Voeux ou Contrats ! [ PV]

         Une cravate parfaitement nouée, un costard blanc en lin impeccable et une paire de mocassin brillant, un chapeau Borsalino sur la tête et une flasque de Brandy dans la poche intérieur de son veston, Gabriel Clark écumait les rues et les ruelles de cette petite ville japonaise. Ses chaussures battaient le pavé des trottoirs, le bout de sa canne au pommeau d'argent claquait elle aussi contre les dalles pavées, créant ainsi un bruit caractéristique annonçant sa venue, comme les cavaliers de la fin du monde annoncent leur cavalcade par un cou de clairon. Cela faisait plusieurs jours que le démon humain n'avait pas reçu de visite d'un supérieur de la hiérarchie infernal et Méphistophélès le grand ne daignait plus lui rendre visite pour le moment. Libre ? Non, les démons surveillaient leurs agents humains sur terre, censé les représenter en leurs noms. Cette liberté n'était qu'une apparence, elle tenait bon tant que le jeune homme tentait des humains et leurs faisaient signer des contrats. Le jour où il ne serait plus si efficace que cela, alors, il pourrait dire adieux à sa liberté et à son immortalité par la même occasion.

Cigarette en bouche, Gabriel en tira une bouffée puis la jeta dans une poubelle urbaine non loin de lui. Il connaissait son métier de tentateur. En théorie, cela n'était pas un devoir difficile et de toute façon, il n'avait pas vraiment le choix et discuter les ordres infernaux ne seraient pas une bonne idée...L'immortel se devait de tenter un humain, en lui proposant maints vœux, en les accomplissant, en lui donnant du rêve et au final, de lui faire signer un pacte comme un VRP  fait signer un contrat ou une promesse de vente à un client. Le tout, seulement avec un seul paiement, simple, son ou une âme...Ainsi, Monsieur Clark avait pour métier de devoir détourner les gens de la lumière et de les condamner à la damnation éternelle. Dans l'œuvre Faust de Goethe, Dieu dit à Méphistophélès : Tous les humains peuvent s'égarer et tous les démons peuvent les tenter. Même si dans la réalité, les choses étaient bien plus compliquées.

L'humain profita de cette journée ensoleillée pour s'engager dans le parc et ses sous bois de cette ville japonaise, un simple parc municipal sans grand intérêt à première vue, si ce n'est pour faire quelques repérages et détecter d'éventuelles cibles humaines, facile à manipuler. Son regard se posait donc en premier sur les cibles faciles, le démon devinait aisément leurs maux...Depuis l'ivrogne à la mère de famille mono parentale, en passant par la personne en deuil...qui ferait tout pour revoir une fois, seulement une fois, la personne défunte, ou encore la personne qui cherchait quelques frissons ou trop ivre pour se rendre compte qu'elle était, en train de signer un contrat et revendait son âme. Néanmoins, son regard se posa alors sur une jeune femme assise sur un banc, le jeune homme semblait comme incapable de deviner ce qu'elle désirait...Une âme intéressante pensa t'il et aussi se dirigea t'elle vers elle pour faire plus amples connaissances...

- Me permettriez vous de m'asseoir à vos cotés.

Dit il, tout en otant son chapeau par politesse.

Selene poussa un soupir de contentement. Assise sur un banc dans le parc de Seikusu, elle profitait du soleil qui pour une fois avait daigné faire son apparition. Les rayons de soleil caressaient sa peau, l’imprégnant d’une douce chaleur qui, lorsqu’elle devenait trop intense, était chassée par une petite brise. N’ayant rien d’autre à faire, l’immortelle observait les passants ; des existences anonymes et éphémères en quête de bonheur. Pourtant la plupart ne trouverait jamais ce qu’ils cherchaient, non pas parce qu’ils ne le pouvaient pas, mais parce qu’ils ne cherchaient pas dans la bonne direction. Trop occuper par la planification d’un hypothétique bonheur futur, ils étaient incapable de profiter de ce que la vie leur offrait tous les jours. Comme par exemple, s’asseoir sur un banc et prendre un bain de soleil.

Même avec ses deux mille cinq cent ans d’existence, l’immortelle ne se lassait jamais de la quiétude que lui procurait ces moments de détente. Le peuple où elle était née vouait un culte au soleil ; bien que le paganisme lui inspire le plus profond mépris, elle ne pouvait s’empêcher dans ces moments là, de leur donner raison. Le soleil était peut-être bien la seule chose immuable qui valait la peine d’être adorer... A l’exception de sa personne, bien entendu.
Elle fut interrompue dans sa réflexion théologique par de petits claquements réguliers. Sans regarder directement la source de cette perturbation, elle avisa qu’il s’agissait d’un jeune garçon. Elle fixa un point à quelques mètres de lui et tenta de détailler sa silhouette sans pour autant qu’il s’aperçoive qu’il l’intéressait.  Il était habillé très chic et décontracté ; elle ne voyait pas son visage avec assez de précision pour le décrire du fait qu’elle ne le regardait pas directement mais il semblait assez délicat.

Il s’approchait…

Selene ferma les yeux et se concentra pour se calmer. En effet, les hommes qui étaient à son gout lui provoquaient toujours des pulsions meurtrières qu’elle avait du mal à inhiber. C’était une de ces nombreuses pathologies psychiatriques ; un héritage de ces millénaires passés dans un monde de douleur, de tristesse et de violence. Si son corps était invulnérable, ce n’était pas le cas de son esprit brisé par la haine des hommes.
L’immortalité rend dingue…

Elle daigna accorder un regard au garçon lorsque celui-ci lui fit une demande qu’elle jugea assez audacieuse. Un masque d’impassibilité sur son visage fin, elle détailla entièrement le garçon qui osait l’aborder. Le mot « cool » fut le premier qui lui vint à l’esprit pour décrire cet homme.
Toutefois, il y avait quelque chose qu’elle n’appréciait pas dans l’attitude de ce garçon. Il n’avait pas cet air idiot qu’avait la plupart des dragueurs lorsqu’ils abordaient une fille. Et si ce n’était pas pour la draguer, elle ne voyait pas d’autres raisons à sa demande.
Malgré sa méfiance et son envie de meurtre qui –bien que sous contrôle- était toujours présent, elle lui sourit gentiment et l’invita à s’asseoir en tapotant le banc.

Bien sur, lui dit-elle d’une voix enjouée et candide. Ca me ferait plaisir.

Selene avait une parfaite maitrise de ses expressions. Son sourire naïf et sa voix qui transpirait la joie de vivre ne trahissaient en aucuns cas ses véritables pensées. Seuls ses yeux sans âge montraient ce qu’elle avait sur le cœur… Parfois.
Elle fixa son regard violacé dans les yeux du garçon et lui décocha un sourire timide. Elle devait sans doute ressembler à une lycéenne bourrée d’hormones. Parfait pour lui faire baisser sa garde.

Je ne vous ai jamais vu par ici, ajouta-t-elle. Vous venez souvent ?

Ce genre de banalités l’ennuyait profondément mais elles étaient nécessaires pour instaurer le dialogue. Elle n’appréciait pas forcement manipuler les gens. C’était plus une nécessité qu’un plaisir ; paradoxalement, elle préférait la franchise mais celle-ci avait le don de braquer les gens.

     " Vous voulez gager que celui là, vous le perdrez encore ? Mais laissez moi le choix des moyens pour l'entrainer doucement dans mes voies ou filets. " Goethe, Faust, Prologue.

       La lutte entre le bien et le mal, une lutte dont se moquait éperduement l'immortel et démon tentateur. Maos pourtant, il était un rouage du camps infernal, un agent démoniaque qui corrompait et détournait les âmes du chemmin du salut, faisant de leurs propriétaires des débiteurs et créanciers éternelles des enfers. Ses armes ? Ses moyens pour parvenir à faire sa charge ? Des pouvoirs ténébreux, des voeux, des rêves et des illusions avec un soupcon de séduction, l'art de la manipulation et de la magie noire, reuni dans le corps idéal d'un jeune ephébe. Le démon Mephistopheles, supérieur de l'immortel, avait donné la jeunesse et l'amour au docteur Faust en échange de son âme. Gabriel Clark, associé du démon, en faisait tout autant. Il promettait et executait les rêves et désirs futiles d'humains naifs...Donnant l'amour d'une promise au galant homme éconduit, donnant le savoir au vieux sage, étanchant la soif de l'ivrogne et effacant les rides et les années d'une personne agée approchant du jugement dernier. Il se faisait leur serviteur, accomplissant leur moindre désir, rêves futiles et illusoires d'une espéce humaine qu'il haissait. " Les hommes me font pitié dans leurs jours de misère, au point que je  prend plaisir à les tourmenter " disait les démons, un dicton que le jeune homme appréciait, car bien qu'humain, il ne pouvait que detester l'humanité.

Cette arrachage de l'ame d'un innocent n'était pas une chose difficile pour un démon, qui devinait aisément les souhaits les plus profonds de ses clients. Cependant, les désirs et rêves de cette jeune femme, assise sur ce banc, ne semblait pas aussi facile à trouver. Cette belle brunette laissait flotter autour d'elle une aura particulière, magique et instable mais ces rêves semblaient comme enfouis au fond de son être. Le tentateur devrait creuser un peu avant de trouver ces désirs. Aussi fut il ravi que la jeune femme le laisse s'asseoir à ses cotés.

- Bien sur , lui dit-elle d’une voix enjouée et candide. Ca me ferait plaisir.

Que pouvait elle bien désirer ? La beauté...Elle était déjà si ravissante, cette douce nymphe. L'amour ? Inutile, tant d'hommmes devaient se bousculer devant ces formes si avantageuses. Le pouvoir ? Pourquoi pas...Gabriel Clark sourit et arrangea un peu le col de sa chemise avant  de s'asseoir sur le banc, non loin d'elle, laissant juste un petit espace entre eux.

- Je ne vous ai jamais vu par ici, ajouta-t-elle. Vous venez souvent ?

- Non, c'est la première fois que je viens...

Répondit il, instinctivement tandis qu'un merle noir vint se poser sur une branche d'un arbre, non loin d'eux et commenca alors à chanter un chant mélodieux.

- Que j'aimerais avoir de pareils ailes pour m'elever au dessus de toute cette marmaille naive, qui croit que tout tombe du ciel ! M'elancer après ce merle, voir à travers les cieux tout un monde silencieux se dérouler à mes pieds...Pas vous ?

Le démon marqua une pause, faisant semblant de ne pas preter attention à la jeune femme...Il observait avec patience et attention quelques humains non loin, qui se baladait dans le parc de cette ville nipponne.

- Pardonnez cette disgression...Mais regardez les, regardez la vile descendance d'Adam qui jouit du monde, sans se soucier, qui attend que les rêves s'accomplissent en croyant que tous leurs est acquis....Alors qu'un rêve ne peut être accompli que par le travail et le sacrifice. Une telle bassesse de l'espece humaine me donne l'envie de disparaitre parfois.

Gabriel posa sa canne sur ses genoux.

- Après tout, les moyens importent peu tant qu'on obtient ce qu'on désir. Je serais près à beaucoup, quitte à écraser quelques gêneurs pour satisfaire mes envies et mes rêves. Et vous, demoiselle, jusqu'ou seriez vous prêt à aller pour accomplir vos rêves ? Votre bonheur personnel compte plus que de stupide humain à aider...

Le jeune homme observait maintenant l'humaine.

- Mais j'en oublie les politesses, Gabriel Clark pour vous servir et je comprendrai aismément que mes interrogations soient indiscrétes...

Selene regardait les gens qui passaient devant eux. Elle n’avait pas bougée un cil jusqu’à ce que le garçon ait fini de parler, même lorsqu’il lui avait posé sa première question. Pourquoi est-ce qu’il lui disait tout cela ?
En tout cas sa surprise ne l’avait pas empêchée de réaliser un profil de cet étrange garçon. Apparemment, il avait un profond mépris pour les humains et ne devait sans doute pas vouloir faire parti des leurs. Oui, c’était même certain.

Nous faisons parti de cette « marmaille ». Peut-être que c’est de là que vient la frustration que je ressens dans vos propos, lui dit-elle enfin.

Sa voix avait perdu toute sa frivolité. Elle était maintenant douce et une petite pointe de cynisme pouvait se faire sentir. Bien sur, elle ne parlait pas pour elle. Selene se sentait bien loin de ces créatures éphémères condamnés à revivre les mêmes déceptions, les mêmes joies et les mêmes erreurs que leurs ancêtres. Mais ce n’était pas le cas du jeune homme, sinon pourquoi aurait-il parlé de s’envoler au-dessus des hommes. Si son désir est d’être au-dessus d’eux, cela prouve bien qu’il est en ce moment à leur niveau.
Sur le reste, elle était plutôt d’accord avec lui mais elle ne partageait pas son mépris pour autant.

Les rêves sont faits pour ne pas être réalisés, enchaina-t-elle aussitôt.  Si la religion est l’opium du peuple alors l’espoir est son moteur. L’humanité marche grâce à cela. Pourquoi l’étudiant se réveille aux aurores et passe ses soirées à réviser ses leçons ? Dans l’espoir de réussir. Pourquoi le sportif se tue à l’entrainement ? Dans l’espoir de gagner. Sans l’espoir l’humanité n’est rien et ne ferait rien.

Pour une fois elle pensait plus ou moins ce qu’elle disait. Les humains fonctionnaient à cela. L’espoir. Et elle ne faisait pas exception à la règle. Elle aussi avait un rêve…
Selene lança un regard amusé au garçon et lui décocha un sourire énigmatique.

Essayez de réaliser vos rêves mais je vous conseille de ne pas réussir.

Son sourire s’élargit. On a toujours un rêve. Même lorsqu’on réalise son  rêve, un autre prend immédiatement sa place. Un rêve encore plus dur à réaliser que le précédent. Et ça continue, jusqu'à ce qu’on meurt… Insatisfait. Voila pourquoi l’homme ne sera jamais heureux et ceux qui se présentent devant leur créateur et qui se disent pleinement satisfait de leur existence, sont de fieffés menteurs.
Selene réalisa soudain qu’elle n’avait pas répondu à sa dernière question.

Je ne vois pas pourquoi je devrais empiéter sur le bonheur des autres pour me forger mon propre bonheur, affirma-t-elle d’un ton catégorique.

Ce qui était un odieux mensonge. Selene n’accordait aucune valeur à la vie. Et les « gêneurs » qu’elle écrasait étaient tout simplement des gens qu’elle voulait voir mourir pour des raisons injustes et arbitraires. Selene n’était pas foncièrement méchante, elle était juste amorale et dénuée de conscience.

 
            Entamer la discussion aussi rapidement, sans préliminaires sur une digression aussi futile n'avait pas forcément était une bonne idée. En tout cas, ce n'était pas la meilleure manière d'approcher cette jeune femme et d'apprendre à la connaître. Cependant, les réponses fournîtes avaient le mérite d'être franche et direct. Cette humaine ne se dissimulait pas derrière une apparence de pudeur et de secret et donnait un discours net et franc, sans artifice...Ces réponses avaient aussi le mérite d'en dire beaucoup sur la personne, sur sa manière de percevoir le monde, les gens, sa manière de penser. Ce qui, dans un sens, était l'objectif du démon tentateur, mieux connaître le client avant de lui proposer un pacte. Cerner la cible, ses attentes et ses désirs, comme l'aurait fait un VRP vendant une machine à laver à une ménagère, une fois les attentes et désirs cernées, le démon pouvait alors proposer le produit le plus adapté pour la cliente...Ici, les vœux, les promesses et tout les autres miracles du genre possible.

Gabriel demeurait calme et silencieux sur le banc, ne prêtant plus attention à ce qui se passer dans le parc, ne prêtant plus attention aux autres humains et potentiels clients présents dans cet espace vert, il écoutait avec attention et buvait les paroles, tentant de saisir chaque mots et des les analyser comme si un secret résidait derrière les mots. L'immortel essayait de lire à travers les lignes, pour se dresser un portrait mental de cette jeune femme. Premier détail, elle avait du répondant et n'était pas le genre de femme manipulable aisément, pas le genre à se larmoyer sur son sort et à se laisser dicter une conduite. Il ne lui avait fallut que quelques minutes pour lancer une réplique cinglante au tentateur, et même quelques secondes pour le percer à jour.

- Nous faisons parti de cette « marmaille ». Peut-être que c’est de là que vient la frustration que je ressens dans vos propos, lui dit-elle enfin.

Bien qu'immortel et ayant passé un pacte avec un démon, Monsieur Clark demeurait un être humain, un membre de l'espèce humaine...Et pourtant, il la haïssait. L'haissait elle a cause des nombreux vœux et pactes qu'ils avaient signé avec des êtres mortels peu fréquentable ou naïfs ? La haissait elle car il lui en voulait d'être faible et impuissante ? Ou encore haissait il l'humanité et surtout les humains sans pacte car, lui, égoïste, n'était plus libre ? Tant de question, mais il les chassa de son esprit. 

Le reste du discours et réponses de la jeune femme étaient correct, mais le démon n'écoutait plus. Non pas qu'il n'aimait pas se faire remettre à sa place par cette humaine, mais car il observait avec attention, le sourire énigmatique de cette mortelle. Elle aussi avait un rêve profond, un désir insatisfiable...et c'était ce rêve que le démon devait satisfaire même si il ne parvenait pas à savoir la nature de ce désir. Et au fin de compte, cette humaine semblait un peu comme lui...

- Je ne vois pas pourquoi je devrais empiéter sur le bonheur des autres pour me forger mon propre bonheur , affirma-t-elle d’un ton catégorique.

Etait ce vraiment vrai ? Le démon tentateur ne cherche pas à le savoir.

- Hmm...En venant sur ce banc, je ne m'attendais guère à trouver une jeune femme aussi douée dans l'art du discours et de la reflexion. Excuser ma conduite inconvenable et mes propos futiles, je ne désirais pas vous déranger.

Il marqua une pause.

- Mais comme toute humaine, vous avez un rêve, un souhait...Et votre sourire me le montre clairement. Vous avez dit que les rêves ne devaient pas se réaliser...

Gabriel s'éclaircit la gorge.

- Cependant, je dois avouer que je serais interessé de connaitre votre rêve, si ce n'est pas indiscret. Je vous ai dit le mien, m'envoler le plus haut, survoler ce monde...mais je ne pense pas qu'une femme de votre gabarit, doit rever de la même chose, chose futile qui plus est.

Elle affichait toujours un sourire poli en écoutant Gabriel. Cependant, elle évitait de le regarder pour ne pas avoir à refouler de dangereuses pulsions. Ce qui ne l’empêchait pas d’apprécier sa proximité ; ses manières étaient parfaite et son timbre de voix était agréable. Elle n’en demandait pas plus.
Lorsqu’il eut fini de s’exprimer, Selene afficha un petit sourire satisfait.

Alors c’était donc ça son rêve : la liberté. Elle regarda l’homme assit à côté d’elle ; il y avait trop d’inconnus pour qu’elle puisse le cerner. De plus il y avait des incohérences qui la troublaient et la laissaient dans le brouillard. Pourquoi l’avait-il abordé et pourquoi montrer autant de détachement vis à vis de sa propre espèce. Tant qu’elle n’aurait pas répondu à ces questions, elle ne verrait pas clair dans le jeu de ce jeune homme.
En tous cas ces petits jeux de logiques avaient le dont de calmer ses pulsions. En effet, elle était totalement concentrée sur l’homme à côté d’elle ; tentant de donner une signification à chacun de ses faits et gestes.

Ses rêves… Même si ce garçon était décidément bien indiscret, il avait néanmoins, posé la problématique. En tant qu’immortelle, elle aurait peut-être voulu mourir mais ça ne ressemblait vraiment pas à un rêve. Peut-être perdre les souvenirs des années de tortures, de viols et d’humiliations qu’elle avait subit pendant une partie de sa vie et qui lui avaient brisés l’esprit. Elle serait peut-être de nouveau saine d’esprit et pourrait regarder des hommes sans avoir envie de leur rentrer une lame dans le ventre. Cependant, perdre une partie de sa mémoire, c’était perdre une partie de sa vie et donc de son identité.
La solution lui vint comme une évidence. Quelle idiote, c’était pourtant tellement évident. Tout ce qu’on fait sert à nous rendre heureux et nos rêves sont l’incarnation du bonheur sous une forme moins abstraite.

Mon rêve c’est d’être heureuse, répondit-elle en lui jetant un coup d’œil, à l’affut de toute expression méprisante. Qu’en pensez-vous ?

En effet, inutile de demander de l’or ou du pouvoir puisque toutes ces choses sont un moyen pour être soi-disant heureux. Quitte à rêver, autant rêver à la fin et non au moyen.

La compagnie de cette jeune femme était  dès plus agréable et dans un sens, l'esclave du monde infernal s'en serait bien voulut de lui proposer un pacte et de la condamner à la damnation éternelle tout comme lui. Cependant, il n'avait pas vraiment le choix. L'immortel savait qu'il était surveillé par son cher démon supérieur et farceur, que ce dernier n'apprécierais guère de voir que son client avait échoué dans sa tache de corruption des âmes. Gabriel Clark comprenait cela et savait que la punition serait terrible...D'où son rêve de liberté.

La liberté, quel meilleur rêve ! Mais peut être en avait il trop dit, cette humaine était plutôt maline et dotée d'un esprit éclairée, rapide dans la réflexion. Il ne lui faudrait pas beaucoup de temps avant qu'elle se demande, pourquoi le jeune homme désirait être libre ? Ou pour qu'elle se dise que le jeune homme était l'esclave de quelque chose. Le démon tentateur ne devait pas se laisser cerner, il devait échapper au carcan et la jeune femme ne devait pas deviner sa vraie nature. Toujours assis sur le banc, un détail intrigua Gabriel, elle ne le regardait pas, elle n'avait pas posé directement son regard sur lui depuis qu'ils s'étaient rencontré. Étrange.

Il désirait connaitre les rêves de cette innocente, mais elle entretenait comme un semblant de mysteres. Mais à y penser plus profondement, cela était normal. Après tout, les paroles de l'immortel semblaient indisretes.

- Mon rêve c’est d’être heureuse , répondit-elle en lui jetant un coup d’œil, à l’affut de toute expression méprisante. Qu’en pensez-vous ?

Clark ne parla pas de suite, mais savait que ce rêve était tout sauf naif. Un rêve simple et évident, un rêve que tous les humains faisaient. En fait, le démon tentateur se demandait comment faire prendre forme ce rêve.

- C'est un rêve simple, mais pourtant, c'est le plus dur à réaliser...

Il marqua une pause.

- Mais n'etes vous pas heureuse ? Demoiselle...Vous avez la beauté et l'intelligence, vous avez surement l'amour et bien d'autres choses, que vous manque t'il tant pour que vous n'osiez me regarder. Oh...Excusez mon indiscretion, je suis trop curieux.

Apparemment il n’avait pas l’air de trouver son rêve trop stupide. Même s’il était irréalisable et sans consistance, c’était le meilleur rêve. Comment en était-elle venue à parler de ses rêves avec un garçon qu’elle ne connait même pas ? C’était étrange. De plus, Selene sentait qu’il menait la discussion. Il savait très bien où il allait et guidait Selene à travers ses questions et ses avis. Mais pour l’emmener où ? Ce garçon avait forcement un but derrière tout ça. Cette conversation n’avait rien d’une sérénade ou d’un flirt, il y avait forcement une fin.
Malgré tout, Selene jouait le jeu. Elle ne se méfiait pas du tout et fonçait à cœur joie dans le piège, par curiosité. De toute façon que peuvent faire des mots qui soit dangereux pour elle ?

- Mais n'etes vous pas heureuse ? Demoiselle...Vous avez la beauté et l'intelligence, vous avez surement l'amour et bien d'autres choses, que vous manque t'il tant pour que vous n'osiez me regarder. Oh...Excusez mon indiscretion, je suis trop curieux.

Oh, un observateur. Peut-être était-il une sorte de bonimenteur. L’immortelle était impressionné par le sens de l’observation de cet homme qui avait l’air pourtant très jeune. Mais après tout, certains avaient des dons, Selene pouvait s’entrainer dans un domaine pendant des siècles et voir un jeune surdoué atteindre son niveau en vingt ans. Elle n’était plus étonnée de voir de jeunes prodiges.

Elle prit une inspiration et plongea son regard améthyste dans les yeux du garçon…. La sensation n’était pas très forte. Non, elle n’avait aucune envie de faire du mal à cet homme. L’intérêt qu’elle lui portait avait chassé toute violence de son esprit.
Elle lui décocha un sourire comme pour lui signifier qu’elle était tout à fait capable de le regarder.

C’est pour ne pas à rougir devant votre élégance, lui lança-t-elle avec un air taquin.

Selene n’était pas du tout gêner par ce qu’elle venait de dire. Elle voulait plutôt surprendre ce garçon qui lui avait fait une marque si indiscrète. Elle détourna enfin le regard avec un dernier sourire insolent. Elle resta un instant assit sans piper mot, feignant d’avoir oublié la question de Gabriel puis lui répondit enfin de sa voix douce mais ferme.

Vous devriez le savoir. Les malheureux savent reconnaitre leurs semblables, lui dit-elle un peu plus lentement pour qu’il saisisse bien le sens de sa phrase. Pourquoi n’êtes-vous pas heureux, monsieur Clark?

L’immortelle eut un sourire en coin. Elle détournait la conversation sur lui. Peut être était-ce ce qu’il voulait ou peut être ne voulait-il pas parler de lui. Cependant, il semblait assez réservé ; elle était prête à parier qu’il préfèrerait qu’on parle plutôt d’elle.