Un grand bol d'air frais... [Coyotte]

Ce jour-là, la jeune Emma s’ennuyait. On était samedi, et le samedi est l’un des rares jours où l’on est libre de faire ce que l’on veut. Était-ce une bonne chose ? Oui, sûrement… Toutefois, la jeune fille ne trouvait rien à faire, par cette chaude journée d’automne.
Chaude ? Il y avait du soleil, c’était déjà ça… un pâle soleil qui ne tarderait sûrement pas à faire place à la pluie très bientôt… Mais pour le moment, ce n’était pas le cas, alors mieux valait-il en profiter non ?
Et, comme la lassitude commençait déjà à s’emparer d’elle, elle prit la décision de sortir. Sûrement trouverait-elle quelque chose pour tromper l’ennui ? Elle l’espérait…
Ce fut durant l’après-midi que Emma mit enfin le nez dehors. Elle était vêtue d’un tee-shirt rose, surmonté d’un gilet noir, ainsi que d’une jupe rouge et des collants, et sans oublier ses petites bottes noires. Il valait mieux se mettre au chaud, car elle ne comptait pas attraper un rhume! Ce fut donc pour cette raison qu’elle emmena une petite ombrelle.
 Elle avait toujours, dans les cheveux, ses inséparables barrettes, qui soutenait sa frange, et son grand nœud dans les cheveux, ce jour-là, elle avait décidé de mettre le bleu. Cela ne faisait que renforcer son aspect de gamine!
 Ainsi vêtue, elle se trouvait au milieu de la rue, réfléchissant au lieu dans lequel elle pourrait se rendre. Le parc… C’était une bonne idée… Elle aimait le calme, et la sérénité qui se dégageait de cet endroit.
Alors c’était décidé! Tout sourire, les écouteurs sur les oreilles, elle marcha en direction du parc.
Elle n’habitait pas très loin de ce dernier, en moins de dix minutes, elle fut arrivée. Emma se dirigeait à présent dans un coin à l’abris des regards, et s’assit sur un banc. Elle enleva de ses oreilles les écouteurs. Comme elle appréciait ce calme! Et ces odeurs! Le parc sentait bon l’herbe mouillée, il avait plu la veille. Elle entendait quelques oiseaux piailler. Alors elle ferma les yeux, profitant un maximum de ce grand bol d’air frais, de ses chants d’oiseaux et de ce calme…

La chasse avait été maigre : un lapin et un rat. Coyote put se débarrasser de ses gargouillements au ventre mais il n'était pas rassasié, ô quelle sensation désagréable... Corbeau becta ce que Coyote avait vidé du lapin et Serpent se contenta du rat. Cette maigre végétation dans ces plaines hostiles et désertiques n'étaient pas un Eden... Tant pis, peut-être que le sommeil aura raison de sa faim, si elle ne les empêche pas de dormir. Vint donc le matin et sa brume qui dissimule le soleil et empêche la terre de se réchauffer. Bien qu'il n'est pas sujet au froid, Coyote s’emmitoufla dans sa cape de fourrure : ce paysage brumeux lui donnait la chair de poule, ce qui est en soit un comble pour lui. Corbeau sur son épaule, Serpent sous sa cape, notre homme cornu continua sa route dans la mince végétation qu'il avait découvert la veille. Son avancée fut difficile : il s'était pour ça fabriqué un bâton de marche en bois, creusé de quelques symboles indiens et ornés de plumes à son sommet. La marche est difficile et Coyote ne put dire combien de temps il marcha à tâtons dans ces fourrées.

Pourtant, quelque chose le marqua. Lors de sa marche, il sentit quelque chose, il ne sut dire quoi, changer. L'air, l'atmosphère, l'odeur... Le corbeau sur l'épaule de Coyote s'envola à la recherche d'un quelconque indice. Quant au Dieu, il continua sa route jusqu'à ce qu'il compris qu'il n'était pas là où il était censé être. Corbeau se reposa sur l'épaule de son ami et prononça ces quelques paroles :

   - Il y a une cité humaine non loin d'ici. J'ai peur que nous soyons dans un endroit encore plus hostile qu'avant...

La modernité et ces trois lurons n'étaient pas très amis. Coyote avait un mauvais souvenir des villes sédentarisées. Il continua néanmoins sa marche et il put distinguer certains bâtiments à travers le feuillage orangé des arbres. Bigre, qu'ils avaient l'air si... évolués ? Combien de temps avaient-ils sombré dans l'inconscience pour que l'humanité ait atteint une telle expansion ? Coyote fronça les sourcils, intrigué par cette boule se formant dans son estomac. Du stress ? Plutôt de la peur, de l'appréhension. Serpent, avant de se dissimuler un peu plus sous le manteau de fourrure, lui siffla :

   - Fait attention à toi...

Ainsi Coyote se concentra quelques instants pour effacer les cornes de son crâne. Il était toujours aussi maquillé, mais il n'allait pas enlever ces traces de rituel. En revanche, il regrettait de ne pas avoir d'habit un peu plus civilisé que sa cape de fourrure et de plumes et que son pantalon en lin accompagné d'énormes bottes de voyage. Tant pis, au pire il passerait pour un excentrique dans ce pays de... Mais, où était-il au juste ? Les écritures sur les panneaux publicitaires ne lui disaient absolument rien. Il devait sans-doute se trouver sur le Vieux Continent.

Son voyage le fit sortir des bois, débouchant ainsi sur une grande plaine de verdure où des arbres et buissons étaient parsemés çà et là. Décidé à se méfier des environs, Coyote fit de son possible pour ne pas s'exposer même si a priori il n'y avait personne dans les environs. Il furète, observant – de près et de loin – ce qui l’entoure. Finalement, notre protagoniste aperçoit une silhouette sur un banc, manifestement une jeune femme. Curieux, il s'approcha tandis que Corbeau pris son envol pour se poser sur la branche d'un arbre non loin d'ici. Coyote ne cherche pas à se cacher, après tout selon son peuple, ce serait lui qui aurait créé les humains, un peu de respect tout de même.

Il s'échappa du buisson dans lequel il était caché pour se poster à quelques mètres derrière le banc. Il remarqua que la jeune femme était blonde... Une Européenne ? Il se pourrait, même si l'Europe et l'Afrique étaient les seuls endroits de l'Ancien Monde qu'il connaissait. Coyote sourit. Même s'il était en terre hostile, l'envie de jouer était plus forte. Ainsi il s'assit en tailleur derrière le banc tout en sifflotant un air, sans se soucier de sa cape trainant sur les feuilles mortes. Autant laisser la surprise de la découverte à sa convive (même si c'était plus lui le convive à cet instant) !

Emma se trouvait toujours assise sur le banc, les yeux fermés, écoutant les oiseaux chanter, et sentant les bonnes odeurs. Une chose était sûre, elle devrait venir ici plus souvent! Elle aimait vraiment cette ambiance, c’était bien plus calme que la ville remplie de bruit! Non pas qu’elle ne se plaisait pas en ville, elle appréciait bien entendu sortir, et s’amuser là-bas! Seulement, ce calme était si reposant…
 La prochaine fois, elle songerait à amener un livre, et bouquinerait. Elle aimait beaucoup se plonger dans des ouvrages durant des heures entières!
Toujours plongée dans ses pensées, la jeune fille eut un léger sursaut lorsqu’un brusque bruit parvint à ses oreilles. Un cri d’oiseau… un corbeau ? Elle en eu la confirmation lorsqu’elle leva son regard. Il y avait bien, perché sur une branche non loin, un de ces oiseaux noirs, sois disant annonciateurs d’une mort prochaine. Heureusement, elle ne croyait pas à ces histoires. Pour Emma, le corbeau était un oiseau comme les autres, pas plus annonciateur de la mort qu’un pigeon ou un moineau!
Sans savoir pourquoi, elle était tout de même perplexe. Elle ne rêvait pas! Il y avait bel et bien quelqu’un qui sifflait!
 Elle balada son regard autour d’elle.  Quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu’elle aperçu, lorsqu’elle se retourna, quelqu’un! La blondinette fut, dans un premier lieu, littéralement surprise, elle ne pu s’empêcher de se lever brusquement. Après tout, elle ne s’attendait pas du tout à cela… vraiment pas du tout…
Il s’agissait d’un homme… Ce dernier était… étrange ? Oui, sans doutes… Il ne semblait pas d’ici… La peau légèrement tannée, il portait une grande cape de fourrure blanche. Tiens ? Il avait un petit air de ressemblance avec ces indiens que l’on voyait quelques fois dans les livres!
Une fois que l’effet de surprise fut passé, Emma s’approcha de cet homme. Et, souriante, elle se mit à parler:

« Vous aussi vous êtes venu profiter de ce parc ? C‘est reposant ici, vous ne trouvez pas ?»

Emma avait toujours été d’un naturel plutôt bavard. Elle aimait aller vers les autres, et elle ne voyait pas pourquoi elle ferait une exception ce jour-là. Alors, tout sourire, elle attendit une réponse de l’homme.

Notre homme sourit de plus belle : la jeune femme n'était pas farouche ! Il se serait presque attendu à ce que la demoiselle se retourne, bombe au poivre à la main, lui demandant qui il était, s'il était un pédophile ou s'il mangeait les enfants. Bon, après, c'est sûr qu'elle ne devait pas s'attendre à trouver un Amérindien ici. Ici... ah oui, ils étaient où déjà ?

   - Vous aussi vous êtes venu profiter de ce parc ? C‘est reposant ici, vous ne trouvez pas ?

Coyote ne répondit pas de suite, traitant d'abord la question. Il avait quelques soucis avec les langues étrangères mais heureusement que ses dons de télépathie étaient bel et bien fonctionnels. En tout cas, c'était une étrange question pour une première question. Utilisant à nouveau ses dons de télépathie pour que son interlocutrice le comprenne (à moins qu'elle ne comprenne l'Algonquin), il lui répondit :

   - L'air y est agréable, en effet. Hélas, je m'y sentirai plus reposé s'il n'y avait pas autant de construction tout autour... Je me suis toujours demandé comment les humains pouvaient vivre dans leurs « forteresses de fer et de béton » ! Étonnant que Mère Nature ait laissé faire ça... dit-il avec un air un brin rêveur, impressionné par l'architecture environnante.

Ce que Coyote prononce, son interlocutrice le comprend, dans sa langue maternelle, sans s'en rendre compte, mais ne nous attardons pas sur ça. Il sourit à nouveau avant de se lever, se montrant ainsi sur toute sa hauteur. L'homme jeta un bref coup d’œil à Corbeau avant de ramener son regard sur la blondinette. Il mima grossièrement une révérence légèrement exagérée, son bâton toujours en main, avant de demander à son tour :

   - À qui ai-je l'honneur, mademoiselle ? Un minimum de politesse de ma part serait la bienvenue, donc !

L'homme à la peau brune rangea ensuite son bâton à sa ceinture avant de croiser les bras, toujours tout sourire. Il n'allait pas la taquiner tout de suite, voyons ! Coyote sait aussi faire preuve de savoir vivre avec les enfants. Vu son âge et son statut divin, il est en position de pouvoir appeler quiconque « son enfant », de manière affectueuse comme de manière ironique.