Chiant. Tout est toujours aussi chiant, la journée. Mon regard se perdait au travers de la fenêtre, de cette grande cour ensoleillée. Je m’imaginai tellement bien, là, dehors, sirotant ma bière, une clope à la main. Et pourtant me voilà emprisonné dans une salle de cours, avec une vingtaine d’élèves aussi intéressés par mes propos que moi par leur présence. Il n’y a vraiment pas de justice.
Durant mes cours, je parlais le moins possible, à part pour quelques explications nécessaires. Je notais tout au tableau. Comme ça ils n’avaient cas recopier, et moi ça m’évitait de tout répéter cinquante fois. Tout le monde y trouvait son compte ainsi.
En face de moi se trouvaient de nombreux termes barbares pour les jeunes étudiants : récessivité/dominance, allèle, autosome, ségrégation monogénique, complémentation intragénique et autres cycles haplodiplobiontiques. Pour peu, j’aurais même pu m’endormir moi-même devant ce que je venais d’écrire. La génétique, c’est pas toujours très pratique. Et même si je m’en contrefoutais de leurs avenirs, quelque part je trouvais un léger plaisir au fait de les éduquer.
Un objet cogna contre l’arrière de ma tête, et s’ensuivirent de nombreux rires dans la classe. Je me retournais et vit un avion en papier à même le sol. Ne pas écouter les cours, ou encore somnoler, ça ne me dérangeait en aucun point. Ca me semblait même être un passage obligatoire. Mais me faire chier pendant mes heures de cours, c’était tout autre chose. D’autant plus quand mon cerveau ne s’était pas totalement remis de la soirée de la veille, encore une fois. Je n’allais pas laisser passer ça. Oh non. Le fautif allait devoir encaisser pour que cela n’arrive plus jamais.
Mes yeux tournèrent sur l’ensemble de la classe, où une majorité d’élèves tentaient de camoufler un rire. Si seulement il n’était pas inscrit dans la charte qu’on n’avait pas le droit d’écraser leurs tronches contre les tables. Ah, ce que ça m’aurait fait du bien à ce moment. Puis mon regard tomba sur une jeune étudiante au fond de la salle, sa joue posée contre sa paume, feintant visiblement de regarder dehors. Les jeunes.. S’imaginait-elle vraiment que pareille ruse marcherait avec moi ? ‘Oh mais je n’ai rien fait monsieur, je regardais dehors !’ Tu parles. Mon regard se plante sur elle, elle aurait sûrement pu y lire toute ma haine sur le moment.. si elle me regardait. Son insolence continuait, sa tête toujours tournée vers la fenêtre. Je devais rêver..
- Virginie ! Ca t’amuse peut-être ? Crois pas que je sois le genre de prof qui accepte ce genre de choses ! Tu resteras à la fin du cours avec moi et on discutera de la punition la mieux adaptée pour toi ! Oh et puis merde, il reste que dix minutes, tout le monde dehors, maintenant !
Les rirent s’étaient éteins depuis un moment déjà, et les élèves ne se firent prier pour quitter la salle de cours, d’autant plus face à mon état d’énervement assez visible. Je fermais la porte à clé derrière eux, bien décidé à donner une bonne leçon à la jeune femme qui restait toujours assise à sa place. Je m’approchais d’elle, lentement, le regard lourd. Tout devint un jeu à partir de ce moment. Mon esprit se ferma, et commença à imaginer les différents atomes nécessaires à ma préparation. Six Carbones. Douze Hydrogènes. Et un Oxygène. Restaient maintenant à leur donner leur bonne conformité. D’abord la fonction carbonyle, cette double liaison qui reliait l’oxygène et un carbone, de façon à ce que le reste de la molécule soit un cétone, ce qui rend son pouvoir d’autant plus fort. Et voilà, le 4-méthylpentan-2-one était enfin prêt. Cette phéromone sexuelle des plus basiques me permettrait sans aucun doute à rendre l’étudiante beaucoup plus.. conciliante, ce qui devrait en soit lui servir de leçon lorsque je le rejetterais par la suite.
J’étais maintenant derrière sa chaise, mes mains posées sur le dossier de sa chaise, dans son dos. Je relâchais mon corps, afin d’ouvrir mes pores et de la ‘contaminer’ avec mes phéromones. Malheureusement, comme tout plan bien pensé, rien ne se passait comme cela aurait du être le cas. Pour une raison qui me dépassait, ou simplement à cause de mon incompétence, les molécules organiques se redirigèrent vers moi sans que je m’en rende compte. Lors de la respiration suivante, il était déjà trop tard. Mon esprit était embué, j’avais.. j’avais terriblement envie de ce corps offert devant moi.. C’était donc ainsi que se sentaient mes victimes habituelles ? Quelle terrible sensation que de sentir son corps agir à l’encontre de sa volonté. Volonté qui, au passage, vacillait de plus en plus. Mes mains se posèrent sur les épaules de Virginie, alors que mon visage s’approcha de sa nuque pour en humer outrageusement les effluves. Mes doigts commencèrent à masser la peau de la jeune étudiante. Tout mon corps semblait la réclamer, et je savais qu’il ferait tout pour l’obtenir, car tel était mon pouvoir. Voilà ce qu’il en coûtait de jouer avec un feu que l’on ne maitrisait pas assez bien..