Lelouch partit en faisant virevolter sa cape. Encore un qui aimait les effets théâtraux… Sans rien ajouter, Sha les regarda partir, ne pensant pas grand-chose de cette entrevue. Il n’y avait rien à penser, de toute façon. Ce n’était pas la première fois qu’on venait déranger Sha pour lui demander de l’aide, pour lui demander de faire usage de ses pouvoirs. Généralement, l’Ombre s’y refusait, au nom du principe de non-ingérence des Dieux dans les affaires des races inférieures. Un principe qui connaissait bien des limites, et qui en connaissait à vrai dire tellement qu’on pouvait se demander si la norme n’était pas plutôt l’intervention divine. Les Dieux avaient après tout conçu les espèces inférieures, probablement comme d’autres espèces supérieures avaient un jour conçu les Dieux… Même s’il était plus probable que Dieux et hommes se soient mutuellement créés, chacun étant à l’image de l’autre.
S’éclipsant de cette salle, Sha se téléporta dans ses quartiers, esquivant Mirei. Elle s’enferma dans sa chambre, et enveloppa son corps physique d’un bouclier de protection, avant d’utiliser sa forme astrale pour rejoindre une pièce sans porte, qu’elle appelait la Sphère. Un objet concentrique, qui concentrait les flux divins. Sha s’y rendit pour méditer, et se laissa absorber. Elle sentit les prières de ses sorcières, les invocations, les demandes de malédictions, et ne fit plus qu’un avec une espèce de conscience collective abstraite, sentant les heures défiler bien rapidement.
Lorsqu’elle revint à elle, le soleil se couchait dehors. Son Temple se portait bien, de même que son culte. Elle en avait profité pour sonder l’esprit de ses sorcières, exploiter leurs connaissances, réunissant des informations sur le « Sacrémentium ». Elle avait ainsi découvert que c’était effectivement un sort secret, un sortilège interdit, qui modifiait profondément celui qui l’utilisait, lui donnant une sorte de conscience omnisciente pour repérer les flux magiques. Ceux qui avaient tenté d’utiliser ce sort étaient, soit devenus fous, soit avaient été détruits par les afflux magiques. C’était un sort de nature divine, après tout, qui n’était normalement pas réservé aux humains. Sha doutait que Lamperouge réussisse à contrôler un tel afflux, mais, s’il y arrivait, Sha s’exposerait à un risque certain. Ses motivations n’étaient clairement pas altruistes, plutôt tournées vers le chaos et la destruction. Quoiqu’il en soit, elle avait aussi acquis de manière certaine comment obtenir des informations supplémentaires sur ce sort, et sur le rituel.
Elle décida de dîner seule ce soir, ou, du moins, en compagnie de Lamperouge. Généralement, elle dînait avec des esclaves, ou des servantes, mais, puisque Lamperouge avait réclamé un « tête-à-tête », elle n’allait pas le décevoir. Sha ignorait toujours que faire à son encontre. Le tuer semblait être l’approche la plus simple, mais elle doutait qu’il se laisserait faire, et, encore une fois, elle ne voulait pas endommager son précieux temple. Il faudrait donc sûrement trouver une autre approche du problème.
« Sha... C'est moi... Lamperouge.... Je suis là... »
Elle l’avait entendu venir sans aucune difficulté, et, d’un geste, elle ouvrit les portes. Les grandes portes s’ouvrirent par l’intérieur, donnant sur un abîme noirâtre. Les grandes fenêtres de la salle à manger étaient obscurcies par des rideaux, et Sha n’avait allumé que quelques solitaires bougies, au centre de la table, n’éclairant que partiellement cette dernière. L’Ombre était dans son antre, et les portes se refermèrent derrière Lamperouge.
« Installez-vous… »
Sha ne mangeait que par simple plaisir de la gastronomie. En tant que Déesse, elle ne connaissait pas la faim. Elle restait plus ou moins dissimulée dans les noirceurs de la salle, son visage apparaissant de manière diffuse sous les reflets des quelques discrètes bougies.
« Alors… Avez-vous toujours en tête ce projet insensé de réaliser le ‘‘Sacrémentium’’ ? Je suppose que vous avez déjà du vous renseigner sur ceux qui ont tenté de l’acquérir… Des Archimages, de puissants démons, qui, à votre manière, rêvaient d’acquérir le pouvoir ultime. Des gens qui n’ont visiblement pas compris à quel point la vie est ironique. Pensez-vous vraiment réussir à contrôler un tel flux, là où tant d’autres ont échoué, même en ayant parfaitement accompli les étapes du rituel ? »