Le néant. Les autres savaient-ils vraiment ce qu'était cet espace de vide intérieur, cet énorme trou qui ne cessait d'avaler le reste? Non. Le néant était un monde de douleur, où toutes les émotions négatives du fort intérieur se combinaient pour anéantir toute trace de bonheur chez l'être qui le subit. Cette douleur énorme et irrépressible qui lui arracherait cris et faiblesses s'il n'était pas si accoutumé à souffrir mentalement. Les ténèbres étaient un refuge pour le jeune homme et la mort ne cessait de l'appeler en sachant très bien qu'il ne peut pas mourir. Elle l'appelle, comme ça, pour le torturer, lui faire comprendre que, parmi les mortels, il ne serait jamais heureux et qu'il n'était pas nécessaire d'espérer quelque chose de mieux que la noirceur abyssale de la vie.
Puis, une toute petite musique, claire, cristalline et chaude, parvint aux oreilles du jeune homme. Cette chanson, il la connaissait mieux que quiconque et cette technique, c'était bien la Sienne. Personne sauf Elle ne savait jouer ainsi, mais Elle n'était plus. Elle est morte, dans ses bras, à l'âge de 72 ans. Elle a succombé à la maladie, elle ne pouvait pas être là. Pourtant, c'était bien sa chanson, son talent qu'il entendait. N'écoutant guère plus que son amour naïf, il chercha l'origine de cette mélodie. Les foules étaient denses et ne se laissaient pas facilement écarter, mais il bousculait sans vergogne ceux qui osaient se mettre dans ses pattes. Il courait comme un forcené pour retrouver cette flûtiste si talentueuse, n'hésitant même pas à renverser les cargos devant lui ou à grimper sur les toits pour atteindre son objectif. Et lorsqu'il atteignit enfin le cent-huitième stand de vente d'esclaves, debout sur un toit, il la vit.
Ce n'était pas Fiela mais... elle lui ressemblait beaucoup. L'amère déception qui aurait du être la sienne ne vint pas lui emplir la bouche de fiel. Son regard s'adoucit, c'était comme avoir Fiela à nouveau devant lui. Il sauta du toit, atterrissant dans les rues. Les hommes et femmes qui s'y trouvaient l'appelaient "L'étranger" puisque personne ne grimpait sur les toits, mais leurs paroles se noyaient dans le vide de son esprit, mes yeux ne voyaient que cette femme. L'homme qui l'accompagnait demandait 64 000 pièces d'or. Plutôt que cela, Kamui sortit de sa poche une large somme contenue dans plusieurs sacs, infiniment supérieure à ce qu'il demandait, et il les posa au pieds du marchand, sans détacher son regard de la belle demoiselle. Les autres hommes, énervés, se mirent à persifler en voyant une telle montagne d'or, mais le regard qu'il avai, qui rappelait un célèbre tableau représentant un homme en admiration devant un ange des plus magnifique, les mettaient tant mal à l'aise qu'ils n'osaient pas faire un pas dans ma direction. Sans même demander la permission, il prit dans ma main le menton de la belle demoiselle et planta son regard dans le sien. Elle avait de beaux yeux, aussi tendre que les siens.
- "Je l'achètes." Dit-il avec une voix douce et calme, revenant lentement vers la réalité plutôt que les ténèbres déjà présentes.