auparavant. Enfin, en même temps, on ne peut pas dire qu'on se soucie trop du prénom face à un vampire, un orc ou autre. Quand c'est face à un elfe ou une sirène, ça va. Ils ne sont pas réputés pour leur sauvagerie. Encore que, lorsqu'ils sont menacés, ils peuvent l'être. Mais ils ne sont pas trop fourbes ou cruels. Elle se méfiait beaucoup des vampires, avec leur beauté froide et leurs canines aiguisées, et ne désirait pas s'approcher des orcs plus que nécéssaire. Quant aux dragons, elle se sentirait minuscule face à eux et surtout en danger. Elle aimait jouer avec le feu, mais pas au point de se faire griller propre et net. Et pas qu'au sens figuré.

Tout en réfléchissant à cela, elle écoutait son sauveur. Il ne la laissa pas le remercier en lui rendant un service ou un autre. Il se dit même soulagé qu'elle n'ait aucun mal, que cet homme dont elle avait subtilisé les pierres ne lui ait rien fait. Etrange homme que voilà. Surtout qu'il passa naturellement au tutoiement là où beaucoup seraient restés au vouvoiement. Pour Leiah, cela ne changeait rien. Elle vouvoyait les inconnus pour ne pas les froisser, mais elle pouvait les tutoyer si jamais ils en exprimaient le désir, ou qu'il le faisaient eux-même.

_ Fréquents ? Non, je dirais plutôt régulier. Quand je suis à court d'argent, où lorsque je vois une personne possédant des pierres précieuses qui m'intéressent.

Elle sortit de sa poche les deux émeraudes, non taillées, et le saphir qui lui avait une forme ovale intéressante. Le soleil se couchant, les derniers rayons frappèrent les pierres et illuminèrent brièvement autour d'eux. Elle les replaça dans sa poche, avec les bourses d'argent. Elle ne volait pas que de l'argent en plus. Elle volait de la nourriture ou bien des vêtements si elle jugeait le prix trop élevé. Mais la constante restait les pierres précieuses. Elle s'était prise de passion pour celles-ci lorsqu'un pirate lui avait offert un collier constitué d'une chaîne en or et d'un pendentif en argent supportant une pierre précieuse qu'elle ne connaissait pas. Oscillant entre le rubis et l'ambre, en passant par la cornaline, cette pierre était inconnue au bataillon. Et elle désirait collectionner au moins un exemplaire de chaque pierre précieuse existante afin de retrouver celle qu'elle portait autour du cou, nichée dans son décolleté.

Croisant les bras, elle pencha la tête sur le côté et observa son sauveur. Erwan était plutôt pas mal de sa personne et n'avait pas l'air pauvre. Bien sûr, elle ne volerait pas son sauveur. Elle avait récolté ce soir de quoi vivre convenablement pendant un peu plus d'une semaine. Donc de quoi survivre avec le strict nécéssaire durant trois semaines. Elle n'avait donc aucune raison de faire les poches d'Erwan. Surtout qu'il lui avait sauvé la mise et que ce serait un bien piètre remerciement que de lui subtiliser sa bourse.

_ Cela dit, je n'ai plus l'intention de voler qui que ce soit ce soir. J'ai amassé suffisemment.

Elle le précisait pour ne pas qu'il se sente menacé. Beaucoup de gens, en connaissant l'activité de Leiah, vérifierais les moindres recoins de leur poche pour s'assurer que rien ne manque. Mais apparemment, pas Erwan. Il l'intriguait, vraiment.

_ Au fait, je ne voudrais pas te retenir si jamais tu avais quelques choses à faire ce soir. Mais j'avoue que je suis curieuse. Tu ne réagis pas comme tout le monde. C'est frustrant en un sens de ne pas prévoir tes réaction...

Il ne put retenir un sourire en l'entendant parler. Frustrant, lui ? Cette fille parlait comme Phédre, décidement. Phédre, qui lui avait reproché une certaine froideur lors de leur première discussion. Phèdre, encore, qui lui avait fait la remarque qu'il était impossible de prévoir ce qu'il ferait. Et là encore, Erwan avait répondu qu'il tenait ça de son père, de Paris, de ses trop longues nuits à jouer au Poker, apprenant ainsi à dissimuler son jeu et toutes les cartes qu'il avait en main, à ne pas laisser entendre ce qu'il pensait, à aucun moment de sa vie. Une certaine froideur, donc. Une certaine méfiance, surtout. Dans le monde des affaires - surtout quand il s'agissait de gérer une boîte de strip-tease avec une bonne réputation qu'il s'efforçait de conserver - il ne fallait jamais dire ce que l'on pensait.
Il effaça ce sourire amusé, terminant sa cigarette, tournant son regard vers elle.

- Ce soir, je me promène ... répondit-il.

Il jeta sa cigarette sur les pavés.

- Tu es toi-même plutôt étrange, jeune fille, lui répondit-il avec un certain amusement.

Il toussa. Il ne fallait pas qu'il la prenne pour un psychopate.

- Si je suis si ... atypique, c'est tout simplement parce que je joue beaucoup au poker, s'expliqua t'il. On apprend à être imprévisible, à ce jeu.

Il ne comptait pas dire toute la vérité, et lui dire qu'il gérait une boîte de lap-dance pourrait l'effrayer. On bourrait le crâne des jeunes, à force de " Fais attention aux inconnus ", alors là, il n'arrangerait pas son cas. Il préférait passer sous silence, donc, ce quartier de sa personnalité.

- Et je descendais sur Terra pour la simple raison qu'ils possédent des alcools et des plats que j'apprécie ...

C'était vrai. La bonne nourriture, il ne l'avait trouvé qu'ici, alors ... Non pas que le Japon soit mal placé au niveau culinaire, mais pour lui qui aimait le changement et les choses inhabituelles, Terra lui correspondait. Il ne put s'empêcher de repenser avec nostalgie à cette qu'il nommait sa " Douce France" ... Les dons culinaires français étaient incomparables ...

S'il se promenait, alors il ne devait pas avoir de choses importantes à faire. Donc la jeune femme pouvait bavarder un peu. Elle lui sourit, alors qu'il finissait sa cigarette pour la jeter ensuite au sol. Puis il lui confia qu'elle même était plutôt étrange. Ce dont elle s'en doutait. Evidemment, ça ne courait pas les rues les filles qui volent des pierres précieuses et qui se servent d'un inconnu comme alibi. Quoique... Il pourrait y en avoir pas mal à Nexus. Mais elle ne les avait jamais rencontrées. Et si jamais il y en avait, elle ne voulait pas les rencontrer. Elles seraient prête à lui voler ses pierres précieuses ou son butin. Et en bonne pirate qu'elle était, elle protégeait farouchement ses biens. Mieux que ne le faisaient ses proies à elle. Les personnes qu'elle délestait de leur trop plein d'argent ou de pierres ne prenaient pas soin de ces derniers. Ils étaient trop confiants et se pavanaient comme des coqs (ou des stars).

Il expliqua également qu'il jouait beaucoup au poker, cela expliquant l'impossibilité pour Leiah de prévoir ses agissements. Elle ne jouerait certainement pas au poker contre lui. Il devait bluffer beaucoup trop bien. Un sourire sur les lèvres, elle hocha la tête alors qu'il ajoutait la raison de sa venue sur Terra. Il est vrai que les alcools sont de qualités et les plats plutôt bien préparés et exotique, une saveur agréable au palais de la demoiselle.

_ Et bien, tu dois être un joueur redoutable au poker. Je ne me risquerait pas à t'affronter sur ce terrain... Et j'apprécie également beaucoup les plats et alcools de Terra.

Elle passa une main dans ses cheveux, dénouant un noeud formé à cause de sa folle course, et reprit :

_ Je suis pour ma part plutôt étrange, comme tu dis, sans doute car je ne vole pas pour le plaisir d'amasser de l'argent. Ou parce que je sais me débrouiller ? De toutes manières, je ne viens pas d'ici et ça doit se voir.

Elle sourit, amusée et piocha dans sa poche pour faire rouler le saphir entre ses doigts. La pierre fraîche se réchauffa au contact de sa main et elle posa de nouveau son regard sur Erwan.

_ Tu m'as dis que tu déscendait sur Terra... Tu viendrais donc de la Terre ?

Elle n'avait jamais été sur la Terre, se contentant des aventures de Terra pour le moment. Mais ce serait chouette d'y aller, pour voir comment c'est, se faire de nouvelles proies...

Il eut, en l'entendant, pour unique souvenir celle d'une personne qu'il avait rencontré à Munich, et qui ne parlait pas un mot de français ; une voleuse qui ne volait que pour l'exploit, et non pour le butin. Elle était doué, mais il l'avait rapidement attrapé. Glisser une main dans la poche d'Erwan sans qu'il ne le remarque relevait du défi. C'était à cette même personne qu'il devait un tatouage sur l'épaule - une mouche écrasée -  et une sérieuse blessure à l'oeil. Toutefois, il avait passé de bons moments avec ce personnage si ... " Exotique ? Mh, ce n'est pas le mot. "
Un sourire discret se posa sur ses lèvres. Puis disparut. Il n'aimait pas son caractére si mélancolique, tout comme ses envies de revenir en arrière. Le regret était, à ses yeux, inutiles, mais il devait bien avouer que Paris lui manquait.
Mais cette Leiah n'avait rien à envier au charmes des parisiennes. Elle semblait si franche, si vivante, qu'il aurait pû - s'il n'était pas aussi distant - se prendre d'affection pour elle. Il fronça les sourcils, légérement.

- Effectivement, je viens de la Terre. De France, pour être plus précis.

Il mima une petite révérence.

- " Mademoiselle " , articula t'il en français, avec un grand sourire.

Par réflexe, il s'alluma une autre cigarette. Son péché. Il ne pouvait s'en détacher. Presque la moitiée de son salaire passait dans ses cigarettes. Puis il se tourna vers elle, un sourire aux lèvres.

- Je peux t'emmener sur Terre, si tu veux. Si tu t'en sens capable. Et je t'emménerais même déguster et savourer une véritable gastronomie française.

Il s'étonna presque de ses propres manières. Cela n'était pas habituel, chez lui, d'inviter des inconnues. Surtout des adolescentes ... Il fronça à nouveau des sourcils. Etait-ce à cause de l'air occidental de cette fille ? A force de ne fréquenter des japonais et japonaises, il est vrai qu'il essayait de parler à des personnes qui avaient des traits occidentaux, ne serait-ce que pour se rappeler sa chère France ...

La Terre. Jamais la belle n'y avait posé le pied. Mais elle serait ravie de visiter. Un jour. Il faudrait qu'elle trouve où entreposer son navire car elle ne pourrait sûrement pas l'emmener avec elle. Cette France, elle en avait entendu parler alors qu'elle épiait une de ces proies. Il vantait la gastronomie française, parlant de ces délices, de ces fragrances agréable qui émanaient, faisant saliver ses comparses. Et ils étaient tellement fascinés qu'ils ne se sont pas rendus compte qu'une main agile les délestaient du trop plein d'argent, subtilisant par la même occasion une chevalière avec une pierre d'onyx.

En souriant, elle l'observa faire une révérence, tout en prononçant un mot en français. La sonorité était agréable et bien qu'elle ne parlait pas le français, elle crut deviner que c'était comme lorsqu'on salue quelqu'un qu'on ne connaît pas. Du genre "Monsieur", "Madame" ou "Mademoiselle". Dans son cas, ce serait plutôt mademoiselle. Puis il s'alluma une autre cigarette. N'ayant jamais touché au tabac, Leiah ignorait l'effet que ça faisait et ne comprenait pas non plus pourquoi certains se plaignaient de ne plus pouvoir arrêter. Par contre, elle aimait bien la légère odeur âcre qui flottait dans l'air après. Bien sûr, il faut que ce soit avec modération. Trop la fait tousser et l'écoeurait.

La proposition faite ensuite étonna la jolie brune. Il venait bien de lui proposer de l'emmener visiter la Terre ? Et lui proposait également un repas français ? Intéressant. Un sourire illumina le visage de la jeune femme lorsqu'elle répondit :

_ J'en serais évidemment ravie. Mais j'ai certaines possessions qui nécéssitent d'être mise à l'abris, gardées en lieu sûr. Je ne voudrais pas me retrouver démunie en rentrant. J'ai eu du mal à me constituer ce que j'ai déjà...

Elle ne précisa pas qu'il s'agissait de son navire et de son butin comportant pierres précieuses et bijoux, ainsi que quelques affaires vestimentaires ou qui lui rappelait ses parents. Des bibelots sans grande valeur sinon celle sentimentale. Elle n'avait pas encore trouvé de personnes sûre, de confiance pour entreposer son navire et se refusait à l'abandonner. Le "Petite Sirène" était bien trop cher à ses yeux pour le laisser chez n'importe qui. Tout comme sa collection de pierres qui commençait à prendre forme. Cela dit, une fois qu'elle aurait trouvé, elle serait ravie de l'accompagner. Il était sympathique et n'avait aucune intention malhonnête envers sa petite personne.

Erwan accueillit cette remarque avec un sourire. Elle était comme lui, à ce niveau là : quitter Pigalle, le soir, était un véritable déchirement. Savoir loin de lui ses valeurs, ses possessions, ses richesses, des choses matérielles qui, pourtant, faisaient partie intégrante de son être et de son organisme, lui donnait certaines angoisses. Il craignait qu'il se passe quelque chose, sans qu'il puisse être là pour agir. La culpabilité l'assaillait facilement, ces temps-ci. Il détestait ce genre de sentiments ; regrets, frustration, culpabilité, compassion et pitié. Ce genre de choses ne lui allaient pas, et il ne jugeait même pas cela nécessaire à son bon fonctionnement.
Il hocha la tête, pour lui faire comprendre qu'il était compréhensif, et lui répondit d'une voix qu'il voulait rassurante.

- Ce n'est jamais qu'un petit voyage ... Mais si tu le souhaites, je peux t'aider.

" Tant que ce que tu dissimules n'est pas trop lourd à cacher ", faillit-il ajouter, mais il se retint. Elle n'avait pas l'air d'une personne apte à dissimuler bombes et armements dans sa cave, cependant il ne pouvait s'empêcher de se demander ce à quoi pouvait ressembler sa demeure. Une cabane dans les arbres ? Une maison abandonnée ? " Trop imaginatif, mon cher ... ".
Il tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette. Peut-être avait-elle un secret ... Là, déjà, il partait trop loin dans ses pensées. Il ricana intérieurement.

- Tu peux me faire confiance.

Là, il ne rigolait pas. Même s'il avait prononcé cette phrase de manière volage, sans prendre gaffe à ses mots, il les pensait ouvertement. Il ne trahissait jamais aucune confiance ...

Un sourire intrigué passa sur ses lèvres. Elle savait qu'il ignorait ce qu'elle avait à mettre en lieu sûr, mais il proposait quand même de l'aider. Il n'avait même pas demandé ce que c'était. Il était décidément bien gentil. Compréhensif aussi. Il respectait son silence. Et puis il ajouta, comme pouvant lire les doutes enfouis de la demoiselle, qu'elle pouvait lui faire confiance. Elle ne demandait que ça, mais avait beaucoup de mal à l'accorder. Sa mère lui avait appris à se méfier, lui disant que très peu de personnes étaient dignes de sa confiance. Et elle avait toujours suivi ces conseils, trouvant qu'ils étaient justes.

Ce soir cependant, elle avait vraiment envie de faire confiance à cet homme qui venait d'indiquer une fausse piste à son poursuivant. Il l'avait aidée sans la connaître, sans même se méfier, et il était bien aimable. Alors, avec un sourire mi-rassuré, mi-hésitant, elle lui révéla ce qu'elle avait à mettre en sécurité.

_ Ce qu'il faudrait en fait... C'est un entrepôt où stocker un petit navire avec une cabine. Un entrepôt sûr, bien évidemment, car j'ai quelques objets de valeurs à l'intérieur. De valeur sentimentale et monétaire. Si jamais tu connais un endroit où je pourrait entreposer mon petit navire, je serais ravie alors de pouvoir venir sur Terre.

Tout au long de sa prise de parole, elle avait tourner et retourner son pendentif entre ses doigts, nerveuse et appréhendant la réaction d'Erwan. Elle savait qu'il ne se transformerait pas en monstre sanguinaire et en voleur impitoyable, mais les doutes ancrés en elle étaient bien présents malgré son effort pour les ignorer.

_ Et j'essaie de t'accorder ma confiance, mais j'ai toujours été méfiante alors... Pardonnes moi si jamais je n'y arrive pas. Je ne doute pas que tu ne sois pas digne de cette confiance, mais je n'aime guère la donner trop vite...

Comprendrait-il sa méfiance naturelle ? Et verrait-il les efforts qu'elle faisait ? Peut-être. Ou peut-être pas. Après tout, elle se donnait un mal fou pour camoufler ses réactions...

- Je comprends.

Il tiqua. Il venait de répliquer vite, assez froidement, d'une voix monocorde, sans un seul sourire. Juste un " Je comprends " qui voulait tout dire. Pour lui aussi, une personne proposant sa confiance était une personne dont il fallait se méfier expressement. Pour lui aussi, faire confiance à une personne était un acte difficile - sauf que lui ne faisait, effectivement, confiance à personne d'autre que lui-même - , et il n'accordait la-dite confiance que dans des cas extrêmes. Combien de personnes avaient eue ce privilége ? Trois, quatre ... ? Il ne souhaitait même pas compter davantage, la réponse était toute faite : beaucoup de gens lui faisaient confiance, mais lui craignait tout le monde.
Cependant, pour se rattraper et ne pas paraître trop froid, il se reprit rapidement.

- Je veux dire ... Je fais un métier où la confiance est synonyme d'échec ... Il ne faut se fier qu'à soi-même.

Il fronça les sourcils, puis parvint à sa réflexion. Tracter un bateau jusqu'à la Terre ? Hum, il existait bien un passage, au delà d'une baie dans laquelle il venait plonger pour frôler les créatures marines, où les poissons de Terra cotoyaient ceux de la Terre sans aucune honte ... Il se tourna vers elle, remarquant son pendentif avec un soupçon de curiosité.

- Je connais un passage ... Il faut naviguer un bon quart d'heure en partant du port, longer la baie, et on atteint facilement la Terre, je peux t'indiquer le chemin ... La terrasse du restaurant donne sur la mer, tu pourras le surveiller du coin de l'oeil ...

Il pointa ensuite du doigt, avec délicatesse et sans aucune brutalité, son collier.

- Une valeur sentimentale, ce bijou ?

Encore une fois, ses mots lui échappaient de la bouche. Tssk, il fallait qu'il se contienne.

Leiah ne s'offusqua pas du ton plus froid avec lequel venait de répliquer Erwan. Ou du moins, elle n'en eut pas le temps. Car il se rattrapa rapidement, expliquant que lui non plus ne faisait pas confiance à beaucoup de monde. Son métier l'y obligeait. Elle hocha la tête, son sourire ne s'étant pas fâné, et écouta la suite. Un passage sur mer ? Sympa ça. Cela aurait l'avantage de ne pas l'obliger à abandonner son navire à un parfait inconnu. Elle pourrait donc garder un oeil sur ses possessions.

Suivant la direction du doigt d'Erwan, elle baissa le regard sur le pendentif qu'elle tenait entre ses doigts. Elle hocha de nouveau la tête et précisa, pour ne pas paraître timide brusquement :

_ Oui. En partie. Je ne le vendrais pour rien au monde, bien qu'il ait une valeur plutôt élevée...

Une grande valeur financière oui. La pierre étant des plus rare, la chaîne en or et le pendentif en argent, la valeur de ce collier était estimée à un prix bien supérieur à ceux des colliers comportant des rubis ou autre pierres précieuses. Mais la valeur sentimentale était encore bien plus élevée. Le pirate lui ayant offert ce collier avait tout de suite été aimable avec elle. Il avait même répondu de bonnes grâce à toutes ses questions, les plus indiscrètes comme les plus banales. Et la phrase qu'il lui avait dit, elle est restée gravée dans sa mémoire. Associant ses souvenirs, lorsqu'elle observait son pendentif, elle pensait automatiquement à cette phrase : "Chérie, la curiosité est un bien vilain défaut. Mais c'est ce qui m'a poussé à prendre la mer.". Jamais elle ne se séparerait de ce collier. S'il quittait son cou, il serait dans une de ses poches. Jamais bien loin.

_ Tu pourrais me montrer ce passage ? Et par la même occasion, comme tu connais la Terre, tu pourras m'accompagner en mer ?

Il la comprenait. Oh que oui, il la comprenait aisément. Il avait lui-même plusieurs objets qui comptaient à ses yeux autant que l'or ... Avec une vive et furtive nostalgie, il ressongea à Paris, et à tout ce qu'il avait laissé là-bas. Dans ces lieux l'attendaient encore de multiples choses, des objets délicieux et couverts d'une pellicule de souvenirs précis et savoureux. Des moments rares, succins, mais insondables aux yeux du reste du monde. La permière fille qu'il avait rencontré, il ne s'en souvenait plus, et ne gardait rien d'elle, mais il conservait amoureusement une montre à gousset qui lui avait été offerte par une des danseuses de son club parisien. " Serais-je, à mon grand malheur, insensible à l'amour ? "
Il aurait pu soupirer, mais s'en retint, se contentant d'un battement de cil, qui effaça cette pensée.

- Ce sera avec plaisir, répondit-il avec un sourire.

Il lui fit un signe de la main, lui demandant de lui indiquer la route vers son bateau, si précieux. Retourner sur Terre serait amusant. Lui qui comptait squatter Terra et ses bibliothéques ne risquait pas d'y faire long feu ... Mais inviter une personnalité aussi pétillante le contentait assez. Il n'y avait pas, là-dessous, de pensées jugées " malpropres " ou purement attachées à ce qu'on appelle avec délicatesse " les plaisirs de la chair". C'était juste un soupçon de ... " Hum, ne cherche pas tes mots, tu vas encore buter dessus, pensa t'il. "
Il regarda sa montre. Il n'était pas bien tard. Mais l'atmosphére était presque magique... Cela fut, à ses yeux, logique : Terra était un monde plein de surprises, et de magie.