Jour de marché [PV]

Jour de marché

Marchands ambulants, colporteurs, esclavagistes, esclaves, filles de joies, badauds, passants et toute la populace vulgaire et anodine de la cité-état du Neexus sortaient de leurs tanières. Quittant leurs antres et leurs demeures, cette masse de vermine se dirigeait rapidement vers la grande place centrale de la cité-état. Un grand marché devait s’y tenir et les stands des marchands étaient déjà en place. Il y en avait pour tous les gouts depuis les armes, les armures aux esclaves et aux prostituées. On se serait dit dans une véritable foire d’un temps ancien…Des cris, des harangues de marchands, du bétail, des voleurs à la tire, des processions et même une odeur pestilentielle. La foire était animée et la population était de plus en plus nombreuse. La journée promettait d’être chargée et surement bonne pour les affaires des commerçants.

Néanmoins, dans un coin de la place centrale, un petit stand essayait d’être discret et de ne pas forcément trop attirer l’attention. D’ailleurs, le vendeur avait le visage encapuchonné et tenait une sorte de sceptre dans sa main gauche. Au dessus de l’étalage, une sorte d’enseigne tenait en lévitation dans les airs, comme par magie. Sur l’étalage, on pouvait voir des articles étranges et fascinants…D’anciens grimoires, des parchemins magiques, des amulettes et même des ingrédients rares pour la confection de potions et d’autres élixirs comme des écailles de dragon ou des dents d’ogre, même une corne de minotaure était présente. Bref, le client ne pouvait ignorer que ce stand était l’étalage d’un marchand d’article de magie.

Néanmoins, il ne s’agissait pas de n’importe quel magicien. Il s’agissait d’un magicien assez réputé pour la puissance et la fiabilité de ses articles magiques. Des rumeurs disaient que les plus grands de cette cité-état venait le consultait. On disait qu’il faisait aussi bien de la magie élémentaire que de l’alchimie et de la nécromancie…La nécromancie ! Vous vous rendez compte ! La magie noire par excellence, interdite par les autorités et traqués par les inquisiteurs. Néanmoins, tous ceux-ci n’étaient que rumeurs et racontars. Il ne pouvait avoir rien de vrai dans ces élucubrations. Un nécromancien dans la cité ? Impossible…

- Messieurs-Mesdames, approchez, approchez…Besoin de quoi griller votre voisin, votre curé ou encore votre belle mère, alors achetez les parchemins de boule de feu. Mortel à tous les coups…Remboursé si échec.

Une jolie demoiselle se baladait près du stand et le camelot s’élança encore dans une harangue dont il avait le secret. Il espérait bien vendre quelques articles magiques mais le jeune homme faisait quand même attention. Il guettait l’arrivée des autorités, la magie n’était pas forcément bien vue dans cette cité. Walter devait être prêt à détaler à tout moment.

- Pourquoi pas un philtre d’amour pour la demoiselle…Même si je me doute qu’avec un si joli minois, vous devez en faire chavirer des cœurs.

Plaisanta-t-il. La journée se passa et le profit fut grand, la petite caisse du jeune apprenti magicien se remplit d’écus et autres sommes en or trébuchantes. La fin de la journée approchait et le soleil commençait à disparaitre derrière les nuages. Walter commença alors à ranger ses articles comme tous les marchands, le marché et la place se vidait. Il laissait cependant quelques articles, on ne sait jamais, un client de dernière minute…
 

Toute la journée, Persephone avait vagabondé. Elle ne prenait toujours pas goût aux affaires des mortels et à leur compagnie, et de ce fait, elle s'ennuyait beaucoup. Rien ne l'intéressait chez eux. De leurs tentatives médiocres pour faire pousser plus efficacement les denrées dont sa mère leur faisait cadeau à leur sentiment d'importance alors qu'une simple bourasque suffisait à les faire déguerpir, voir les briser... Non, décidément, Persephone n'avait pas le moindre attrait pour eux. Ils étaient quelconques, redondants... Vides. Mais bon. La jeune déesse avait ça de bon qu'elle essayait, essayait encore jusqu'à ce que ça aille. Elle ferait donc cela avec les humains. Elle essairait, essairait encore jusqu'à ce qu'elle les apprécie. Ou qu'elle se lasse, ce qui pourrait tout autant arriver.

C'est dans cette optique qu'elle était arrivée au marché, en début de matiné. Elle détonait dans cette foule de gueux, tous habillés d'une façon plus affligeante les uns que les autres, et elle, avec une robe de fins voilages dorés, son teint frais et ses fleurs des champs dans les cheveux... C'était à se demander comment elle ne s'était pas faite détrousser. Et bien... D'une part elle était pieds nus. Certes, ses chevilles étaients parées de bracelets dorés tintant avec allégresse à chacun de ses pas, mais elle n'avait aucun autre bijou, ni aucune bourse. Cela n'expliquait pas tout. Elle avait des grands yeux curieux ouverts sur le monde comme de fenêtres traversées de courants d'air. Il était difficile de passer à côté de cette jeune fille, qui ressemblait au milieu de ce marché à une poule ayant trouvé un couteau...

La première des "victimes" de Persephone fut le marchant de fruits et légumes. En passant, elle prit une pomme, sans la payer et croqua dedans à belles dents. Elle la trouva horriblement mauvaise, et recracha le tout, s'étouffant presque. Le vendeur ne l'avait pas vue prendre la pomme, elle avait eu de la chance à cet instant, mais non consciente de cette dernière, elle retourna voir le vendeur pour lui mettre la pomme croquée dans la main.

"Elle est très mauvaise..."

Et puis elle avait tourné les talons et était repartie en sautillant comme une enfant. Après cela, elle avait cassé une pile d'assiettes chez un restaurateur, une épée de valeur chez un forgeron, été chassée d'une taverne pour s'être évanouie en voyant la quantité de bois mort dedans... Bref, elle avait mis le marché sans dessus dessous. La seule chose de bien qu'elle avait faite, c'est redonner de la vigueur aux plantes que vendait une vieille femme. Elle ne doutait pas qu'après son petit coup de main, elles s'étaient écoulées comme des petits pains.

C'était la fin de soirée, le soir commençait à tomber et les exposants à rentrer leurs marchandises. Persephone n'était toujours pas parvenue à trouver ce qu'elle cherchait, c'était attrocement frustrant. Elle déambulait cependant tout de même parmi les étales, à la recherche d'un qui serait hors du commun, peut-être, et qui saurait attirer son attention...
Attention qui se porta d'emblée sur l'insigne flottante. Persephone observa le phénomène, d'un oeil circonspect. Elle se demandait si ça tomberait si elle le touchait. Aussi, sans demander l'autorisation ni quoique ce fut à l'exposant, elle monta sur son étal, à genoux, cachant sa marchandise sous sa robe de voiles. Juste l'espace d'un instant, puisqu'après ça, elle se mit debout pour s'accrocher à l'enseigne.

"Je touche!"

La journée se terminait et le marchand rangeait ses derniers articles. Il fallait avouer que beaucoup de monde s’était entassé, pressé devant l’étal du marchand d’article de magie. Certains produits étaient partis comme des petits pains chauds, notamment les parchemins magiques, les amulettes ésotériques en tous genres (comme les médailles de Salomon, les pentacles, les pendentifs-cristaux ou runes), quelques anciens ouvrages ou encore quelques produits-arnaques comme les faux bâtons magiques ou les dagues ensorcelées émoussées.  Walter, le jeune magicien terminait de compter ses écus et les rangeaient dans sa bourse…La journée avait été bien bonnes pour les affaires et il allait pouvoir se payer un peu de matériel supplémentaire pour son laboratoire, une belle bouteille à l’auberge et peut être une fille de joie.

Tandis qu’il comptait ses sous et faisait mentalement ses comptes, une jeune femme venait d’approcher de son stand d’articles magiques. L’homme commença à relever la tête et vit alors cette possible cliente de dernière minute. Néanmoins, à la stupeur de Walter, la nymphe ne regarda pas les articles mais fus plutôt intéressée par l’enseigne magique flottante dans les airs.

- Madame...commença t'il.

Le magicien savait que la magie qui animait l’enseigne n’était pas une grande magie, juste un petit sortilège de lévitation…et peut être que cette dernière pourrait tomber et dévaster l’étalage du marchand. Néanmoins, à la dernière minute, il décida de ne pas agir et de laisser la demoiselle toucher l’enseigne. En fait, il venait de sentir une sorte de perturbation magique…Cette jeune femme n’était pas une humaine anodine. D'ailleurs, cette splendide créature ( le marchand avait pris soin de détailler son corps et les formes sous toutes les coutures) s'était même accroché à l'enseigne.

- "Je touche!"

Walter regarda la nymphe et ajouta :

- Je vois bien cela...

Puis, d'une voix poli et avec un sourire, il ajouta encore :

- Pourriez vous descendre, je vous prie...Je ne voudrais pas que l'enseigne tombe et vous fasses du mal. Cela ne serait pas vraiment bon pour les affaires.

Accrochée à l'enseigne, Persephone se demandait si, dans le cas où elle monterait dessus, elle supporterait son poids... Alors qu'elle levait une jambe et se préparait à essayer, la voix de l'homme devant le stand l'interrompit. Son pied nu revint se poser sur l'étal et les yeux saphirs de la jeune déesse se posèrent sur le vendeur.

"Ne vous inquiétez pas, je ne compte rien vous acheter!"

Et non, elle se moquait totalement des bibelots que vendait Walter. C'était une déesse, en quoi ces derniers auraient-ils été utiles? La bouche de Persephone sourit, dévoilant deux rangées de dents particulièrement éclatantes avant qu'elle ne se détourne de lui et n'en revienne à son ensigne. Elle secoua brièvement la tête en arrière afin de chasser les cheveux bouclés qui lui obscurcissaient la vue, et tira pour se hisser sur la chose. Seulement, sa pression suffit à faire tomber l'objet, qui tomba au sol dans un GLING sonore.
Persephone regarda la chose, avec de grands yeux, avant que ses épaules ne s'affaissent. Elle était déçue... Elle sauta à bas de l'étal, ses voiles volant dans son sillage sans que jamais elle ne se prenne les pieds dedans, et montra le résultat de sa gaffe au vendeur avec un index accusateur.
Plutôt grognon, elle râla.

"Elle est tombée alors que je l'ai à peine touchée!"

Mauvaise foi, quand tu nous tiens...

"Vous vendez des trucs magiques mais votre magie n'est pas fiable! Vous êtes un escroc Monsieur."

Elle haussa les épaules à la fin de sa phrase, le regardant avec éloquence genre "Na, je t'ai eu", et tourna les talons pour aller voir ailleurs si quelque chose de plus intéressant s'y passait.