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La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

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Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

samedi 24 août 2024, 07:24:24

Serenos de Meisa.

Roi de Meisa.

Souverain.

Il n'aurait jamais cru que ce pouvoir lui reviendrait un jour, encore moins à lui seul, et encore moins d'avoir accumulé un tel nombre de victimes qu'il serait reconnu comme le responsable du plus grand massacre de son ère. Serenos avait toujours pensé, espéré même, qu'il vivrait sa royauté dans l'ombre de Laryë, à regarder une femme aux grands projets guider les Trois Royaumes vers leur apogée, vers une ère de prospérité et de cohésion. À la place, elle reposait dans les jardins qu'elle aimait tant.

Il y dormait, parfois. Lorsque ses nuits étaient hantées par les souvenirs macabres de son passé. Cette nuit, par exemple, ce sont les souvenirs des temps de joie qui l'avaient tenu éveillé. De tenir Grymauch pour la première fois entre ses mains, alors qu'ils étaient perdu, là-haut, près du mur d'Ausir. Il avait souvenir d'avoir été aussi heureux que terrifié à l'idée que son fils ne vive dans un monde où, pourchassé et persécuté, il devait vivre dans l'ombre et dans la peur que les ennemis de son père ne le retrouvent. D'avoir demandé à Mélisende, entre tous les êtres de ce monde, de lui montrer la voie qui protègerait sa famille.

Normalement, avec un peu d'alcool et le réconfort de la sépulture de la défunte Reine, le sommeil ne tardait pas.

Mais pas cette nuit.

Parce que, contrairement aux nuits habituelles, cette soirée était dédiée à un bal des débutantes.

Le bal des débutantes de Meisa était un événement qui se déroulait tous les trois ans. Les jeunes femmes et hommes de Meisa se présentaient avec leurs familles devant le Roi de Meisa, qui devait, de son côté, mémoriser les noms et familles de chacun. C'était un événement réservé à la noblesse Meisaenne, et servait principalement à renforcer les liens entre ces familles, et également à permettre au Roi, ou plus exactement au "souverain" car le trône revenait le plus souvent à l'épouse de celui-ci, de démontrer sa reconnaissance et aussi son respect pour les familles qui administraient son royaume.

Présentement, le bal des débutants avait, depuis une bonne décade maintenant, été le théâtre des pires magouilles que le Roi eusse eu le malheur de devoir tolérer; de voir ces jeunes femmes ayant moins du tiers de son âge qui se pavanaient devant lui dans l'espoir qu'elles soient élevées au titre de Souveraine. Alors que les nobles avaient assurément en tête de présenter leur filles comme un délicieux gigot saignant pour attirer le Roi, il était clair que la situation était tout à fait l'inverse; c'était Serenos qui devait éviter les loups qui cherchaient à lui planter leurs crocs dans la gorge.

Le déroulement des événements était à la fois simple et pourtant complexe en raison du haut niveau d'étiquette demandé aux participants, chose que Serenos, même dans ses meilleurs jours, ne pouvait qu'avoir en mépris;

Premièrement, le Roi offrait ses salutations à chaque débutant et débutante, les adressant par leur nom complet, et leur offrant un cadeau. Autrefois, les cadeaux étaient en lien avec l'affection que le souverain apportait à leur famille, mais dans les années du règne de Serenos, il se contentait normalement d'offrir à chacun un bijou, quelque chose de simple mais qui avait une valeur approximativement similaire. Cette année, le Roi avait fait préparer des épingles à cheveux en argent, serti d'une améthyste.

Une fois le cadeau donné, les jeunes nobles lui répondaient avec un remerciement et un court vœu de bonne santé. Accessoirement, certains essayaient d'attirer son regard avec une gestuelle, parfois une courbette exagérée malgré un décolleté qui ne s'y prêtait pas, ou une main discrètement tendue pour caresser un pendentif. Certains, comme la princesse Laurelian et la duchesse Myrella, assises respectivement dans un siège dédié, ne s'embêtaient même pas de se voiler, et exprimaient leur intérêt en se présentant torse nu au bal, préférant arborer des peintures d'argent sur leur peau nue pour non seulement souligner leur charme, mais également attirer l'attention du Roi sur leur fortune personnelle; certaines œuvres avaient été réalisé par des artistes qui, à titre de salaire, pouvait demander jusqu'à un mécénât de plusieurs années.

Néanmoins, leurs efforts restaient sans résultat. Serenos pouvait aussi bien être aussi aveugle qu'Aldericht devant leur manège.

En deuxième lieu, le Roi adressait un toast aux familles, puis devait danser au moins quatre chansons à rotation, c'est-à-dire une danse où les partenaires étaient régulièrement échangés. Sa participation pouvait être écourtées lorsque le nombre de participants était réduit, mais cette année, il y avait plus d'une quarantaine de nouvelles têtes, comme si ces imbéciles s'étaient soudainement pris pour une bande de lapin, et s'étaient rapidement reproduits. De fait, Serenos savait que c'était le résultat de l'accès facile aux magiciens et leurs rituels de fertilité.

En troisième lieu, le Roi était forcé de faire la conversation. Au moins, il avait l'avantage d'avoir à ses côtés Grymauch et Aldericht pour réduire la charge de travail. En se séparant, le trio des hommes royaux parvenaient à se partager la charge de travail, car même si le Roi n'était pas particulièrement intéressé par l'idée du mariage, il restait que trois des enfants du Roi étaient encore sur le marché.

Après, il y avait un repas, une dégustation, encore de la danse, des cadeaux envoyés par les nobles qui ne pouvaient pas être présent, des poèmes, des événements si vains que Serenos aurait préféré retourner dans les geôles de Maeje pour une nouvelle séance de torture pour ne serait-ce qu'éliminer la brume qui envahissait son esprit.

Vers le milieu de la soirée, alors que le Seigneur de Haute Vallée tentait tant bien que mal de convaincre le Roi que, en fait, l'esclavage, ce n'était pas aussi horrible que ce qu'il pensait et que c'était même bénéfique pour l'économie du royaume, il sentit une main lui tapoter l'épaule.

– Bonsoir, votre Grâce Royale, fit une voix mielleuse qu'il reconnut presque instantanément.

Elara Lunaris, épouse d'Aric Lunaris. Une des femmes les plus influentes de ce que les gens appelaient 'la Haute Société de Meisa', autrement dit, le ramassis de diplomates et de magouilleurs par excellence. La précédente Reine, la belle-mère de Serenos, avait longtemps été à la tête de ce regroupement. Elara avait été la femme la plus convoitée de sa génération, et il y avait eu un énorme scandale lorsqu'elle choisit comme mari un jeune homme de petite noblesse, un poète au talent notable mais sans influence propre.

– Madame Lunaris, dit le souverain avec un léger signe de la tête, en lui écartant la main du revers de la sienne, geste qu'elle adoucit en lui serrant délicatement les doigts et en effectuant une révérence, comme si ce geste était presque affectueux plutôt qu'une marque d'indifférence. Si vous êtes ici, je suppose que la visite de votre époux à Nexus s'est bien déroulée ?

Elle cacha sa bouche derrière ses doigts pour retenir un petit gloussement.

– L'intérêt de mon époux pour l'art étranger ne se tarit jamais, à mon grand dam, mais tels sont les hommes, ne croyez-vous pas ? Si épris de leurs passions qu'ils en oublient presque tout le reste.

Le Roi la dévisagea, comme s'il essayait de déterminer si elle n'avait réellement aucune idée des véritables intérêts de son mari, dont les agents parcouraient aussi bien ses terres que celles de ses voisins, ou si elle cherchait à couvrir pour lui.

– Il devrait essayer de garder les rennes sur ses passions, avant qu'elles lui causent un problème.

Selene Lunaris

Humain(e)

Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 1 samedi 24 août 2024, 21:23:12

Les ombres éparses dansaient, projetant leur toucher furtif sur les murs rocailleux de cette pièce taillée à même le roc. À première vue, cet endroit n’évoquait une taverne que par la présence des gens attablés et l'odeur enivrante de l'hydromel qu'ils buvaient à grandes lampées. Chaque ombre parmi les ombres savourait ce moment de camaraderie, ce répit après une journée de quêtes collectives, où l'on reposait son corps fatigué et assommait son esprit, se laissant bercer par l'illusion de sécurité et de chaleur. Les guerriers, les voleurs et les bardes partageaient les mêmes tables, échangeant des histoires de bravoure, des rumeurs venues des contrées lointaines, ou de simples anecdotes du quotidien.

Confortablement assise en retrait, dans une alcôve naturelle formée par le roc, une créature à la chevelure de feu attirait les regards. Elle laissait ses doigts agiles effleurer les cordes d’une lyre en bois sombre, un instrument qui semblait aussi ancien que l’endroit lui-même. Sous ses doigts habiles, l’instrument produisait une symphonie délicate, où chaque note semblait une hésitation, un souffle suspendu, comme si le songe et l’indécision régnaient en souverains sur cette mélodie envoûtante. Ses yeux grisâtres, brillants d’une lueur intérieure, parcouraient la salle avec une sagesse tranquille, observant sans réellement voir, perdue dans les mélodies qu’elle tissait. La musique flottait, enrobant les esprits d’une langueur apaisante, comme un sortilège ancien destiné à faire oublier, ne serait-ce qu’un instant, les horreurs de ce monde au-dessus.

Les flammes des torches vacillaient au rythme des accords, projetant des éclats de lumière dans les verres d’hydromel, donnant aux boissons des reflets d’or liquide. Les murmures s’apaisaient peu à peu, les esprits se laissaient emporter, transportés par la mélodie dans un autre temps, un autre lieu. Ici, dans cette caverne qui ne ressemblait à aucune autre, le temps semblait s'étirer, se figer dans une bulle de quiétude éphémère, suspendue entre le rêve et la réalité.

« La Flamme, tu comptes nous faire pleurer avec cette musique ? Y’a pourtant pas à se plaindre, le butin de cette semaine est peut-être moins gros qu’à l’habitude, mais c’est pas des raisons de s’ouvrir les veines – les opportunités, elles vont arriver, » lança une voix rauque, tranchant à travers la mélodie comme une lame bien affûtée.

L’homme, un colosse à la barbe hirsute, dressa son verre vers le plafond, ses yeux pétillant d'une lueur malicieuse. Son sourire carnassier révélait des dents jaunies, vestiges de nombreuses batailles et nuits passées à boire. Les autres, entassés autour des tables de bois massif, éclatèrent de rire, reprenant le cri de ralliement avec des hurlements enthousiastes. Les chopes s'entrechoquaient, répandant des éclats de mousse sur les mains calleuses et les plateaux déjà collants de boissons renversées.

« Elles se présentent, elles se sont présentées même ! » s’éleva une autre voix depuis l’autre bout de la table ronde, alors que la mélodie tissée par La Flamme s’estompait, laissant la place aux mots. Un silence curieux s’installa, les regards se tournant vers celui qui venait de parler, impatients de connaître la suite.

L’homme, un petit roublard au visage couturé de cicatrices, se redressa avec un air satisfait. « Figurez-vous que ces Noblieux... » commença-t-il, mais il fut interrompu par un chœur d’ombres crachant au sol à ce mot, un rituel bien rodé qui traduisait leur mépris unanime pour la noblesse. Un sourire amusé joua sur les lèvres de La Flamme, tandis qu’elle observait la scène avec intérêt.

« Ils organisent un bal, » poursuivit le roublard une fois le crachat terminé, savourant l’effet dramatique de ses paroles. « Et pas n’importe lequel. Il y aura toutes ces grandes têtes, les plus puissants, les plus riches, y compris celle du vieux Roi et de sa famille. »

Un murmure parcourut l'assemblée, une onde d'excitation et de curiosité se répandant parmi les ombres. Des sourires rusés apparurent sur les visages, et des regards complices furent échangés, l’anticipation brillant dans les yeux de chacun. Une autre tête se leva, et une chopine fut brandie en l’air, ajoutant une nouvelle voix à la conversation.

« J’ai un acheteur qui paierait grassement pour la bague royale, » déclara l’homme, un sourire avide aux lèvres. « Mais aucune opportunité ne s’était présentée jusqu’ici pour la lui dérober… La Flamme, ton sang pourrait bien t’y faire entrer ! Ou mieux encore, ils doivent bien avoir besoin de divertissement dans c’te bal pompeux. »

Les doigts de la jeune femme pâle cessèrent de caresser les cordes de la lyre, et le son délicat s’éteignit. La Flamme pinça discrètement les lèvres, tandis que l’enthousiasme grandissant dans la salle se transformait en un brouhaha intense de voix et de promesses avides. Les plans et les spéculations fusaient de toutes parts, alimentés par l'appât du gain et le goût du risque.

Selene déposa doucement son instrument à côté d’elle, prenant soin de ne pas le heurter contre la pierre rugueuse de l’alcôve. Puis elle se tourna pour faire face au groupe, son regard perçant chacun des visages illuminés par l'excitation. Ses mains fines se rejoignirent sur ses genoux, un geste de calme au milieu de l'agitation ambiante.

« Vous voulez dire que je pourrais m’infiltrer en tant que musicienne ? » demanda-t-elle, sa voix douce contrastant avec le tumulte. « Un divertissement digne de ce nom pourrait effectivement me donner accès à ce bal… Mais ce n'est pas sans risques. Les Noblieux ont l'œil acéré, et je ne doute pas qu’ils surveillent de près ceux qui entrent et sortent de leurs réceptions. »

Un silence retomba, seulement brisé par le crépitement des torches et le murmure lointain de l’hydromel se versant. Les yeux fixés sur Selene, le groupe attendait sa décision. Elle était connue pour sa prudence autant que pour sa ruse, et ses paroles avaient le pouvoir de tempérer l’ardeur ou de l’attiser davantage.

« Cependant, » continua-t-elle, un sourire mystérieux apparaissant sur ses lèvres, « il y a une certaine poésie à penser que la musique pourrait nous ouvrir les portes d’un tel trésor. Si nous nous y prenons correctement, peut-être pourrons-nous danser avec les Noblieux sans qu'ils se doutent de rien... »

Les murmures se firent plus intenses, l'assemblée s'animant à nouveau, exaltée par la perspective d'une aventure périlleuse et lucrative. Les yeux de Selene brillaient de malice tandis qu'elle envisageait les possibilités, sachant que chaque note jouée à ce bal pourrait sceller leur destin, pour le meilleur ou pour le pire.

Alors que les flammes des torches vacillaient et que l’hydromel coulait à flots, les Ombres passèrent le reste de la nuit à peaufiner la stratégie pour le bal à venir. Les discussions animées, les chuchotements complices, et les éclats de rires malicieux résonnaient dans la taverne caverneuse, mêlés au cliquetis des verres qui flottait encore dans l'air. Chacun des membres du groupe, rôdé à l’art de la dissimulation et de la tromperie, apporta ses idées et ses connaissances, tissant un plan complexe comme une toile d’araignée.

À l’aube, la première partie du plan achevée, un groupe d’Ombres se leva et quitta la taverne, se fondant dans les ombres de l’extérieur, leurs pas ne faisant aucun bruit sur la terre battue. Leur destination était un domaine à la lisière de la ville, appartenant à une famille influente que les Ombres avaient décidé de mêler à leur jeu. Leur mission : kidnapper la fille cadette de cette famille, une garantie pour avoir une porte de sortie si jamais la rouquine ne parvenait pas à infiltrer le bal en tant que musicienne. Dans la lueur naissante du jour, leurs silhouettes se faufilaient entre les arbres et les haies, se rapprochant de leur cible avec une précision calculée.

Pendant ce temps, un autre groupe s’éparpilla en direction des tisserands et du marché noir, leurs poches remplies de pièces volées et de promesses chuchotées. Leur mandat était clair : trouver de quoi vêtir Selene, des robes de soie somptueuses aux bijoux scintillants, en passant par des fleurs rares et du maquillage subtil, tout ce qu'il faudrait pour la transformer en une musicienne de cour irrésistible. Le marché noir était un dédale de marchandises exotiques et de visages anonymes, et les Ombres y circulaient avec l’aisance de ceux qui appartiennent à ce monde secret. Ils choisirent les tissus les plus fins, les bijoux les plus étincelants, et les pigments les plus délicats, négociant, troquant, et menaçant là où il le fallait pour obtenir ce dont ils avaient besoin.

Une fois leurs emplettes terminées, les Ombres retournèrent dans les labyrinthes sous la Citadelle, leurs bras chargés de leurs acquisitions. Selene les attendait dans ses quartiers délabrés, une petite pièce située à l'arrière de la taverne, où les murs suintaient l'humidité et où la lumière du jour ne pénétrait jamais. Un par un, les membres du groupe déposèrent leurs trouvailles devant elle : une robe de soie d’un blanc éthéré ornée de broderies d’or, agrémenté de tissus aux couleurs lilas ; des bijoux étincelants, sertis de pierres précieuses ; des fleurs exotiques aux couleurs vives ; des pots de maquillage aux teintes délicates ; et, enfin, une lettre d'invitation subtilisée à la famille que le premier groupe avait visitée, cachetée du sceau de la noblesse, une clé ouvrant les portes du bal.

Selene observa ces offrandes avec un sourire satisfait, ses doigts effleurant les tissus et les bijoux avec une délicatesse appréciative. Le plan était en marche, et elle était prête à jouer son rôle. Les Ombres s’éclipsèrent discrètement, laissant Selene seule avec ses pensées et ses préparatifs, le bruissement de leurs pas se fondant dans le silence de la nuit mourante. Bientôt, très bientôt, elle se tiendrait au cœur de la fête, au milieu des Noblieux, prête à jouer une mélodie qui remplirait leurs poches à tous.


….

* ''Déguisement'' de Selene

Les doigts pâles de la jeune créature à la chevelure de feu pressaient contre la lettre d’invitation qu’elle tenait fermement contre son ventre, comme si ce bout de parchemin était à lui seul la clé de son destin. Chacun de ses pas résonnait sur les marches de pierre, l’amenant un peu plus près de ce bal qui, elle le savait, ne l’attendait pas. Elle avait pris soin de calculer son arrivée, choisissant d’entrer le plus tardivement possible, espérant ainsi se fondre subtilement parmi les invités déjà engagés dans leurs conversations mondaines et leurs danses élégantes.

Dire qu’elle ne ressentait aucune nervosité face à ce plan de grande envergure serait un mensonge. Sous le calme apparent de son visage, elle sentait son sang bouillir, chaque battement de son cœur résonnant dans ses tempes comme un tambour de guerre. La tension la faisait vibrer de la tête aux pieds, ses lèvres pressées l’une contre l’autre, si fort qu’elle crut sentir le goût métallique du sang. Elle avait mordu sa lèvre plus d’une fois, un tic nerveux qu’elle ne parvenait pas à contrôler, et chaque petite déchirure lui rappelait la précarité de sa situation.

Pourtant, elle avançait avec assurance. Son dos était droit, son menton légèrement relevé, et elle marchait avec toute la grâce et la noblesse que l’on reconnaît à ceux dont le sang est prétendument bleu, comme le disaient les légendes. La robe de soie mauve glissait autour d’elle à chacun de ses mouvements, les bijoux à ses poignets et à son cou étincelaient à la lumière des chandeliers, et les fleurs rares dans ses cheveux ajoutaient une touche exotique à son agencement.

En franchissant les dernières marches, Selene inspira profondément, laissant l’air frais embaumé de parfum s’infiltrer dans ses poumons. Elle pouvait déjà entendre le murmure des conversations, le tintement des verres, et la musique délicate qui émanait de la salle. À l’entrée, elle tendit sa lettre d’invitation à l’un des gardes au visage impassible, qui s’inclina respectueusement avant de la laisser passer.

Le grand hall s’ouvrait devant elle, une mer de visages parés de masques et de costumes somptueux. Selene s’avança, sa silhouette gracieuse se fondant dans la foule. Chaque pas la rapprochait de l’orchestre, de la danse, des conversations où les secrets se murmuraient à voix basse.

Elle prit une dernière inspiration, laissant son regard balayer la pièce avec une lueur déterminée. La partie venait de commencer, et elle était prête à jouer son rôle, à jouer de la musique qui enchanterait les cœurs et détournerait les regards, alors que les Ombres s’empareraient de leur trésor.

« Madame Lunaris, » entendit-elle alors, tandis que son minois d’opaline se retournait brusquement à l’énoncé de ce nom qui la figea sur place. Ses yeux verdâtres roulèrent de gauche à droite, sondant la foule dense, son souffle se suspendant entre ses lèvres, piégé par la stupeur. C’est alors qu’elle distingua enfin la silhouette imposante de sa Grâce Royale, escortée par une femme qui, il y a une dizaine d’années déjà, avait su se montrer bien moins savante et agréable qu’elle ne semblait l’être en cette soirée mondaine.

Si chaque détail du plan des Ombres avait été soigneusement élaboré, la belle rousse avait négligé une partie cruciale : la possibilité de se faire reconnaître. Le visage de Selene pâlit à cette réalisation, une ombre de panique voilant son regard. Sans attendre que les regards se détournent ou que sa génitrice ait le temps de l’observer, Selene fit volte-face, son cœur battant à tout rompre contre sa poitrine. Elle savait qu’elle devait se replier vers le plan B — celui où elle ne serait pas l'héritière d’une famille à qui elle avait dérobé l’invitation, mais simplement une musicienne parmi les autres.

L’irritabilité commençait à s’insinuer en elle, une rage sourde naissant au creux de son ventre, tirant la commissure de ses lèvres en une grimace discrète mais foncièrement mauvaise. Les souvenirs, tels des fantômes insidieux, cherchaient à s’immiscer en elle, menaçant de corrompre le calme fragile dont elle avait besoin. Elle lutta pour repousser ces pensées, les enfermant derrière des murs de fer, mais l’amertume persistait, une ombre qui rôdait à la lisière de sa conscience.

Selene accéléra le pas, son attention rivée sur la scène où les bardes faisaient danser la foule, des rires et des notes de musique s’élevant dans l’air. Elle manqua de heurter l’épaule d’un homme, Aldericht, mais ne lui offrit pas même un regard. L’urgence la consumait, chaque fibre de son être tendue vers l’unique but de se fondre dans l’anonymat de la mélodie, de disparaître parmi les artistes.

Ses mains, d’ordinaire si sûres, tremblaient légèrement lorsqu’elle atteignit l’endroit reculé où les musiciens s’affairaient. L’ombre d’un sourire furtif traversa ses lèvres alors qu’elle repérait un luth abandonné. Elle s’en empara avec une familiarité qui dénotait des années de pratique, ses doigts se posant naturellement sur les cordes.

Elle savait qu’une fois qu’elle commencerait à jouer, elle pourrait se perdre dans la musique, laisser les notes guider ses pensées loin de la douleur, loin des souvenirs. Et tandis que les premières notes douces et hypnotiques s’élevèrent dans l’air, Selene ferma les yeux, se préparant à se laisser emporter par la mélodie, espérant que la musique pourrait effacer, ne serait-ce que temporairement, la brûlure des anciennes blessures et la menace des nouvelles.

Mais rien, ni les notes délicieuses ni le tempo délicat, ne parvenait à réfréner la fureur qui prenait désormais plus de place en elle que le sang dans ses veines. Son cœur battait au rythme de cette rage qui cherchait par tous les moyens à s’élever au-dehors de sa composition, brûlante, impérieuse. Les doigts agiles et fins de la femme à la chevelure embrasée se figèrent, interrompant brutalement la mélodie sur laquelle les têtes ornées et les robes somptueuses tournaient en un ballet gracieux. Les bardes à ses côtés cessèrent de jouer au même instant, surpris et déconcertés par l’interruption soudaine.

Dans le silence qui suivit, Selene s’avança doucement vers le centre de la scène, chacun de ses pas mesurés, calculés, ses yeux glissant sur les musiciens autour d’elle. Elle leur offrit un sourire malin, fauve aux commissures, un sourire qui promettait des révélations et des secrets, des vérités cachées sous le masque de l’innocence. Avec une grâce étudiée, l’un de ses bras s’étira vers l’un des bardes, effleurant le masque qu'il portait. D’un geste à la fois audacieux et délicat, elle le subtilisa, caressant la rondeur de sa joue d’une touche appréciative, ses yeux brillants d’un regard langoureux et captivant. La tension entre eux était palpable, un échange silencieux chargé de sous-entendus.

 Elle ramena le masque contre son minois pâle, enlaçant les ficelles derrière sa tête pour l’y faire tenir entre ses boucles rousses. Le barde, déconcerté par cette soustraction inattendue, ne fit aucun geste pour le récupérer. Le regard de la belle s’attarda un moment sur l’homme, lui offrant un dernier sourire avant de se détourner pour se concentrer sur les Noblieux.


* Ledit masque

 Puis, avec une lenteur étudiée, elle se retourna pour faire face à la foule, tous suspendus à son moindre geste, leurs regards avides et curieux. Ils attendaient le début d’une nouvelle musique, impatients de reprendre leurs danses, de capter l’attention du Roi, leurs vêtements chatoyants et leurs parures scintillantes témoignant du soin extrême mis à se présenter sous leur meilleur jour.

Selene ramena le luth contre son ventre, ses doigts effleurant les cordes avec une délicatesse trompeuse. Puis, elle fit vibrer les cordes, un son doux et envoûtant s’élevant dans l’air, contrastant avec la tempête d’émotions qui grondait en elle. Sa voix s’éleva, claire et mélodieuse, une caresse sonore qui semblait trahir l’émotion hargneuse qui bouillonnait en son sein. Elle chanta, et chaque note, chaque mot, portait en lui une promesse voilée de rébellion et de défi, une invitation à écouter non seulement la musique, mais les murmures cachés sous la surface. C’était un hymne au dédain qu’elle déversait sur ce genre de masquerade, celles où ces jeunes filles devaient chercher à captiver pour s’élever. Ses mirettes claires coulaient par instants en direction de Serenos, roi de Meisa, en appuyant cette attention soutenue en détours des mots qu’elle laissaient s’élever entre ses lèvres délicates. Cherchait-elle à l’attirer, ou bien à l’embêter? Dans tous les cas, cette mélodie lui était dédiée. À lui, à ces femmes et à cette supercherie que représentait le fait d’avoir un titre quelconque en ce monde.

Les bardes, sentant le changement d’atmosphère, reprirent leur jeu, leurs instruments accompagnant la mélodie de Selene. Le rythme s’accéléra, devenant plus complexe, plus intense, une danse d’émotions qui se reflétait dans les regards des Noblieux. Les demoiselles, si fières de leurs atours, se figèrent un instant, captivées par l’aura magnétique de la Flamme. Leurs rires s’évanouirent, leurs yeux brillant de fascination, les lèvres entrouvertes, tandis que la musique prenait possession de l’air, comme une vague qui emporte tout sur son passage.

Selene chantait, son regard défiant glissant sur les visages nobles, lisant leurs émotions, leurs faiblesses, leurs secrets. Tandis que les premiers accords de sa mélodie envoûtante s’élevaient dans l’air, une transformation subtile se produisit dans la salle. Les sangs-bleus, qui avaient jusque-là observés avec impatience, se laissèrent lentement emporter par la musique. Les femmes, parées de leurs plus beaux atours, les robes flottant comme des nuages de soie, reprirent leurs danses avec une intensité nouvelle, leurs mouvements fluides et harmonieux capturant l’essence même de la mélodie.

Les regards des invités, d’abord distraits, se fixèrent sur Selene avec une fascination croissante. Le rythme de la musique, vibrant et palpitant, semblait résonner avec les battements de leurs cœurs, leur imposant un tempo irrésistible. Les couples se reformèrent sur la piste, les danseurs se mêlant et se séparant avec une grâce renouvelée, comme si chaque pas, chaque tour, était une réponse à l’appel envoûtant de la musique.

Les femmes, dont les visages avaient d’abord exprimé une impatience élégante, se retrouvèrent capturées par l’émotion brute de la chanson. Leurs mouvements devinrent plus fluides, plus expressifs, et leurs rires se mêlèrent aux notes, créant une symphonie de couleurs et de sons qui envahissait la salle. Les hommes, quant à eux, se laissèrent porter par l’élan contagieux de la danse, leurs pas se faisant plus assurés, plus ardents, comme s’ils cherchaient à conquérir un territoire inconnu à travers le rythme vibrant de la musique.

Selene, immobile au centre de la scène, observait ce ballet captivant avec une satisfaction discrète. Sa voix continuait de s’élever, chaque note sculptant l’air, chaque mot tissant une toile d’émotions qui enveloppait la salle entière. Le murmure de la mélodie, d’une douceur pénétrante, imprégnait les esprits et les corps, luttant contre les barrières des conventions sociales, et la danse reprenait avec une intensité qui semblait transcender les limites habituelles du bal.

« I'm headed straight for the castle
They wanna make me their queen
And there's an old man sitting on the throne there saying that I probably shouldn't be so mean
I'm headed straight for the castle
They’ve got the Kingdom locked up
And there's an old man sitting on the throne there saying I should probably keep my pretty mouth shut
Straight for the castle »


Cette partie du plan avait changé, s’était renouvelée, alors que le chant de la jeune femme à la crinière de feu continuait d’envelopper la salle d’une mélodie envoûtante. Selene, implacable, n’avait pas détourné son regard du Roi, espérant capter son attention avec une intensité renouvelée. Chaque note, chaque inflexion de sa voix était une tentative délicate pour attirer l’œil royal, une offre silencieuse pour lui montrer que l’essence même de sa performance était destinée à lui seul.

Dans le tourbillon de la danse et du plaisir, elle cherchait à percer le voile de l’indifférence, à éveiller un intérêt qui pourrait déclencher la seconde partie de son plan. La musique continuait de couler comme un ruisseau persistant, serpentant à travers la foule enivrante, et elle se concentrait sur chaque geste, chaque expression du Roi. Sa stratégie reposait sur l’espoir que le charme de ses chansons et la profondeur cachée de ses regards éveilleraient suffisamment de curiosité pour la mener plus loin dans le jeu complexe des Ombres...

Serenos I Aeslingr

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    Description
    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 2 dimanche 25 août 2024, 06:14:23

– Ses passions, sire ? s'enquit la dame avec un sourire vide. Je crains ne pas comprendre à ce à quoi vous faites allusion. Mon humble époux n'est rien sinon un patron des arts, il ne ferait rien qui risquerait de s'attirer les foudres du trône, je vous en assure.

Son air innocent aurait assurément forcé un homme normal à abaisser sa garde, mais le Roi de Meisa n'était pas idiot, et il ne se remettait pas aisément en question, que ce soit pour son comportement ou pour son jugement. Mais il savait que ce n'était ni le temps ni l'endroit pour pousser son investigation. Il se contenta de lui retirer sa main et de la regarder dans les yeux.

– Mes foudres, chère Dame, ne limitent pas leur supplice aux idiots qui font beaucoup de bruits.

Autrement dit, même si son mari ne faisait rien de particulièrement exceptionnel, ou de moindre degré, cela ne voulait pas dire qu'il serait épargné. Pendant longtemps, les nobles de Meisa se voyaient épargné la colère du Roi en raison de leur lien de parenté avec la famille royale, mais Serenos n'avait que faire de ces liens de parenté, un des rares avantages conférés par son exil dans l'Empire des Araniades. Les nobles parvenaient ainsi beaucoup plus difficilement à leurs fins, et certains abandonnaient leurs petites manigances en sachant que si le Roi avait vent de celles-ci, ils devraient faire face à la pleine force de sa justice.

Avec un geste de désintérêt, il lui fit signe qu'il n'avait pas envie de lui parler. Elle aurait pu s'en vexer, et il était parfaitement prêt à adresser sa colère, mais plutôt que de se laisser piéger par sa provocation, elle continua de sourire et s'inclina dans une révérence élégante. L'absence de colère dans son visage, ou même dans son aura, troubla un moment le Roi, qui s'attendait aux réactions habituelles, mais visiblement, la noble dame avait un contrôle inattendu sur ses émotions.

Alors que le Roi démontrait son hostilité, Aldericht, Prince de Meisa, écoutait distraitement les conversations qui l'entouraient, particulièrement en ce qui concernait la propagation de la magie à titre d'institution. Il était entouré de magie, entouré de gens qui avaient un potentiel, et dont le talent se manifestait à leur insu, et ces gens étaient soient trop humbles, ou trop hautain pour le constater. L'une de ces personnes manqua même de le percuter directement, et malgré sa cécité, il fit un demi-pas vers l'arrière pour éviter une fâcheuse collision. Il haussa d'un sourcil alors que cette même personne, qu'il ne reconnût pas malgré sa grande mémoire, poursuivit son chemin sans même un mot d'excuse et tendit une main vers elle, ses doigts manquant de peu d'agripper la jeune femme par sa robe, mais elle disparut de sa portée, et de sa "vue", par la même occasion, ce qui le perturba. Conscient qu'il lui était inutile de pourchasser cette personne s'il ne pouvait pas la percevoir, il se contenta de ramener son attention sur ses invités, et s'efforça de montrer un sourire poli.

Bientôt, les chansons reprirent, ainsi que la danse. Serenos entendit une voix, un timbre à la fois inconnu mais familier, comme le souvenir d'un songe ou l'odeur d'un parfum dans une allée marchande, et malgré son désintérêt pour tout ce qui l'entourait, des nobles à la musique, son regard se dirigea vers la propriétaire de cette voix, et il remarqua qu'elle l'observait directement, ses paroles susurrées dans la langue locale ne manquant pas d'envouter les gens, malgré les paroles très provocatrices qu'elle prononçait. C'était comme s'ils étaient pris dans une transe, devenant une masse mouvante, les hommes et les femmes se pressant les uns aux autres. Des regards se rejoignirent, des lèvres se rencontrèrent, et des étreintes furent échangées, comme si d'un coup, tous les membres de l'audience étaient soudainement pris d'une vague de sensualité. La Citadelle était un endroit chargé de magie qui pouvait manifester des effets inattendus, et même avec son expertise, Serenos ne put dire si la jeune femme était responsable directement, ou si les Meisaens étaient simplement réceptifs en raison de la magie dans l'air.

Serenos ne semblait pas être le seul à avoir remarqué le changement causé par cette femme, car Aldericht dirigeait son regard vers elle, ainsi que Grymauch. Laurelian, pour sa part, se couvrit la bouche pour retenir un fou rire alors que la musicienne traitait le souverain de vieillard dans sa propre demeure, le culot de cette femme chassant immédiatement l'ennui qui commençait à s'installer en elle.

Grymauch fit un pas dans la direction de la chanteuse, imité par Serenos, qui semblait bien décidé à concrétiser les paroles de sa chanson, avant qu'Aldericht, se mouvant comme l'ombre d'une chandelle, apparut devant eux.

– Pas de sang ce soir, avertit-il en posant une main sur leurs poitrines respectives, les stoppant dans leur élan.

Serenos repoussa le bras de son fils et continua son chemin, faisant son chemin jusqu'à la jeune femme, écartant les danseurs d'une main ferme. Si la jeune femme comptait attirer son attention, elle avait maintenant le Roi qui se dirigeait droit vers elle!

Selene Lunaris

Humain(e)

Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 3 dimanche 25 août 2024, 20:22:24


Les notes poursuivaient leur avancée, s'insinuant dans les cœurs et les bas-ventres des convives de cette fête qui, aux yeux de la Flamme, n’avait rien de remarquable. La pointe de sa langue passait parfois sur sa lippe inférieure, un sourire sournois menaçant d’étirer ses lèvres en un rictus prétentieusement satisfait. Tandis que ses paroles tranchantes dévoilaient sans détour les ambitions cachées des jeunes débutantes, toutes désireuses de devenir la nouvelle souveraine, les mouvements de Selene, eux, étaient empreints d'une langueur calculée et d'une lenteur hypnotique.

Ses bras s'élevaient avec une grâce indolente, laissant les pans de ses tissus légers glisser le long de sa peau pour la découvrir brièvement. Parfois, elle mimait le geste de tenir le ciel entre ses doigts, avant de les laisser retomber langoureusement le long de ses hanches. Celles-ci roulaient de bas en haut, suivant les variations délicates et furieuses de la musique. Ses gestes et son déhanchement, bien que lents, étaient chargés d'une sensualité si puissante qu'ils attiraient irrésistiblement les regards, comme un aimant secret.

Malgré leurs efforts pour rester impassibles, les convives se trouvaient captivés, leurs yeux rivés sur la Flamme, fascinés par l’aura envoûtante qu’elle dégageait. Les nobles et les dames, épris d’un désir qu’ils ne pouvaient plus dissimuler, se ruaient l’un contre l’autre, leurs corps cherchant à exprimer cette luxure ancrée au plus profond de leur être. Leurs mouvements, d’abord empreints de grâce et de retenue, s’étaient mués en un spectacle voluptueux et indécent, révélant l’insidieux désir qui les consumait. Ils se pressaient les uns contre les autres, des soupirs échappant de leurs lèvres, alors qu’ils se laissaient emporter par le tourbillon sensuel de la musique et de la danse.

Si Selene avait su un jour que cette facilité à captiver et à envoûter relevait d’une graine de magie à peine éclose en elle, elle n’en avait jamais eu cure. Elle préférait savourer chacune de ses victoires, chaque moment où elle voyait les yeux de ses spectateurs se perdre dans sa danse, leur esprit ensorcelé par sa présence. Un sourire félin pinçait ses lèvres, plissant légèrement ses yeux pétillants de malice et de défi. Pour elle, chaque regard accroché à ses mouvements, chaque souffle suspendu au fil de sa voix était un triomphe silencieux, une preuve que sa place au centre de l’attention était méritée.

Et surtout, dérivée de ce vieillard envers qui elle prenait un malin plaisir à destiner ses provocations.

Les nobles continuaient à danser, envoûtés par l’émotion brute de sa musique et par l’aura sensuelle qui avait envahi la salle de bal. Selene savourait cette furie qui les enserrait désormais dans son emprise, chacun de leurs mouvements trahissant le désir ardent qu’elle avait réveillé en eux. Pourtant, malgré le spectacle de cette foule dominée par ses désirs, son attention restait fixée sur le véritable clou de la soirée : cet homme qui, après quelques échanges avec sa génitrice, s’était désintéressé de la conversation pour revenir à ses propres pensées. Une seconde victoire qui fit frémir Selene de satisfaction, car elle savait désormais qu’elle pouvait enclencher la suite de son plan sans risquer de croiser le regard de cette femme, un obstacle potentiel qu’elle préférait éviter.

Les insultes, subtilement camouflées sous les airs envoûtants de la musique, avaient trouvé leur cible. Elle le perçut dans les mouvements plus brusques, dans les traits altérés de ce visage de haute stature, et dans l’approche précautionneuse des autres nobles qui commençaient à entourer le roi. Selene observait attentivement, notant mentalement ceux qu’elle devait éviter. Elle comprit qu'il lui fallait concentrer son attention sur le porteur de la bague, et non se disperser parmi les autres membres de la famille royale ou les nobles de haut rang. Un faux pas, une parole déplacée, et elle risquait de perdre toute la faveur qu'elle cherchait si habilement à obtenir. Ou à perdre, vu les paroles de sa chanson.

Cette réception, bien qu’opulente, n’était rien d’autre qu’un échiquier où chaque mouvement devait être stratégique. Approcher l’un de ces jeunes nobles sans nécessité aurait été un acte de vanité inutile, et Selene n'avait pas l'intention de se laisser distraire.

La Flamme jouait sa propre partie, consciente que chaque note, chaque regard, chaque pas, devait la rapprocher de son but ultime. Ses doigts glissaient sur les cordes de son luth avec une précision calculée, chacune de ses notes tissant un filet autour de sa proie. Le roi, avec son visage altier et ses yeux perçants, était sa cible, et la clé de la réussite de son plan reposait sur sa capacité à l’atteindre, à le captiver, sans jamais éveiller de soupçons.

Elle le vit repousser l’un des hommes qui avait entravé son chemin, et à cet instant précis, les dernières notes de sa mélodie s’éteignirent dans une douce finalité. D’un geste élégant, Selene fit un pas de côté, reposant le luth au sol avant de se tourner pour s’enfoncer dans la foule qui continuait de danser. Les bardes, ignorant le plan de la jeune femme, avaient repris leur divertissement, remplissant la salle de nouvelles mélodies. Ses pas agiles la menaient à travers les couples qui exhalaient des effluves de langueur et de désir, comme un parfum épais flottant dans l’air. Selene se faufilait plus loin dans l’assemblée, cherchant à se dérober du regard perçant du roi. Avec une chevelure de feu comme la sienne, disparaître complètement n’était pas une tâche aisée, mais elle savait qu’il ne s’agissait pas de disparaître, seulement de se dissimuler assez pour agir.

Dans sa progression calculée, ses doigts habiles se tendirent discrètement vers la chevelure bouclée d’une jeune débutante. En un clin d’œil, elle avait subtilisé une broche ornée de pierres précieuses, offerte par le souverain en personne. Le bijou disparut dans sa paume comme une feuille emportée par le vent. D'un regard furtif par-dessus son épaule, elle chercha à localiser Serenos. Tel un prédateur en chasse, Selene ajusta sa trajectoire, contournant habilement les invités, glissant parmi eux avec la furtivité d’une ombre, un talent affiné par des années de pratique.

Après plusieurs minutes d’une progression mesurée, elle se retrouva enfin derrière Serenos, cet homme imposant au port altier, qui ignorait encore qu’il était la cible de l’attention de la Flamme. Ou plutôt… Il avait été la cible de sa chanson, et sans doute se demandait-il si cette jeune femme aux allures envoûtantes n’avait pas cherché à se moquer de lui. Peut-être pensait-il qu’elle tentait de l’attirer en flattant son ego, plongeant dans les profondeurs de sa vanité comme une nageuse experte. Quelles que soient ses pensées, Selene savait que Serenos avait une réputation à tenir, un orgueil prompt à réagir, et elle était certaine que son esprit était en ébullition, cherchant à interpréter chaque note, chaque regard qu’elle lui avait adressé.

Elle s’arrêta, se tenant à une distance respectueuse, assez proche pour capter l’attention, mais suffisamment éloignée pour ne pas éveiller de soupçons immédiats. Une main fermement refermée autour du bijou volé, ses doigts sentant la froideur des pierres contre sa paume, elle sentit son cœur battre plus fort, au rythme de l’adrénaline qui envahissait ses veines. L’air autour d’elle semblait vibrer, chaque son amplifié, chaque mouvement plus perceptible. C’était le moment, l’instant où toutes ses ruses et ses manigances allaient culminer en une seule action.

Elle attendait le bon moment, ses yeux si clairs ne quittaient pas sa silhouette, scrutant chaque geste, chaque soupir, prête à bondir. Le parfum entêtant des fleurs, mêlé aux senteurs musquées des invités, la submergeait, mais son esprit restait concentré, aiguisé par la perspective du danger et par l'excitation de la chasse. Lorsqu'elle perçut l'instant d'hésitation, cet infime moment où Serenos baissa légèrement sa garde, elle fit un pas en avant, laissant glisser son sourire le plus mystérieux sur ses lèvres, prête à envoûter sa proie et à plonger dans l'intrigue qu'elle avait si soigneusement tissée.

Son corps se retrouva au côté du sien, et elle fit un petit pas en avant, signalant sa présence avec une délicatesse mesurée. Sans même le regarder, elle ajusta légèrement le masque qu’elle portait, ses doigts fins effleurant le contour de son visage avant de dévoiler sa paume, où reposait le bijou qu’elle avait elle-même brisé et  qu’elle avait volé un instant plus tôt. « Avec cette fortune, certaines auraient pu croire qu’un bijoux de la sorte aurait été forgé dans un métal de meilleure qualité. » Souffla-t-elle d’un timbre ou la candeur et l’innocence laissaient planer une infirme partie de taquinerie, le regard rivé sur cette paume relevée au niveau de sa poitrine à peine couverte par les tissus légers de son accoutrement.

« Si son Altesse Royale accepterait mon analyse tout-à-fait désintéressée et sincère, ne croyez-vous pas que d’offrir une telle breloque dévoile votre désintérêt? Je n’ose imaginer la douleur de certaines. » Sa main adjacente se rapprocha de sa paume ouverte, allant effleurer les morceaux délicats de la broche brisée en deux pour venir les caresser un instant seulement. « Certaines auraient peut-être même été jusqu’à dire des mots désobligeants, pour masquer leur mécontentement. »

À ces mots, qu’elle prononça avec un sourire à la fois félin et candide, Selene redressa son menton, ses yeux gris-verdoyants capturant l’attention de l’homme à ses côtés. Elle se pencha avec une élégance naturelle dans une demi-courbette, légère comme une plume, ses gestes mesurés montrant un respect calculé pour les convenances, malgré la malice de sa manigance.

« Votre Grâce Royale, » murmura-t-elle, sa voix douce se frayant un chemin à travers le brouhaha environnant, alors qu’elle se redressait avec une grâce innée. « À moins que vous ne réserviez de plus somptueux cadeaux à celles qui sauraient s’excuser, bien que votre soirée ne semble pas propice aux excuses... Certaines auraient probablement besoin d’air frais pour ce faire. »

Chaque mot était comme une note de musique, savamment orchestré pour susciter l’intérêt de Serenos. Ses paroles flottaient entre eux, porteuses d'une promesse silencieuse, une invitation à sortir de la salle oppressante et à chercher un refuge dans l’obscurité complice de la nuit. Selene savait que l’enjeu était grand, et que ses charmes ne seraient peut-être pas perçus, mais la tension palpitante de l’audace, de la provocation, faisait vibrer son être entier. Elle attendait, les sens en alerte, chaque fibre de son être prête à réagir au moindre signe, au moindre mot, qui pourrait la guider vers la prochaine étape de son plan machiavélique.

Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 4 lundi 26 août 2024, 14:03:40

Malgré ses sens aiguisés, il semblerait que la jeune femme eut tout de même réussi à échapper à son regard. Il pinça les lèvres, et tenta d'ouvrir son esprit à la foule pour essayer de la repérer, mais dès le moment qu'il baissa sa garde, il sentit l'entièreté des pensées cupides et avides des quatre cent soixante treize personnes de l'assemblée qui se pressaient contre son esprit avec une telle insistance qu'il sentit l'anxiété et l'horreur grimper en lui, le forçant à rétablir prestement les barrières, comme un homme ayant ouvert la porte de sa demeure pour constater le froid mordant d'un hiver Nordien.

Le mépris renouvelé du Roi envers son entourage actuel lui donna presque envie de vomir, et surtout de retrouver son bain et de se frotter en profondeur pour se débarrasser de cette impression visqueuse d'avoir été souillé dans son fort intéreur en s'étant juste un peu exposé au reste de la noblesse.

Ayant senti la tentative du Roi, Aldericht fit son chemin vers lui et, agrippant une coupe dans un plateau mis à disposition par son serviteur personnel, il s'approcha du Roi et lui tendit le liquide. Le Roi agrippa la coupe et ingurgita prestement son contenu. C'était du vin, probablement très bon, mais dans son empressement, le Roi avait omis de porter une plus sincère attention.

– C'était du Sahran, père, dit le Prince avec un air toujours aussi insondable. Les gens, normalement, le déguste petit à petit, sur une période d'une soirée.

– Je te remercie pour ce cadeau, mais autant me donner une coupe d'eau, la prochaine fois, Aldericht, dit le souverain en passant sa manche noire contre ses lèvres pour en chasser le vin qui coulait dans sa barbe. Je ne goûte rien, après tout.

Une exagération, assurément. Certes, le Roi n'était le plus fin des gourmets, mais il pouvait assurément distinguer les saveurs. Mais, comme pour beaucoup de chose, du vin restait du vin, et il ne voyait pas la valeur de ce qu'il consommait. C'était le lot de ceux qui avaient connus la vie rude des voyages. Aldericht avait des qualités, sans l'ombre d'un doute. Il était brave, intelligent, cultivé, mais il avait le voyage et le pèlerinage en horreur… en grande partie parce que ce qui faisait l'attrait du voyage, à savoir de voir de nouvelles choses et d'être témoin de la beauté du monde, lui était parfaitement étranger.

– Est-ce que tu as vu où la cantatrice s'est sauvée ?

– 'Vu' non. Mais elle a réussi à échapper à mes sens, encore une fois.

– Tu l'as déjà croisée ? s'étonna le Roi.

– Brièvement, juste un peu plus tôt, confirma le Prince. Mais elle semble capable d'effacer sa présence, ou alors elle se noie dans la masse.

Certaines personnes avaient ce don, et même sans être magicien. Pour être détecté par les sens d'un homme comme Aldericht, il fallait rayonner dans la conscience collective. Quelqu'un capable de passer inaperçu ou parvenant aisément à ne pas attirer l'attention malgré sa présence pouvait s'évaporer dans la masse. Certains espions ou même voleurs y étaient instinctivement doués, puisqu'ils étaient très prudents de ne pas être remarqués.

– Fais le tour, et essaie de la trouver. Préviens Aurore s'il le faut.

Aldericht hocha de la tête, puis s'éclipsa dans la masse à son tour, se faufilant entre les gens.

Et à peine eut-il disparut de son champ de vision qu'il sentit une présence près de lui, et une voix s'éleva. Il fit volte-face et se retrouva face à face avec la jeune femme qu'il recherchait. Non seulement les paroles de la chanson avaient suffisamment d'indélicatesse pour que le Roi se sente justifier à outrepasser la bienséance de la courtoisie, mais en plus, elle se permettait de critiquer, ce que personne n'aurait osé faire connaissant le tempérament explosif du maître souverain de Meisa.

Le Roi, cependant, contrôla son élan de frustration et toisa simplement la jeune femme aux cheveux roux.

– Je vois que le message, au moins, n'est pas passé inaperçu, ne serait-ce que par celles qui ne sont pas concernés par ce message, dit-il sur un ton acide.

Il dévisagea la jeune femme dans les yeux.

– Cependant, j'essaie de comprendre comment une personne qui n'est pas invitée a réussi à entrer dans ma citadelle, au cœur même de ma demeure, et malgré la présence de la garde royale. Surtout quelqu'un qui ne devrait pas y être, ne serait-ce que pour éviter les embrouilles.

Du bout du doigt, il saisit le "nez" du masque et le fit basculer vers le haut, révélant les traits qui se cachaient en dessous. L'énorme banque mnémonique du Roi de Meisa, archivée avec autant de zèle que l'Archive Royale, se mit en recherche d'un souvenir en attrait à toutes les femmes qu'il connaissait qui arboraient une couleur de cheveux aussi particulières, ainsi que le teint pâle. Normalement, cela serait réservées aux femmes Nordiennes, mais elle parlait sa langue avec l'absence complet d'un acccent, ce qui l'aiguilla sur son origine. Son étiquette était sans faute, ce qui lui indiquait qu'elle était de la noblesse.

Lorsqu'il réalisa enfin qui elle était, il rebaissa le masque.

– Vous prenez un grand risque à me provoquer, Selene, dit-il d'une voix basse. Mais je vais en déduire que vous avez une requête qui vaut la peine que vous vous retrouviez dans la même salle de balle que votre mère.

Il lui prit ensuite la main, dans laquelle se trouvait encore la broche à cheveux, et l'entraina lentement, suivant le mouvement des danseurs, se faufilant entre les danseurs pour se rendre, sans se presser, vers l'un des balcons où ils pourraient parler avec plus d'intimité, laissant ainsi la chance à Selene.

Selene Lunaris

Humain(e)

Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 5 lundi 26 août 2024, 22:04:07

Les yeux de Selene, pâles et perçants, se levèrent lentement pour croiser ceux de Serenos alors que le roi se retournait vers elle avec une brusquerie calculée. Le léger mouvement de recul de ses iris trahissait une surprise fugace, mais elle se reprit rapidement, plantant son attention comme une dague dans celui du souverain alors que sa lèvre inférieure, ourlée d'un sourire qu'elle étouffait, fut emprisonnée par la pointe de ses dents pour le faire taire aussitôt. La douleur douce-amère de la morsure la ramenait à la réalité, un ancrage nécessaire pour garder le contrôle sur ses expressions. Son menton, délicat et résolu, se souleva tout en douceur, défiant la stature imposante de l’homme qui la surplombait. Selene savait qu’elle jouait un jeu dangereux, un ballet délicat sur le fil du rasoir, où chaque mouvement, chaque mot devait être pensé… Mais les ficelles tentatrices de la désobligeance l'attirait dans ses jeux, et la tentation de s’y noyer était bien trop grande.

Les paroles de Serenos, acérées comme des lames, jaillirent avec la froideur d’une lame d’acier dégainée sous un ciel d’orage. Sa voix, imprégnée d’une dureté sans fioritures, était aussi tranchante que les rumeurs le prétendaient, une voix taillée pour réduire en miettes les illusions et écorcher les âmes audacieuses. Selene sentit l’étreinte de ses dents s'accentuer sur sa lèvre, un rappel physique de rester impassible, de ne pas laisser transparaître l’amusement qui pétillait à la surface de sa conscience. Sous la froideur apparente de son regard, une lueur de malice s’éveillait, se déployant comme un serpent prêt à mordre. Les mots de Serenos, bruts et incisifs, réveillaient en elle une flamme insoupçonnée, un désir irrépressible de tester les limites de ce roi, de le pousser jusqu’aux confins de sa patience et de sa maîtrise.

Rappelle-toi de ce qui est en jeu… Ces mots tournaient en boucle dans son esprit, chaque répétition tentant d'ancrer en elle la prudence nécessaire, de la retenir au bord du gouffre. La douce spirale de ses pensées s'enroulait, la tirant peu à peu dans un abîme de réflexions et d'hésitations. Ce ne fut que le mouvement des lèvres de Serenos qui la ramena brusquement à la surface.

Ses cils papillonnèrent, trahissant cet instant de flottement où son esprit s'était égaré loin de cette salle de bal, loin de la réalité qui l'entourait.

« Pour celles qui ne sont pas concernées par le message? » souffla-t-elle du bout de ses lèvres, chaque mot exhalé avec une lenteur calculée. Son visage, paré d’une expression d’innocence feinte, s'inclina légèrement sur le côté, un geste presque enfantin qui contrastait avec la gravité de ses intentions. L’air de surprise qu’elle affectait n’était qu’une fine couche de vernis sur la surface tumultueuse de ses pensées.

Elle sentit ses doigts se refermer avec une lenteur presque cérémonieuse autour de la broche brisée, le métal froid mordant sa peau, comme pour ancrer sa résolution dans la chair. Ses prunelles d’un gris verdoyant, perçantes et calculatrices, se plissèrent tandis qu’elles fixaient Serenos, analysant chaque détail de son expression, chaque frémissement de ses traits. Selene savait qu’elle avait dansé au bord du précipice, que ses dernières manœuvres avaient poussé l'audace. Elle avait joué avec le feu, et l’ombre d’une brûlure se profilait, chaude et menaçante.

Face à cet homme, roi d’une poigne de fer et d’une réputation aussi tranchante qu'une lame bien affûtée, Selene se savait en terrain miné. Elle ressentait la tension qui les liait, semblable à un fil tendu sur le point de se rompre. Ce danger imminent, ce risque mortel, faisait battre son cœur avec une ardeur presque douloureuse, chaque pulsation vibrant sous sa peau comme une symphonie silencieuse. Ce jeu de pouvoir, cette danse d'ombres et de lumière, était ce qui la tenait en vie, ce qui nourrissait la flamme en elle. C'était une danse qu'elle maîtrisait avec une précision calculée, chaque mouvement, chaque mot pesé, mesuré.

Les paroles du roi, chargées d’un mépris à peine voilé, s’étaient insinuées dans son esprit comme les crocs d’un serpent, acérées et venimeuses. Elles avaient percé la ruse qu'elle avait tissée pour se retrouver à ce bal, exposant la fragilité de son plan. Mais Selene, douce flamme aux apparences trompeuses, accueillit les mots comme on reçoit la morsure d’une épine — avec une indifférence calculée. Elle laissa sa main glisser le long de sa robe, les doigts jouant avec les tissus délicats, les replaçant avec une lenteur étudiée, comme si chaque geste était une réponse silencieuse à la provocation du roi.

Alors qu'elle se délectait du frôlement des étoffes contre sa peau, elle sentit soudain le masque quitter son visage. Le geste du roi, tel un coup de vent, arracha le voile de l'innocence qui couvrait ses traits, exposant sa véritable expression à la lumière crue de la salle. Ses lèvres s’étirèrent en un léger sourire, un geste calculé et maîtrisé, un masque en soi. Elle offrit ce sourire au roi, en guise de réponse, là où les mots auraient pu faillir. Mais Serenos, avec une maîtrise toute royale, fit glisser le masque à nouveau sur son visage, couvrant à la fois l’éclat brut de son minois et le mystère de ses pensées.

Les doigts de Selene, comme des marionnettes habiles, se refermèrent sur le masque pour le remettre en place calmement. Sa bouche se crispa légèrement, la ligne de ses lèvres se durcissant sous le poids des paroles du roi. Le nom, une étiquette qu'elle avait rejetée depuis longtemps, résonnait en elle comme une cloche lourde et funeste. Elle sentait sa gorge se nouer, une amertume insidieuse monter en elle, forçant une salive difficile à avaler. C'était un rappel douloureux, un écho de son passé, quelque chose qu'elle avait cru enterré, et qui pourtant refaisait surface, menaçant de la submerger.

Pour la première fois, le masque de Selene vacilla et par chance, celui qui couvrait son visage avait été reposé. Les mots restèrent bloqués dans sa gorge, comme prisonniers d’un étau invisible, et la lumière de la salle parut vaciller un instant. Elle était la Flamme, pourtant ce souvenir indésirable menaçait de l’étouffer, de souffler la braise qu’elle entretenait depuis si longtemps. Un instant de stupeur, un battement de cœur perdu, où elle avait oublié la raison de sa présence ici, les ruses et les manigances qu’elle avait tissées si soigneusement. Face à cet homme, qui la connaissait peut-être mieux qu’elle ne le pensait, Selene sentait le sol glisser sous ses pieds, l’ombre d’un passé qu’elle avait cru oublié resurgir, plus tangible et terrifiant que jamais.

À sa grande surprise, le retour à la réalité de Selene fut marqué par la chaleur d’une main imposante qui se refermait sur la sienne, l’attirant sans préambule dans une marche lente et sinueuse. La poigne du roi Serenos, ferme et intransigeante, la guidait sans lui laisser le choix, l’enfermant dans un ballet où chaque pas semblait calculé. Sa main libre, comme par instinct, vint se poser sur l'avant-bras de l’homme, s'y accrochant légèrement pour conserver son équilibre. Ensemble, ils serpentèrent à travers la foule des danseurs, évitant les corps enchevêtrés dans des étreintes passionnées, produits de la mélodie envoûtante que Selene avait tissée.

La magie de sa musique continuait de vibrer dans l'air, insufflant une chaleur lascive dans les veines des nobles qui se pressaient autour d'eux. Selene ressentit une hésitation infime en elle, une pensée fugace s'attardant sur la scène qu'elle avait orchestrée. Mais il n'y avait pas de temps pour se perdre dans les réflexions. Chaque pas exigeait une attention minutieuse, la cadence imposée par le roi l’obligeant à suivre avec une souplesse qui lui était naturelle.

Si Selene avait su se glisser avec la grâce d'une ombre, invisible aux yeux de ceux qu'elle souhaitait éviter, se mouvoir aux côtés de Serenos était une tout autre affaire. L'imposante stature du roi attirait tous les regards, et les nobles s'écartaient devant lui, leurs yeux s'attardant sur lui comme des papillons attirés par une flamme. Les frôlements délicats des femmes qui l’effleuraient en passant, leurs parfums capiteux se mêlant à l’air déjà lourd, semblaient chercher à capturer un instant de son attention. Certaines laissaient traîner les pans de leurs robes de soie, caressant son pourpoint dans un geste à peine dissimulé, un effleurement subtil mais délibéré, dans l’espoir de l'attirer.

Selene observa ces tentatives avec un mélange d’amusement et de vigilance. Elle savait que chacune de ces femmes espérait capter un fragment du pouvoir du souverain, que leur parfum, leur soie ou leur regard suffiraient à le faire s’arrêter. Mais le roi semblait imperméable à ces tentatives, son regard rivé droit devant lui, comme un prédateur déterminé sur sa proie, et elle lui en était discrètement reconnaissante. Selene, elle, se laissait guider, la main toujours serrée dans la sienne, consciente de chaque mouvement, de chaque souffle.

Les murmures des invités, le chuchotement des robes, le glissement des pieds sur le sol, tout cela formait une cacophonie discrète mais constante, un murmure qui s’insinuait dans l’esprit de Selene. Mais au centre de ce maelström, il y avait la force silencieuse du roi, une présence qui dominait tout, et la flamme, bien qu'elle brûlât d'une ardeur indomptable, se savait prise dans l'étreinte d'un vent plus puissant qu'elle ne l'avait anticipé.

Une fois à l’extérieur, sous le ciel nocturne parsemé d'étoiles, l'air frais la saisit, contrastant avec l'atmosphère étouffante de la salle de bal. Selene laissa sa main, posée sur l’avant-bras du roi, glisser lentement vers la sienne en un effleurement tactile, cherchant à se défaire de son étreinte en exerçant une pression sur ses doigts, se déliant des siens avec un geste trop rapide, presque brusque. Une note de tension imprégnait chacun de ses mouvements, sa main se retirant enfin de l'emprise de Serenos, comme si elle venait de se libérer d'une chaîne invisible.

La belle avança vers la rambarde de pierre qui bordait le balcon, ses pas résonnant si légèrement sur le sol. Arrivée au bord, elle s’appuya contre la pierre froide, la fraîcheur apaisante contre sa peau échauffée par l’adrénaline. Elle ouvrit sa main, révélant la broche brisée qu’elle avait subtilisée plus tôt. Les fragments du bijou luisaient faiblement sous la lumière de la lune, et elle les déposa délicatement sur la rambarde, observant la petite entaille qui barrait désormais sa paume. La blessure, bien que superficielle, laissa perler une goutte de sang, qu’elle essuya d’un geste distrait.

Selene poussa un soupir, à la fois de soulagement et de frustration, secouant légèrement les doigts pour chasser la douleur lancinante. Le masque qu’elle portait, symbole de mystère et d'intrigue, semblait désormais inutile. Elle porta les mains à son visage et le retira lentement, révélant ses traits délicats et sa peau lisse, non masqués par l’artifice. Ses doigts glissèrent sur la surface polie du masque avant qu’elle ne le dépose à côté de la breloque endommagée.

Elle resta un moment ainsi, les mains posées sur la rambarde, la brise nocturne jouant dans ses cheveux de feu, son regard perdu dans l’obscurité des jardins en contrebas. La tension qui habitait son corps s’apaisa légèrement, remplacée par une étrange quiétude, comme si le simple fait de respirer l’air frais suffisait à dissiper les ombres du bal. Pourtant, sous cette apparente sérénité, son esprit restait en éveil, les rouages de son plan toujours en mouvement. La présence imposante du roi derrière elle ne l’avait pas quittée, et elle savait que la suite de leur échange déterminerait bien plus que le destin de cette broche brisée.

« Vous me couvrez d’une certaine insulte votre majesté, à laisser croire à des motifs autre que celui de vouloir faire mon entrée en tant que débutante, dans ce bal.. N’y aurais-je donc pas à ce point ma place, pour que vous le disiez ainsi? »

Ses yeux, d'un gris perçant, se perdirent un long moment sur le spectacle nocturne devant elle, là où les flammes des torches vacillaient, projetant des ombres dansantes sur les jardins. Une lueur de fascination passa dans ses pupilles, un éclat qui aurait pu être pris pour de la curiosité innocente si l'on ne connaissait pas l'esprit calculateur qui l'habitait. Selene était une actrice talentueuse, masquant ses intentions derrière un voile de candeur et de frivolité. Ses mains glissèrent doucement sur sa nuque, replaçant sa chevelure flamboyante d’un geste lent et délibéré, avant qu'elle ne se retourne pour faire face à Serenos. D’un bond léger, elle s’assit sur la rambarde, le mouvement manquant de la grâce délicate attendue d'une noble dame, mais affichant une nonchalance qui trahissait une assurance peu commune.

Elle croisa les jambes avec la lenteur d’un félin qui s'étire, posant une main sur la pierre fraîche, tandis que l’autre reposait nonchalamment sur son genou. Sa tête s’inclina légèrement sur le côté, ses yeux fixant l’homme devant elle avec une intensité tranquille, presque provocante.

« Je comprends que mon cadeau n’était pas des plus flatteurs, mais le vôtre non plus. » Sa voix glissa dans l'air comme un murmure de velours, ses mots porteurs d'une pointe de défi poli. Avec un mouvement désinvolte, elle fit une pichenette sur la broche brisée, la laissant tomber du balcon, et le bijou disparut dans l'obscurité en contrebas. Un sourire doucereux se dessina sur ses lèvres, mais il vacilla brièvement lorsqu’une grimace de douleur lui raidit les traits. L’entaille au creux de sa paume s’était rappelée à elle, une piqûre lancinante, aussi aiguisée que le ton de ses paroles. Relâchant son genou, elle leva sa main blessée à hauteur de ses yeux, son regard se posant sur la petite plaie. Une goutte de sang perlait.

Dans le clair-obscur du balcon, elle observait sa blessure avec un intérêt presque détaché, comme si la douleur était un simple détail, un inconvénient mineur dans le grand schéma de ses machinations. Le vent joua dans ses cheveux, les faisant danser autour de son visage, une couronne de flammes vivantes. Elle tourna à nouveau son regard vers Serenos, un sourire calculateur sur les lèvres. Ce sourire disait plus que des mots, il promettait des secrets et des jeux, une danse délicate où chaque pas devait être mesuré, où chaque mot était une arme déguisée en compliment.

« Cela dit… Il est vrai que j’ai des motifs distincts, en ce qui concerne ma présence ce soir, en dépit de l’embarras que pourrait résulter de me faire reconnaître par Ma Dame Lunaris. Et comme vous semblez enclin à me permettre de la formuler.. J’aimerais vous demander refuge. » murmura-t-elle, ses mots glissant comme des brises légères dans l’air nocturne, alors qu’elle cherchait à capter et retenir l’attention du roi, à le lier un peu plus dans la toile qu’elle tissait patiemment. « Ne vous méprenez pas, je conçois que cela est tout-à-fait incongru et même hors de portée, mais s’il y a bien un endroit ou ma famille ne pointerait pas le bout de leur nez, ce serait bien à vos côtés… Cela fait une dizaine d’année que je me perds dans les tavernes, dans les recoins les plus isolés de la Capitale, et… »

Ses épaules s’affaissèrent légèrement, et tout dans son allure semblait soudain s’alourdir, comme si une ombre invisible venait de s’abattre sur elle. Selene baissa lentement les yeux vers sa paume écorchée, et ses cils battirent avec une habileté calculée, créant un écran de vulnérabilité feinte, une innocence désarmante qui aurait pu tromper même le plus averti des observateurs. Ses traits délicats, jusque-là animés d’une espièglerie piquante, se firent mélancoliques, ses lèvres s’inclinant en une courbe douce et attristée. Le poids d’une vie supposément accablante semblait peser sur ses épaules, donnant à son minois une expression de résignation et de lassitude, comme une fleur flétrie par trop d’épreuves.

Son autre main, fine et délicate, se leva pour venir se poser sous celle meurtrie, les doigts effleurant la peau blessée avec une douceur infinie, comme si elle craignait d'aggraver la douleur par un contact trop brusque. Elle laissa échapper un soupir, à peine plus qu'un souffle, mais suffisant pour faire frémir l'air autour d'eux. Ce soupir, simple mais profondément éloquent, racontait des histoires de souffrance muette, de batailles silencieuses menées dans l’obscurité, là où personne ne pourrait jamais les voir.

« Je n’ai plus la force de courir... »

La lumière des torches, vacillant doucement, jetait des ombres dansantes sur son visage, accentuant les contours délicats de ses pommettes et soulignant l'intensité de son regard baissé. Ses yeux d'un gris-vert brumeux semblaient contempler les abîmes de ses propres pensées, un voile de tristesse flottant à leur surface.

Serenos I Aeslingr

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Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 6 mardi 27 août 2024, 22:34:43

Le regard des nobles le laissait totalement indifférent. Leurs yeux, perçants et remplis de jugement, glissaient sur lui sans qu'il ne s'en soucie. Serenos savait qu'il était préférable qu'ils s'attardent sur sa présence plutôt que sur celle de la jeune femme à son côté. Il préférait encaisser leur mépris et leur suspicion, plutôt que de les voir porter attention à sa compagne, moins par souci pour elle que pour sa propre quiétude.

Le Palais, avec ses dorures et ses tapisseries somptueuses, était loin d'être un havre de paix. Pour ceux qui ne possédaient pas les subtilités des jeux de cour, il se transformait rapidement en une arène mortelle, où chaque couloir pouvait devenir le théâtre d'un coup de poignard, où chaque recoin cachait un piège. Serenos était conscient que sa proximité avec le trône de la Reine, bien que non désirée, était perçue comme une menace par les nobles, qui voyaient d'un mauvais œil toute personne s'attirant l'attention du Roi.

Les nobles, avec leur arrogance, étaient toujours prompts à éliminer toute concurrence, surtout lorsque celle-ci semblait, à leurs yeux, sans conséquence. Une simple conversation, un mot échangé, pouvait sceller le sort de la famille d'une jeune fille de seigneur terrien, punie pour avoir attiré l'attention royale, là où l'héritière d'un autre noble n'avait pas même reçu un regard.

Serenos observait tout cela d'un œil distant, presque détaché. Ces intrigues de palais, ces manœuvres secrètes et ces alliances fragiles étaient bien en dessous de lui. Cependant, il savait qu'il ne pourrait rester indifférent si ces jeux dangereux venaient troubler sa paix ou, pire encore, celle du royaume qu'il avait juré de protéger.

Une fois sur le balcon, la brise nuptiale

Eist'shabal était, malgré les années qu'il avait passé en son sein, un joyau, surtout à la tombée de la nuit. Les lumières des torches et des brasiers dans les rues éclairaient celle-ci, formant des toiles complexes, des réseaux de lumière orangées qui parcouraient la cité en entier.

De cette hauteur, il ne pouvait même pas distinguer les passants, seulement le mouvement des torches. Des milliers de gens qui se mouvaient, parlaient, vivaient, sans se soucier de lui, sans soupçonner son regard. Parfois, il enviait un retour à cette simplicité, mais il ne le pouvait pas.

– Vous me couvrez d’une certaine insulte votre majesté, à laisser croire à des motifs autre que celui de vouloir faire mon entrée en tant que débutante, dans ce bal... N’y aurais-je donc pas à ce point ma place, pour que vous le disiez ainsi ?

– En dehors du fait que vous soyez ici sans une invitation, votre condition familiale me pousse à croire que vos objectifs sont tout autre. Je ne suis pas homme à me soucier des rumeurs qui vous entourent, cela ne m'intéresse pas, mais je serais curieux de savoir pourquoi vous chercheriez à m'impliquer.

Le Roi de Meisa ne pouvait pas lire dans l'esprit de la jeune femme, du moins pas dans le sens conventionnel du terme, mais même lui savait à quel genre de risques et de représailles une femme de la noblesse, destinée à endosser le nom et les responsabilités de sa famille. Et Selene n'était pas sans savoir ce qu'elle risquait si le Roi venait à se mêler de ses histoires de famille; il avait déjà anéanti plus de la moitié des familles nobles qui avaient soit trahi son autorité ou avaient cherché à abuser de sa patience.

– Je comprends que mon cadeau n’était pas des plus flatteurs, mais le vôtre non plus.

– Et cela parce que ce n'était pas un cadeau, mais un message pour tous ces bons à rien, réitéra le souverain suprême des Trois Royaumes, ne prenant même pas la peine de voiler son mépris. Et à moins que vous ne soyez décidée à ce que j'en fasse passer un second, à savoir que le Meisaen moyen ne peut pas voler, je vous recommande d'en venir aux faits, jeune dame Lunaris.

Sa menace était claire, et s'il aurait voulu lui arracher ses raisons de force, il s'arma de patience, laissant l'opportunité à la jeune femme de poursuivre; s'il n'était pas encore passé à l'acte, elle avait encore une chance de lui faire croire qu'elle ne lui avait pas fait perdre son temps. Fort heureusement, l'alcool prodigué par Aldericht semblait avoir adouci son humeur massacrante, achetant un peu de temps à la fille Lunaris.

Un bref silence suivi sa menace alors que la jeune femme formulait et choisissait avec soin ses prochains mots, sans nul doute anxieuse que le Roi ne soit pas réceptif à ceux-ci.

–Il est vrai que j’ai des motifs distincts, en ce qui concerne ma présence ce soir, en dépit de l’embarras que pourrait résulter de me faire reconnaître par ma Dame Lunaris. Et comme vous semblez enclin à me permettre de la formuler… J’aimerais vous demander refuge.

Ha!

– Ne vous méprenez pas, je conçois que cela est tout-à-fait incongru et même hors de portée, mais s’il y a bien un endroit où ma famille ne pointerait pas le bout de leur nez, ce serait bien à vos côtés… Cela fait une dizaine d’année que je me perds dans les tavernes, dans les recoins les plus isolés de la Capitale, et… Je n'ai plus la force de courir.

Un discours de bien piètre qualité, encore moins capable d'émouvoir le souverain. Il voyait à son regard et à son air qu'elle n'avait pas passé la dernière décade affamée et à lécher les fonds d'assiettes. Quoi qu'elle eut vécût, elle l'avait vécu sans trop de dommage permanent. Si le Roi avait été capable de lire les subtilités de ses gestes, peut-être aurait-il été pris au jeu, mais son absence de perspicacité, non sans également un soupçon de mauvaise foi, l'en protégea, jusqu'à une certaine mesure.

– À mes côtés ? dit-il sur un ton moqueur, mais également acide. De tous les endroits que vous auriez pu choisir, vous croyez que vous mettre devant la ligne de mire de l'entièreté de la société de la haute noblesse Meisaenne vous sauvegarderait de la colère de votre famille ?

Il lui saisit le menton et approcha son visage du sien, plongeant son regard bleu glace dans les siens.

– Et même si j'accédais à votre requête, Selene, qu'aurais-je à gagner ? Vous n'êtes pas aussi naïve que votre gestuelle ou même votre présence semble l'indiquer ; vous ne seriez pas venue ici sans avoir quelque chose à échanger contre ma protection, ne serait-ce qu'un avantage ou une information digne d'intérêt.

Ses mots étaient tranchants, impitoyable, mais il ne l'avait pas encore chassée, ou pis encore. Peut-être, peut-être pouvait-elle encore réussir à le convaincre. Peut-être pouvait-elle faire appel à son charme ? Non… si le charme suffisait, le Roi aurait déjà choisi une Reine et se prélasserait tous les jours dans les bras de ses maîtresses. Serenos voulait quelque chose, cependant, par-dessus tout autre. La paix d'esprit, quelque chose que personne n'avait encore été capable de lui accorder.
« Modifié: mardi 27 août 2024, 22:42:36 par Serenos I Aeslingr »

Selene Lunaris

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Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 7 mercredi 28 août 2024, 19:31:21

Selene ne pouvait s'empêcher de sourire, un sourire qui creusait ses pommettes et dévoilait un éclat dans ses yeux qui trahissait la danse intérieure de ses pensées. Chacune des réponses du roi, tranchantes et inflexibles, semblaient la nourrir plutôt que la déstabiliser. Là où d’autres auraient ressenti la piqûre de la crainte ou de l’humiliation, elle ne voyait qu’un défi à relever. Dans son monde fait de ténèbres et de faux-semblants, les mots durs et les répliques cinglantes étaient monnaie courante. Elle avait grandi parmi les voleurs et les assassins, entourée de ruses et de menaces voilées. La noirceur de ses intonations avait trouvé son écho en celles du souverain, et, pour elle, il n’y avait rien là de nouveau, rien qui puisse réellement l’ébranler.

Ses doigts fins glissaient le long de sa paume, effleurant la blessure avec une caresse presque affectueuse, un geste plus pour elle-même que pour les yeux du roi. Elle écoutait ses paroles, laissant son visage s’animer de petits tics, des frémissements subtils qui suggéraient l’irritation, bien que maîtrisée. Chaque mot de Serenos résonnait avec une sorte de finalité, une détermination froide qui rendait ses tentatives de manipulation plus ardues qu’elle ne l’avait imaginé. Pourtant, elle ne cédait pas, car ce serait admettre la défaite, et Selene n’était pas de celles qui se laissaient abattre par un obstacle, aussi monumental fût-il.

Le masque qu’elle arborait avec tant de soin commençait à se fissurer sous le poids de la réalité. Rien de ce qu’elle avait tenté n’avait réussi à percer l’armure de cet homme. Son indifférence, sa capacité à ignorer ou à dévier les tentatives de séduction de la jeune femme, ne faisaient qu’éveiller des questions en elle. Comment pouvait-il rester aussi insensible à ses charmes? Soit Serenos était doté d'une discipline inébranlable, soit il était véritablement imperméable à tout ce qui touchait aux femmes. Cette dernière pensée fit frémir ses lèvres, ses yeux se plissant légèrement sous l’effet de la réflexion.

Si Serenos était aussi insensible qu’il le paraissait, alors son plan pour s'emparer de la bague risquait de se compliquer bien plus qu'elle ne l'avait anticipé. Un soupir discret s'échappa de ses lèvres tandis qu’elle réajustait sa position sur la rambarde, lissant les plis de sa robe dans un geste machinal. Elle leva les yeux vers lui, son regard clair fouillant ses traits comme pour y trouver une faille, un point d’entrée, quelque chose qui lui permettrait de s’insinuer dans ses pensées, de détourner son attention, ne serait-ce qu’un instant.

« Votre Majesté » Sa voix, douce comme le velours, glissa dans l'air entre eux, comme une invitation voilée, une question sans réponse. « Je conçois que cette requête vous paraît déplacé, en plus d’avoir l’air toute ridicule - mais au contraire de ce que vous semblez moquer, m’enfermer au château le temps de me poser pour réfléchir à ce que je pourrais bien faire de ma peau, chose qui ne vous intéresse pas comme vous me l'avez si gentiment exprimé, est exactement l’endroit même où l'on ne s’amuserait pas à venir me chercher. »

Elle pencha légèrement la tête, ses cheveux roux tombant en cascade sur son épaule, accentuant l’inclinaison gracieuse de son cou. Un léger sourire flottait à nouveau sur ses lèvres, une ombre de malice se mêlant à la curiosité. Selene ne savait pas encore comment, mais elle était déterminée à trouver un moyen de briser ce mur de glace, de découvrir ce qui se cachait derrière cette façade de dureté. Pour elle, c’était une question de défi, de survie, et surtout, d’honneur.

Elle ne broncha pas lorsqu'il lui prit le menton, ses doigts fermes se refermant sur sa peau délicate, forçant son regard à rencontrer le sien. La dureté de ses prunelles glacées plongea dans les siennes, cherchant à creuser au plus profond de son âme, peut-être pour y dénicher une once de crainte ou de soumission. Selene, cependant, ne lui offrit rien de tel. Ses yeux clairs, toujours pétillants d'une lueur malicieuse, le fixèrent en retour, sans faillir. Elle battit des cils, un geste léger et innocent, comme pour feindre l'ignorance du danger latent dans la poigne royale. Ses traits restaient doux, une expression de fausse candeur dessinée sur son visage, masquant l'esprit acéré qui s'agitait derrière cette façade angélique.

La pression de ses doigts sur son menton ne l'effrayait pas. Au contraire, elle sentit une vague de détermination la traverser, un élan de défi s'éveiller dans son cœur. Si Serenos cherchait à la dominer par ce simple geste, il se trompait lourdement. Selene savait jouer ce jeu bien mieux que quiconque. Elle laissa sa main blessée se poser doucement contre son bras, gravissant lentement la pente de ses muscles tendus. Les pointes de ses doigts effleurèrent son poignet, un contact à la fois léger et assuré, comme une danse silencieuse qui se jouait entre eux. Ce geste était calculé, une subtile tentative de montrer qu'elle ne craignait pas sa force, qu'elle n'était pas aussi fragile qu'elle pouvait paraître.

Elle sentit son cœur battre plus fort, non pas de peur, mais d'excitation, chaque pulsation résonnant comme un tambour de guerre dans sa poitrine. L'idée qu'il pourrait la pousser de la rambarde, de la faire chuter dans l'abîme sans un regard en arrière, effleura son esprit. Mais Selene savait aussi qu'il y avait des limites, même pour un roi. Ce geste ne ferait que ternir sa réputation, et elle doutait que Serenos, aussi impitoyable soit-il, se permette de salir son honneur pour une simple jeune femme comme elle.

Elle soutint son regard avec une insolence mesurée, laissant ses lèvres s'étirer en un sourire discret, à peine perceptible, mais suffisant pour indiquer qu'elle ne se laisserait pas intimider si facilement. « Est-ce donc ainsi que Votre Majesté traite toutes celles qui osent parler avec sincérité? » Sa voix était douce, comme une caresse, mais l'ombre de provocation qui l'accompagnait était indéniable. « Ou suis-je une exception à cette règle de sévérité? »"

Elle accentua la pression de ses doigts sur son poignet, non pour le repousser, mais pour affirmer sa présence, pour lui rappeler qu'elle était là, bien réelle, et qu'elle ne se laisserait pas effacer si facilement. Selene jouait un jeu dangereux, mais elle aimait cette sensation, là où chaque mouvement, chaque parole pouvait basculer en sa faveur ou contre elle. C'était dans cette tension, dans cette danse délicate entre contrôle et abandon, qu'elle trouvait sa véritable force.

Elle s'arrêta un instant, laissant ses mots flotter dans l'air entre eux, imprégnant le silence d'une tension presque palpable. Ses yeux, plus sombres et profonds qu'ils ne l'avaient été jusqu'alors, cherchèrent les siens, cherchant à percer cette façade froide et distante que Serenos portait comme une armure. Chaque mot qu'elle prononçait était pesé, soigneusement choisi pour piquer son intérêt, pour ébranler cette indifférence qu'il affichait avec tant d'aisance.

« Un échange, une information digne d’intérêt… » répéta-t-elle, sa voix se faisant plus douce, presque murmurée. « Vous avez raison, je ne suis pas aussi naïve que je tente de vous le faire penser. Bien que j’aurais pu croire à une certaine empathie de votre part, envers quelqu’un qui ne demande que de l’aide, et qui ne cherche pas à vous manipuler pour obtenir des faveurs plus importantes - comme toutes ces nobles femmes dans la salle. J’ai cru que notre dédain, que notre désintérêt et notre amertume pour tous ces jeux de la cour aurait peut-être pu être un premier pas, car je sais ressentir ces choses… Et ce que je ressens, c’est que nous aurions bien plus en commun vous et moi que vous ne semblez vouloir vous en intéresser. »

Elle laissa échapper un soupir, léger, à peine audible, comme si elle déplorait la nécessité de telles subterfuges. Selene savait que pour atteindre Serenos, il ne suffisait pas de briller de beauté ou de charmer par des mots sucrés. Non, il fallait frapper là où cela comptait, là où les vérités crues et les réalités partagées pouvaient former des liens plus solides que ceux forgés par la flatterie. Ses doigts glissèrent de son poignet, remontant jusqu'à sa main qu'elle effleura du bout des doigts, avant de se détacher complètement, ne laissant derrière elle qu'un contact éphémère.

Selene se pencha légèrement en avant, brisant un peu plus de cette proximité que cet homme avait imposé, ses cheveux de feu se balançant avec légèreté sous la brise nocturne. Elle observait Serenos avec un intérêt palpable, son regard devenait plus brillant, alors même que chaque mot était une note calculée dans une mélodie soigneusement orchestrée.

« Que pourrais-je donc avoir qui vous serait d’une quelconque utilité… » Ses mots se firent plus doux, moins provocateurs, comme si elle se déshabillait de ses ruses pour ne laisser que l’honnêteté nue de ses intentions. « Je cherche simplement un allié, quelqu'un qui saurait comprendre que je ne souhaite rien de tout cela. » À ces mots, elle détourna le regard pour faire un petit geste de la tête en direction du troupeau qui dansait toujours, fort probablement, dans la salle de bal. « Et si mes sens ne m’ont pas trompé, j’aimerais bien croire que c’est aussi ce que vous recherchez. Quelqu’un qui ne veut pas de votre trône, ni de votre pouvoir. Juste… un ancrage. »

Elle se tut, laissant ses paroles se dissiper dans la nuit, comme les vagues qui viennent mourir sur le sable. Selene savait qu’elle prenait un risque immense en jouant cette carte, en laissant entrevoir une vulnérabilité qu’elle dissimulait soigneusement derrière ses sourires et ses ruses. Mais parfois, la vérité, même partielle, était l’arme la plus puissante. Elle pouvait désarmer, déstabiliser, et même conquérir là où la force brute échouait.

La silhouette de Serenos se découpa dans l'obscurité grandissante, une statue de pouvoir et de contrôle. Selene ne bougea pas, demeurant assise sur la rambarde, les jambes croisées, comme une sirène prête à envoûter le marin égaré. Son regard restait fixé sur lui, perçant, attentif à chaque nuance de son expression, chaque micro-réaction qui pourrait trahir une pensée, une émotion. Elle savait qu’il ne serait pas facile à convaincre, mais elle n’avait pas besoin de le convaincre entièrement. Juste assez pour qu’il baisse sa garde, pour qu’il la laisse entrer, même brièvement, dans son monde de secrets et de pouvoir.

Serenos I Aeslingr

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Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 8 mercredi 28 août 2024, 21:57:13

Elle n’avait rien à lui offrir. En dehors de son arrogance et, indubitablement, son absence d’instinct de préservation, elle ne lui suggéra rien. Une alliance bénéfique, basée sur sa simple compassion et sa bienveillance. Et ce qui était absolument absurde, c’est que l’espace d’un instant, Serenos songea même à la lui accorder. Pas parce qu’il était ému par sa témérité, et encore moins parce qu’il ressentait une soudaine vague de sympathie, mais simplement par ennui, par désir de voir quel genre d’incongruité cette femme pourrait apporter à sa vie.

Non.

Même dans sa fatigue mentale et physique, il n’allait pas se laisser embarquer dans cette histoire. Ce n’était pas son problème, ni encore moins sa responsabilité. Les nobles le combattaient depuis des années pour leur indépendance, cherchaient constamment une nouvelle magouille pour lui soutirer un peu plus d’autonomie et de pouvoir. Pourquoi est-ce qu’il se casserait les pieds pour en protéger une ? Pourquoi est-ce qu’il s’infligerait une potentielle source de frustration et d’agacement supplémentaire.

– Allez-vous en, Selene. Ce que vous cherchez, vous n’aurez pas ic –

Il ne termina pas sa phrase, et sa main quitta subitement le menton délicat de Selene dans une urgence presque paniquée. Ses doigts agrippèrent fermement le décolleté de la robe de la jeune femme, la tirant brusquement vers lui. Dans un mouvement fluide, il fit passer à sa droite, comme pour la jeter au sol, mais il ne lâcha pas prise, à l'abri derrière lui. Il leva alors la main, son regard se durcissant tandis que l'air autour de lui semblait vibrer d'une tension électrique, alors que, devant lui, une ombre, dense et menaçante, se matérialisant en une silhouette humanoïde.

L'assassin était en plein élan, son bras tendu, prêt à frapper. Au bout de ce bras, sa main était une déformation grotesque, une griffe unique et recourbée, semblable à une faucille acérée ou aux membres prédateurs d’une mante religieuse. Il n’eut pas besoin de goûter la morsure de cette arme pour savoir que la lame était aiguisée à son plein potentiel.

Serenos ne savait pas si son assaillant en avait après Selene directement, ou s’il s’était simplement servi d’elle pour couvrir son approche, mais toujours est-il qu’il avait manifestement raté son coup, car il faisait maintenant face à un Roi. Et pas n’importe lequel ; il faisait face à Serenos de Meisa, le Roi-Sorcier de Meisa, le guerrier qui avait sur les mains le sang d’une nation. Et ce Roi ne comptait pas l’affronter à la façon des hommes ; sa main levée crépitait d’énergie, et l’instant suivant, il la relâcha.

La vague d’énergie kinétique frappa l’assassin de plein fouet, l’arrêtant non seulement dans son élan mais le repoussant vers l’arrière, le propulsant dans les air par la même occasion et comme la rambarde était recourbée, Serenos se satisfait de le voir passer au-dessus de celle-ci. L’assassin, dans ses derniers instants, tendit le bras vers la rambarde, dans un espoir vain de s’y accrocher, alors que celle-ci restait, immuable, hors de sa portée, et qu’il sombrait hors du champ de vision du Roi.

À l’intérieur du palais, des cris de panique et d’horreurs commencèrent à s’élever, et les gardes qui patrouillaient le périmètre se précipitaient vers leur origine.

Serenos eut le temps de se remettre de sa surprise pour remarquer qu’un second assaillant, qui avait visiblement escaladé le mur du palais pour atteindre le balcon, venait de passer une main par-dessus la rambarde pour attraper Selene, s’accrochant à ses cheveux et ses vêtements pour essayer de la faire basculer, mais Serenos réagit plus rapidement encore et, toujours en gardant la main fermement accrochée au corset de la jeune femme, leva son pied pour frapper l’agresseur à la tête avec une souplesse qui, avec l’âge du Roi, ne manqua pas de l’impressionner lui-même. Sa victime tituba et relâcha les cheveux roux de la jeune femme mais, dans un ultime effort pour ne pas connaître une chute mortelle, s’accrocha désespérément aux vêtements de celle-ci. Ce qui sauva Selene ne fut pas les réflexes du Roi, mais la mode Meisaenne, car le tissu de sa robe céda sous le poids de son assassin, et celui-ci sombra dans les ténèbres du ravin en contrebas.

Tirant Selene près de lui, le Roi examina la jeune femme, ses réflexes militaires le poussant à s’assurer qu’elle n’était pas blessé, alors qu’une autre silhouette s’approchait. Celle-ci, cependant, n’était pas composée d’ombre ou de magie ; le prince Aldericht s’avança vers son père, armé d’un long pic à glace dans une main, son regard toujours aussi impassible.

– Qu’est-ce qui se passe ? demanda le Roi en soutenant Selene.

– Difficile à dire, père, dit le prince avec un haussement presque nonchalant des épaules. Des assassins ont pris le bal d’assaut. Manifestement, ils ont réussi à passer outre de la barrière de protection.

– Leurs cibles ?

– Jusqu’à maintenant ? Toutes les victimes sont des femmes, j’en saurai plus après avoir fait évacuer la salle de bal et congédié les invités, et avoir traqués les assassins qui rôdent maintenant dans nos murs.

– Les congédier ? gronda le Roi. Et si le responsable était parmi eux ? Et s’il s’échappe ?

Encore une fois, le Prince haussa négligemment des épaules. Visiblement, cette éventualité ne semblait pas le préoccuper outre mesure.

Serenos étira sa conscience de nouveau pour essayer de détecter la présence de ces intrus, mais quoi qu’ils puissent être, ils ne semblaient laisser aucune trace de leur présence dans l’immatériel, et il jura de frustration, avant de se tourner vers Selene.

– Eh bien, réjouissez-vous, votre demande de protection semble avoir été acceptée, finalement.

Selene Lunaris

Humain(e)

Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 9 jeudi 29 août 2024, 03:13:37

Selene sentit la fureur monter en elle comme une vague prête à déferler, se fracassant contre les rochers de la patience qu'elle s'efforçait de maintenir. Son visage restait impassible, ses traits délicats semblant imperturbables, mais une tempête se déchaînait sous la surface. Le roi, immuable, ressemblait à une statue de marbre, indifférent aux supplications, aux douceurs, aux subtilités qu'elle avait déployées. Rien ne semblait ébranler cet homme, pas même la proximité troublante de son souffle, le parfum enivrant qui émanait de ses cheveux de flamme.

Pour une femme habituée à obtenir ce qu’elle voulait par un sourire ou un murmure au creux de l’oreille, l’impassibilité de Serenos était une frustration presque insupportable. Sa main, toujours posée sur la rambarde, se crispa légèrement, les ongles égratignant la pierre froide, comme si elle cherchait à libérer cette colère contenue. Elle le regardait, ses yeux brûlant d’une lumière contenue, tandis que son esprit peignait des tableaux sanglants où elle se voyait déjà le poignarder, mettant fin à son arrogance avec la même facilité que l’on étouffe une chandelle.

Un sourire amer effleura ses lèvres, trahissant à peine le tumulte qui grondait en elle. Peut-être se trompait-elle. Peut-être n'y avait-il rien de commun entre eux. Peut-être ce roi n'était-il qu'une autre marionnette du pouvoir, mais avec des ficelles plus courtes et plus épaisses. L'idée la fit grincer des dents intérieurement, mais elle ne laissa rien paraître. Au lieu de cela, elle se redressa légèrement, laissant ses jambes osciller doucement contre la rambarde, comme si elle s’amusait d’une situation devenue déplaisante.

Elle baissa la tête, les mèches rouges cachant ses yeux qui brillaient d'une détermination farouche, d'une colère froide. Le monde était un échiquier, chaque personne un pion ou une reine, et elle avait toujours su jouer ses cartes. Mais face à cet homme, elle commençait à réaliser que le jeu était peut-être truqué, que les règles qu’elle avait suivies ne s’appliquaient pas ici. La pensée lui fit serrer les poings, son esprit cherchant déjà une nouvelle stratégie, une autre voie pour atteindre son objectif.

Le monde sembla soudain se renverser alors que Selene sentit une main puissante la tirer brusquement vers l'avant, menaçant de déchirer la fragilité de cette robe si souple. Son corps bascula contre celui de Serenos, une plainte étouffée échappant à ses lèvres, prête à briser son masque de calme pour le maudire sur-le-champ. Mais avant même qu'elle ne puisse formuler ses mots, le souverain la fit basculer de nouveau, la projetant derrière lui, sa silhouette imposante se dressant comme un rempart entre elle et le danger imminent. Selene chancela légèrement, se rattrapant de justesse, ses doigts s'accrochant à son dos alors qu’elle cherchait d’une main à replacer les soieries sur sa poitrine dénudée.

Les yeux plissés, elle serra les dents en penchant gracieusement son corps sur le côté, glissant son regard pour découvrir ce qui se profilait devant eux. L'ombre menaçante d'un assassin, lame au poing, se dessinait dans la lumière vacillante. Ses instincts prirent le dessus, une main s'accrochant instinctivement au bras de Serenos, ses pensées tourbillonnant à une vitesse folle. Était-ce un membre des Ombres du réseau sous la Citadelle, envoyé pour achever ce que ses propres manœuvres, visiblement, n'arrivait pas  à accomplir ? La question la hantait, la tension dans ses muscles se faisant palpable. Si tel était le cas, ils avaient certainement anticipé ses actions, calculé ses mouvements. Ou alors, était-ce un étranger à sa cause, un loup solitaire qui n'avait rien à voir avec ses propres objectifs ?

Ses yeux se glissèrent rapidement vers l'ombre menaçante, cherchant des signes distinctifs, un geste, un symbole qui pourrait trahir son appartenance. Mais la silhouette restait indistincte, les intentions aussi troubles que les ténèbres qui l'entouraient. Un battement de cils plus tard, Selene savait qu'elle devait agir, mais l'incertitude la clouait sur place. Ordonner à l'ombre de se retirer la trahirait, l'identifiant comme une traitresse aux yeux de Serenos. Et pourtant, se taire, rester passive, risquait de sceller leur sort à tous les deux.

Serenos, fidèle à lui-même, ne montrait aucun signe de peur ou d'hésitation, son regard glacial fixé sur l'intrus. Selene, dissimulée derrière lui, sentait chaque mouvement de son dos, chaque respiration, chaque tension dans ses muscles. Ce sentiment de protection qu'il lui offrait n'était pas sans susciter une étrange confusion en elle – après tout, elle envisageait de le trahir elle-même.

Selene resta un instant figée, la surprise rendant muettes toutes ses pensées. Devant ses yeux, Serenos se transformait en une force inarrêtable, une puissance incarnée. Il n'y avait eu qu'une fraction de seconde, à peine le temps de comprendre ce qui se passait, et déjà l'intrus avait été projeté par-dessus la rambarde, disparaissant dans les ténèbres en contrebas.

Le souffle court, elle peinait à croire ce qu'elle venait de voir. La force avec laquelle Serenos avait agi, la brutalité contenue mais libérée en un éclair, tout cela la laissait pantoise. Elle avait imaginé de nombreux scénarios, préparé des stratégies pour l'approcher, pour le manipuler, mais jamais elle n'avait envisagé ce déferlement de puissance, cette assurance implacable qui émanait de lui. Une étrange chaleur se diffusait à travers elle, comme si le contact de son dos contre elle l'avait marquée d'une énergie presque palpable.

Quelque chose chatouillait ses sens, une prise de conscience aussi subtile que dérangeante. C'était plus que de la simple force physique. Il y avait une aura autour de cet homme, quelque chose de primordial et d'inexorable, quelque chose qui transcende les jeux de pouvoir auxquels elle était habituée. Elle fronça légèrement les sourcils, troublée par cette révélation. Que cachait-il d'autre, ce roi ? Quels secrets dormaient sous cette carapace de glace et de fer ? Elle connaissait sa réputation mais, en être spectatrice était tout autre.

Lentement, Selene se redressa, essayant de dissimuler le tremblement imperceptible qui menaçait de parcourir ses membres. Elle savait qu'elle ne devait pas laisser transparaître sa surprise. S'il y avait une chose qu'elle avait apprise dans la rue, c'était à garder le contrôle de ses émotions, à ne jamais laisser voir ce qu'elle ressentait réellement.

Pourtant, alors qu'elle sentait toujours la chaleur résiduelle de Serenos près d'elle, un frisson la parcourut. Ce n'était pas seulement de la peur ou de l'appréhension. C'était un mélange complexe d'admiration et de crainte, une fascination involontaire pour cet homme qui, en un instant, avait renversé la situation. Selene savait qu'elle devait se montrer prudente. Jouer avec le feu, c'était une chose ; se brûler, c'en était une autre.

Un cri de surprise s'échappa de ses lèvres lorsque Selene se sentit brutalement tirée en arrière. La panique se mêla à la douleur alors que les pans de sa robe légère se déchiraient et que ses cheveux enflammés étaient violemment tirés vers le bas. Dans un réflexe désespéré, elle tendit le bras pour essayer de dégager la main qui la retenait par sa crinière, mais c'était peine perdue. Elle maudit intérieurement la folie qui l'avait poussée à se lancer dans ce plan sans armes, sans aucune protection.

La pierre froide de la rambarde contre son dos, la sensation vertigineuse du vide sous ses pieds manquèrent de lui faire perdre pied. Le monde semblait se renverser autour d'elle, et dans un instinct de survie, ses paupières se fermèrent brusquement, refusant de voir le sol se rapprocher alors qu'elle basculait dangereusement. Elle s'imaginait déjà chuter, son cœur battant à tout rompre, se préparant à une fin brutale et sans appel.

Mais alors que tout semblait perdu, une force implacable la tira violemment dans la direction opposée. Elle sentit son corps être projeté en avant, contre la poitrine solide de Serenos. Le souffle coupé, elle se retrouva écrasée contre lui, son cœur battant à tout rompre contre celui du souverain. Le contact fut brusque, désordonné, et elle comprit à peine ce qui s'était passé quand un second assassin passa par-dessus la rambarde, emporté par la même force qui l'avait tirée à l'abri.

Le bruit de la chute résonna à peine à ses oreilles, couverte par le choc de sa propre respiration haletante. Selene se redressa, chancelante, le souffle court, sa robe déchirée pendait lamentablement à son corps, dévoilant sa peau pâle et vulnérable. Elle frissonna, plus de la terreur de ce qui venait de se passer que du froid de la nuit. Complètement nue, à la merci de la lune et des regards indiscrets, elle se sentit étrangement exposée. Mais elle était en vie. Et à cet instant, c'était tout ce qui comptait.

Elle leva les yeux vers Serenos, puis sur Aldericht qui vint à leur rencontre, son souffle toujours court, les prunelles brillantes d'une peur qu'elle ne chercha pas à dissimuler. Pour la première fois depuis le début de cette soirée, Selene réalisa à quel point elle avait sous-estimé la situation, à quel point elle avait sous-estimé cet homme. Ses lèvres tremblèrent légèrement, cherchant des mots qui ne vinrent pas.

Le souffle de Selene s'apaisa progressivement, chaque inspiration devenant plus lente et contrôlée, comme une mer calme après une tempête. La peur qu'elle avait laissé transparaître la laissa déconcertée, son visage encore légèrement crispé par le souvenir de cette vulnérabilité impardonnable. Pourtant, ses oreilles captèrent enfin les échanges entre Serenos et son fils. Les mots portaient un soulagement inattendu : ces assassins visaient des femmes, signe clair que son propre groupe n'était pas impliqué. Une vague de soulagement s'étendit dans ses muscles tendus, détendant ses épaules, tandis qu’un soupir de soulagement s’échappait de ses lèvres. Elle réprima un sourire satisfait. Pour un bref instant, la menace qui avait plané sur elle semblait s’être dissipée.

Mais cette impression de sécurité se dissipa aussitôt. Selene prit soudain conscience de sa situation embarrassante. Sa robe, déchirée par la lutte, ne couvrait plus que les vestiges de sa dignité. Son regard clair se posa sur Serenos, qui se tenait devant elle, offrant enfin cette protection qu'elle avait désespérément cherché à obtenir. Ses lèvres se pincèrent d’irritation. Ce n'était pas ainsi qu'elle avait envisagé de se retrouver sous son aile. La veste du roi, lourde et sombre, lui paraissait soudain un refuge nécessaire, presque désirable, malgré la froideur de l'homme qui la portait.

Selene n'hésita pas plus longtemps. Avec une rapidité calculée, ses mains délicates mais assurées se faufilèrent sur le torse du souverain, épousant un instant seulement les muscles qu’elle pouvait sentir sous l’étoffe. Ses doigts glissèrent ensuite le long des attaches de sa veste, les défaisant une à une, avec la précision d'une voleuse chevronnée. Elle tira plus fort, d'un mouvement sec, arrachant presque la veste à ses épaules. Si Serenos aurait pu être surpris par sa brusquerie, elle le forcerait à se laisser faire, une lueur d’amusement mêlée de perplexité traversant ses traits. Sans attendre, Selene enroula le tissu autour de son corps, le drapant sur ses épaules et croisant les pans pour couvrir ses seins. La veste tombait sur ses hanches, trop large, mais elle s'en moquait. Elle y trouvait un réconfort inattendu, une barrière entre elle et le monde extérieur.

Ses doigts glissèrent derrière sa nuque, libérant sa chevelure de feu prisonnière sous le col de la veste. Ses mèches flamboyantes se déversèrent en une cascade autour de son visage, recouvrant ses épaules et caressant son dos, ajoutant à sa silhouette une allure sauvage et indomptable. Elle redressa le menton, défiant la situation du regard. Ses prunelles claires croisèrent celles de Serenos, cherchant à lire au-delà de la froideur de ses yeux.

Selene prit une inspiration, laissant le silence s'étirer un instant entre eux. Quand elle parla, sa voix était douce, teintée d'une ironie mordante, chaque mot pesant lourd de sous-entendus. « Me réjouir? Il semble que vous m'ayez sauvée, après tout, » murmura-t-elle, un sourire effleurant ses lèvres, léger et calculateur. « Peut-être y a-t-il plus de compassion en vous que ce que vous laissez paraître, Majesté. »

Elle inclina légèrement la tête, observant attentivement la réaction du roi. Le poids de ses mots flottait entre eux, presque palpable, comme une corde tendue prête à rompre. Selene, dans sa nudité voilée par le tissu royal, se tenait là, une énigme à décrypter, un défi lancé à cet homme énigmatique dont elle peinait à comprendre les motivations. Peut-être que, sous la carapace de ce souverain impassible, elle trouverait une âme aussi fatiguée des jeux de pouvoir qu'elle ne l'était. Peut-être.

« Les femmes trop près de sa Grâce Royales ont toujours été sujettes à être victime de ces agressions, passer votre nuit à chercher qui en est l’auteur, si tant serait-il simplement entre ses murs, ne vous servirait à rien. Il y aura une prochaine tentative, et une autre, que ce soit du même assassin ou d’un autre. » Souffla doucement la jeune femme en croisant les bras contre elle pour garder la veste fermée sur son corps. « Je crois que le Prince avait une bonne stratégie, et vos sujets doivent déjà chercher à évacuer les lieux d’eux-mêmes. Oh, et au risque d’un énième refus catégorique, j’aimerais de quoi me vêtir, votre Majesté. »

Selene se pencha légèrement en avant, ses mouvements empreints d'une grâce féline, pour tirer sur les lambeaux de sa robe déchirée qui pendaient encore à ses hanches. Le tissu, cruellement malmené, glissa le long de ses jambes avant de tomber au sol dans un froissement doux, comme un dernier souffle. Libérée de ce poids inutile, elle redressa la tête, offrant un instant son regard à Serenos. Ses yeux clairs fixèrent les siens, sondant la profondeur de ses pensées, cherchant une lueur de compréhension ou de réprobation. L’ombre d’un sourire effleura ses lèvres avant qu’elle ne tourne brièvement son attention vers Aldericht, vers qui elle inclina légèrement la tête en signe de reconnaissance polie, presque courtoise.

Puis, sans un mot de plus, Selene se détourna, ses pieds glissant sur le marbre froid, ses mouvements fluides et silencieux. Elle se dirigea vers l’entrée de la salle, les pans de la veste de Serenos flottant autour de ses hanches, lui conférant une allure presque royale malgré les circonstances. Elle s’arrêta juste avant de franchir le seuil, son dos droit et ses épaules détendues, comme si elle avait retrouvé son aplomb malgré la tempête qui venait de se dérouler.

Dans un geste maîtrisé, Selene se retourna, faisant virevolter sa chevelure flamboyante derrière elle. Les mèches rousses dansèrent un instant dans l’air avant de retomber en cascade le long de son dos. Son regard perçant se posa de nouveau sur Serenos, un éclat indéfinissable brillant dans ses yeux. Elle laissa un silence s’installer, chargé de sous-entendus et de promesses non dites, puis ses lèvres s’étirèrent en un sourire énigmatique, comme si elle venait de saisir un secret connu d’elle seule.

« S’il vous plaît? »

Serenos I Aeslingr

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Re : La Belle Société [PV: Selene Lunaris]

Réponse 10 vendredi 30 août 2024, 07:46:36

Le palais était complètement en émoi. Les nobles présents, troublés par les assassinats, étaient parfaitement hors d’eux, scandalisés pour ceux qui avaient été épargné, et en deuil pour ceux qui avaient perdu une épouse, une sœur ou une fille dans l’assaut, mais les gardes bougeaient rapidement. Fort heureusement, les victimes étaient peu nombreuses ; aussi nobles et isolées qu’elles pouvaient l’être du commun du peuple, la plupart des filles de noblesse étaient parfaitement aptes à se défendre, certaines profitant même de l’occasion pour se faire remarquer dans une période de crise.

Les assassins avaient visiblement été fort déterminée à la tâche et à ne pas divulguer la moindre information, car pour ceux que les gardes avaient réussi à appréhender, des capsules de poison dissimulées dans leur gorge leur permis d’échapper à un interrogatoire en règle. Grymauch ne put s’empêcher d’être un brin admiratif devant une telle dédication envers leur profession, mais cela ne l’empêcha pas, dans sa frustration, de flanquer un coup de pied dans le visage d’un des cadavres.

– Ce que j’aimerais savoir, dit le Premier après un second coup de pied, c’est comment est-ce qu’un groupe d’assassins clairement couverts de magie ont réussi à pénétrer le périmètre sans être immédiatement repéré par l’Oculum.

Assise sur un des corps et grignotant un petit fourré à la gelée de cerise, sa sœur, Aurora, leva une main gantée, comme une étudiante en classe, comme pour ne pas interrompre ses réflexions avant qu’il ne lève la tête vers elle et lui adresse un hochement de la tête pour lui permettre de parler.

– Peut-être que l’Oculum est défectueux ?

– Si quelqu’un d’autre que notre frère avait été responsable de l’Oculum, j’aurais été porté à le croire, rétorqua Grymauch en arrêtant de frapper le cadavre. Mais si l’Oculum avait été endommagé, il nous en aurait informé. Non, je penche plus en faveur d’une contre-mesure.

– Ils avaient l’air étrangement vaporeux avant de passer à l’assaut, mentionna Aurora en finissant son fourré, se relevant en arrachant son poignard du dos de sa victime. Je ne m’y connais pas forcément en magie, mais peut-être que l’Oculum ne les a pas remarqués parce qu’ils n’étaient pas vraiment là jusqu’au dernier moment.

Grymauch se massa la mâchoire pendant un moment, en jetant des coups d’œil sur les assassins, puis vers sa sœur.

– Prends quelques-uns de tes hommes et essaie de prendre contact avec nos informateurs. S’il y a un groupe capable d’identifier des lacunes dans la sécurité de la Citadelle, et que nous n’en avons pas entendu parler…

– Il y a de fortes chances pour que nos informateurs soient morts, conclut Aurore.

– Exactement. De mon côté, je vais voir Aldericht, et essayer de voir ce qu’il en pense, peut-être voir si quelque chose cloche avec l’Oculum. Je préfère ne pas croire que nous avons un traître en notre sein, mais ce n’est pas impossible.

Avec un hochement de tête, et un salut, l’ainée des princesses de Meisa tourna les talons et s’engagea dans les couloirs.

Grymauch jeta encore un coup d’œil aux assassins, puis fit de même, se débarrassant au passage de sa cape maculée de sang en la jetant dans les bras d’un des gardes, et se dirigea vers le balcon, où il avait vu Aldericht disparaître quelques instants plus tôt.

***

Peut-être était-ce la vie de château qui avait ramolli les réflexes du Roi, mais la vitesse à laquelle Selene passa outre sa garde et s’empara de sa veste le laissa penaud. Il avait l’habitude d’être attaqué, et donc était entraîné à détecter l’agression dans le geste des gens, mais comme Selene n’avait aucune intention particulièrement néfaste, le Roi n’avait pas été capable d’anticiper son geste.

Désormais en chemise, dépourvu de son manteau, le Roi aurait pu se vexer d’un tel manque de savoir-vivre, mais, pour la défense de la jeune femme, la nuit était fraiche, et son seul vêtement qui aurait pu la protéger des courants d’air était maintenant en piteux état.

Le Roi ne condamna pas le reproche qu’il percevait dans la voix de la jeune femme. Dans l’absolu, elle n’avait pas complètement tort ; les gens qui approchaient le Roi avaient la fâcheuse tendance de susciter l’envie de ceux qui voudraient pouvoir en faire de même. Cependant, il n’était pas complètement convaincu que les événements eussent nécessairement un lien direct avec lui. Ce n’était pas impossible, et il n’allait pas écarter cette éventualité, mais peut-être que c’était juste une offensive contre la noblesse Meisaenne, tout simplement. Meisa ne manquait pas de gens qui protestaient le règne de Serenos, et qui considéraient ceux qui s’étaient soumis à lui comme des traîtres à la nation.

Son esprit se ramena enfin sur la jeune femme lorsqu’elle lui fit la requête de lui prodiguer de quoi se vêtir. Le Roi soupira doucement puis il jeta un coup d’œil vers Aldericht.

– Fais ce que tu peux pour ce soir. Je m’en remets à ton jugement, ainsi qu’à celui de ton frère.

– Je comptais le consulter de toute façon, dit son fils avec un nouveau haussement d’épaule, avant de faire demi-tour.

Au même moment, Grymauch fit son entrée sur le balcon, et les deux frères allèrent à la rencontre de l’autre, avant de s’éloigner en conversant, retournant ensemble vers la salle de bal.

Levant les yeux vers le ciel un moment, comme pour rassembler ses forces et sa patience, les deux lui semblant en bien faible quantité à ce moment, il s’approcha de Selene et lui tendit une main, un geste qui contrastait sévèrement avec son comportement bourru et cavalier de tantôt.

– Laissez-moi vous escorter, dame Lunaris, jusqu’à l’aile des invités. Je m’assurerai qu’on vous prodigue un remplacement pour votre robe, et que mes couturières réparent votre robe dans les plus brefs délais.

Il savait que cela voulait probablement dire qu’il ne pourrait pas se débarrasser aisément de la jeune femme, maintenant, car une fois l’hospitalité offerte, la coutume, qui était presque loi dans le monde de l’hospitalité, demandait qu’il lui prodigue au moins une semaine de gîte et de couvert.

***

– Oh, pauvre petite chose ! s’exclama Valence en posant les yeux sur Selene.

Valence était l’une des six intendants de la Citadelle, et la doyenne au poste depuis la fin de la rébellion, où ses pairs avaient collaboré avec la Reine Rouge et participé à l’assassinat de l’épouse du Roi. Normalement réservés au service de la Reine et de sa famille, dont le Roi, les intendants étaient occasionnellement mis à la disposition des hôtes de marque pour souligner leur importance et la déférence que la famille royale leur accordait. Certes, rien n’obligeait Serenos à prêter une intendante à Selene, mais quitte à ce qu’elle ait déjà été attaquée pour des raisons qui concernaient potentiellement le Roi, il se dit que ce geste pourrait peut-être pousser un éventuel responsable à se trahir. Et peut-être compenser la jeune femme pour les vives émotions qu’elle avait enduré.

– Ne vous inquiétez pas, dame Selene, je m’occupe de tout, assura la noble intendante avec un sourire bienveillant. Dès demain, cette horrible soirée sera aussi loin de votre esprit que possible.

– Bon, fit le Roi en se frottant les paumes. Si vous vous occupez de tout, Valence, je vais…

L’intendante leva les yeux vers le souverain et lui adressa un sourire, que Serenos sût immédiatement n’en était pas vraiment un. La dame n’était peut-être pas au-dessus du Roi, mais elle ne manquait pas d’un certain… charisme matriarcale qui n’était pas sans rappeler ses vieilles préceptrices du temps où il vivait sous la protection de l’empereur.

– Votre invitée a vécu une expérience fort choquante, Votre Majesté. Vous n’escomptez tout de même pas vous faire violence !

Bien sûr qu’il comptait se faire violence ; c’était un peu le but de l’abandonner aux bons soins de l’intendante et de ses assistants. Le Roi de Meisa sentit, cependant, qu’il ne s’en tirerait pas à si bon compte s’il mettait son plan de se retirer dans ses quartiers pour la nuit à exécution. Manifestement vaincu par la bienséance, ses épaules s’affaissèrent un peu, et il s’avanca dans la pièce, plutôt que vers la porte, et prit place sur le fauteuil devant Selene.

Sans grand égard pour sa modestie féminine, en grande partie parce que les Meisaennes ne connaissaient pas vraiment ce concept, Valence aida Selene à se débarrasser de sa robe en lambeaux et de la veste du Roi, alors que son assistant la couvrait d’une robe de chambre noire, chaude et touffue, dont les manches et les pans étaient embrodés de motifs floraux en argent. Une fois changée, Selene se vit poussée sur le fauteuil en face du Roi, et le jeune éphèbe s’empara d’un petit peigne en argent et l’aida à se défaire de sa parure, alors que Valence servait une tasse de thé à l’invitée du Roi, et adressa à celui-ci un regard insistant en lui tendant la sienne.

Pour s’éviter le courroux de l’intendante, le Roi fit un effort pour se montrer plus… compatissant. Prenant la tasse, le Roi regarda Selene et, après avoir bu une gorgée du liquide bouillant, il s’adressa à elle.

– Je suis désolé, dame Lunaris, pour les événements qui se sont produits. La sécurité n’était pas à la hauteur, et je…

Un autre regard de l’intendante. Soyez plus humain, sire, semblait-elle lui ordonner par simple intensité du regard. Il grommela dans sa barbe, puis soupira, avant d’adoucir, encore un peu, son ton de voix.

– Vous avez dû être terrifiée.


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Tags : aventure