Les étoiles brillent dans le noir (VIP mit Jack Hawk)

    Sur cette page-ci, la jeune Alice fut forcée à prendre le thé avec le chapelier fou et le lièvre de Mars, assise à une table recouverte de théière, de tasses éparses, de sucriers, de cuillères tordues, de bouts de machins dont on ne connaissait par l’origine… Le lapin était le plus bizarre car il arrivait à se verser du thé et à le couper ensuite avec ses oreilles… le chapelier fou aussi était rigolo ! Mais cette idiote d’Alice n’avait rien à faire dans cette histoire ! Elle était trop maladroite et ne savait pas comment réagir face à des individus aussi loufoques et intéressants !
   
    -J’aimerais que le chapelier fou existe vraiment, Monsieur Panda… ce serait mon meilleur ami ! Par contre, le thé, c’est pour les rosbifs, pas pour les gentilles filles ! 
   
    Et la jeune fille referma le livre d’un claquement sec qui résonna dans toute la bibliothèque. Une bibliothécaire, une grande femme avec un chignon serré, de grands yeux bleus derrière des lunettes en demi-lune et un joli décolleté, lui fait un sermon sur le fait que les livres étaient des amis qu’il fallait choyer avec amour… La petite fille attendit que la grande femme lui tourna le dos pour lui tirer la langue, les sourcils froncés et les yeux colériques.
   
    -C’est une vache, Monsieur Panda ! Elle a beau être jolie, elle a de la boue dans le corps et des mauvaises herbes dans le cœur ! Elle est moche de l’intérieur ! Ah…ah oui…Ravie d’entendre que vous êtes du même avis ! 
   
    Et la petite fille ricana après avoir entendu ce que disait Monsieur Panda. Après voir pris le plus grand soin pour poser Alice au pays des Merveilles le plus loin possible de son rayonnage, et de préférence à l’envers, l’enfant se mit à jouer à la marelle invisible, se dirigeant petit à petit vers la sortie de cette manière. A l’extérieur, le crépuscule avait presque effacé le grand jour… la petite fille s’étonnait vraiment de voir qu’en hivers le soir tombait beaucoup plus vite dans la journée !
   
    Tous les feignants avaient disparu des marches de la bibliothèque, les seuls vivants à plusieurs mètres se trouvaient encore dans le bâtiment. C’était triste quand il n’y avait personne… mais les gens les plus interessants étaient ceux qui se promenaient dans le noir, car ils avaient souvent quelque chose en tête à se promener seuls dans le noir !
   
    -Regardons dans le ciel, Monsieur Panda ! Peut-être que cette fois, nous verrons un ange !
   
    Et, tout en marchant en plein milieu de la route qui s’éloignait de la bibliothèque, cela sans s’inquiéter de la prochaine voiture qui ne manquerait certainement pas de la faucher, l’enfant se mit à marcher tout droit, regardant les étoiles pour essayer d’y décerner la forme vague d’un ange…

L’orage s’annonçait, les épais nuages noirs s’amoncelaient sur la petite bourgade. Ces volutes de vapeur teintaient le ciel de sombres éclats, éparpillant les ténèbres sur la cité, la recouvrant d’un voile obscur.
Déjà, l’on fermait les maisons, les portes se verrouillaient en même temps que les volets se faisaient clos. La population se retirait, la fourmilière grouillante, pleine de vie, regagnait sa demeure, ne prêtant que peu d’attention à cette étrangère, à cette inopportune qui apportait avec elle le mauvais temps. Ce manque d’intérêt flagrant était d’ailleurs chose bizarre, le passage de quelques voyageurs éveillaient d’habitude les plus folles histoires, les citadins se connaissaient de près ou de loin et étaient à l’affût de la moindre nouveauté ! Mais en cette journée, la crainte de se voir mouillé avait refoulé leur affreux voyeurisme et chacun avait finalement trouvé refuge chez lui. Les rares passants encore présents cherchaient refuge dans une grande hâte. Il en était de même pour ce jeune  homme à la haute stature, à l’élégance assurée qui marchait d’un bon pas en direction d’un abri.
Le choc fut rude, non seulement pour l’adolescente, mais tout également pour le garçon. Ce dernier vacilla quelque peu sur ses jambes mais ne tomba point, offrant à la pauvre l’image d’un mur de glace. Bien qu’extérieurement nul signe de surprise ne traversa ses traits, il s’était trouvé en premier lieu surpris et agacé de cette insupportable rencontre. Après tout, était-ce sa faute ? Ne pouvait-elle pas faire un peu attention ?! Ce n’est que lorsque ses yeux vifs et noirs se posèrent sur la belle enfant au sol qu’il se montra touché. Ses billes couleur ombre l’avaient détaillé, découvrant sa détresse, la peine et le tort qu’il lui avait causé. Le monstre d’orgueil, bête à la crinière fauve, lui présenta bientôt sa main. Et sa voix grave se fit entendre, des notes confiantes et chaleureuses s’esquissèrent, et, un sourire se plut à accompagner ses propos :

« Pardonnez moi, vous n’avez rien ? Dirigeons nous vers un’abri, l’orage gronde… »[/color]

    Quelques minables étoiles dans le ciel, la lune en croissant et deux gros nuages gris qui recouvraient maintenant une bonne partie de la voûte céleste…mais pas une étoile filante! Pour la petite fille, le ciel était une toile de fond que des peintres peignaient régulièrement en bleu sombre ou clair en fonction de la journée. Puis ils jetaient des paillettes de manière éparses et irrégulières pour mettre du brillant le soir… Ca pouvait aussi être des lucioles qui se retrouvaient engluées dans la peinture, condamnées à produire leur douce lumière pour l'éternité.
   
    Il commençait à faire rudement froid… l'enfant sentait comme des picotements dans ses cuisses. Elle plaça l'une de ses mains sous son manteau, essayant de la réchauffer avec la chaleur interne de son petit corps. Zbang…Boum… Quelques secondes aprés, elle était étalée sur le dos, en plein milieu de la route, avec une douleur désagréable à l'estomac. La peluche roula à terre à moins d'un mètre d'elle, alors que ses yeux se mettaient eux aussi à picoter et à cligner pour contenir les larmes qui n'attendaient que de déferler sur ses joues en de fins ruisseaux salés. C'était une grande fille…normallement, elle ne devait plus pleurer…mais on n'oublie rarement ses réflexes! Elle vit la main du monsieur qui l'avait malencontreusement bousculé.
   
    -Monsieur Panda! Tu l'as fait tomber, il va être sale à cause des cochonneries qu'il y a sur le bitume!     
       
    Se mit-elle brusquement à crier avant de se relever en hâte et sans aide, farfouillant le sol pour essayer de retrouver son doudou fétiche. Le pauvre avait légèrement glissé sur du mouillé… de fines traces brunes recouvraient ses poils blancs et noirs devenus fort dégoutants! Epouvantée puis agacée, la petite fille le fourra rageusement dans l'une des poches externes de son manteau avant de se tourner vers le mauvais plaisantin qui avait oser la bousculer!
   
    Mais le sourire du Monsieur, qu'elle voyait mal dans le noir, eut vite raison de sa colère. L'enfant n'avait pas pour habitude de rager trés longtemps. Elle hésita, respira profondément, pencha la tête sur le côté avant de sortir son sourire spécial mignonnette, finalement ravie de parler à quelqu'un.
   
    -Moi j'ai rien, mais Monsieur Panda est sale, il devra faire trempette! Moi je n'en connais pas d'abri, alors tu devra être mon guide! fit-elle avec un rire cristallin et plaisantin   
       

Etrange rencontre que voilà ! Des billes d’encre noire répondirent au regard de la petite poupée, visiblement surprises et interloquées de faire face à une si imprévisible petite fille, il s’empressa de répondre à l’enfant qui venait de se remettre de ses émotions…

« En effet, Monsieur Panda est parfois maladroit mais après une bonne trempette, il sera comme neuf ! Oui, allons trouver refuge juste à côté, il y a une petite auberge, tu pourras appeler ta famille de là bas. Je m'appelle... Jack... »

Présentation succinte qui fut ponctuée par un simple sourire...

Homme de glace, devait-il lui offrir sa main pour faire le trajet jusqu’à la gargote qui leur servirait de refuge ? N’était-elle pas assez grande pour marcher toute seule ? Il opta pour cette décision alors qu’au dessus de leurs têtes les hallebardes d’aqua menaçaient de les pourfendre. Après quelques enjambées rapides, ils atteignirent le lieu chaleureux alors que la pluie commençait à se déverser. Ils s’installèrent dans un coin de la salle commune tout près de la cheminée.Les flammes crépitaient avec audace et volupté, animant le cœur du foyer. Etincelles éloquentes, danseuses éphémères, elles s’envolaient pour mieux se taire, laissant entendre pour seule musique un doux grésillement. Attablés autour d’une table massive à l’apparence des plus rustiques, marquée jusque dans sa chair par les passages des clients, le duo se réchauffait au coin du feu.
Ils devaient faire face à un vacarme assourdissant composé de rires gras et bruyants. Le brouhaha ambiant du vulgaire et du commun n’avait de prise sur eux ; lui s’y était fait, jugeant les occupants de cette gargote semblables à des sots, elle, était dans son monde. Une serveuse au chignon défait et aux  cheveux gras fit bientôt son entrée..

« C’sera quoi ?! »

« Deux chocolat chaud et il nous faudrait avoir accès à un téléphone, s’il vous plait… »[/color]

    Le feu était quelque chose de fascinant… le feu était la chose la plus indomptable de ce monde et aussi la plus dangereuse. Pourtant, un bon coup d’eau et le feu s’éteignait alors aussi facilement qu’il s’était allumé ! La petite fille était fascinée par le feu, le menton dans une main et le coude sur la table, les reflets rouges et jaunes dansants sur sa peau blanche. Les flammes crépitaient dans l’âtre fait de briques rouges et noires, alors qu’une serveuse aux cheveux graisseux et à la diction précaire prenait la commande de ses deux clients.
   
    L’enfant n’y faisait nullement attention, humectant ses lèvres qui se desséchaient doucement par la chaleur qui se dégageait de la cheminée. Au-dessus d’eux, loin dans le ciel, un arc céleste pourfendit la voûte du ciel pour gronder avec fracas dans le monde des humains. La petite fille sursauta sur sa chaise en entendant le tonnerre, alors que toutes les lumières s’éteignirent comme une seule ampoule au-dessus de toutes les têtes. La seule clarté, et elle était imposante, venait désormais de l’âtre qui parvenait presque à enlacer l’ensemble de la salle de cette gargote de facture ancienne.
   
    -J’ai pas eu peur… maugréa t-elle entre ses dents. La pluie et les éclairs, ça ne fait pas peur, c’est juste de l’eau et de l’électricité qui ne peut pas nous toucher !
   
    Sortie de ses rêves intimes et particulièrement personnels, l’enfant s’intéressa enfin à son sauveur. C’était un jeu homme… un jeune homme avec de beaux cheveux lisses et bruns, un regard attentif, un visage à peu près parfait et une silhouette élancée et radicale. Elle aurait pu tomber sur un gros bonhomme ou sur un type défraîchit mais non, elle avait eu de la chance de tomber sur un jeune homme mignon… mais il était trop vieux pour être son petit ami ! Et il s’appelait comment déjà…hum… Ah oui ! Jack !
   
    Alors arriva les chocolats chauds, ainsi qu’un téléphone portable miteux que la harpie posa sur la table d’un geste non brutal mais tout de même négligé. Alors l’enfant n’en crut pas ses yeux, apercevant un doigt de crème chantilly flotter à la surface de la boisson chocolatée et recouvert d’un nuage de poudre brune et délicieuse. Sa boisson préférée ! C’était un devin ! Un être divin ! Les mains sur ses deux petites pommettes roses, les yeux écarquillés, les paupières grandes ouvertes, la bouche figée, la petite fille se sentait dans une joie innommable.
   
    -Jack ! Jack ! J’ai pas eu besoin de te demander ! T’as trouvé ma boisson que j’adore le plus ! T’as trouvé Jack ! Toi, je ne te quittes plus !
   
    Et d’un geste rapide, l’enfant attrapa la poignée de son bol et le porta à ses lèvres, ignorant le panache de fumée blanche qui s’échappait de la mixture. L’instant d’après, elle le reposait sur la table, de petites moustaches brunes apparues au-dessus de ses fines lèvres figées en un sourire repu.
   
    -Je téléphonerais à Papa aprés. Papa, il vend les plus beaux bijoux du monde, tu sais ! Et aussi des montres, mais ça je m’en fiche ! Et maman, elle met les bijoux pour faire des défilés avec de belles robes ! Et après, ils sont contents parce que tout le monde les aiment et aiment ce qu’ils font !
   
    C’était un beau début de mensonge, alors que la petite commençait déjà à s’enfermer dans une vérité qui n’appartenait qu’à elle. Ignorant les taches de chocolat qui infantilisées d’avantage encore sa petite bouille d’amour, elle retira son manteau pour se retrouver en chemisette aux manches assez courtes, le feu commençant vraiment à chauffer ses pauvres petits membres, la lumière electrique nullement encore revenue.
   
    -Toi, je crois pas que tu te promenais dehors, Jack ! Je crois que tu cherchais un truc ou quelqu’un ! Ou tu cherchais une petite amie ! Mais t’as trouvé mieux, t’as trouvé Kitty Elika !
   
    Dit-elle avec un gigantesque sourire

Un rire sonore et cristallin s’échappa des lèvres tentantes du bel ange à la vue des petites moustaches de l’agréable breuvage qui s’étaient formées au coin de la bouche de l’enfant.  Un sursaut se propagea jusqu’à lui alors que la lumière qui les éclairait mourut, mais le feu persistait. Il écoutait les dires de la belle, pensif, l’observant de ses prunelles noires dans lesquelles se reflétait le feu qui dansait dans l’âtre. Les buches se faisaient consumées une à une alors que l’élément exerçait son pouvoir hypnotique sur l’assemblée, se moquant bien des sacrifices qu’il venait d’effectuer  pour  se manifester aux yeux de tous.  La petite pouvait se targuer de lui arracher de nombreux sourires, parfois même quelques éclats de rires. Sa présentation le surprit autant qu’elle l’amusa et soudainement il sortit de son mutisme pour lui répondre. Sa voix était en parfait accord avec sa physionomie, agréable et chaleureuse.

« Hé bien, quelle présentation, miss  Elika ! Je ne peux rivaliser face à tout ça ! Mais venez là, miss justicière, vous avez eu quelques blessures au cours de votre bataille avec le chocolat ! »

Du revers du pouce, il redessina les contours de la bouche de l’enfant, faisant disparaître les moustaches chocolat pour qu’elle retrouve sa bouille d’enfant toute mignonne. Le geste aurait pu être empreint de sensualité, oui, mais il était plutôt tel un grand-frère qui s’occupait de sa petite sœur.  Et, bientôt, alors qu’elle ne demandait rien, frêle et faussement fragile dans sa chemisette, une veste lourde s’abattit sur ses épaules, une odeur particulière celle de Jack l’enivrait alors qu’elle ne souffrait plus du froid.

« Même si le feu est fort, je ne veux pas que tu attrapes froid par ma faute… Quant à ma promenade dehors, tu es bien curieuse ! Hé bien, oui, tu m’as percé à jour, j’étais à la recherche d’une petite amie. »

S’exclama-t-il d’une voix taquine et amusée, puis il ajouta.

« Mais tu as raison, j’ai trouvé bien mieux ! Il se fait tard, j’espère que le courant va être rétabli pour que nous puissions contacter tes parents, Kitty. »[/color]