Ce voyage vers cette destination que Soledad ne connaissait pas, allait être des plus longs, c'était certain mais la jeune femme ne pouvait rien y faire. L'hispanique ne pouvait qu'endurer tout ça en essayant de profiter de ces autres petites choses. Chanter, sentir le vent dans ses longs cheveux de jais, les rayons du soleil réchauffant son doux visage, s'imaginer leur arrivée et de prochaines rencontres...
Lorsque Callisteros se mit à siffler, peu de temps après qu'elle ait fini
son chant, la jeune femme haussa un sourcil puis un sourire se dessina sur ses fines lèvres. Dans ce sifflement, elle reconnut la mélodie qu'elle avait poussé quelques minutes avant, et cela l'amusa. Il ne pouvait pas comprendre ce que les paroles racontaient mais cela fit plaisir à l'andalouse dans une certaine mesure. Cela rendit le voyage plus léger et plus gai également. Elle chuchota de nouveau la chanson pour calquer sur le sifflotement du grand brûlé...
- Hoy me voy...Hoy me voy...Soledad fut interrompue dans sa prestation, par son compagnon de route. Elle ne comprit pas de suite ce qu'il tentait de lui dire, mais l'utilisation de leurs mains et de mimes pour expliquer ce dont ils conversaient allait être indispensable dans l'immédiat et pour la suite, pour mieux se comprendre...
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Quel temps de merde...Un orage dément laissait tomber au sol des trombes d'eau. Elle ruisselait de partout, transformant la moindre parcelle de terre encore boue glissante, terrain si malléable qu'ils étaient dangereux de continuer à voyager. Les chevaux en avaient même peur de tomber dans des flaques profondes comme des sables mouvants, en plus du son grondant du tonnerre qui les faisait hennir. Et que dire de Soledad et Callisteros, trempés jusqu'aux os. Rajouter le poids de leurs vêtements inondés sur le dos des deux vagabonds, et les pauvres bêtes se voient alourdies, devant supporter ce fardeau en plus.
L'Andalouse n'en pouvait plus. Jamais elle n'avait pu pérégriner de la sorte, même durant son enfance où elle passait du temps à l'extérieur lorsqu'elle rendait visite à son abuelita. Ses pauvres fesses n'existaient plus, leur léger rebondie était devenue si plat que cela en était douloureux. Lorsque le grand brûlé indiqua une zone pour s'abriter, la danseuse souffla de soulagement. Enfin, ils pourront se reposer, dans ces conditions pas très...adéquates, on va dire. Ce sera toujours mieux que rien. De toute façon, ils ne pouvaient faire autrement, trop fatigués et mouillés jusqu'au cou.
La Señorita Castejón mit pied à terre avec précaution, de peur de se casser la figure, les jambes ankylosées par leur longue chevauchée. Ses bottines s'enfoncèrent légèrement dans la boue détrempée alors qu'elle s'approchait des ruines indiquées par Callisteros. La pluie ruisselait sur ses douces épaules, s'égouttait le long de ses mèches de jais collées à sa peau, et le froid s'insinuait dans ses vêtements imbibés. Frissonnante, elle leva les yeux vers l'abri de pierre. Une ruine, rien de plus, rien de moins, oui, mais un refuge tout de même. Les murs de la bâtisse, bien que fissurés, tenaient encore debout, et la partie du toit encore en place offrait un minimum de protection contre le déluge qui les avait fait s'arrêter en chemin. L'intérieur était sombre, plus qu'humide, mais il suffirait d'un feu pour transformer ce lieu lugubre en un havre de chaleur et de lumière.
Lorsque le grand brûlé appela l'andalouse, celle-ci redressa la tête. Visiblement, il souhaitait faire un feu mais avec un tas de bois trempé, ça allait être compliqué. En réalité, l'hispanique n'avait jamais tenté de son vivant, depuis qu'elle était devenue un esprit du feu, d'allumer ne serait-ce qu'un feu. Cela aurait voulu dire laisser des indices au commun des mortels sur sa transformation, même si cela tenait du fantastique. Qui aurait pu croire qu'elle était devenue une créature de charbon et de braise ? Personne sur Terre en tout cas...
Bon, le feu n'allait pas se faire tout seul. Le regard de Soledad, d'habitude d'un sombre obsidienne, s'illumina d'une lueur dorée. Sa chevelure s'éleva dans les airs, devenant de pures flammes rougeoyantes. Puis,
son corps se mit à s'assombrir par endroits, dégageant d'elle-même une énorme chaleur. Ses habits semblaient commencer à fondre sur sa peau devenant lave, formant des croûtes noircies.
Tout chez elle faisait penser à un volcan en éruption. Mais elle devait faire vite car sous cette forme, elle ne contrôlait pas vraiment sa puissance et ne savait quels dégâts elle pouvait faire subir à son entourage, ni à ses ruines qui leur servaient d'abri.
Se rapprochant du tas de bois trempé, l'esprit de feu déposa ses mains à plat sur les brindilles et autres planches. Soledad se concentra pour faire chauffer le bois pour le sécher et qu'enfin, il s'embrase. Il lui fallut insister mais ce ne fut guère long et une fois fait, l'ardente incarnation redevint la douce andalouse, trempée de la tête aux pieds et ayant pas mal perdue de son rayonnement, ainsi que de sa superbe. Les flammes prirent, les branches noircissant puis craquant dans un bruit sec, avant que le feu ne danse enfin, projetant des ombres mouvantes sur les pierres usées.
Satisfaite, Señorita Castejón recula puis s'ébroua comme un chat mouillé. Les mimines plantées vers l'avant, assise sur de gros rochers qui composaient sûrement les murs de cette ruine, la jeune femme tentait de se réchauffer comme elle le pouvait, les vêtements moulant le moindre centimètre de sa personne. Son visage dessinait des traits de fatigue, sûrement dû à leur interminable chevauchée, mais aussi de par cette avancée et finalement, ce repos, sous une pluie battante. Un long soupir s'échappa d'entre ses lèvres, tentant un sourire vers Callisteros.
- Callisteros, chaud feu.Elle agita un peu plus ses mains, lui faisant signe de s'approcher pour profiter de ce nouveau radiateur d'extérieur ! Grelottante, l'hispanique frotta ses bras nus pour se réchauffer davantage. Bien qu'elle pouvait devenir flamme à tout instant, supportant bien la chaleur, l'humidité et le froid de l'orage avaient sapé ses forces...