La nuit berçait la ville de Seikusu dans son voile noir uni quoique ponctué ici et là par quelques consœurs de la doyenne des étoiles. Dans ce décor des plus sombre, très peu de signes de vie du monde animal se manifestaient. Seuls un chiffre d'humain errait les rues avec un but propre à chacun de ces individus. La lune était le seul réverbère éclairant ces pavés urbains et contrairement à tous les autres soirs, une autre lumière ne tarda pas à jaillir du ciel, en profitant pour détruire le silence du soir.
Quelques passants s'arrêtèrent sur le trottoir, observant l'étrange étoile filante dans le ciel. Un de ces nippons émit un petit sifflement d'entre ses lèvres tandis que d'autres filmaient la scène. Il était certain que cette vidéo se retrouverait sur un site communautaire dans moins d'une heure ! Sauf qu'au lieu de continuer sa trajectoire dans l'exosphère, cet amas de poussière et de glace commença à se rapprocher dangereusement de la planète bleue avec un bourdonnement se faisant de plus en plus intense. Beaucoup d'êtres humains commencèrent à s'interroger sur la venue de l'astre qui continuait sa route vers la terre ferme avec la ferme idée de ne pas dévier sa course. Certains prirent leurs jambes à leur cou, d'autres se dissimulèrent derrière un pan de mur de briques. Ils avaient tous cette même peur au ventre. La fin du monde ? L'apocalypse ? Une attaque extra-terrestre ? Le châtiment divin ? De nombreuses idées aussi farfelues les unes que les autres parcoururent l'esprit des mortels à cet instant précis. La comète traversa la mésosphère, la stratosphère puis la troposphère dans ce même vacarme inquiétant et plutôt insolite. Un bruit semblable à celle d'une explosion en plus localisée retentit dans un coin de Seikusu alors qu'un magnifique halo de lumière bleuté vint éblouir les prunelles des pauvres passants.
Un nuage de poussière s'éleva dans un coin reculé du parc tandis que Hvítari se redressa de ce cratère d'environ cinq mètres de diamètre tout en toussant, toujours à quatre pattes dans cet amas de poussière. La lumière s'était maintenant évanouie, mais la chaleur du contact due aux frottements de l'air avait gentiment mis le feu à quelques touffes d'herbes, rien de bien méchant cependant. Un être humanoïde s'approchait de la zone d'impact, sûrement pour en tirer quelques photos. Il remarqua donc une silhouette étrange grâce aux rayons lunaires. Une silhouette plutôt petite, d'un mètre soixante à peine, portant des vêtements masculins et assez grands. Sans parler de cette magnifique paire de cornes qui devait bien peser sur son crane vu leur grandeur. L'humain s'arrêta à la vue de cet être bien étrange, qui leva la tête à son adresse.
« Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? » Lui demanda-t-elle avec suspicion et susceptibilité. Et surtout avec beaucoup de dédain et de colère.
La gamine se releva sans aucun effort pour paraître un minimum gracieuse et épousseta ses habits d'un geste nonchalant de la main. Son regard scrutait les environs non sans afficher un air perplexe. L'étoile avança alors de quelques pas maladroits avant de s'arrêter hors du cratère d'herbes écrasées et carbonisées pour observer le paysage. S'était-elle trompée de destination ? En tout cas elle allait devoir faire avec puisque même si elle devait le nier, elle était rudement fatiguée. Donc, repartir d'ici pour retourner quelques milliers de kilomètres plus loin lui demanderait beaucoup trop d'énergie.
L'autre type avait détalé depuis quelques secondes déjà. C'était bien compréhensible. L'humanoïde, quant à elle, marchait de quelques pas distraits autour du cratère formé sur la pelouse. Beaucoup de questions lui venaient en tête en cet instant. Où suis-je ? Pourquoi je me retrouve ici ? Qui sont ces gens ? Les japonais devaient penser la même chose de Hvítari. Que fait une gamine habillée comme un homme (de sa tenue « habituelle » : cette même chemise blanche à broderies lui remontant dans le cou, ce pantalon d'un bleu foncé presque noir ainsi que de cette longue veste noire très élégante) avec cette paire de cornes (qu'elle ne cherche même pas à dissimuler) sur son crâne ? Aucune idée.
Dans le doute, Stjörnur s'éloigna, les mains dans les poches, sous cette même lumière blanche éclairant sa silhouette d'une manière tantôt divine, tantôt malveillante.
* C'est quoi ce délire ? Je pensais pas forcément trouver une destination des plus agréables, mais là, j'dois avouer que ça me dépasse... Pis tiens, j'fume encore... C'est bien glorieux comme arrivée, dites-moi ! *
Hvit jeta un coup d'œil désintéressé à la manche de sa veste qui fumait un peu à cause de la chaleur qu'elle avait produit sous sa forme de comète. Ouais, bon... ça passera, comme elle le disait bien souvent. Après quelques enjambées sur l'herbe humide du parc, la créature céleste secoua négativement la tête et retourna se tapir dans son cratère. Pourquoi ? Tout simplement parce que cet environnement terrien est bien trop différent de ce qu'elle avait connu avant. Un sentiment d'insécurité naissait en elle, mais maintenant assise au fond de ce trou d'herbe, de poussière et autres particules spatiales, elle se sentait mieux. Mieux que jamais, si c'est pour dire. Les jambes ramenées contre sa poitrine, elle regardait dans le vide avec cet air boudeur car contrariée de ne pas avoir trouver un endroit où passer la nuit à son goût.