Loin de ses terres, le dragon avait décidé de mettre le pied en territoire inconnu.
Chacune de ses virées l'amenait toujours un peu plus loin. S'avancer en Terra n'était pas de grande difficulté pour lui, toutefois il constatait malheureusement que ses voyages s'accompagnaient souvent de mauvaises surprises.
Les humains faisaient parties de ces surprises. Dans la majorité des cas, par ailleurs. Si il pouvait parfois rencontrer un être bon et sensé, il y avait malheureusement de biens plus complexes rencontres, tantôt décevantes, tantôt écoeurantes. Ses premiers échanges avec les esclavagistes parcourant ces terres avaient été, notamment, les plus rudes. L'évidence même que des êtres puissent ainsi traiter leurs semblables ne fut pas pour convenir aux moeurs d'Anoba.
C'est pourquoi, cette fois-ci, il décida d'éviter les routes, de ne pas risquer une nouvelle forme de désavouable rencontre. Ainsi, l'homme s'était de lui-même diriger au travers des profonds bosquets et épaisses forêts du coeur de ce monde, là où la civilisation ne pouvait prendre racine, là où les créatures féeriques protégeaient encore ardemment leurs saints territoires.
Les premiers jours, il ne fit pas grand chose autre que marcher. Bivouaquant une fois le soleil couché, il se permettait un court sommeil avant de se redresser avant l'aurore, puis de reprendre la route. Quelques bêtes et créatures l'approchait parfois mais sans jamais se montrer, prudence étant mère de sûreté face à une forme de vie inconnue. Anoba y découvrait ainsi une intelligence toute naturelle, bien différente des espèces de son milieu natal, tant habituée à lui qu'il pouvait les approcher sans qu'elles ne s'inquiètent.
Et puis, un beau midi, il commença à ressentir un Noeud. Il s'agissait de milieu naturel où l'énergie nourricière du monde y est florissante, abondante. Certaine forme de druidisme y concevait des tertres pour y offrir leurs dons et prières aux divinités des bois, ce qui pouvait sous-entendre une forme de vie humanoïde proche. Tiraillé entre l'envie de rester seul et la curiosité, le dragon dû faire un choix.
Il décida alors, après un certain temps de réflexion, de s'y diriger. Même s'il croisait une autre entité, il y avait là chance que ce ne soit guère aussi barbare que ses précédents contacts humains. Il se décida donc de bifurquer, se glissa entre les épais feuillages et les buissons particulièrement abondants pour atteindre le lieu béni. Quand la végétation se retira lentement de son chemin, il découvrit alors sous son regard une clairière baignée de lumière, au creux de laquelle la souche d'un arbre millénaire semblait abriter les eaux de plusieurs centaines d'années d'averses. La surface en était scintillante, quelques oiseaux s'y baignaient. Un lieu de paradis où une simple inspiration permettait de sentir l'énergie foisonnante de cet endroit saint.
En revanche, aucune construction humaine. Un constat des plus agréable. Anoba quitta l'orée de la clairière, s'avança dans ce domaine béni en laissant lentement sa propre énergie s'y mêler. Il étendait son aura, laissait son être se mêler avec ce milieu afin d'en goûter les nuances et les aspects. Que ce soit par l'influence d'une créature des temps anciens ou par l'accumulation sempiternelle des ressources de la nature, cet endroit laissait ressortir la conscience de la forêt pour la rendre lisible par ceux qui en possédait le langage.
C'était le cas d'Anoba.
S'approchant donc de la souche, dont la hauteur atteignait les quelques deux mètres soixante, il hésita entre s'y installer après une courte grimpe, ou simplement s'arrêter au pied des quelques racine nourricières. La deuxième option s'imposa.
Dans un geste lent, il se positionna en tailleur entre deux surfaces boisées, ferma les yeux, joignit ses mains. Puis, dans un souffle léger et délicat, décontractant ses muscles pour ôter de son être les tensions négatives, il continua son partage énergétique tout en exprimant ses intentions à cette forêt des temps anciens :
" Terre nourricière, temple de la vie, je me présente, moi l'intrus qui arpente tes flancs. Je ne viens pas en guerre, ne suis pas armé, mes intentions sont nobles. Je me place ici auprès de ton oreille pour y chuchoter mon voeu : Laisse moi partager un instant ta conscience, accorde moi le don de te découvrir. Je t'offre en retour une partie de moi-même, tu y trouvera l'âme limpide et le coeur bon qui animent ma terre, soufflent dans mes rameaux, éprouvent mon écorce. "
Il prit une inspiration lente, laissant lentement sa conscience couler dans le sol, suivant le chemin de son énergie pour se laisser inviter par les puissances concentrée en ce Noeud.
" Mon corps restera ici, auprès de ton oreille. Je le confie à ta vue, que tu sache que nulle malhonnêteté s'y cache. Je t'accompagne au creux des racines, prêt à rencontrer tes prochains. "
Anoba sentit le contact délicat de cette conscience naturelle. On lui prenait la main pour le guider, l'invitait à parcourir ce monde sous une autre forme d'existence. Alors, laissant son enveloppe charnelle pour l'instant, il se laissa porter, loin, très loin, tandis que son être médidatif rentra dans un état de quiétude absolue. Immobile, au milieu de la clairière.