Promenade dangereuse [Privé]

Quelle ville étrange ! On dirait une sorte de reconstitution médiévale du style héroic fantasy. Elle avait l’impression de marcher sur les traces de ses héros de romans. Elle avait même volée, pour l’occasion, une épée et une houppelande. Cette dernière avait été façonnée en grossier tissu qui la démangeait et l’épée était vraiment trop lourde pour elle. Pour se donner un air impressionnant, elle avait attaché l’épée bien en évidence dans son dos et avait rabattue sa capuche sur sa tête. Malgré cela on voyait bien que cette petite silhouette ne pouvait pas être un grand guerrier ténébreux.

A force de se balader dans la ville elle s’était engagée dans une petite ruelle qui l’avait conduit dans un quartier lugubre et sale. Les gens circulaient d’une démarche agressive et elle failli se faire bousculer par l’un d’eux. Elle entendait des ivrognes qui entonnaient des chants grivois et des prostitués qui racolaient les passants. Elle se demandait vraiment ce qu’elle faisait ici.

Salut, jolie hirondelle, tu veux jouer ?

La voix venait de derrière elle. Lorsqu’elle se retourna elle ne fut pas surprise de voir une bande de six hommes vêtues de loques et dont les visages émaciés étaient laids à faire peur. Aussitôt, elle prit une de ses dagues de son carquois fixée à son bras. Une lame de jet en forme de losange. Longues de près de dix centimètres ; elle était dépourvu de poignée mais des sillons y étaient creusés pour améliorer la prise. Elle coupa vivement l’attache de sa houppelande qui tomba lourdement sur le sol entrainé par le poids de l’épée qu’elle ne pouvait manier. Elle lança la dague et s’enfuit en courant. Elle n’avait pas besoin de se retourner pour savoir si elle avait fait mouche ; deux milles ans d’entrainement lui assurait que la dague avait pénétrée dans l’œil de l’homme le plus proche embrochant son cerveau au passage.

Soudain, elle arrêta sa course effrénée et eut un rire nerveux ; un cul de sac. Elle se retourna vers les cinq hommes qui bloquaient désormais toutes issues, des sourires triomphant s’étalaient sur leur visage. « Au moins ils ne m’en veulent pas pour leur camarade » pensa-t-elle.

Je vais faire en sorte que ça soit long et douloureux, sale petite pute, dis celui qui semblait être leur chef. C’était forcement leur chef puisqu’il était le plus fort et le plus bête.

Aussitôt que ces mots furent sortit de sa bouche, une dague y entra et le tua sur le coup. « Plus qu’une seul dague ». Alors qu’elle réfléchissait à la stratégie à adopter, un carreau vient lui perforer l’épaule gauche. Sans son bras gauche impossible de s’emparer de sa dernière dague. Déjà les bandits se précipitaient sur elle, salissant sa bouche de leur caricatures de baisés et souillant son corps de leurs mains sales.

Elle se permit de faire ce qu’elle s’était refuse jusqu’alors. Elle hurla...

Chacun des membres de ce groupe de misérable, jouit d'un caprice personnel, l'un palpant cette chair si douce et lisse, l'autre tentant d'accoler maladroitement ses lèvres aux siennes, dans un grotesque baiser... Aucun d'entre eux ne délaissa cette opportunité, savourant ce corps qui atteignait un degrés de douceur et de sensation que les prostitués ne purent simuler, néanmoins, chaque entreprise de leur part, souillait le corps destiné à de meilleurs traitements...

Le vent se levait lentement, s'engouffrant dans les multiples ruelles, allant se heurter à l'impasse où se jouait ce spectacle abject qui frise le dégout, transportant un parfum funeste, qui peine et désempare, la Mort...

Les misérables insensibles poursuivirent leur tache, préoccupés et obstinés, jusqu'à l'apparition  d'un être ténébreux...



Dont les iris reluisant d'une lueur étincelante, perçaient l'obscurité... Chaque entreprise s'estompa pour tenter d'analyser l'être apparut... Conservant l'espoir de retrouver rapidement cette chair délaissée et à présent reposée... Ses pupilles pénétrante influèrent leur âme, les soumettant à des prémonitions de mauvaise augure, où chacun se vit souffrant d'un mal atroce, si proche de la Mort personnifiée, qui jouissait d'un plaisir, sans mettre de point d'exclamation à leur agonie déroutante...

L'être qui commande à la Mort, entrepris sa démarche, lente... Le tintement de ses pas s'entrechoquait contre les parois des murs structurant la ruelle, en un écho lugubre... Tous les misérables se ruèrent vers cette potentielle menace, tous désemparés, apeurés, affolés... À peine leur entreprise eut aboutie, qu'ils s'écroulèrent au sol, vivant cette prémonition, torturés par un mal profond et inexpliqué... Ils bavaient sur eux, salive dégoulinant des commissures de leur lèvres affadies par l'agonie, s'agrippaient à leur vêtement, inapte à respirer, même de manière saccadée... Leur globes oculaires se révulsèrent sous la douleur intense... Seule les larmes substituaient les mots et les cries...

La marche de Thanatos ne s'était estompée, à chaque fois qu'il dépassait un corps agonisant, l'enveloppe charnelle voyait l'âme qui l'habitait faucher impétueusement par la mort... Une fois tous dépassés, les corps furent en état d'inertie... Morts... Conservant leur visage torturé par le mal, figé à jamais...

Le chef du groupe relâcha la fille de son étreinte, obsédé par le fléau qui vint amasser l'âme de ses compagnons, désemparé, il se rua de même vers l'être divin serein qui plongea brutalement sa main dans la bouche du misérable qui posa un genou à terre, n'ayant même plus la force de lever ses bras... Thanatos sembla saisir autre chose que sa luette, ou sa langue...

Soit plus éloquent, misérable créature...

Sa main spirituel étreignit l'âme, qu'il retira lentement, une forme de fumée, abstraite, sortie de cette bouche, le corps fébrile souffrait de mille maux, ne s'étant résigné à sa fin, l'âme s'agrippa à son corps... Mais sa lutte fut vainement menée, bien au contraire et pour le bon plaisir de Thanatos, elle se déchira... Le corps inerte tomba, sans vie, conservant des bribes de son âme effroyablement extirpée...

Dans sa main, fut étreint l'essence spirituelle de son corps, sa vie, toute déchirée, comme un vêtement rugueux... L'on dit que les méfaits et les vices d'une personne ne se voit pas à l'exterieur, mais à l'intérieur... En effet, l'âme laissa planer dans l'atmosphère une odeur nauséabonde en plus d'être tachetée de sombre couleur relatif à ses méfaits passés...

L'enfer te sied à merveille...

Relâchant l'étreinte, Thanatos claqua des doigts, l'âme en apesanteur disparut... Ses pupilles prirent l'instant d'après pour cible la jeune fille précédemment malmenée... Une serviette immaculée et soyeuse apparut dans sa main droite, s'approchant lentement de la jeune fille, l'être qui commande à la mort, le déposa sur sa joue, longeant son front, ses lèvres, son nez, son menton... Son visage sali redevint éclatant de vie, sa peau ternie retrouva son teint magnifique et sa douceur...

Ta Mort n'est pas pour cette heure...

Retirant lentement la serviette, qui disparut dans sa main, ses pupilles pénétrèrent les siens...

Cette fois elle avait vraiment cru qu’elle allait être violée, voir même torturée puis laissée pour morte dans un quelconque vide-ordure. Elle n’avait pas vue les sous-fifres mourir atrocement puisque le  chef – titre hérité de feu l’imbécile qui a avalé la dague de jet – était en train de s’offrir « le premier tour ». Lorsque celui-ci la lâcha pour faire face à sa mort, elle le vit ; Un jeune homme d’une allure quelconque mais qui venait quand même de tuer trois larrons en quelques battements de cœurs.
Il ne souriait pas… Ca devait pourtant être amusant de tuer. C’est en tout cas son opinion ; tuer était aussi amusant que faire l’amour bien que Selene avait la fâcheuse tendance de joindre les deux à la fois.

Le dernier salopard était mort d’une bien curieuse manière. Il l’avait tué sans vraiment le toucher. Si cet homme pouvait tuer aussi facilement ses victimes, ses pouvoirs devaient être immenses. Elle se demandait si elle pouvait le tuer ; ca pourrait être amusant de massacrer son sauveur mais c’était impoli. Aussi, elle décida de s’en abstenir.

L’homme s’approcha d’elle pour lui nettoyer le visage. Aussitôt, le sentiment de souillure laissé par ces brutes disparut. Elle se sentait de nouveau fraiche et pure ; elle sourit timidement au jeune homme pour le remercier.

« Ta mort n’est pas pour cette heure »

Son sourire se mua en un air perplexe. « Oui, je me doute bien, ma mort n’est pour aucune heure de toute façon » pensa-t-elle. Il la fixait de ses yeux étranges ; on aurait dit qu’il y avait du feu à l’intérieur, ca bougeait. On avait l’impression qu’ils regardaient l’âme. Celle de Selene ne devait pas être jolie à voir bien qu’elle n’en sache absolument rien. Elle se demanda avec curiosité ce qui se passerait si elle envoyait sa dernière dague dans cet orbe de feu ; est-ce que le feu sortirait ? « On ne tue pas son sauveur » se sermonna-t-elle encore une fois.

Pendant ce temps la blessure de son épaule avait largement eu le temps de cicatriser autour du carreau, ce qui rendrait l’extraction très douloureuse. Elle brisa l’empennage de la flèche et due se contorsionner pour atteindre l’autre bout qui saillait dans son dos. Elle prit une grande inspiration et tira sur la flèche qui arracha la chair au passage provoquant un horrible spasme de douleur. Selene ne put retenir un petit gémissement contenu qui fut accompagné de quelques larmes de douleur. Déjà la blessure se refermait, les tissus se reformaient, les vaisseaux se raccordaient et l’infection fut étouffée dans l’œuf par le système immunitaire surnaturel de la jeune fille.

Encore étourdie par la douleur, elle se releva péniblement dépassa le jeune homme sans un mot et alla récupérer sa dague dans la bouche de  « l’imbécile ». Celle-ci émit un bruit sinistre lorsqu’elle se délogea de la cervicale ce qui lui donna la nausée.

Merci, dit-elle simplement tout en nettoyant sa lame, sans votre intervention j’aurais perdu ma vertu  - comme si j’en avais une, se dit-elle – et je serais sans doute morte.

Un mensonge éhonté mais elle n’avait aucunes raisons de lui dire ce qu’elle était. Elle afficha un sourire candide et caressa inconsciemment la lame qu’elle avait fini d’astiquer.

La lueur de tes iris, en dit long sur toi...

Tels furent les mots qui brisèrent le silence étendue... L'âme de tout être, mortel ou immortel, était translucide aux yeux de celui qui commande à la Mort... Ses pupilles s'attardèrent précédemment sur ces blessures rapidement cicatrisées, ses doutes s'avérèrent justifiés, il s'agissait bien du corps d'une immortelle... Ses iris luisant reflétèrent la jeune fille, prit dans un déluge de réflexion, tout en entretenant une expression fade... Son attention ne porta aucunement à ses remerciements et ses données erronés...

Inutile de poursuivre vainement cette voie grossière, tu ne parais aucunement chaste et pure...



La froideur dont il fit preuve fut déconcertante, sans gêne et désinvolte, conscient de détenir un pouvoir insondable et effroyable, conscient d'être l'ennemi implacable de l'humanité... Conscient d'avoir le dernier mot sur ce monde... Même les immortelles n'y échappaient dès lors où leur âme étaient scellé dans un corps... Indéniablement différent et unique, sa volonté soumettait l'essence des corps, sans laisser de traces physiques... Il n'est qu'un souffle qui éteint le feu éphémère d'une bougie...

La haine est un poison…

Elle prend son essence dans chaque parties de notre corps ; comme un fluide visqueux qui remonte lentement jusqu’à la tête en contractant chaque muscles jusqu’à les faire trembler. Elle brule tout ce qu’elle touche et lorsqu’elle nous tient ; la seul envie que l’on a, est de la déverser sur l’objet de notre haine. La mâchoire se serre, les lèvres se pincent. Notre instinct nous ordonne de détruire, de massacrer tandis que notre raison peine à l’en empêcher…

Selene ne tremblait pas mais la haine était bien la circulant dans son corps comme un monstre cherchant la sortie de sa prison. Son sourire était toujours là, fidèle rempart au monde extérieur. Ce garçon lisait en elle comme dans un livre. Elle le détestait pour ça, elle le détruira pour ça. Cela prendra trente secondes ou trente siècles mais elle fixera ses yeux de feu et elle regardera la flamme mourir…

Elle réalisa qu’elle était bien trop furieuse pour prendre des décisions intelligentes ; les émotions ne devaient jamais guider une décision. Sans prêter attention au garçon ni à son sourire moqueur, elle s’assit en tailleur et ferma les yeux. Son sourire avait disparu, seul la concentration était lisible sur son visage.

A la fois
Océan et étoile
Les ailes de guingois
Pourtant je vole

Elle récite le mantra d’une voix si basse qu’elle doutait que le garçon puisse en saisir les paroles. Même s’il les entendait, il ne comprendrait pas car il n’y a rien à comprendre. Le mantra ne signifie rien ; ce n’est d’ailleurs pas sa fonction.
Lorsque son esprit fut en paix elle ouvrit enfin les yeux.

Asseyez-vous près de moi et parlons je vous prie.

Sa voix était calme et douce. Pour appuyez sa demande elle invita le jeune homme d’un mouvement ample de sa main droite, la main gauche tenant toujours la dague.

La jeune fille était possédée par Thanatos sans même le savoir... Cette force effervescente qui naquit en elle, ce bouillonnement brulant dans son corps, cette incitation au mal, à la haine... L'être divin jouit profondément à ce moment, une exaltation savourée, ses globes oculaires devinrent instable tant elle le fascinait... Cette pulsion meurtrière qui battait en elle, qui l'aiguillait vers un crime cruel... L'expression du regard de la jeune fille courroucée était magnifique...

Soudainement, Thanatos ressentit le mal perdre de son influence, relâchant progressivement son étreinte... La jeune fille baignant dans la quiétude, invita l'être divin d'une main nonchalante à prendre place près d'elle, dans la même position... Mais, se vit elle crédible et sainte à ce moment là, en quoi put elle paraitre chaleureuse et bienveillante avec un dague à la main... Inculquer quelques règles de diplomatie, lui serait profitable et instructif...

Thanatos s'avança lentement vers elle, entretenant son rictus ténébreux... Sortant de la pénombre...

Voilà, une jeune fille avenante, ainsi, nous pourrons entretenir une discutions avisée et adroite...

Près d'elle, Thanatos penchant le buste, approchant son visage du siens tout en saisissant le poignet gauche de la jeune fille, faisant en sorte qu'elle pointe sa dague vers son coeur...

Je souhaite revoir cette douce expression sur ton visage, ainsi que le dessein que tu voulais assouvir...

Son rictus s'étira, ses pupilles immergés dans les siens...

Ce garçon était une bénédiction ; il voulait qu’elle le tue.
Son cœur était à porté de sa dague. Elle imaginait déjà la sensation lorsque le sang chaud coulerait sur sa main. Elle chassa ses images morbides de sa tête et se questionna sur les intentions du jeune homme.
Soit il était fou, soit il était sur de lui. En le regardant un peu mieux avec ses yeux de feu et son rictus, elle conclue qu’il devait être les deux à la fois. Elle se demanda si c’était le genre de type à s’extasier sur des cadavres ou à chanter dans un bain de sang puis en se rappelant qu’elle le faisait elle-même de temps en temps, elle mit fin à son analyse. Une chose était sur c’est qu’elle voulait le tuer, non pas parce qu’il l’avait énervé mais par curiosité. Elle voulait voir ses yeux quand il mourrait.

Selene frissonna, c’était un plaisir morbide et sadique. Elle se promit d’aller s’acheter une sucrerie lorsqu’elle aurait terminée sa besogne afin de retrouver une activité normale et saine qui seyait à la jeune fille innocente qu’elle était.

Je ferai comme vous voudrez, lui répondit-elle avec un sourire poli.

Soudain elle projeta sa main gauche vers la poitrine du garçon. Une feinte… elle se servit de l’élan pour envoyer sa paume droite ouverte vers le gracieux visage du jeune homme.

Il y avait des centaines de façon de tuer un homme à main nue en un battement de cœur. L’une d’elle consistait à frapper sous le nez pour brisez l’os nasal qui irait lui-même empaler l’encéphale juste derrière. Ce coup ne nécessitant pas beaucoup de force, il était donc le coup préféré de Selene lorsqu’elle était désarmée.