Cela en deviendrait presque inquiétant ... [ Shame ]

La tueuse passa sa langue sur ses lèvres, et lâcha un long soupir en déposant le corps doucement sur le sol. Qu’il était léger, ce corps sans sang. Blanche neige venait de se repaître, ainsi. Elle avait choisie bien vite sa tendre victime, ne cherchant pas à faire d’histoires, et avait sauté dessus sans se poser davantage de questions : elle avait faim. En un rien de temps, ses crocs étaient plantés dans le cou de la jeune fille et le sang était aspiré, afin que son organisme se réveille. Elle eut un sourire conquis en se relevant, du haut de son 1m70. Ses longues jambes fines étaient nues, ses pieds habillés de talons assez élevé, et elle portait une agréable robe noire, moulante et élégante, surmonté d’un manteau en fourrure qui lui arrivait aux hanches. Elle remit correctement ses gants sur ses doigts fins, et regarda face à elle. Elle se sentait en pleine forme, mais avait … faim. Oui, encore. Une petite faim, en cet instant, une faim sourde, mais qui monterait sûrement en puissance dans la soirée. Elle fit taire cette nouvelle envie de boire et avança d’un pas sûr dans la rue.

Les rues baignaient dans la nuit douce. La lumière des réverbères, assez pauvre, ne permettait pas un grand champ de vision. La nuit était calme. Pas de bruits, de cris, ni même de vent. C’était une belle nuit comme on n’en avait jamais vu depuis longtemps. La tueuse passa sa main sur ses lèvres, et sortit une cigarette de sa poche. Elle l’alluma habilement, scrutant les alentours. Elle avait cru, l’espace d’un instant, entendre un bruit vagabond. Elle fronça les sourcils. Il y avait eu un bruit, elle en était presque sûre. Les échos résonnaient encore dans ses tympans. Elle tira une bouffée de sa cigarette, puis se mit à marcher dans la direction de ce bruit, le visage empreint d’une méfiance sans bornes. Elle en entendit à nouveau un. Elle grogna, montrant les crocs.

-   Y’a quelqu’un ? demanda t’elle sans oser s’avancer davantage.

Les rues étaient plongées dans les ténèbres. La nuit si douce devenait inquiétante pour notre jeune vampire … Elle grogna à nouveau.

L'alarme sonna dans tout le bâtiment. L'androïde cassa une autre vitre en attrapa ce qui semblait être un vieux fusil, avec quelques cartouches, sait-on jamais. Elle essaya de courir mais le poids de son bras droit était assez conséquent, la ralentissant. Mais il n'y avait pas que le poids de son bras. En effet, tout son corps était en acier, sous sa chaire grise de "non-morte". La jeune femme se traina jusqu'à un endroit qui semblait ressembler à une sortie en passant par des couloirs vides. Grâce à une "issue de secours", elle finit par atteindre l'extérieur. Il n'est pas impossible de sortir d'un musée en pleine nuit, la preuve, même un robot de technologie dépassée y arrivait. Ou ce n'était que de la chance, tout simplement...

Pour la première fois depuis plus de 60 ans, Victoria sentit le vent balayé ses cheveux d'un simple souffle. Elle n'était couverte que d'un haut en cuir lui cachant son cou et descendant jusqu'en dessous de sa poitrine, dévoilant le bas de celle-ci, ainsi que d'un mini-short de la même matière. Ses pieds reposaient dans de vieilles bottes arrivant au dessous des genoux, usées par le temps. Et elle errait ainsi, dans les rues de cet endroit inconnu...

L'androïde regardait partout autours d'elle. Elle ne connaissait rien de ce nouveau monde... Si différent du sien... Elle eut une pensée pour son époux, en massant la cicatrice sur son front. C'était un souvenir des médecins allemands et de cette lobotomie qui a détruits les derniers morceaux d'humanité qu'elle avait. Cette trace la picotait un peu, mais elle n'y fit pas vraiment attention. D'un geste du bras gauche, elle releva ses goggles pour mieux observer ce nouveau paysage... Un paysage auquel elle était une intruse.

Déambulant de réverbère en réverbère, de rues en rues, certains passants jetèrent un étrange coup d'œil à l'androïde. Un cosplayer, sans doute... Victoria trainait des pieds et s'appuyait de temps à autres sur un mur pour éviter de tomber. Elle tenait fermement son fusil, prête à ce qu'une légion d'allemand lui tombe dessus. Personne ne se doutait que cette arme était chargée, bien entendu. Le manque d'eau commençait à se faire sentir, et l'androïde tomba à terre, dans une rue isolée. Un bruit sourd résonna alors dans les rues adjacentes. Quelle discrétion... Elle se releva avec difficulté, grâce à son bras droit. En reprenant le fusil, elle continua son exploration. Mais elle s'arrêta net. Il y avait quelqu'un pas très loin d'ici... Chargeant son fusil, Victoria boita vers l'intersection de deux rues. Avant de l'avoir atteinte, elle entendit une voix féminine. Elle boitilla jusqu'à l'intersection et se retrouva en face d'une femme, d'à peu près la même taille qu'elle. Elle posa son fusil à terre. Pour la jeune femme, les autres membres de la gente féminine n'était pas des dangers, n'ayant connu que des ennemis masculins. L'androïde regarda de ses yeux ternes cette étrange personne. Elle ne savait pas comment réagir dans une telle situation.

- Que... que...

Des mots qui peinèrent à sortir. C'était dur pour la jeune femme de réfléchir comme une personne normale. Elle pencha la tête sur le côté avec un léger grincement à donner la chaire de poule.

La vampire jura entre ses dents, face à cet être … étrange. Il n’y avait pas d’autres mots pour décrire ce qu’elle avait en face d’elle. Elle restait immobile, sa main retenant sa cigarette, la bouche à demi-ouverte, les yeux fixant face à elle Victoria. Elle fronça les sourcils, un instant. Cette personne ne semblait pas dangereuse, mais la vampire ne pu s’empêcher de se méfier. Peut-être était-ce une tueuse de vampire redoutable … elle tiqua à cette idée. Non, elle n’avait pas tellement d’ennemis aux trousses, sinon ce serait vite invivable. Quelques tueurs, ici et là, vite terrassés. Mais là … elle restait immobile, étonnée. Qu’était-ce ? Qui, quoi ? Elle cligna des yeux violemment, vérifiant qu’elle ne rêvait pas. Puis finalement adopta un air plus digne. Elle se recoiffa un peu, bien qu’elle ne soit pas décoiffée mais que voulez-vous, une femme reste une femme, et s’avança un peu vers l’inconnue, qui semblait tout droit sortie d’un jeu vidéo.

-   Je …

Elle n’acheva pas sa phrase, scrutant encore cette personne avec une pointe d’inquiétude. Blanche Neige frissonna. Dire qu’elle devrait être en train d’écrire son nouveau roman, au calme dans sa paisible demeure … mais elle ne crachait pas sur ce genre de rencontres, au moins cela pimentait sa vie parfois trop calme.

-   Je peux vous … aider ? demanda t’elle d’un ton inquiet.

Elle tendit – par réflexe – la main vers Victoria, comme pour lui indiquer qu’elle ne lui voulait aucun mal. Ce qui était vrai. Elle tenait trop à sa vie pour s’attaquer à cette femme – androïde, et de toute façon n'était agressive que quand elle se sentait en danger. L'instinct de conservation, oui madame !

L'androïde laissa tomber son arme à terre. Il n'y avait peut-être aucun risque, après tout. Elle fixait toujours la vampire, dans le moindre de ses déplacements. Elle l'observait attentivement, l'analysant de la tête au pied. Cette femme s'approchait doucement d'elle, elle ne devait donc vouloir aucun mal. C'était la première personne avec qui elle parlait depuis son réveil. Les contact humain de sa vie d'androïde peuvent se résumer à des lavages de cerveau et à des viols. Si, une fois une dame a été gentille avec elle. Mais c'est tout, et ses souvenirs sont horriblement flous.

Victoria aperçu l'inquiétude de son interlocutrice. Elle eut un sentiment ressemblant à de la panique. Jamais elle n'a été confrontée à ce genre de situation. Finalement, la vampire lui demanda si elle pouvait l'aider. Des mots que l'androïde n'avait jamais entendu dans ce contexte. Aide... Nom féminin... Action d'aider quelqu'un, de lui donner une assistance momentanée ; appui, soutien... Entendu sur le front. "À l'aide! Nous sommes encerclés!" "Allez aider les autres!" "Ne viens pas m'aider, tu vas te tuer!". Blanche Neige tendit la main vers elle.

- Je... eau...

C'était dur d'exprimer ce qu'elle voulait seulement avec des mots. L'androïde avait besoin de boire afin de remettre pleinement son cœur en marche. À son tour elle tendit sa main mécanique vers la vampire. Ce mouvement s'accompagna d'un "pshh" de vapeur qui fit souffrir Victoria.

Blanche Neige resta interloquée. Cette personne était vraiment étrange. On aurait dit une ancienne humaine, ce genre d'êtres qui ont un passé tellement tumultueux qu'il tient en treize livres de 500 pages chacun. Une ancienne humaine ... Elle ne put s'empêcher de rire intérieurement. Elle en était une, après tout, avant cette nuit fatidique où elle avait pris pour époux un homme qu'elle n'avait jamais revue depuis. Ce qui lui donna un haut le cœur. Elle n'aimait pas que l'on joue ainsi avec ses envies et sentiments ! Elle se jura de l'écorcher si elle le revoyait un jour, ce beau parleur aux canines luisantes. Mais elle mit cette idée de côté, se contentant de se concentrer sur cette femme. Qui semblait en bien mauvais état. Mais la vampire ne se le fit pas dire deux fois : Aussitôt, sa magie opérait.

Elle traça avec ses doigts un signe, au creux de sa main, et en un éclair apparut une coupe d'eau claire et fine, débordante. Elle la tendit, avec un sourire doux, à l'inconnue, sans geste brusques afin qu'elle ne s'inquiète pas.

- Tiens ...

Elle lui attrapa une main, et posa dans son creux la coupelle, un sourire maladroit sur les lèvres. Elle n'avait pas l'habitude de ce genre de rencontre, et ne voulait pas effrayer la jeune femme. Car elle la considérait évidemment comme une femme, et non pas comme un être à renier et répudier. Elle n'était pas de ce genre. Elle se tritura un peu les doigts. Ce genre de sort n'était pas fatiguant, il fallait l'avouer. Elle était habituée à user de magie, ainsi, comme elle le souhaitait, et demeurait puissante et fertile en cette matière.

Victoria recueillit la coupelle du de sa main gauche (utiliser un bras mécanique pour ce genre de tâche se serait révéler assez diffcile). Elle porta le récipient à sa bouche pour laisser couler le liquide à travers le tuyau qui lui sert d'œsophage. L'eau commença à alimenter sa pompe, et on pourrait presque entendre un bruit similaire à un battement de cœur. Elle se mit en marche et la température de son corps commença à augmenter. L'androïde peut maintenant rester en marche une petite heure. Elle avait appris à économiser l'énergie, sur les fronts, car l'eau se faisait souvent rare. Chaque goutte était précieuse pour chaque bataille.

La jeune femme releva la tête vers sa sauveuse. Elle lui devait beaucoup.

- Mer... ci...

Certes ses mouvements étaient toujours un peu saccadés, mais cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été mis en marche, sans compter les petits moments de lucidité que l'humidité lui avait offert. Mais ce monde lui était étranger et elle n'avait nul part où aller. Elle n'avait aucun but et aucune raison de rester éveillée dans ce monde non plus. Mais chaque être pouvant vivre doit avoir le droit de vivre. Sauf exceptions.

- Je... suis... perdue...

Que pouvait-elle dire d'autre? Victoria n'avait aucune idée de ce qu'elle pourrait faire, dans ce nouveau monde. Sa technologie étant trop obsolète, sa place était dans le musée duquel elle vient de s'échapper. L'androïde pris le bras de la vampire avec son bras mécanique afin de l'empêcher de partir. Elle ne voulait pas qu'on la relaisse à nouveau.

- Aidez... moi...

Ces mots furent accompagnés d'un regard inspirant la pitié. Tant qu'à vouloir de l'aide, autant être convaincante.

Blance Neige sursauta en sentant cette main sur son bras, mais ne se sentit aucunement agressée. Même prise de folie, cette être ne semblait pas lui vouloir de mal. La vampire ne put s'empêcher de ressentir un soupçon de pitié face à cette personnes, enfermée dans un corps chargé de métal, un corps finalement peu pratique. Elle eut un léger soupir, et lui adressa un long regard. Elle qui se répandait en larmes sur son sort de vampire indécise et incomprise se sentit tout à coup bien égoïste et capricieuse. Elle chassa ses pensées bien tristes de son esprit, ne se concentrant que sur l'inconnue. Évidemment, qu'elle allait l'aider ! Elle n'allait pas la laisser ainsi, au prise d'un monde qui lui semblait bien perdu.

Elle tendit l'autre main pour la poser sur son bras métallique, lui adressant un grand sourire. Un vrai sourire.

- Je veux bien , mais ...

Elle cligna des yeux rapidement, fixant toujours Shame.

- Que dois-je faire exactement ?

Cette question méritait nettement une réponse digne de ce nom. IL était évident que la vampire souhaitait l'aidait, mais, tant qu'à faire, il valait mieux connaître le pourquoi du comment : en l'occurrence ce qu'elle attendait exactement d'elle.

C'était bien vrai. Comment pouvait-on aider Victoria? Tout ce qu'elle souhait relevait de l'exploit surhumain. Blanche Neige ne pourrait pas la faire redevenir humaine et lui faire ramener son amour en vie. Et on ne peut pas effacer autant d'échecs et de tortures, qu'importe le nombre. C'était tout simplement impossible. La rendre humaine, dans ce monde totalement inconnu, serait tout aussi difficile, il faudrait l'interner. La lobotomie n'a rien arrangé. Au contraire. Comment pouvait-on infliger ça à un être humain, par prétexte de lui éviter la folie et le tourment? C'est une technique purement barbare. Et la jeune femme s'en souviendra, tant que ses cicatrices marqueront ses tempes. Ces marques, qui lui enlevèrent tout ce qui lui restait d'humain. Maintenant, voilà une androïde sans âme, sans vie.

Néanmoins la présence de la vampire la rassurait. Elle se sentait en sécurité, une première depuis quelques décennies. L'androïde essaya de répondre au sourire de Blanche Neige, mais en vain. Ce n'était plus une expression familière, chez elle, et ses plaques d'aciers sous sa peau n'arrangeaient guère les choses.

- Partie... de là où... on m'a... enfermée...

Elle essaya d'assembler quelques souvenirs et bribes de mots dont elle se souvenait.

- Je... servir à... servir à tuer. Je... n'être plus humaine.

Le visage de la personne l'ayant assassiné apparut dans ses pensées comme une tache d'encre sur une feuille vierge. Si Victoria le pouvait, son visage se serait enflammer d'une haine sans pareil. Or, respecter ses supérieurs étaient dans ses principes. Principes qu'on lui a fait rentré de force dans sons cerveau, ainsi que le fait que tous les autres êtres humains étaient supérieur à elle...

- Je suis esclave des humains. Ils ont obliger m-moi... à tuer des innocents. Je pouvais rien dire. Un monstre! Je suis un monstre!

Blanche-neige la regardait fixement, interdite. Elle ne comprenait pas grand-chose, au début, mais maintenant elle connaissait des brides de l’histoire de cette femme. Et elle connaissait au moins le principal. Son cœur se serra brusquement. Elle toussa un peu, ne sachant quoi dire réellement. Devait-elle lui dire qu’elle n’y pouvait rien, et reprendre sa chasse ? Devait-elle lui fournir assez de puissance magique pour lui permettre de se ressourcer ? Elle serra les dents. Elle n’était pas experte en matière de magie, et pouvait se tromper facilement … Mais elle opta pour une toute autre solution.

-   Je peux … faire des choses grâce à ma science.

Elle posa une main sur l’épaule de Shame, la fixant. Elle nommait la magie «  la science », pour ne pas effrayer la plupart des gens qui étaient frileux face à ce genre de situations. La magie était puissante, et elle pouvait obtenir beaucoup de choses grâce à elle. Elle toussa à nouveau, pour s’éclaircir la voix avant de continuer.

-   Je ne peux pas effacer tes souvenirs mais je peux … te permettre de récupérer une apparence semi-humaine, en effaçant à certains endroits les plaques de métal, par exemple.

Elle était un peu gênée, tremblotante. Ce genre de propositions ne se faisait pas à la lègère, et elle se savait tout de même une jeune magiste. Elle ne contrôlait pas toute la magie. Elle poussa un soupir, et la regarda dans les yeux, attendant sa réponse.