La chose lui avait sauté d’un coup. Petite. Vive. Inaudible. Il n’avait capté que sa masse percutant son épaule et les griffes labourant le tissu de sa veste, et les feul… feulements ?!
Il s’était retourné brusquement pour hurler aux filles de ne pas tirer, mais le chat s’était déjà jeté dans la direction opposée, rompant le combat et les convainquant de stopper à temps tout en reconnaissant l’animal. Ils avaient eu chaud, et Jack sentit des vagues d’émotions fortes s’écraser les unes contre les autres en une seconde. La peur, la colère, le soulagement, l’humour aussi. Il éclata de rire et s’écrasa la main sur la bouche pour ne pas animer les couloirs de son hilarité, alors que les filles le rejoignaient et réalisaient la situation.
Il était temps d’un petit conseil de guerre : Kira n’était pas sûr que rester à l’intérieur soit judicieux, alors que Rory pensait le contraire. Jack, aussi, pensait qu’il était plus prudent de rester dans un espace confiné, où la masse de ces créatures pouvait au moins être jugulée. Mais il savait aussi que leur cible était ici, quelque part non loin. Alors, quand son avis fut demandé, il le donna autant qu’il put.
« Ces couloirs nous avantagent quand même, au vu de la quantité d’ennemis. Et n’oublions pas que nous descendons pour trouver la source de nos soucis électroniques. Peut-être qu… »
Le chat les avait encore interrompus, fonçant en feulant encore une fois dans la direction opposée, en panique.
« Putain de chat, » réagit Jack après s’être tendu une seconde, ne réalisant pas le problème tout de suite.
Quand Rory signala son soucis, il ne comprit pas immédiatement non plus.
« C’est bien allumé ? »
C’est la seule chose qu’il eut le temps de dire ou faire avant qu’un bruit terrible ne les mette en branle. Les choses arrivaient, encore ! Il jeta un regard sur l’arme laissée en arrière, mais Kira le poussa en avant, le forçant à l’abandonner.
« Raaah merde ! »
Il ouvrit la marche, fonçant aussi vite que possible à travers les couloirs, suivant le chemin logique vers le réacteur. Les coursives étaient de plus en plus abîmées, signe que l’activité des créatures était plus forte ici ; ou qu’elle l’avait été, car il ne voyait rien et les seules semblaient les poursuivre depuis l’extérieur pour les empêcher d’avancer plus loin. Il ne voyait que des gaines pendantes et des bouts de cloison tordus, qu’il poussait en avançant, faisant office de bélier, brandissant ses avant-bras épais pour qu’ils encaissent les impacts, ne cherchant pas à juger des dégâts qu’il prenait. Sans moyen de défense, c’était sa plus grande utilité à cet instant. Il fit son possible, des obstacles gênant quand même les filles et forçant Rory à abandonner son arme improvisée à son tour.
Il finit par percuter un obstacle qui en produisit un autre. Le tuyau retenu par la tige de métal qu’il venait de percuter tomba derrière lui, à hauteur de crâne des deux autres. Kira ne se fit pas louper et le clong métallique suivit du chtong de l’os heurtant le métal avant déjà suffi à faire rebrousser chemin à l’homme, qui fit volte-face et vint à leur aide. Le sang aveuglait leur dernière tireuse, qui l’appelait en ouvrant le feu. Rory le croisa, et il arriva jusqu’à Kira.
« Je suis là ! »
Il attrapa son col et tira, la traînant après lui tandis qu’elle continuait de tirer derrière eux, chaque coup attrapant une cible, chaque fois un petit peu plus près. Il entendait la technicienne les appeler, et il finit par voir le trou juste avant de tomber dedans. Un œil en contrebas lui permit de la voir dans un conduit assez large pour des humains, mais bien trop petit pour ces monstres. Quelque chose avait détruit le sol et une partie de la cloison, et ils pouvaient s’y laisser tomber ; un par un.
« Allez ! » cria Rory avant de plonger dans une direction et de disparaître à quatre pattes.
Jack ne réfléchit pas. Il souleva Kira, prit l’arme de ses mains et la laissa tomber aussi droit que possible dans le conduit. Il tourna à son tour l’outil défectueux dans le couloir qui crissait et hurlait, ses lumières s’éteignant à mesure que la masse des monstres progressait, furieusement, en se piétinant les uns les autres et en détruisant tout sur leur passage. Il n’y avait que le bruit, et le noir. Il ne les voyait pas. Mais il savait qu’ils étaient là. Il tira. Et il tira encore. Et encore. Il jeta des regards à Kira et les quelques secondes qu’elle mit à comprendre et à suivre Rory lui semblèrent prendre une éternité. Le noir l’enveloppa quand il sauta à son tour, atterrissant juste derrière la mercenaire et se jetant sur ses talons. Un monstre plongea derrière eux et tenta de les attraper. Jack tendit l’arme en arrière, tira deux fois, et la bête poussa un cri déchirant avant de s’écrouler en bloquant le chemin.
Ils étaient saufs. Pour le moment. Le trio finit par arriver à un espace de service, à peine plus large, où ils purent s’asseoir ensemble et profiter de l’aération. L’air était brûlant et presque irrespirable, mais ce flux d’air frais leur permettrait de récupérer. Quand ils eurent repris un peu de contenance, Jack examina ce qui restait de fournitures de secours et passa une lampe frontale avant de se placer devant Kira, et d’examiner son crâne.
« Ton cuir chevelu a pris cher. Mais c’est rien. Je peux le remettre et on a de l’accélérant métabolique. Ne bouge pas. »
Il commença à s’appliquer pour replacer méticuleusement la chair de Kira en place, écartant ses cheveux et cherchant à avoir la plaie la plus nette et restructurée possible. Il lui faudrait une opération, sans doute, mais elle ne ressemblerait pas à un monstre en attendant ; si on excluait le sang qui, parfois, pulsait encore hors de la plaie et épongeait ses cheveux en s’écoulant sur son front.
« Pendant ce temps, Rory, on va où ? Tu le sais, au moins ? »
« Ce conduit mène au réacteur. Normalement, il convoie l’eau là-bas. C’est pour ça qu’il fait si chaud. Quelque chose a dû couper l’alimentation en eau. Que ce soit volontaire ou non, ça fait monter la température. »
Elle hésita avant d’ajouter :
« A ce rythme, le réacteur va bientôt fondre et imploser si on n’arrive pas à régler le soucis. »
Jack émit un bruit guttural qu’on pouvait assimiler à une remarque cynique sur leur situation tandis qu’il appliquait du désinfectant et de l’accélérant à la plaie de Kira. Le second produit commença immédiatement à faire effet, provoquant la coagulation rapide de la plaie bien refermée et engageant le début de la cicatrisation. Il commença alors à débarbouiller la figure de la mercenaire, sacrifiant un peu d’eau sur un bout de son t-shirt, qu’il avait arraché pour la peine, et la frottant avec attention pour dégager ses yeux et la rendre un peu moins terrifiante, et retirer ce qui n’avait pas coagulé sur son visage.
« Je crois que nous avons deux objectifs, alors : éliminer l’origine de nos problèmes électroniques pour pouvoir contacter l’extérieur ou filer, et empêcher que le réacteur n’explose pour… et bien, pour survivre ! Kira, tu te sens en état d’avancer ? »