Les ombres éparses dansaient, projetant leur toucher furtif sur les murs rocailleux de cette pièce taillée à même le roc. À première vue, cet endroit n’évoquait une taverne que par la présence des gens attablés et l'odeur enivrante de l'hydromel qu'ils buvaient à grandes lampées. Chaque ombre parmi les ombres savourait ce moment de camaraderie, ce répit après une journée de quêtes collectives, où l'on reposait son corps fatigué et assommait son esprit, se laissant bercer par l'illusion de sécurité et de chaleur. Les guerriers, les voleurs et les bardes partageaient les mêmes tables, échangeant des histoires de bravoure, des rumeurs venues des contrées lointaines, ou de simples anecdotes du quotidien.
Confortablement assise en retrait, dans une alcôve naturelle formée par le roc, une créature à la chevelure de feu attirait les regards. Elle laissait ses doigts agiles effleurer les cordes d’une lyre en bois sombre, un instrument qui semblait aussi ancien que l’endroit lui-même. Sous ses doigts habiles, l’instrument produisait une symphonie délicate, où chaque note semblait une hésitation, un souffle suspendu, comme si le songe et l’indécision régnaient en souverains sur cette mélodie envoûtante. Ses yeux grisâtres, brillants d’une lueur intérieure, parcouraient la salle avec une sagesse tranquille, observant sans réellement voir, perdue dans les mélodies qu’elle tissait. La musique flottait, enrobant les esprits d’une langueur apaisante, comme un sortilège ancien destiné à faire oublier, ne serait-ce qu’un instant, les horreurs de ce monde au-dessus.
Les flammes des torches vacillaient au rythme des accords, projetant des éclats de lumière dans les verres d’hydromel, donnant aux boissons des reflets d’or liquide. Les murmures s’apaisaient peu à peu, les esprits se laissaient emporter, transportés par la mélodie dans un autre temps, un autre lieu. Ici, dans cette caverne qui ne ressemblait à aucune autre, le temps semblait s'étirer, se figer dans une bulle de quiétude éphémère, suspendue entre le rêve et la réalité.
« La Flamme, tu comptes nous faire pleurer avec cette musique ? Y’a pourtant pas à se plaindre, le butin de cette semaine est peut-être moins gros qu’à l’habitude, mais c’est pas des raisons de s’ouvrir les veines – les opportunités, elles vont arriver, » lança une voix rauque, tranchant à travers la mélodie comme une lame bien affûtée.
L’homme, un colosse à la barbe hirsute, dressa son verre vers le plafond, ses yeux pétillant d'une lueur malicieuse. Son sourire carnassier révélait des dents jaunies, vestiges de nombreuses batailles et nuits passées à boire. Les autres, entassés autour des tables de bois massif, éclatèrent de rire, reprenant le cri de ralliement avec des hurlements enthousiastes. Les chopes s'entrechoquaient, répandant des éclats de mousse sur les mains calleuses et les plateaux déjà collants de boissons renversées.
« Elles se présentent, elles se sont présentées même ! » s’éleva une autre voix depuis l’autre bout de la table ronde, alors que la mélodie tissée par La Flamme s’estompait, laissant la place aux mots. Un silence curieux s’installa, les regards se tournant vers celui qui venait de parler, impatients de connaître la suite.
L’homme, un petit roublard au visage couturé de cicatrices, se redressa avec un air satisfait.
« Figurez-vous que ces Noblieux... » commença-t-il, mais il fut interrompu par un chœur d’ombres crachant au sol à ce mot, un rituel bien rodé qui traduisait leur mépris unanime pour la noblesse. Un sourire amusé joua sur les lèvres de La Flamme, tandis qu’elle observait la scène avec intérêt.
« Ils organisent un bal, » poursuivit le roublard une fois le crachat terminé, savourant l’effet dramatique de ses paroles.
« Et pas n’importe lequel. Il y aura toutes ces grandes têtes, les plus puissants, les plus riches, y compris celle du vieux Roi et de sa famille. »Un murmure parcourut l'assemblée, une onde d'excitation et de curiosité se répandant parmi les ombres. Des sourires rusés apparurent sur les visages, et des regards complices furent échangés, l’anticipation brillant dans les yeux de chacun. Une autre tête se leva, et une chopine fut brandie en l’air, ajoutant une nouvelle voix à la conversation.
« J’ai un acheteur qui paierait grassement pour la bague royale, » déclara l’homme, un sourire avide aux lèvres.
« Mais aucune opportunité ne s’était présentée jusqu’ici pour la lui dérober… La Flamme, ton sang pourrait bien t’y faire entrer ! Ou mieux encore, ils doivent bien avoir besoin de divertissement dans c’te bal pompeux. »Les doigts de la jeune femme pâle cessèrent de caresser les cordes de la lyre, et le son délicat s’éteignit. La Flamme pinça discrètement les lèvres, tandis que l’enthousiasme grandissant dans la salle se transformait en un brouhaha intense de voix et de promesses avides. Les plans et les spéculations fusaient de toutes parts, alimentés par l'appât du gain et le goût du risque.
Selene déposa doucement son instrument à côté d’elle, prenant soin de ne pas le heurter contre la pierre rugueuse de l’alcôve. Puis elle se tourna pour faire face au groupe, son regard perçant chacun des visages illuminés par l'excitation. Ses mains fines se rejoignirent sur ses genoux, un geste de calme au milieu de l'agitation ambiante.
« Vous voulez dire que je pourrais m’infiltrer en tant que musicienne ? » demanda-t-elle, sa voix douce contrastant avec le tumulte.
« Un divertissement digne de ce nom pourrait effectivement me donner accès à ce bal… Mais ce n'est pas sans risques. Les Noblieux ont l'œil acéré, et je ne doute pas qu’ils surveillent de près ceux qui entrent et sortent de leurs réceptions. »Un silence retomba, seulement brisé par le crépitement des torches et le murmure lointain de l’hydromel se versant. Les yeux fixés sur Selene, le groupe attendait sa décision. Elle était connue pour sa prudence autant que pour sa ruse, et ses paroles avaient le pouvoir de tempérer l’ardeur ou de l’attiser davantage.
« Cependant, » continua-t-elle, un sourire mystérieux apparaissant sur ses lèvres,
« il y a une certaine poésie à penser que la musique pourrait nous ouvrir les portes d’un tel trésor. Si nous nous y prenons correctement, peut-être pourrons-nous danser avec les Noblieux sans qu'ils se doutent de rien... »Les murmures se firent plus intenses, l'assemblée s'animant à nouveau, exaltée par la perspective d'une aventure périlleuse et lucrative. Les yeux de Selene brillaient de malice tandis qu'elle envisageait les possibilités, sachant que chaque note jouée à ce bal pourrait sceller leur destin, pour le meilleur ou pour le pire.
Alors que les flammes des torches vacillaient et que l’hydromel coulait à flots, les Ombres passèrent le reste de la nuit à peaufiner la stratégie pour le bal à venir. Les discussions animées, les chuchotements complices, et les éclats de rires malicieux résonnaient dans la taverne caverneuse, mêlés au cliquetis des verres qui flottait encore dans l'air. Chacun des membres du groupe, rôdé à l’art de la dissimulation et de la tromperie, apporta ses idées et ses connaissances, tissant un plan complexe comme une toile d’araignée.
À l’aube, la première partie du plan achevée, un groupe d’Ombres se leva et quitta la taverne, se fondant dans les ombres de l’extérieur, leurs pas ne faisant aucun bruit sur la terre battue. Leur destination était un domaine à la lisière de la ville, appartenant à une famille influente que les Ombres avaient décidé de mêler à leur jeu. Leur mission : kidnapper la fille cadette de cette famille, une garantie pour avoir une porte de sortie si jamais la rouquine ne parvenait pas à infiltrer le bal en tant que musicienne. Dans la lueur naissante du jour, leurs silhouettes se faufilaient entre les arbres et les haies, se rapprochant de leur cible avec une précision calculée.
Pendant ce temps, un autre groupe s’éparpilla en direction des tisserands et du marché noir, leurs poches remplies de pièces volées et de promesses chuchotées. Leur mandat était clair : trouver de quoi vêtir Selene, des robes de soie somptueuses aux bijoux scintillants, en passant par des fleurs rares et du maquillage subtil, tout ce qu'il faudrait pour la transformer en une musicienne de cour irrésistible. Le marché noir était un dédale de marchandises exotiques et de visages anonymes, et les Ombres y circulaient avec l’aisance de ceux qui appartiennent à ce monde secret. Ils choisirent les tissus les plus fins, les bijoux les plus étincelants, et les pigments les plus délicats, négociant, troquant, et menaçant là où il le fallait pour obtenir ce dont ils avaient besoin.
Une fois leurs emplettes terminées, les Ombres retournèrent dans les labyrinthes sous la Citadelle, leurs bras chargés de leurs acquisitions. Selene les attendait dans ses quartiers délabrés, une petite pièce située à l'arrière de la taverne, où les murs suintaient l'humidité et où la lumière du jour ne pénétrait jamais. Un par un, les membres du groupe déposèrent leurs trouvailles devant elle : une robe de soie d’un blanc éthéré ornée de broderies d’or, agrémenté de tissus aux couleurs lilas ; des bijoux étincelants, sertis de pierres précieuses ; des fleurs exotiques aux couleurs vives ; des pots de maquillage aux teintes délicates ; et, enfin, une lettre d'invitation subtilisée à la famille que le premier groupe avait visitée, cachetée du sceau de la noblesse, une clé ouvrant les portes du bal.
Selene observa ces offrandes avec un sourire satisfait, ses doigts effleurant les tissus et les bijoux avec une délicatesse appréciative. Le plan était en marche, et elle était prête à jouer son rôle. Les Ombres s’éclipsèrent discrètement, laissant Selene seule avec ses pensées et ses préparatifs, le bruissement de leurs pas se fondant dans le silence de la nuit mourante. Bientôt, très bientôt, elle se tiendrait au cœur de la fête, au milieu des Noblieux, prête à jouer une mélodie qui remplirait leurs poches à tous.
….* ''Déguisement'' de Selene Les doigts pâles de la jeune créature à la chevelure de feu pressaient contre la lettre d’invitation qu’elle tenait fermement contre son ventre, comme si ce bout de parchemin était à lui seul la clé de son destin. Chacun de ses pas résonnait sur les marches de pierre, l’amenant un peu plus près de ce bal qui, elle le savait, ne l’attendait pas. Elle avait pris soin de calculer son arrivée, choisissant d’entrer le plus tardivement possible, espérant ainsi se fondre subtilement parmi les invités déjà engagés dans leurs conversations mondaines et leurs danses élégantes.
Dire qu’elle ne ressentait aucune nervosité face à ce plan de grande envergure serait un mensonge. Sous le calme apparent de son visage, elle sentait son sang bouillir, chaque battement de son cœur résonnant dans ses tempes comme un tambour de guerre. La tension la faisait vibrer de la tête aux pieds, ses lèvres pressées l’une contre l’autre, si fort qu’elle crut sentir le goût métallique du sang. Elle avait mordu sa lèvre plus d’une fois, un tic nerveux qu’elle ne parvenait pas à contrôler, et chaque petite déchirure lui rappelait la précarité de sa situation.
Pourtant, elle avançait avec assurance. Son dos était droit, son menton légèrement relevé, et elle marchait avec toute la grâce et la noblesse que l’on reconnaît à ceux dont le sang est prétendument bleu, comme le disaient les légendes. La robe de soie mauve glissait autour d’elle à chacun de ses mouvements, les bijoux à ses poignets et à son cou étincelaient à la lumière des chandeliers, et les fleurs rares dans ses cheveux ajoutaient une touche exotique à son agencement.
En franchissant les dernières marches, Selene inspira profondément, laissant l’air frais embaumé de parfum s’infiltrer dans ses poumons. Elle pouvait déjà entendre le murmure des conversations, le tintement des verres, et la musique délicate qui émanait de la salle. À l’entrée, elle tendit sa lettre d’invitation à l’un des gardes au visage impassible, qui s’inclina respectueusement avant de la laisser passer.
Le grand hall s’ouvrait devant elle, une mer de visages parés de masques et de costumes somptueux. Selene s’avança, sa silhouette gracieuse se fondant dans la foule. Chaque pas la rapprochait de l’orchestre, de la danse, des conversations où les secrets se murmuraient à voix basse.
Elle prit une dernière inspiration, laissant son regard balayer la pièce avec une lueur déterminée. La partie venait de commencer, et elle était prête à jouer son rôle, à jouer de la musique qui enchanterait les cœurs et détournerait les regards, alors que les Ombres s’empareraient de leur trésor.
« Madame Lunaris, » entendit-elle alors, tandis que son minois d’opaline se retournait brusquement à l’énoncé de ce nom qui la figea sur place. Ses yeux verdâtres roulèrent de gauche à droite, sondant la foule dense, son souffle se suspendant entre ses lèvres, piégé par la stupeur. C’est alors qu’elle distingua enfin la silhouette imposante de sa Grâce Royale, escortée par une femme qui, il y a une dizaine d’années déjà, avait su se montrer bien moins savante et agréable qu’elle ne semblait l’être en cette soirée mondaine.
Si chaque détail du plan des Ombres avait été soigneusement élaboré, la belle rousse avait négligé une partie cruciale : la possibilité de se faire reconnaître. Le visage de Selene pâlit à cette réalisation, une ombre de panique voilant son regard. Sans attendre que les regards se détournent ou que sa génitrice ait le temps de l’observer, Selene fit volte-face, son cœur battant à tout rompre contre sa poitrine. Elle savait qu’elle devait se replier vers le plan B — celui où elle ne serait pas l'héritière d’une famille à qui elle avait dérobé l’invitation, mais simplement une musicienne parmi les autres.
L’irritabilité commençait à s’insinuer en elle, une rage sourde naissant au creux de son ventre, tirant la commissure de ses lèvres en une grimace discrète mais foncièrement mauvaise. Les souvenirs, tels des fantômes insidieux, cherchaient à s’immiscer en elle, menaçant de corrompre le calme fragile dont elle avait besoin. Elle lutta pour repousser ces pensées, les enfermant derrière des murs de fer, mais l’amertume persistait, une ombre qui rôdait à la lisière de sa conscience.
Selene accéléra le pas, son attention rivée sur la scène où les bardes faisaient danser la foule, des rires et des notes de musique s’élevant dans l’air. Elle manqua de heurter l’épaule d’un homme, Aldericht, mais ne lui offrit pas même un regard. L’urgence la consumait, chaque fibre de son être tendue vers l’unique but de se fondre dans l’anonymat de la mélodie, de disparaître parmi les artistes.
Ses mains, d’ordinaire si sûres, tremblaient légèrement lorsqu’elle atteignit l’endroit reculé où les musiciens s’affairaient. L’ombre d’un sourire furtif traversa ses lèvres alors qu’elle repérait un luth abandonné. Elle s’en empara avec une familiarité qui dénotait des années de pratique, ses doigts se posant naturellement sur les cordes.
Elle savait qu’une fois qu’elle commencerait à jouer, elle pourrait se perdre dans la musique, laisser les notes guider ses pensées loin de la douleur, loin des souvenirs. Et tandis que les premières notes douces et hypnotiques s’élevèrent dans l’air, Selene ferma les yeux, se préparant à se laisser emporter par la mélodie, espérant que la musique pourrait effacer, ne serait-ce que temporairement, la brûlure des anciennes blessures et la menace des nouvelles.
Mais rien, ni les notes délicieuses ni le tempo délicat, ne parvenait à réfréner la fureur qui prenait désormais plus de place en elle que le sang dans ses veines. Son cœur battait au rythme de cette rage qui cherchait par tous les moyens à s’élever au-dehors de sa composition, brûlante, impérieuse. Les doigts agiles et fins de la femme à la chevelure embrasée se figèrent, interrompant brutalement la mélodie sur laquelle les têtes ornées et les robes somptueuses tournaient en un ballet gracieux. Les bardes à ses côtés cessèrent de jouer au même instant, surpris et déconcertés par l’interruption soudaine.
Dans le silence qui suivit, Selene s’avança doucement vers le centre de la scène, chacun de ses pas mesurés, calculés, ses yeux glissant sur les musiciens autour d’elle. Elle leur offrit un sourire malin, fauve aux commissures, un sourire qui promettait des révélations et des secrets, des vérités cachées sous le masque de l’innocence. Avec une grâce étudiée, l’un de ses bras s’étira vers l’un des bardes, effleurant le masque qu'il portait. D’un geste à la fois audacieux et délicat, elle le subtilisa, caressant la rondeur de sa joue d’une touche appréciative, ses yeux brillants d’un regard langoureux et captivant. La tension entre eux était palpable, un échange silencieux chargé de sous-entendus.
Elle ramena le masque contre son minois pâle, enlaçant les ficelles derrière sa tête pour l’y faire tenir entre ses boucles rousses. Le barde, déconcerté par cette soustraction inattendue, ne fit aucun geste pour le récupérer. Le regard de la belle s’attarda un moment sur l’homme, lui offrant un dernier sourire avant de se détourner pour se concentrer sur les Noblieux.
* Ledit masque
Puis, avec une lenteur étudiée, elle se retourna pour faire face à la foule, tous suspendus à son moindre geste, leurs regards avides et curieux. Ils attendaient le début d’une nouvelle musique, impatients de reprendre leurs danses, de capter l’attention du Roi, leurs vêtements chatoyants et leurs parures scintillantes témoignant du soin extrême mis à se présenter sous leur meilleur jour.
Selene ramena le luth contre son ventre, ses doigts effleurant les cordes avec une délicatesse trompeuse. Puis, elle fit vibrer les cordes, un son doux et envoûtant s’élevant dans l’air, contrastant avec la tempête d’émotions qui grondait en elle. Sa voix s’éleva, claire et mélodieuse, une caresse sonore qui semblait trahir l’émotion hargneuse qui bouillonnait en son sein. Elle chanta, et chaque note, chaque mot, portait en lui une promesse voilée de rébellion et de défi, une invitation à écouter non seulement la musique, mais les murmures cachés sous la surface. C’était un hymne au dédain qu’elle déversait sur ce genre de masquerade, celles où ces jeunes filles devaient chercher à captiver pour s’élever. Ses mirettes claires coulaient par instants en direction de Serenos, roi de Meisa, en appuyant cette attention soutenue en détours des mots qu’elle laissaient s’élever entre ses lèvres délicates. Cherchait-elle à l’attirer, ou bien à l’embêter? Dans tous les cas, cette mélodie lui était dédiée. À lui, à ces femmes et à cette supercherie que représentait le fait d’avoir un titre quelconque en ce monde.
Les bardes, sentant le changement d’atmosphère, reprirent leur jeu, leurs instruments accompagnant la mélodie de Selene. Le rythme s’accéléra, devenant plus complexe, plus intense, une danse d’émotions qui se reflétait dans les regards des Noblieux. Les demoiselles, si fières de leurs atours, se figèrent un instant, captivées par l’aura magnétique de la Flamme. Leurs rires s’évanouirent, leurs yeux brillant de fascination, les lèvres entrouvertes, tandis que la musique prenait possession de l’air, comme une vague qui emporte tout sur son passage.
Selene chantait, son regard défiant glissant sur les visages nobles, lisant leurs émotions, leurs faiblesses, leurs secrets. Tandis que les premiers accords de sa mélodie envoûtante s’élevaient dans l’air, une transformation subtile se produisit dans la salle. Les sangs-bleus, qui avaient jusque-là observés avec impatience, se laissèrent lentement emporter par la musique. Les femmes, parées de leurs plus beaux atours, les robes flottant comme des nuages de soie, reprirent leurs danses avec une intensité nouvelle, leurs mouvements fluides et harmonieux capturant l’essence même de la mélodie.
Les regards des invités, d’abord distraits, se fixèrent sur Selene avec une fascination croissante. Le rythme de la musique, vibrant et palpitant, semblait résonner avec les battements de leurs cœurs, leur imposant un tempo irrésistible. Les couples se reformèrent sur la piste, les danseurs se mêlant et se séparant avec une grâce renouvelée, comme si chaque pas, chaque tour, était une réponse à l’appel envoûtant de la musique.
Les femmes, dont les visages avaient d’abord exprimé une impatience élégante, se retrouvèrent capturées par l’émotion brute de la chanson. Leurs mouvements devinrent plus fluides, plus expressifs, et leurs rires se mêlèrent aux notes, créant une symphonie de couleurs et de sons qui envahissait la salle. Les hommes, quant à eux, se laissèrent porter par l’élan contagieux de la danse, leurs pas se faisant plus assurés, plus ardents, comme s’ils cherchaient à conquérir un territoire inconnu à travers le rythme vibrant de la musique.
Selene, immobile au centre de la scène, observait ce ballet captivant avec une satisfaction discrète. Sa voix continuait de s’élever, chaque note sculptant l’air, chaque mot tissant une toile d’émotions qui enveloppait la salle entière. Le murmure de la mélodie, d’une douceur pénétrante, imprégnait les esprits et les corps, luttant contre les barrières des conventions sociales, et la danse reprenait avec une intensité qui semblait transcender les limites habituelles du bal.
« I'm headed straight for the castle
They wanna make me their queen
And there's an old man sitting on the throne there saying that I probably shouldn't be so mean
I'm headed straight for the castle
They’ve got the Kingdom locked up
And there's an old man sitting on the throne there saying I should probably keep my pretty mouth shut
Straight for the castle »Cette partie du plan avait changé, s’était renouvelée, alors que le chant de la jeune femme à la crinière de feu continuait d’envelopper la salle d’une mélodie envoûtante. Selene, implacable, n’avait pas détourné son regard du Roi, espérant capter son attention avec une intensité renouvelée. Chaque note, chaque inflexion de sa voix était une tentative délicate pour attirer l’œil royal, une offre silencieuse pour lui montrer que l’essence même de sa performance était destinée à lui seul.
Dans le tourbillon de la danse et du plaisir, elle cherchait à percer le voile de l’indifférence, à éveiller un intérêt qui pourrait déclencher la seconde partie de son plan. La musique continuait de couler comme un ruisseau persistant, serpentant à travers la foule enivrante, et elle se concentrait sur chaque geste, chaque expression du Roi. Sa stratégie reposait sur l’espoir que le charme de ses chansons et la profondeur cachée de ses regards éveilleraient suffisamment de curiosité pour la mener plus loin dans le jeu complexe des Ombres...