Je suis fatiguée. Mon médecin m'a prescrit du magnésium, du potassium et tout un tas de trucs qui finissent en ium. Il m'a aussi trouvée ramollie et m'a conseillé de me mettre au sport. J'ai été vexée, terriblement, car ce ne sont pas des choses qu'on annonce aussi crument. En plus, du sport, j'en fais toutes les semaines et je ne compte plus le nombre de coach que j'ai croisé en deux ans. Ils me secouent, me font mal, m'utilisent, me tirent (sens propre et familier). Alors, ce n'est pas du sport à proprement dit mais pour moi, c'est tout comme.
De retour chez moi, cet idiot m'a fait réfléchir. Il n'a pas tort dans le sens où il est vrai qu'à une époque j'avais meilleure mine. Quand il m'a reçu au cabinet, j'étais à J-1 et je commençais à ressentir les effets de ma malédiction. Le lendemain, j'avais trouvé un mec pour un coup d'un jour et le surlendemain, j'étais clean pour six jours. J'avais tergiversé un peu quand même. Cette malédiction m'affectait mais j'avais décidé de vivre, je le voulais, je choisissais de me battre en attendant de trouver une solution à mon problème.
La salle de sport récente que j'avais trouvée (les médecins ne racontent pas que des conneries) était à deux pas de chez moi. Ouverte 24/24,7/7, c'était parfait. Peut être que me déchainer là-bas atténuerait les effets fatidiques de mes fins de semaine. Pour moi, le dimanche était le jour où je DEVAIS baiser. Question de vie ou de mort! Je pouvais anticiper bien sûr mais ce n'était pas vivable. Je m'imposais ce jour-là, point! Mon calendrier était calé, il me fallait juste trouver un partenaire, ce qui souvent, curieusement, n'était pas simple.
Samedi soir ....
J'ai un peu les crocs. Demain, mon échéance me forcera à m'enfoncer dans une nymphomanie qui n'en ai pas une. Je décide d'aller à la salle de fit; j'ai pris un abonnement annuel cette semaine. A cette heure-là, les gens normaux sont devant la télé ou se couchent. J'espère y être seule pour pouvoir crier, hurler, rager après le onde entier, et m'épuiser pour oublier mon malheur.
TAN TAN!! J'arrive! Ma détermination fond comme neige au soleil quand je découvre qu'un homme (beau, musclé, engageant, tonique, sexuellement consommable) occupe déjà l'endroit. Délié, il galope sur un tapis de course à un rythme qui me rend jalouse. Mon corps déclenche une alarme interne qui me fait frémir. Non! C'est demain, je n'anticipe pas, c'est la règle. Mais une petite voix me souffle que ce serait le bon moment, au bon endroit, avec la bonne personne. Ce n'est pas faux, c'est même évident mais ... Je suis déjà tombée bien bas, est-ce que je vais m'enfoncer encore plus? Rhhaa l'angoisse! J'hésite. Après, ça fait une éternité que j'ai pas eu ma grasse matinée du dimanche ... J'inspire un bon coup! Ok pour allier l'utile à l'utile, point!
Dans ces salles de fit, tout le monde est beau. Il n'y a donc aucune raison pour qu'il me mate particulièrement. Je passe d'appareils en appareils jusqu'à ce que je me pose à ses côtés sur une machine dont je n'ai aucune idée de l'utilisation. Il me parle, YES!
Oh mon dieu, on y est! Il sent l'homme, il est trop beau, plus jeune que moi aussi mais on s'en fout.
"Moi c'est..."
Pas le temps de finir qu'il s'est barré, le téléphone à l'oreille. Je reste interdite avant de me précipiter devant la grande glace qui occupe tout un mur au fond. Quoi? J'ai un truc qui pend du nez? Non, heureusement. Mon reflet me renvie celui d'une jeune femme mince tout à fait baisable, pardon, mignonne. C'est quoi son problème?
Encore une fois vexée, je décide de renter chez moi pour méditer sur ma misérabilité. J'ai l'image du garçon en tête. Après je me suis peut être un peu emballée aussi. Je ne suis pas le centre du monde au yeux de tous. En partant , je demande au type de l'accueil.
"Euh, excusez moi ... l'homme qui vient de partir ..."
Le gardien ne me regarde même pas et il me coupe.
"Il m'a dit qu'il ramènera le paiement demain matin avant sa séance."
REVENGE!
Le lendemain matin, je suis la première à arriver. Maquillée, mon cuissard moule mes jolies jambes et surtout mes fesses, qui sont un avantage visuel. J'ai retrouvé une brassière que je n'ai jamais osé porter tant elle est osée. J'ai posé une goutte de parfum de chaque côté de ma gorge et surtout, j'ai adopté l'expression de la méga prédatrice qui n'a peur de rien. Bon, ce n'est qu'une apparence car nous sommes dimanche et si je rate mon coup, je crève ...
Je fais un peu n'importe quoi avec les machines quand un mouvement attire mon attention. Argh non, c'est pas lui mais deux types qui n'ont pas son charme. Je les garde quand même en mémoire comme plan B.
Et puis il arrive. Vite! Assise face à une montagne de poids, j'attrape la barre qui pend au dessus de ma tête et je tracte ces putains de vingt kilos. Je suis au bout de ma vie, l'effort est monumental mais j'offre au nouveau venue la vision d'un dos tendu, d'épaules contractées et surtout, un regard de feu que je lui envoie via le reflet d'un miroir. Tu es à moi! Si tu sors ton portable, je t'arrache les yeux!