C'est enfantin ... ( Pv )

La nuit, langoureuse, tombait sur les rues chics de Seikusu. Les yeux baladeurs, Ishtar se tenait sur un muret, jambes ballantes dans le vide, à 2 mètres du sol. Son regard vif et profond se cala sur une chose, aprés quelques minutes d'investigation. L'Opéra. Ce soir se jouait une première grandiose, avec tout ce qu'on imaginait de mieux : les meilleures cantatrices, les meilleurs chanteurs, le meilleur orchestre. Toute la haute société nippone se trouvait là, vêtue de robes et costumes somptueux. Les yeux de la jeune femme brillaient d'avance. Elle se lécha les lèvres, gourmande d'or, de bijoux, d'argent ... Ici, elle trouverait de quoi subsister pendant plusieurs mois. Elle se jeta de son muret, atterrissant sans encombres sur le sol.

Et vêtue d'un kimono argenté et noir, les cheveux retenus avec grâce par des piques argentés - volés, évidemment - , le visage fin et délicat, elle se fondit dans la foule. Et attrapa trois paires de boucles d'oreilles, 4 portefeuilles, 2 colliers et une dizaine de bracelets. Elle rangea cela dans une sacoche qu'elle cachait sous la ceinture de son kimono, contre sa peau, en totale sécurité. Mais elle ne comptait pas s'arrêter là ... Elle chaparda une entrée, la présenta au guichet et s'introduisit dans l'Opéra.
Pour ensuite se dissimuler dans les toilettes.

- C'est enfantin ... se murmura t'elle.

Elle attendit, terrée dans les-dites toilettes, que le spectacle commença. Puis, 10 minutes après le début, elle se glissa entre les murs de l'Opéra. Elle connaissait la localisation de loges. Par cœur. Guidée par son instinct et son expérience de voleuse, elle entra dans une des loges. La chanteuse principale ... Elle croisa du regard une photographie de la Callas, et un collier de diamants. Un cadeau d'un admirateur ... Elle gloussa, éprise. L'idée lui plaisait énormément ... Elle se posa face au miroir, enfilant le collier, se regardant un instant. Elle aurait pû être belle, en cantatrice. Mais elle n'était qu'une caricature de fille des rues ...

Un soupir s'échappa d'entre ses lèvres, tandis qu'elle continuait à se regarder dans le miroir, s'imaginait déjà être une autre ...

Erik était caché au sein de l'opéra de Seikusu, opéra qu'il connaissait car, comme beaucoup de bâtiments depuis le XIXème siècle, il en avait conçu les plans, l'homme était aussi talentueux en architecture qu'en musique. Il était un génie artistique et aimait l'art à sa juste valeur. Pour lui, l'art était une noble façon de célébrer et de transcender la beauté. La beauté... Une chose qu'il n'avait jamais eue naturellement. Seuls des artifices lui permettaient d'avoir un quelconque charme physiquement car il était naturellement hideux. Sa laideur faisait fuir et effrayait. Il était repoussant. Voilà pourquoi il se cachait dans des souterrains ou des passages secrets, à l'abri des regards, loin de tous. La vie ne l'avait pas gâté. Les hommes pouvaient faire preuve de méchanceté et de cruauté, tout comme lui. Les femmes ne pouvaient pas vraiment l'aimer. Voilà pourquoi il vivait dans l'ombre et se complaisait dans les ténèbres. Il y trouvait presque la paix...

Ce soir, un opéra se jouait et il pouvait voir le personnel s'agiter ainsi que les artistes, pensant, songeur, à l'opéra où il s'était fait connaître en tant que fantôme. Oui, tant de souvenirs dans l'opéra... C'était là qu'il se sentait le plus à l'aise, en tant qu'ange de la musique, que fantôme errant dans le les couloirs vides quand plus personne n'était là. D'ailleurs, maintenant que tout le monde était affairé avec le spectacle, il allait pouvoir sortir. Tout le personnel était occupé par la représentation et, si d'autres ne l'étaient pas, leur attention serait tournée vers elle. C'était le moment idéal. Il y avait un passage secret dans la loge de la chanteuse principale, la diva et star du spectacle. Il s'y rendit donc.

Là, il fut surpris par des gloussements. Quelqu'un, ici ? C'était inhabituel... Il observa donc à travers une fente qui était donc cette jeune femme. Une chose était sûre : ce n'était pas la chanteuse, ni même un membre du personnel. Une autre l'était aussi : elle était fort jolie et admirait d'ailleurs ses traits délicats et magnifiques dans le miroir. Si jeune, si belle... La poitrine d'Erik se resserra tel un étau. Il ne pouvait la quitter du regard. Ses yeux revenaient toujours sur elle. Oui, elle était une beauté digne d'être chantée et louée, et personne ne remarquerait son absence...

Il ouvrit discrètement le passage secret, qui se trouvait face au miroir et donc derrière elle, et commença à chanter d'une voix incroyablement enchanteresse et parfaitement maîtrisée à son adresse :

"Viens à moi, beauté devant le miroir,
Laisse-moi faire de toi ma belle ce soir,
Deviens mon ange de la musique,
Suis-moi dans cette nuit magique."