“Un renard ne se laisse pas prendre deux fois à un piège.”
Proverbe français
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La Duchesse est un problème grandissant mon Frère. Il faut que quelqu’un s’occupe de ce soucis.-
Je sais mon Frère. J’ai déjà engagé un sorcier pour régler ce petit contre-temps. -
Qu’as-tu prévu? Étranglement? Éviscération? Assassin? -
Oh non. C’est trop attendu. J’ai choisi pire. J’ai choisi l’Inconnu.-
Elle ne reviendra pas?-
Si tu arrêtes de parler et te mettais à travailler, elle ne reviendra pas. On doit payer l’hérétique avant ce soir.-
Tu ne l’as pas payé?!-
Je ne suis pas la Princesse! Tu crois que je peux me permettre de sortir autant de pièces d’or d’un coup?!- - - - - - - - - - - - - - - - - -
Bien loin des complots, Myrella venait d’arrêter de travailler. Elle sortait du château-manoir, un manoir qu’elle avait amélioré petit-à-petit la décennie passée, et portait une longue robe un peu transparente, à la mesaienne. Ses sandales et un panier qui transportait le livre qu’elle lisait en ce moment, une bouteille d’eau et sa chouette. Accompagnée d’un garde, elle partit non loin de son manoir pour aller s’allonger dans l’herbe, près d’un grand arbre qui devait avoir vu son arrière-grand-père naître. Comme régulièrement elle allait lire jusqu’au coucher du soleil et retourner chez elle. Et ce jour-là avait commencé comme beaucoup. Et la Duchesse espérait que la journée continue de la sorte. Pourtant, alors qu’elle était sur le retour, elle se retrouve entourée d’une fumée épaisse. D’une couleur qui lui sembla violacée, elle sentit la main rude de son garde la ramener vers lui. Il hurla quelque chose qu’elle n’entendit pas et sa vision se flouta jusqu’à ce qu’elle observe le monde se tordre et se distordre. Il se stabilisa et, d’un accord comme un accord, Myrella et son garde se penchèrent pour vider leurs ventres.
Le temps de s’en remettre et ils finirent par traverser la ville avant d’être rapidement arrêté par une jeune femme. Cette dernière était au fait des portails et comprit assez vite ce qui semblait clocher. La technologie aidant, elle trouva le moyen de communiquer dans un mesaien que Myrella avait du mal à comprendre. Mais à base de “Vous. Mauvais vêtement. Devoir changer.” les premières informations importantes parvinrent aux mesaiens déboussolés. Et Myrella fit ce qu’elle avait toujours fait. Sourire et compter sur les muscles de son garde.
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Ish’aiëm? - Oui Votre Grace?
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Ne vous éloignez pas de moi. Ne me quittez pas du regard et prévenez-moi si un danger arrive, si vous avez une étrange sensation ou un mal-être. - Un mal-être?
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Si vous vous sentez mal, malade, fatigué… Peu importe. Prévenez-moi en l’instant. Vous êtes mon seul allié ici. Je ne veux pas vous perdre. Et comme vous n’avez aucun intérêt à retourner à Meisa sans moi… Autant se serrer les coudes non? Elle lui sourit. Elle finit par vendre une paire de boucles d’oreilles pour deux tenues complètes et un petit pécule, faisant la joie des boutiques de luxe et d’un banquier. Elle passa plusieurs jours chez l’inconnue, Miko de son petit nom, pour apprendre les rudiments de la société qui les entourait. Le prix de l’argent, les mœurs par exemple. Juste de quoi survivre. Et le quatrième jour Myrella décréta que nul noble de Meisa ne jouirait de plus d’hospitalité de la part de cette personne. La Duchesse voulait découvrir la ville et aller à la bibliothèque. Ainsi elle trouverait le moyen d’avoir un autre portail et, de préférence, pour la ramener chez elle.
La voilà donc dans ce quartier de mauvaise ambiance, passée une dizaine de jours. La jeune noble s’attendait à croiser une “fille de joie” comme elle avait pu en entendre parler, ou peut-être un ou deux soulards. Toute civilisation avait ses ivrognes plus ou moins notoires. Myrella n’allait pas s’en offusquer - bien qu’elle aurait pu. On les dirigea mal et elle avait atterrit ici. Entre un marché ouvert et les petites ruelles, le nombre de gens aussi la déstabilisait. Il y avait un nombre de nouvelles choses trop conséquentes pour qu’elle reste en place et sa garde rapprochée peinait à la suivre. C’est dans ce timing que trois hommes la mirent doucement à l’écart et ne semblait pas très coopératifs. Myrella avait les bases de la langue et elle remerciera son assiduité pour l’avoir assimilé aussi vite. En l’état la Duchesse mettrait plus cette capacité à l’obligation de survivre dans un autre Monde.
C’est facile. Pour survivre l’Être Humain peut être capable de tout. Mais je suis prête à parier qu’Elise aurait paniqué. Moregane aurait sûrement fini en prison à frapper quelqu’un. Ou alors elle serait restée cloîtrée le temps de connaître suffisamment son environnement. Et elle aurait encore pris autrui pour des pions…L’Émeraude ne trouva pas le temps si long. Le temps qu’elle comprenne qu’elle était en danger, il y avait déjà quelqu’un qui se battait devant elle. Le regard de la Noble s’abaissa pour observer l’homme inconscient et le visage des autres. Elle était spectatrice de la scène, ne remuant pas d’un millimètre. Elle ne semblait pas vraiment saisir ce qu’il se passait. Non. Elle comprenait mais ne voyait pas à quel moment la situation avait dégénéré si vite. Son garde arriva en courant et le plaqua au mur. L’imprudent parla. Myrella saisi quelques mots, des formulations un peu étranges. Mais elle comprit le principal et, d’après le coup que le mesaien donna, son garde aussi. Il insultait le protecteur et la Duchesse soupira en le regardant esquiver.
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Tant de compétences gâchées… L’inconnu s’extirpa de la poigne du surveillant et se rapprocha de la Duchesse pour lui adresser la parole. Et Myrella éleva la voix une première fois, parce qu’habituellement le silence l’entourait et qu’on écoutait religieusement ce qu’elle disait… et qu’ici force était de constater que le Chaos régnait.
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Il n’est pas incompétent. Je vous interdis de le blâmer alors qu’il ne vous sert pas. Elle envisagea de passer son chemin soutenue par Ish’aiëm. Mais son esprit sembla se mettre en marche.
Ceci étant… Si vous voulez me faire visiter la ville… Cela veut dire que vous la connaissez parfaitement, n’est-ce pas Monsieur? Nous cherchons un spécialiste en portail. Peut-être sauriez vous nous renseigner ~ Myrella le regardait en souriant. Ce n’était sûrement pas le plus poli ou distingué dialogue. Mais pour une nouvelle fraîchement arrivée, c’était suffisamment compréhensible malgré les quelques fautes de prononciation qui parsemait son dialogue. La Duchesse se reposa contre le mur, un léger courant d’air faisant voleter sa robe légère, le garde revenant aux côtés de sa Maîtresse. Elle aimait sa présence, il appréhendait que le Roi apprenne que quelque chose ait pu arriver à sa plus jeune sœur.