Une volée d'affaire traversait l'espace aérien de la chambre. Un T-shirt en triste état précédait une culotte, elle-même précédée d'une boîte fourre-tout, le tout suivi de quelques tournevis ainsi que d'un minuteur à déclenchement différencié courte portée. La tête sous son lit, entre la position quatre pattes et couchée, Reinhardt tentait tant bien que mal de trouver de biens précieuses affaires dans sa cachette habituelle. Mais à part son innommable bordel, pas moyen de trouver ce qui lui tenait tant à coeur. Alors elle était passée de la simple fouille à la recherche frénétique, d'où l'ensemble de ses affaires qui venait traverser l'air ambiant pour ricocher sur un meuble ou un mur, laissant comprendre par la violence croissante des chocs l'état fébrile de la jeune rousse. RIEN ! Elle ne trouvait absolument rien, ni colle, ni bloc, ni poudre, pas le moindre petit morceau de feu d'artifice ou de réactifs chimiques. Se tortillant tant bien que mal pour quitter sa posture ridicule et sa cachette misérable, la jeune femme se redressa pour venir s'installer sur ses talons, interdite.
Les mots lui manquèrent en premier lieu... Puis dans un sursaut de lucidité, elle regarda l'état apocalyptique de sa chambrée avant de souffler entre ses lèvres la triste vérité :
"
Je... Je suis à sec. Merde, putain, je suis à sec ! J'ai plus rien ! "
Trois semaines qu'elle n'avait rien fait sauter, même pas une petite charge. Trois semaines qu'elle s'était évertuée à passer pour la jeune fille modèle après avoir manquée se faire attraper par un flicard grassouillet qui traînait près de sa zone d'essai habituelle. Non pas qu'elle l'ait de nouveau aperçue depuis, mais elle savait depuis le temps qu'elle manquait trop souvent de vigilance, ce qui l'avait obligée en ces derniers jours de simplement se ronger les ongles et attendre un minimum, histoire de pouvoir reprendre sereinement ses exactions. Mais là, c'était le chaos, la fin du monde, le jugement dernier ! Alors qu'elle craquait, qu'elle ne pouvait plus tenir face au manque du plus beau spectacle du monde à ses yeux, elle constatait avec effroi qu'elle ne pouvait même pas s'y adonner par manque de matériel ? Non, impossible, elle ne pouvait juste pas se permettre pareil échec ! Secouant la tête comme un chien après un bon bain, elle se ressaisit rapidement et se leva d'un mouvement sec, ignorant le rapide tournis que ce mouvement lui infligea pour aller filer en direction de son ordinateur portable.
"
J'dois bien avoir un fournisseur encore capable de me filer quoi que ce soit ! "
Elle avait ses tuyaux, ses petits experts du marché noir et de l'illégalité pour se fournir. Faut dire, malgré tout, que la surveillance quant à l'achat d'équipements sensibles avait singulièrement augmentée ces derniers temps, qu'elle ne pouvait plus se permettre de jouer à la petite chimiste dans son coin. Elle avait besoin de passer par des voies plus discrètes, à son grand malheur. Là, elle se mit à écumer l'ensemble de ses contacts afin de vérifier si ils étaient encore actif, si il n'y avait aps eut d'affaires sordides à leurs propos. Rien de pire que de tenter de contacter un mec qui est actuellement en garde à vue, voire pire, déjà en instance de jugement. Malheureusement... Cela semblait être le cas de pas mal de ses anciens fournisseurs. Parrot ? Il croupissait actuellement en prison pour une peine de cinq ans. M. Hîto ? Tombé il y a de cela six mois, visiblement pour des affaires pas très nette de proxénétisme. Quand à son petit favori, à savoir "BluestPigglet", ses stocks avaient visiblement été découvert par les forces de police Seïkusienne il y a plus de dix jours. Autant dire que les chances qu'il soit à sec étaient extrêmement élevée, sans parler des mecs qui devaient le suivre à la trace désormais.
Pas le choix, elle allait devoir se tourner vers quelqu'un de moins fiable, mais qui ne subissait pas actuellement de traitement particulier de la part des flicards. En soi, elle en connaissait deux autres à Seïkusu. Il y en avait d'autres bien sûr dans l'ensemble du territoire japonais, mais elle ne pouvait tout simplement pas attendre qu'on lui envoie un colis : Si elle ne faisait pas exploser quelque chose d'ici à ce soir, elle allait juste entamer une phase de manque complètement insupportable. Attrapant donc son téléphone, elle alla chercher dans ses contacts ceux qu'elle avait placée de manière assez singulière en liste noire. Elle débloqua le premier qu'elle aperçue, puis envoya un petit message très rapide : "... XVR 37 strawberry ". Elle n'attendit pas plus de deux minutes avant que son petit outil de tout les jours ne se mette à sonner, l'amenant à décrocher immédiatement dans un empressement certes pas nécessaire, mais absolument révélateur de son état mental.
"
Oui ?-
On a ce qu'il faut. RDV 21h45. On a trois caisses et une boîte.-
Très bien, à plus tard. "
Discussion courte mais efficace, le code fonctionnait encore, et ce fut d'ailleurs son premier soulagement. XVR pour désigner un équipement explosif, 37 pour définir qu'elle cherchait de la matière première, puis strawberry pour expliquer qu'il s'agissait d'une production en petite quantité. Quant aux trois caisses et la boîte, c'était juste un joli moyen de le dire qu'elle allait devoir aligner au minimum quelques trois cents dollar pour la transaction. Ça allait faire un petit trou dans ses comptes, mais depuis qu'elle s'était laissée aller au travail de camgirl sur ses temps libres, elle amassait suffisamment de fonds pour ne pas être gênée par une telle dépense. Elle espérait juste qu'il n'allait pas lui refourguer de la merde. Enfin... La rousse observa l'horloge qui marquait 16h40, pestant intérieurement qu'elle allait clairement devoir prendre encore un peu son mal en patience. Tant pis, elle récupéra rapidement ses affaires, enfila son hoodie vert aux couleurs du creeper de minecraft, puis quitta la maison en faisant signe à ses parents.
"
Je file voir des amis au parc, je vous aime, à ce soir, ne m'attendez pas pour dîner ! "
On lui répondit, sûrement quelques protestations d'ailleurs, mais elle refermait déjà la porte derrière elle pour filer prendre le premier bus. Elle allait retirer du liquide, puis s'occuper en attendant l'heure fatidique.
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* *
Elle se rongeait les ongles sans même s'en rendre compte. De loin, quelqu'un de suffisamment vigilant aurait peut-être pût se demander quel genre de fille traîne dans une rue du malfamé quartier de la Toussaint, mais n'importe qui de suffisamment proche devinerait les évidents symptômes physique du manque. Pourtant, nulle drogue ne coulait dans les veines de Reinhardt, point de liquides obscurs ou de poudres malodorantes. Simplement la dépendance mentale à une activité criminelle qu'elle ne parvenait à réfréner. Savoir qu'elle était si proche d'un stock de combustibles pétaradants avait le don de faire monter encore d'un cran sa fièvre destructrice. Elle tira une boîte d'allumettes de sa poche, contempla l'embout rouge avec un regard trouble. La demoiselle craqua l'allumette, fit mine d'enflammer une mèche, puis sifflota entre ses dents pour mimer le bruit d'une lente mise à feu. Oh oui elle en avait besoin, impérieusement, immédiatement. Se délester des feuilles de papier qu'elle sentait dans sa poche, les convertir en outil de destruction, c'était bien tout ce qui lui occupait l'esprit.
Elle observa sa montre. 21h33. Elle ne tenait plus, tant pis, elle allait être un peu en avance. S'enfonçant dans la petite rue où elle s'était installée, elle tourna à gauche, puis descendit un petit escalier à la rambarde rouillée pour alors faire un demi-tour, se glissant sous le chemin qu'elle avait empruntée pour alors atterrir dans un recoin de rue à peine éclairé. Heureusement qu'en cette époque, les nuits sont plus tardives à arriver, au moins elle parvenait à observer le chemin qu'elle empruntait sans la lumière de son portable. S'enfonçant donc dans cette ruelle, elle mit un peu de temps avant de reconnaître la porte qui l'intéressait, avec son petit panneau vert sur le coin supérieur. Se mordant l'index pour chercher à calmer un peu ses ardeurs, elle se mit à frapper le moins nerveusement possible cette entrée, pour s'arrêter quand elle entendit quelques bruits de pas venir de l'intérieur. Allez viiiiite, elle n'en pouvait plus de perdre du temps !
La porte s'ouvrit, livrant au regard de la jeune femme la peau hâlée et les cheveux oranges de "
TheMerchant". Pas le plus grand revendeur de Seïkusu, pas le plus humble non plus. Mais ce soir, il restait son sauveur.
"
Pyrite ?-
Salut le marchand, j'ai un peu d'avance, ça te gêne pas ?-
Si, mais on va faire avec. Rentres donc. "
Pas besoin de se faire attendre. Elle fit rapidement quelques pas pour pénétrer dans le logis miteux de cet homme. Autant dire que ça puait la clope froide, la mauvaise bière et ... biens d'autres choses. Mais elle ne comptait pas rester bien longtemps. Se glissant dans le salon de l'homme, mélange de matelas autour d'une table basse couverte de bordel, ainsi que d'un aquarium dans lequel un cendrier flotte dangereusement, la demoiselle se pose contre un mur avant de regarder le couloir, observant son revendeur entamer de rapides allers-retours. Chier, ça, ça veut dire qu'elle allait encore devoir attendre.