Je sens ses doigts jouer et faire des aller-retours sur ma veste. Sentir ses ongles à travers ma veste me rend tout chose... A vrai dire à ce niveau là j'avais jamais vraiment été fan des trucs ultrahardcore, j'avais toujours préféré les trucs simples, doux... Qui flattent ma sensibilité en somme. Et sentir ses ongles sur ma veste me procurait des frissons... Incontrôlés. Moi qui ai toujours pu me vanter de mon self-control, de mon côté indifférent et blasé; des qualités qui m'ont servi dans de nombreuses situations. Et qui m'ont desservi dans de nombreuses autres. En fait, j'avais tendance à tout rationaliser, raisonner, calculer. Si au lycée et en exam ça sert pas mal (et ça m'avait sorti de cas difficiles), en amour, et de manière générale dans les relations humaines, parait-il que c'est désagréable d'être face à un mur. J'suppose que c'est la sensation d’iniquité, de se savoir à découvert tandis que l'autre était impassible, neutre. Certains pensaient même que mon allure de pierre cachaient un coeur du même matériau. Alors qu'au contraire je suis parfois même plus sensible qu'eux, des fois même trop...
Elle me parle alors de ma tenue, sur laquelle elle cherche ses mots. J'étais confiant à ce niveau là, c'était une de mes seules tenues correctes, mais celle là elle était assez classe, j'l'aimais bien. Ceci dit, apparemment elle ne m'irait pas, j'étais assez surpris sans le montrer et je continuai à l'écouter. Jusqu'à ce qu'elle mette le doigt dessus, elle serait trop lisse. Plutôt bien vu, j'dois avouer. C'est assez paradoxal de critiquer à moitié le système (et les codes qui vont avec), si c'est justement pour se caler sur ces dits-codes. Et c'est vrai que c'est paradoxal, mais l'infime lueur de coquetterie qui réside en moi avait eu raison de ce paradoxe. Et puis bon, c'est pas comme si j'avais le choix, comme elle le dit elle même, pour un entretien d'embauche ça présente bien. Mieux que mes habituels T-shirt et rares polos.
Elle enchaine sur deux-trois phrases sur le rôle des profs, et le pourquoi de ce qui était devenu un rendez-vous. Elle s'était levée et me poussait légèrement vers les tables derrière. Ca s'annonçait bien. Pas pour la morale mais bon. Son petit speech collait parfaitement à ce que je pensais: un moule abscons dans lequel on accepte ou non de se caler. Et de toute évidence je refusais. Elle continue en me décrivant et en parsemant ses phrases de compliments. Pas habitué. Je rougis et un fais un petit sourire gêné.
Soudain son discours prend une autre forme, au delà des lieux communs elle parle de nous deux, de l'instant, du présent. Certaines phrases, certaines locutions, certains mots font *tilt*. " envie de toi... ". Elle me présente la situation de sa voix douce qui berce mes oreilles et je ne peux m'empêcher de poser ma main gauche sur sa joue. Allez c'est bon là, elle a avoué, j'ai une prise de risque minimale. J'crois pas à un piège ou à une mauvaise farce. Puis même si c'est le cas j'ai des moyens de contre-attaquer. Donc là rien, c'est bon j'suis en roue libre. Elle avoue, et me fait avouer d'une certaine sorte, puisqu'au moment ou elle présente ma position actuelle je ne peux m'empêcher de laisser échapper un sourire franc mais bref. J'avoue que bien que cela me gêne énormément, j'aimai être flatté et être cerné. La sensation d'être important sans doute. La sensation d'être compris également.
Elle se met sur la pointe des pieds, je le sens, et elle vient me glisser quelques mots à l'oreille de sa voix devenue tendre. Alors je pourrais plus partir... D'habitude quand on me sort des trucs comme ça, ça me motive à essayer. Mais là non. Elle formulait sa phrase comme si j'étais tombé dans un piège, tombé entre ses griffes. Et bah à vrai dire, j'voulais bien être sa proie... Et d'un coup, l'éclair qui brise la nuit. Sa main qui s'était jusque là cantonnée à ma ceinture (et j'avais bien senti ça, et ça avait encore plus renforcé mon intimité) était descendue plus bas. J'vais pas mentir en disant que je m'y attendais pas. Mais ça surprend quand même un peu. Elle avait remarqué ou c'était une coïncidence...?
Mon coeur battait la chamade, et je sentis mon rythme cardiaque jusque dans ma gorge. Les hostilités étaient ouvertes. Ma main encore sur sa joue passe dans sa nuque et je ne peux m'empêcher de lui déposer un baiser. Tendre. Doux. J'me voyais mal partir dans quelque chose de fougueux où on se saute dessus. J'connaissais, c'était pas le problème. Jusque que je voulais contrôler un peu le début pour éviter que ça parte totalement en live. Enfin bon ça m'empêchait pas de laisser ma main droite sur ses hanches tomber inexorablement, lentement durant le baiser, jusqu'à ce qu'elles se posent sur ses fesses. Une fois arrivé là, je plaquais son bassin contre le mien. Plus de barrière prof-élève, on était simplement des personnes consentantes.