Intransigeante. C’était probablement ce qui reflétait le mieux la personnalité de cette femme. La moindre erreur signifiait une autre vague de souffrance, et même que Kamui suspectait que leurs « familiers » (car c’est bien ainsi qu’il était traité, comme un petit chien tout mignon) se faisaient eux-mêmes du mal tant ils étaient habitués à être maltraités (Ah, ca vous rappelle quelque chose? Mais si, Dobby, l’elfe de maison dans Harry Potter. Impossible de ne pas se souvenir de ces deux balles de base-ball qui servaient d’yeux!) et il avait peur que cela lui arrive. Il serra des dents lors de l’exposition à la magie de l’Agiel, le corps tremblant et les yeux fous aux pupilles rétractés par la douleur. C’était fou, vous savez? Il commençait déjà à accepter la douleur et même qu’elle se transformait. Ses muscles en feu et son sang bouillant sous la douleur devenaient plus résistants à la douleur et même que son esprit se barricadait à ses effets. L’Agiel n’était pas un outil de torture, mais bien un outil de soumission, créé pour ronger la volonté des opposants et les tuer si cela ne suffisait pas. La compréhension acquise grâce à la douleur effraya immédiatement Kamui; comment la douleur pouvait-elle enseigner convenablement?
Il ne poussa qu’un petit hoquet de douleur lorsque l’objet broya sa clavicule, démanchant encore une fois la position de son épaule et provoquant encore une fois la manifestation des ombres. Sous sa peau, quelque chose bougeait, et même Denna pouvait y assister. La magie de l’ombre tenait de l’obscurité, et à moins de lui mettre une lanterne dans l’estomac, les ombres ne s’arrêteraient jamais de garder son corps dans un état moyen. En fait, elles ne pouvaient visiblement que ressouder les os, puisqu’elles ignoraient les blessures externes ou internes. Kamui poussa un cri de souffrance alors que les nerfs s’affolaient sous les assauts des ombres opposées aux effets de l’Agiel. Il hurla et supplia Denna d’arrêter, et même il tenta d’en appeler à son pouvoir pour neutraliser les ombres, mais rien à faire, elles continuaient de se battre contre sa volonté, meurtrissant le corps de leur hôte. Lorsque l’Agiel s’éloigna enfin de lui, il se recroquevilla dans le lit, secoué de tremblements incontrôlables et de sanglots aussi déchirants que les pleurs d’un bébé abandonné. La mince barrière qui le séparait de la folie venait de subir une fracture. Cette fois, il ne pouvait pas y échapper. Sa vue s’embrouilla alors qu’il se lancait malgré lui dans le délire provoqué par la souffrance. Aussitôt, il convulsa, se tordit de douleur comme si Denna le frappait à grands coups d’Agiel. Il se mit à hurler qu’il était désolé, qu’il s’en voulait, qu’il ne recommencerait pas, et de multiples fois, il prononça le nom de Mélisende en la suppliant de venir le tuer, mais la sorcière n’apparaitra pas, et au fond de lui, même dans son délire, il trouvait futile d’appeler une femme qui ne lui voulait que du mal.
Son délire dura peut-être une demi-heure, peut-être une heure, voire plus, mais le temps, quand on avait aussi mal, n’était qu’un grand sablier qui s’écoulait au gré des sables qui le remplissaient. Si le sable se retrouvait bouché, il était bouché, et le temps s’arrêtait. Lorsque la pression devenait assez forte, il reprenait son cours normal, comme si rien ne s’était produit, et Kamui le regardait s’écouler lentement, alors qu’il souffrait des assauts de son esprit, perdant totalement le contrôle de ses muscles et de son esprit disjoncté. Lorsqu’il revint à lui, ou plus clairement, quand les folles contractions de son corps s’arrêtèrent, tout ce qu’il vit était le visage de Denna. Il tremblait toujours, mais son esprit ne lui avait jamais paru aussi serein… aussi… vide. Des larmes rouges continuaient de couler de son visage, mais il n’avait plus de voix. En fait, il devait probablement être devenu muet, à force de hurler comme le détraqué qu’il était. Il se redressa, le regard vide, puis il fixa à nouveau Denna d’un air si las, si désintéressé qu’une autre aurait probablement cru qu’il la trouvait inintéressante, mais cette femme savait où il en était. Parler lui semblait futile, et il ne prononcerait probablement pas un seul mot avant un bon petit moment. Il posa une main sur sa clavicule et, de ses propres doigts, il fouilla sa chair et la brisa d’un coup sec, sans laisser la vague de douleur atteindre son cerveau, complètement fermé à toute sensation. Probablement que les ombres ont eu peur de mourir suite à la crise de leur hôte qu’elles ont décidé de rester tranquille, puisqu’elles ne se précipitèrent pas pour venir réparer l’os brisé… ou alors, c’était le fait que Denna a eu le dessus sur leurs capacités qui les effrayait.
Quelles autres torturent l’attendaient, maintenant?