Halte!... [PV: Voodoo]

C’est honteux! Mais tu veux bien me dire ce que j’ai fait de mal pour qu’on m’envoie faire les guets? Je fais partie du groupe Echo qui vont faire une mission pour capturer un chef du cartel de drogue le plus sérieux au Japon, et je dois me taper des : "Regarde, un intrus! Oh, non c’est un rat… tire dessus!" C’est vraiment rageant!


Ça, c’est le gros défaut de Shunï Azikamü; une fois contrariée, la jeune femme se met à maugréer contre tout ce qui a été fait ou dit dans les derniers instants. Mais cette fois, selon l’officier en charge du groupe Echo, elle avait été trop loin en sortant en douce pour mener une mission qu’elle seule connaissait l’existence… Depuis le camp de formation où elle avait été l’institutrice, où elle continuait à l’être, mais seulement avec des militaires qui ne lui feraient pas perdre son temps, Shunï menait une mission de haine contre les vampires, comme si quelque chose c’est produit pendant ce camp, quelque chose qui avait complètement bouleversé sa vie et maintenant, elle s’était mise en tête de ne plus laisser de vampire vivant près d’elle… Sauf que c’était une mission illégale, et l’armée aurait dû sévir, mais ce n’était pas dans les plans de la garnison de Seikusu de se départir d’un de leurs meilleurs tireurs… Grommelant encore pour elle-même, elle scrutait l’horizon, à l’extérieur du grillage barbelé, jetant un œil sur l’intérieur du camp.


Celui-ci semblait tout à fait à un camp provisoire normal; les grosses tentes vertes semblaient prêtes à foutre le camp au moindre coup de vent, mais tous savaient qu’elles étaient très résistantes. Le filet vert, recouvert de végétation  pour tromper les yeux dans le ciel, complétait vraiment le cliché du portrait d’une base militaire, vu dans à peu près tous les films. La raison pour laquelle cette base, pourtant permanente, avait l’allure d’un camp militaire provisoire, c’était qu’il fallait montrer aux recrues à se déplacer dans ce genre de campement. D’ailleurs, le camp était situé au dessus d’un laboratoire souterrain de recherches militaires pour des armes plus puissantes, humvees moins polluant et possédant une meilleure autonomie, ect. Et c’était précisément ce que les tireurs protégeaient, nuits et jours, depuis maintenant quinze ans.


Une ombre avait attiré l’attention de la TDE, qui scrutait momentanément la partie intérieure de l’enceinte. À cette distance, même si elle touchait sa cible, ça allait aisément traverser et alerter la garnison au complet. Or, elle avait déjà fait assez de vague pour cette année… Posant son fusil de précision au sol, elle attrapa le famas qui était accoté contre la rambarde avant de descendre rapidement l’échelle, l’arme accrochée à son épaule.


En silence, elle s’approcha de la silhouette, qui ressemblait de plus en plus à une femme de dos, à chaque mètre franchi. Une fois assez près, elle arma son fusil d’assaut, faisant détoner un « Cric » guttural, et alluma la torche intégrée.


Halte! Lieut… Sergent première Classe Azikamü… Vous êtes en territoire militaire japonnais, veuillez décliner votre identité, ou je fais feu!


Eh oui, ils ne s’étaient pas contentés que de lui donner une tape sur les mains, ils avaient même retiré ses galons de lieutenant…

La nuit était tombée depuis bien longtemps et le camp militaire était plongé dans l'obscurité. C'était une nuit sans lune, mais Voodoo, grâce à sa nyctalopie, arrivait à discerner sans trop de mal les formes des tentes militaires. Malgré son aspect quelque peu banal, ce camp n'était pas ordinaire. Mais ça, elle le savait déjà.

Profitant d'une petite virée en ville, le colonel du camp s'était rendu au Dahlia Noir. Après avoir contemplé les charmes des danseuses dans la salle principale, il avait décidé de s'offrir un petit show privé dans un des petits salons prévus à cet effet ; son choix s'était porté sur Voodoo que lui avait chaudement recommandé un commandant, la qualifiant "d'ultra-bandante".
Cette dernière lui avait donné un petit spectacle de derrière les fagots qui avait eu pour effet d'exciter les hormones de l'officier quadragénaire, lui faisant oublier bobonne et ses enfants ainsi que toute prudence : émoustillé par les appas de la mutante, ainsi que par quelques coupes de champagne, il avait parlé du camp dont il avait la charge, des opérations ultra-secrètes qui s'y déroulaient, du laboratoire souterrain...

Ce n'était plus qu'il n'en fallait pour éveiller la curiosité de Voodoo qui décida d'aller vérifier tout cela sur place. Elle donna rendez-vous à l'officier après son service, ("nous pourrons continuer notre tête à tête dans un endroit plus intime..."), dans une petite chambre d'hôtel,, lui offrit un baiser "fatal" (grâce aux toxines contenues dans son corps ; elle ne l'avait pas tué, simplement plongé dans une sorte de coma) et vola ses vêtements ainsi que ses papiers, laissant son corps inerte sur le lit ; il se réveillerait dans quelques heures, avec une affreuse gueule de bois et peu de souvenirs de ce qui s'était passé durant cette nuit...

Sous les traits du colonel - qui s'appelait Yoshiro Takuzeka - elle entra sans problème dans le camp, trompant la vigilance des sentinelles posées à l'entrée (et pour cause !). Une fois hors de portée du poste de garde, elle reprit son apparence, se fondit dans la pénombre, à la recherche de l'entrée du laboratoire secret.

Halte! Lieut… Sergent première Classe Azikamü… Vous êtes en territoire militaire japonnais, veuillez décliner votre identité, ou je fais feu !

Flûte, j'ai été repérée !

Elle s'immobilisa, se demandant comment elle avait pu se faire avoir aussi bêtement : trop de confiance en elle, telle était la réponse. Elle reprit les traits du colonel et se retourna vers le gradé, un léger sourire aux lèvres :

- Eh bien sergent, on ne me reconnait pas ? Je suis le colonel Takuzeka ! Ceci dit, je vous félicite pour votre vigilance : cela prouve que vous prenez votre mission très à cœur...

Sa voix était exactement celle de l'officier, avec les mêmes intonations, les mêmes inflexions.

Lorsque le colonnel en question se retourna Shunï eut un sacré sursaut. Pourtant, de loin, avec le buste qu’il avait, elle aurait juré qu’il s’agissait d’une femme! Mais bon, ça restait son supérieur, elle baissa donc l’arme, et d’un même geste se mit au garde à vous, les yeux grands ouverts.


Vraiment désolée, mon colonnel! Je n’ai vu qu’une silhouette dans l’ombre et je me demandais qui rôdait… Si vous voulez bien m’excuser, je vais retourner à mon poste…


Alors qu’elle se retournait, Shunï figea un instant. Elle venait de se rappeler de quelque chose qui la fit changer d’idée, se questionnant un certain instant. Pivotant sur elle-même une nouvelle fois, elle lança à son colonel, qui s’éloignait d’elle.


Au fait, mon colonel, n’étiez vous pas censé être à l’enterrement de vie de garçon, de votre neveu?


La rouquine savait, grâce à la très mauvaise réputation du colonel, que celui-ci ne manquerait jamais au grand jamais l’opportunité d’aller dans une boîte de striptease, alors que faisait-il ici? Avait-il oublié quelque chose? Pourtant, ce n’est pas le genre du colonel que de revenir sur le camp pendant ses congés, surtout lorsqu’il y a quelque dizaine de stripteaseuses qu’il pourrait matter… Shunï commençait à croire qu’il y avait anguille sous roche…


Ça n’est pas aussi amusant que ça en avait l’air, alors vous avez décidé de rentrer plus tôt? Enfin, ce n’est pas de mes oignons, et je retourne à ma ronde!

La réaction du sergent fut instantanée quand elle découvrit que "l'intrus" était en réalité le colonel de la base (enfin celui qu'elle croyait être le chef de corps) : elle baissa son arme, se mit au garde à vous, rentrant le ventre, bombant le torse, serrant les fesses...

- Repos !
- Vraiment désolée, mon colonnel! Je n’ai vu qu’une silhouette dans l’ombre et je me demandais qui rôdait… Si vous voulez bien m’excuser, je vais retourner à mon poste…
- Très bien, vous pouvez disposer !

Voodoo sourit intérieurement : c'était vraiment trop facile de berner ces humains ! Leurs sens étaient émoussés et ne parlons pas de leur incapacité à percevoir les pensées d'autrui. Non vraiment, ils étaient une proie facile pour n'importe quel prédateur.

Comment feront-ils le jour où ils feront face à une invasion extra-terrestre ?...

Car c'est en partie pour cette éventualité que le Projet Voodoo avait vu le jour : créer des êtres capables de détecter toute tentative d'intrusion alien sur le sol terrien (les américains et leur paranoïa des êtres venus d'une autre planète, c'est toute une longue histoire...).

Alors que le faux colonel et la vraie sergent s'éloignait, cette dernière se retourna et lui demanda :

- Au fait, mon colonel, n’étiez vous pas censé être à l’enterrement de vie de garçon, de votre neveu ?

Voodoo se retourna et dit d'une voix sèche :

- Mêlez-vous de ce qui vous regarde !

Si elle avait commencé à donner des explications, nul doute qu'elle se serait peut être emmêlée les pinceaux et cela aurait sans doute mis la puce à l'oreille de cette sergent qui était, il fallait bien le dire, charmante, mais un peu casse-pieds ! Autant répondre laconiquement, ça créera moins de soupçons. D'autant plus qu'il était un officier supérieur et elle une subordonnée, par conséquent, elle n'avait pas à l'interroger comme elle l'aurait fait à un simple 2ème classe.

Ça n’est pas aussi amusant que ça en avait l’air, alors vous avez décidé de rentrer plus tôt? Enfin, ce n’est pas de mes oignons, et je retourne à ma ronde !

La mutante émit un grognement qui pouvait passer pour un "bonsoir" puis elle s'éloigna d'un pas tranquille. Après s'être assurée que la sergent ne la suivait pas (ce qui était plus ou moins facile vu que Voodoo avait les sens aiguisés et qu'elle pouvait lire les pensées des êtres doués d'intelligence sur quelques mètres à la ronde), elle se faufila discrètement, toujours à la recherche de l'entrée de la bases secrète.

Eh bien, le colonel était d’une humeur massacrante ce soir! Probablement qu’une des filles avait refusé ses avances et c’était la raison pour laquelle il était si renfrogné ce soir… Mieux valait ne pas trop insister, et c’était la raison pour laquelle Shunï était partie… Généralement, son instructeur était plus tendre avec elle qu’avec les autres, et son comportement était légèrement suspect, mais rien à craindre de ce côté, il avait toujours eut une attitude étrange… Alors qu’elle s’éloignait du faux colonel, elle appuya sur un bouton de l’oreillette qu’elle portait.


Ici Shunï… On dirait que le colonel a passé une mauvaise nuit, et il est de mauvais poil! Il m’a rapidement envoyé paître… Continuez vos gardes sur les sentinelles, je vais faire la ronde au labo, je suis déjà au sol.


Héhé, au facial qu’il a, même les stripteaseuses, pour plus de 10 000 yens refuseraient de coucher avec lui! Parfait Sergent Azikamü, je prendrai ta place lors de ton tour de ronde. Terminé.


D’un petit rire, la jeune femme marcha tranquillement, son Famas entre les mains, l’index longeant le fusil, tout juste au-dessus de la gâchette. Après quelques secondes de faufilage entre les tentes vertes, Shunï se retrouva devant une tente, plus petite, qui n’abritait qu’un simple escalier, menant à de lourdes portes d’acier gardées par deux hommes. D’un petit hochement de tête, la jeune femme salua les deux gardes avant de franchir les portes que les gardes avaient ouvert pour elle.


Le talon des bottes d’armée de Shunï résonnait dans le grand couloir vide, débouchant sur une nouvelle porte solide et épaisse, qui ne pouvait être ouverte que de l’intérieur. Rangeant son arme à l’endroit prévu à cet effet, elle frappa plusieurs fois à la porte. Après un court instant, un homme à lunette ouvrit une petite portion de la porte, seulement pour voir qui était là; la rouquine qui se tenait devant la porte lui offrit son plus grand sourire de gamine avant de faire aller frénétiquement sa main. Lui rendant ce même sourire, le scientifique pointa de la tête une combinaison blanche.


Salut Shunï, tu dois mettre la combi, si tu veux pouvoir entrer.


D’un léger soupir, la jeune femme s’exécuta, avant d’entrer par la porte ouverte. Une fois la porte derrière elle fût refermée, la garde mit le masque que lui tendait le scientifique avant de mettre le capuchon, et d’écarter les bras. Un jet la frappa de tous les côtés, sous tous les angles afin qu’elle soit bien stérile une fois à l’intérieur.


Vous faites encore des essais pour des armes atomiques?


J’ai l’impression que ces essais ne s’arrêteront jamais…


Shunï, une fois la stérilisation complétée, farfouilla dans chaque coin de la pièce, à la recherche de quelque chose qui pourrait être suspect, une trace étrange ou quelque chose du genre qui pourrait indiquer la présence d’un individu non désirable, aussi bien humain qu’animal. Une fois la recherche, heureusement infructueuse, terminée, la rouquine retourna  vers la porte avant qu’on ne l’interpelle.


Shunï! Vient voir ça!


La jeune femme, intriguée, se retourna pour aller vers l’ordinateur. Sur le moniteur, il y avait une balle trois fois plus grosse que sa grandeur réelle. Celle-ci était semblable aux autres, mais différente à la fois, comme si elle était plus pointue. Sachant l’intérêt que portait Shunï pour les armes, le scientifique était bien sûr que cette nouvelle balle allait l’intéresser.


C’est une balle efficiente. Elle peut atteindre une vitesse jusqu’à 50 % supérieure à son ‘’ancêtre’’ et ce, avec le quart de poudre noire à l’intérieur. Cependant, elle n’est encore qu’un prototype.


C’est qu’un prototype et vous parlez déjà d’ancêtre pour les balles conventionnelles? C’est bien les scientifiques, ça!


D’un grand éclat de rire en cœur, les deux jeunes gens continuaient à regarder les nouveaux prototypes d’armes qui seraient le nouvel équipement de la jeune femme d’ici deux ou trois ans.

En fait Voodoo était un peu revenue sur ses pas, prenant garde à ne pas tomber de nouveau face à la sergente : une intuition secrète lui murmurait qu'elle devait savoir où se trouvait l'entrée du labo souterrain ; quand elle la vit de dos, elle la suivit discrètement, prenant garde à ne pas se faire repérer. Les humains avaient des sens émoussés mais ils pouvaient se révéler plein de surprise. Aussi ne courra-t-elle aucun risque.

La militaire entra dans une tente et Voodoo sut qu'elle avait atteint son but. La tente était trop petite pour abriter deux soldats et, d'après ce qu'elle en savait, aucun d'entre eux ne dormait seul : ils marchaient toujours en binôme.

Tapie dans l'ombre, elle attendit quelques minutes avant d'y aller à son tour. La jolie gradée pourrait trouver bizarre que le chef du camp se retrouve tout de suite après elle dans le complexe. Quand le moment fut venu, elle se dirigea vers la tente. C'est alors que le faisceau lumineux d'une lampe l'éblouit : elle venait de se faire repérer de nouveau par une sentinelle ! Décidément, elle n'était pas en forme ce soir...

Fort heureusement le soldat, qui tenait au bout d'une laisse un berger allemand, reconnut l'officier et se mit instantanément au garde à vous :

- Oh désolé colonel ! Je me demandais qui c'était et...
- Il n'y a pas de mal ! Vous ne faites que votre boulot, c'est tout. Tout est calme cette nuit ?
- Tellement calme qu'on entendrait une mouche péter si vous me passez l'expression.
- Bien, continuez votre ronde !

Et sans rien ajouter d'autre, la mutante entra dans la tente.

Le berger allemand gémissait et la sentinelle fut un peu étonnée du comportement inhabituel du chien : on aurait dit qu'il était terrorisé... Il appela le sergent Azikamü avec son talkie-walkie pour lui faire un petit compte-rendu !

- Ici le 1ère classe Yoshi, sergent. Tout est calme. Je viens de croiser le colonel, il descend au labo.

Il marqua un temps d'arrêt avant de dire d'une voix rigolarde :

Je l'avais jamais vu d'aussi près avant mais il a vraiment une sale bobine ! Même Blackie, mon chien, a eu la pétoche en le voyant !

Pendant ce temps là, le faux colonel descendait les marches menant au complexe souterrain. Il passa sans encombre devant les deux factionnaires qui se figèrent à son approche, marcha dans le couloir et arriva devant la porte blindée. Étant née et ayant vécu pendant un peu plus d'un an dans un laboratoire militaire secret, elle savait à peu près le mode de fonctionnement de ce genre d'endroit : elle frappa à la porte et l'instant d'après un scientifique en blouse blanche ouvrit le judas pour voir à qui il avait affaire. Rassuré, il ouvrit la porte.

Après avoir mis la tenue réglementaire et subi la stérilisation en règle, elle sortit de la cabine et, après avoir pris congé du scientifique, s'enfonça dans les couloirs du complexe...