Les yeux de la vampire, flamboyants dans l’obscurité, virent très bien le renard se passer la main dans les cheveux, comme s’il était las. Elle-même ne savait que trop penser de la situation, elle n’avait pas l’habitude d’aller en prison, et encore moins celle d’avoir un compagnon de cellule. D’ailleurs, elle s’étonnait de ne lui avoir fait aucun mal, alors que le sang de terranide est un délice à ses yeux. Quoiqu’il ne remplacera jamais celui d’un démon ou d’un dieu, mais cela relevait d’une autre paire de manches. Haussant ses douces épaules couleur de neige, elle se détourna pour observer le couloir, tandis que l’autre lui répondait ironiquement. Souriante, elle ne tarda pas à répliquer :
- Au moins ça m’épargnerait de devoir donner des coups dedans, je pourrais l’enfoncer facilement… C’est trop bruyant, l’acier…
Kira se mit alors à marcher afin de chercher l’air libre, et ne tarda pas à sentir un pelage chaud et soyeux se coller à son dos. Jetant un coup d’œil en arrière, elle vit qu’il s’était collé à elle afin de protéger ses arrières et vérifier que personne ne les suivait. Ne répondant pas, elle n’en pensa pas moins. Elle pourrait le sentir, si des ennemis s’approchaient d’eux, quand même… Et protéger le renard dans ce cas, aussi. Continuant d’avancer, elle se rendit compte que ses yeux voyaient parfaitement dans le noir de la cellule et sourit, en passant une langue couleur de chair sur ses dents aiguisées. Décidément, qu’il était agréable d’être une fille de la nuit… Son interlocuteur, ex compagnon de cellule, maugréa qu’il ne supportait pas son pagne. Amusée, elle lui répondit :
- Je trouve qu’il te va comme un gant !
Ils continuèrent d’avancer, elle raconta son histoire, comment elle était parvenue à se laisser attraper afin de mieux pouvoir s’échapper, sans cesser de vérifier que personne ne les suivait ni ne les attendait au prochain tournant, et demanda au renard pourquoi il se qualifiait de terroriste, fait qui l’intriguait grandement, puisqu’il n’avait pas l’air de quelqu’un voulant faire du mal aux autres. En effet, il lui annonça être un libérateur, et ajouta qu’elle ne devait pas sortir souvent pour ne pas avoir vu les affiches réclamant sa capture. Bien sûr, qu’elle ne sortait pas souvent. Du moins, pas en ville. Et la nuit. Et elle avait autre chose à faire que de regarder ce qui était placardé aux murs, comme se nourrir, chasser, courir, échapper aux forces de l’ordre et aux éventuels tueurs de vampires… Ne répondant rien, cependant, elle attendit la suite. Il avait trouvé une affiche de lui, et l’arracha afin de la lui donner. Elle saisit le bout de papier de ses mains gelées avec une délicatesse surprenante comparé à la force dont elle avait fait preuve pour défoncer la porte de la cellule, et parcourut rapidement les phrases du regard. Elle marmonna :
- Terroriste, prise d’otage, trouble de l’ordre public, vol, peine capitale… Eh bien, tu es célèbre, on dirait ! Je ne m’attendais pas à trouver quelqu’un comme toi. Je suis flattée de d’avoir sorti du trou où on t’avait enfermé.
Il était parti dans un monologue, disant qu’il ne tuerait jamais, qu’il ne l’avait pas fait, et autres. Elle sourit d’un air blasé. Kira avait souvent tué, très souvent, même, pourtant, malgré tout, on ne pourrait jamais le croire à première vue. Elle avait tout de la jeune fille innocente qui se serait perdu dans les couloirs sombres sans pouvoir retrouver son chemin. Et pourtant, des deux êtres, elle était bien la plus meurtrière et la plus dangereuse. Remuant cela dans ses pensées, elle guida sans vraiment s’en rendre compte son interlocuteur jusqu’au grand rassemblement de métal, de poudre explosive et autres qu’elle avait senti depuis la sortie de sa cellule. Son compagnon marmonna quelque chose puis s’élança dans la pièce afin de fouiller le coffre qui dominait la pièce de sa taille imposante. Il sursauta brusquement lorsqu’il se rendit compte qu’il n’était pas seul dans la pièce, et la vampiresse poussa un soupir inaudible. Elle allait l’avertir lorsqu’il s’était précipité à l’intérieur. Néanmoins, elle l’avait suivi de son pas aérien et léger, peu soucieuse puisque le garde dormait à poings fermés. Le renard ne sembla pas aussi dérangé que ce à quoi elle s’attendait, et pour cause : il la laissait les débarrasser de l’importun.
Elle chantonna doucement à l’oreille du garde, qui s’éveilla peu à peu. Amusée, elle glissa sa main sur son menton pour caresser sa peau de sa main glaciale, et pencha la tête de l’homme sur le côté, offrant son cou à sa vue. Souriante, elle plongea sans un bruit et le mordit. Il saigna beaucoup et son sang était sucré. Il devait s’être endormi après un somptueux repas. Petit à petit, elle lui aspirait sa vie. Néanmoins, lorsqu’il s’évanouit, elle le relâcha, et il tomba sur le côté dans un bruit sourd. La plaie ne saigna pas beaucoup, le poison de ses crocs ayant fermé l’artère entamée pour ne pas gâcher le précieux liquide qui coulait dedans. Merveilleux système que le corps vampirique. Se retournant vers le renard, elle se rendit compte qu’il avait trouvé son armure, et il lui demanda de lui laisser un moment afin de l’enfiler, ce qu’elle fit sans broncher, la nature l’ayant dotée d’une très grande patience. En même temps, elle vivrait toute l’éternité durant, aussi n’avait-elle pas intérêt à se montrer pressée.
Le terranide se mit à se revêtir de pièces métalliques destinées à protéger son corps, et Kira leva un bras devant ses yeux afin d’observer sa peau de neige. Les pores étaients fermés, le grain lisse. Le tout avait la dureté du marbre. Rien n’arriverait à l’entamer, rien d’humain en tout cas. Ou du moins, tant qu’elle serait bien nourrie et non affaiblie. L’armure du renard n’était rien, en matière de protection, comparé à sa peau. Détournant le regard, elle fixa l’être de ses yeux couleur de sang, et ne s’étonna même pas lorsqu’elle se rendit compte que l’épée qu’il avait prise était émoussée au niveau de la lame, ce qui ferait qu’elle ne pourrait tuer personne. Elle avait bien cerné le personnage, désormais… Il lui donna la permission de se remettre en route, et fit remarquer qu’elle ne serait pas seule si cela tournerait à la victoire. Amusée, elle ne répliqua pas qu’elle pourrait se débrouiller très bien toute seule face à une armée d’humains totalement ivres, puisqu’elle entendait déjà ces derniers se préparer à les attaquer. Soupirant, elle saisit le renard par la main et le souleva sans vraiment montrer de difficultés, puis se mit à courir. Son compagnon devait sentir le vent le fouetter. Cependant, elle ne ralentit pas, agacée par l’idée d’un combat contre des incapables.
Elle les emmena loin, très loin, et ne ralentit que lorsqu’ils furent parvenus dans une clairière éclairée par la lune. Là, elle le reposa et s’étira en fraisant craquer ses articulations, puis remua son cou et sourit. Elle se sentait bien, et l’astre scintillant lui redonnait de l’énergie. Posant son regard brûlant sur le renard, elle demanda :
- J’espère au moins que je gagnerai quelque chose à t’avoir fait sortir… Et si tu désirais te battre, je suis navrée, mais je ne tenais pas à rester là-bas plus que nécessaire, ces humains commençaient à m’agacer, avec leur haleine empestant l’alcool. Une prison reconnue, ça, laisse moi rire. Ça ressemble plus à une association d’ivrognes.