La musique, c'est magique. (PV Masaru Orange)

Quelque part dans les couloirs du lycée…

Les cours de la journée viennent de se terminer.
Comme une dizaine d’autres élèves avant elles les jumelles sortent de la classe, pas mécontentes d’en avoir fini pour aujourd’hui. Non pas que le cours était déplaisant, mais tout simplement car elles allaient enfin voir le club de musique !

Elles ont hâte d’y être, ressentant toutes les deux une attirance particulière pour ce domaine. Elles n’ont pourtant jamais eu l’occasion de jouer d’un instrument et étaient loin d’écouter de la musique à longueur de journée et pourtant… cette envie était bien là.

C’est à quel étage déjà ?

Au dernier il me semble ?

Laura vérifie ses notes. Oui c’est bien ça, dernier étage. Juste au-dessus puisqu’elles sont déjà à l’avant dernier…
Sue n’a pas le temps de faire une proposition indécente à sa sœur qu’elles sont déjà à mi-chemin. Flûte. En plus elles n’auraient surement pas eu le temps d’en profiter, la séance au club débutait à peine quelques minutes après la fin des cours…

Il leur faut un petit instant pour trouver la bonne salle, mais finalement elles la trouvent grâce à deux autres élèves qui s’y dirigent. D’autres sont déjà sur place, peut-être arrivés en avance car ils n’avaient pas cours avant ? C’est vrai que sur le papier, elles pouvaient y venir quand elles le souhaitaient maintenant qu’elles étaient inscrites. Mais pour une première fois c’était tout de même mieux de se joindre au reste du membre pour faire connaissance.

Lorsqu’elles entrent, les personnes présentes les regardent un instant. Des visiteuses ? Des nouvelles ? Des filles perdues ? Ils n’ont pas l’air de bien savoir, sauf l’une d’elle qui s’approche des sœurs. Elle se présente, puis fait de même avec les autres élèves. Visiblement, elle n’avait eu vent de leur inscription qu’aujourd’hui, d’où la surprise des autres membres.

A leur tour, elles se présentent. Rien de très fantaisiste : leurs prénoms, le fait qu’elles viennent d’arriver, qu’elles n’avaient jamais fait partie d’un club de musique…

Puis elles sont invitées à faire le tour de la salle, et découvrir les instruments qui y sont, voir si quelque chose leur plait. Sous les regards appréciateurs de certains autres élèves, les voilà donc en train d’observer les instruments avec curiosité.
Sue semble particulièrement attirée par la batterie qui est posée vers l’arrière de la salle, mais aussi un saxophone. La première ne surprend pas du tout Laura, mais la seconde un peu plus. Elle sourit à l’idée qu’après tout ce temps sa sœur arrivait toujours à la surprendre, tandis que son regard se porte vers un violon en se demandant si elle aurait le talent pour en jouer…

Masaru était arrivé depuis quelques semaines à Seikusu maintenant. Sa réputation d'enseignant à la fois dur mais juste avait fait tâche d'encre aussi bien auprès de ses élèves qu'auprès de ses collègues. Il enseignait à la française, si on peut dire ainsi. Dans les cours de Masaru : pas de chichi, pas de marque de politesse exagérée. Tout le monde au diapason autour de son mot d'ordre "Vous avez tous un niveau navrant, quoi que vous en pensiez, que vous ayez de bonnes ou de mauvaises notes, seuls ceux qui voudront travailler s'en sortiront". Ce leitmotiv assez sévère révélait une réalité palpable pour Masaru. On ne s'en sort dans les études supérieures qu'au prix de sacrifices et on ne peut distinguer que deux catégories d'étudiants qui vont jusqu'au bout : ceux qui sont brillants et qui bossent, et ceux qui bossent. Et Masaru insistait sur le fait qu'il n'y avait pas de troisième catégorie, tant et si bien que les lycéens reconnaissaient à Masaru son soin de tirer les moins bons étudiants vers le haut, reconnaissant leur travail, mais ils reconnaissaient aussi sa sévérité envers les comportements inappropriés, notamment au niveau du harcèlement scolaire. Mais la vie des étudiants japonais ne se limite pas aux études, et heureusement.

Ah, la vie lycéenne au Japon. Ses uniformes, la rigueur des étudiants, le test Senta, beaucoup d'images d’Épinal peuplent l'imaginaire des gens. Parmi ces nombreuses facettes de l'identité estudiantine nippone, on retrouve les fameux clubs d'activités qui ont lieu après les cours. Masaru ayant grandi en France, voir ses étudiants motivés à s'impliquer corps et âme dans des clubs de littérature, de calligraphie, de sport et autre lui arrachait un sourire. Dans l'encart approprié situé dans le hall principal du lycée trônait une affiche publicitaire pour le club de musique du lycée. Cela remis au goût du jour appétence de Masaru pour la musique et en particulier pour la guitare dont il avait joué pendant des années. Quelques jours passèrent et finalement Masaru acheta une guitare folk et sauta le pas, il vint au club de musique. La présence des enseignants n'était pas commune mais bien évidemment non interdite, tant et si bien que Masaru franchit le pas de la porte du club de musique dans sa tenue professionnelle habituelle : un blazer noir et le pantalon assorti, une chemise blanche et son étui à guitare à la main. De sa voix forte il imposa sa présence à tout le monde, il faut bien dire que Masaru aimait qu'on le regarde.

« Bonjour à tous. J'imagine que Megumi-sensei n'est pas encore arrivée ? De mémoire le club ne commence que dans une dizaine de minutes. »

Il passa son regard brièvement sur les étudiants de la salle, il en connaissait certains mais avait du mal à remettre un nom sur chacun des lycéens présents. Masaru posa son étui à guitare sur une table située dans un coin et en sortit sa très belle guitare au bois foncé et à l'allure noble.

Les sœurs ne font pas vraiment attention à ce qu’il se passe autour d’elles au début, bien trop absorbées par la recherche de l’instrument parfait. Enfin, si cela existe.

Elles ne virent donc pas Masaru entrer, du moins pas avant qu’il ne prenne la parole. Un petit laps de temps durant lequel Sue arrive à pointer du doigt une flûte à Laura, un regard lubrique et un sourire annonçant l’arrivée d’une de ses pires blagues... qu’elle n’a pas le temps de faire. Ouf. Laura est rassurée, et la fille installée a à peine un mètre de là aussi. Elle n’arrêtait pas de jeter des coups d’œil curieux et discrets dans leur direction.

Les jumelles reconnaissent tout de suite la voix forte du professeur de science. Elles ont déjà eu cours avec lui, et ont vite compris comment le professeur fonctionnait. Laura faisait partie des élèves qui bossent, mais ne savait pas si elle devait se considérer comme brillante ou non. Et Sue… disons que c’est généralement sa sœur qui lui expliquait les choses avec ses mots à elle, car elle avait bien du mal à se concentrer sur les livres. Il lui manquait sans doute un déclic.

Bonjour !
Bonjour professeur.

Comme les autres élèves, elles saluent leur professeur de science. Et comme certains d’entre eux, elles se demandent pourquoi il est là avant de voir l’étui à guitare. Alors ça c’est une surprise ! Ce qui l’est moins, ce sont les élèves qui en parlent entre eux pendant qu’il s’installe, et le duo n’échappe pas à cette tendance.

T’as vu ça, elle est super cool sa guitare !

C’est Sue qui ouvre le bal en voyant la guitare flambante neuve de Masaru. Il faut dire qu’elle colle parfaitement bien au style du scientifique, il avait eu du flair en la choisissant.

C’est sûr, et je ne le pensais pas artiste…

Laura, comme d'autres élèves, trouvait la vision de Masaru intéressante et assez vraie. Elle qui travaillait d’arrache-pied pour se garder au niveau malgré tous leurs déménagements trouvait ça réconfortant de se dire que tout ça, ça pouvait vraiment payer. Et pour ne rien gâcher, elle appréciait les matières scientifiques.

E-excusez-moi, est-ce que vous voudrez tester un instrument ?

L’une des filles du club s’est approchée d’elles, visiblement incertaine de comment les aborder. C’est peut-être elle qui se chargeait d’accueillir les nouveaux étudiants dans le club ?

Je sais qu’on n’a pas tout, mais j’espère que quelque chose vous dit quand même !

Pas tout, pas tout… il s’agit peut-être d’entrée de gamme, mais il y a quand même du choix. Bien plus que ce à quoi s’attendait Laura en tout cas. Elle qui craignait de devoir investir dans un instrument sans être sûre qu’il lui convienne avant…

J’hésite entre la batterie et le saxophone !

Deux des instruments que Laura ne pensait justement pas voire ici, la batterie étant particulièrement encombrante et le saxophone probablement un choix rare. Mais elle se trompait peut-être ?

Et moi le violon, mais…

… mais ça va être absolument horrible pour vous, se retient-elle d’ajouter. Elle sait très bien à quel point ça peut être désagréable d’entendre quelqu’un essayer de jouer du violon pour la première fois, elle y avait déjà eu le droit. Mais visiblement, l’étudiante est ravie de ce choix.

Ne t’en fait pas, je t’aiderais si tu veux ! Ce n’est pas ma spécialité mais je pourrais te montrer comment bien l'utiliser !

Sue sent un sourire gagner ses lèvres. Elle était quand même très volontaire cette fille, non ? Ou elle a cette impression parce qu'elle rougit légèrement quand elle parle à Laura ? Elle commence à se poser plein de questions, certaines particulièrement salaces.

C’est quoi du coup ta spécialité toi ? Les fl-

Laura met sa main sur la bouche de Sue avant qu’elle ne termine sa phrase et les sous-entendus qui vont avec. Non Sue, tu ne feras pas de blague sur les flûtes et encore moins de sous entendu sur leurs usages détournés ! Et ça tombe bien, car la fameuse Megumi-sensei arrive !

Suite à son arrivée impromptue, quelques remous se propagèrent dans la salle de classe. Voir un enseignant en dehors du cadre strictement académique pouvait surprendre, a fortiori eu égard au tempérament et au caractère de Masaru. Il ne tint pas rigueur des murmures plus ou moins marqués de l'audience et s'installa sur une chaise en bois non loin derrière les jumelles. Il entendit du coin de l'oreille la discussion qui s'orientait dans une discussion peu amène dans la bouche de deux adolescentes, esquissa un sourire pincé et accorda machinalement sa guitare. Il répéta une ou deux gammes avant d'intervenir dans la discussion sans détacher son regard de ses frettes.

«On est tous un jour un débutant, te biles pas pour ton niveau, on n'est pas dans un orchestre philharmonique, Masaru se mit à accélérer ses mouvements le long du manche avant de reprendre, si tu regardes autour de toi, tu verras qu'on n'est pas là pour la performance mais juste pour le plaisir de jouer, donc te prends pas trop la tête, vous avez assez des cours pour ça. »

Les étudiants étaient maintenant habitués à son ton direct sans équivoque possible. Ca en choquait certains tandis que d'autres appréciaient qu'on leur parle sans détour. Pas de tatemae pour Masaru, pour ce qui était de son discours, il était bien français. Déjà dans les salles de profs en France on le considérait comme une grande gueule, autant dire qu'au pays du non-dit et de la discrétion Masaru détonnait.

Un bruit de porte qui se ferme fit lever les yeux de Masaru de sa guitare. La charmante Megumi-san venait d'arriver et Masaru n'avait pu continuer à arborer son ton indifférent.

«Ah tiens Megumi-san, ou plutôt devrais-je dire sensei ici d'ailleurs, comment vas-tu ? Je vois que ton club a un certain succès... »

Megumi eut un petit sourire, ne releva pas, puis parcourut un peu la salle de ses beaux yeux verts, puis revint à la discussion.

«Bonjour Masaru-san. Oui on est un peu plus nombreux que l'année dernière, une vingtaine de ce que j'ai cru voir. Tu as même ramené ta guitare personnelle, la voilà enfin la fameuse dont tu m'avais parlé ! Tu comptes venir régulièrement ? »

Masaru fit glisser ses doigts sans y prêter attention sur sa guitare avant de répondre.

«Pourquoi pas tiens ? Ca va dépendre de mes corrections de copie mais ça me ferait plaisir de m'y remettre, je n'ai pas pu y jouer pendant un long moment. Ca va également dépendre du style des morceaux à préparer, je joue pour le plaisir d'habitude... »

«Pour les morceaux je n'impose rien, je vois comment concilier les désirs de chacun et chacune. Assez naturellement les chansons et morceaux joués vont dépendre de la nature de l'orchestre mais au pire, un thème, ça s'adapte. Je vois qu'on a une violoniste apparemment ? »

Megumi-san s'était tournée vers Laura avec un petit sourire rassurant.

Laura est particulièrement surprise d’entendre les mots du professeur de science. Déjà parce qu’elle n’avait pas conscience qu’il les entendait, mais aussi parce qu’elle pensait qu’il lui dirait de travailler dur pour être au niveau… mais c’était tout l’inverse, il l’encourageait à prendre le club pour ce qu’il était censé être en tout premier lieu : un espace de loisir. Le tout, avec des mots que certains trouveraient un peu trop direct ou familier pour un professeur, même si cela ne dérange aucune des sœurs.

Merci, vous avez raison Monsieur Orange ! Je vais m’essayer au violon, en espérant ne pas trop vous casser les oreilles au début…

Elle sourit tandis que Sue hoche la tête en écoutant l’échange, et se rapproche finalement de la batterie. Mais elle n’a pas le temps de parler qu’une nouvelle personne entre dans la pièce, et commence à discuter avec le professeur de science. Oh ! Ça doit donc être elle qui gère le club ? Sue la trouve plutôt jolie, et écoute l’échange discrètement. De ce qu’elle comprend, il y aura donc deux professeurs dans le club ? Elles devraient vite progresser avec leurs conseils ! Et Laura encore plus avec la fille qui semble mourir d’envie de lui apprendre à utiliser un violon. Sue ne peut pas s’empêcher de sourire en se disant qu’il y a anguille sous roche, et se note dans un coin de la tête qu’elle irait la voir en dehors des cours pour creuser ça. Arranger des coups pour sa sœur, c’était surement l’un de ses passes temps favoris même si parfois Laura lui reprochait de ne pas lui demander son avis en amont.

Son regard se tourne d’ailleurs vers sa jumelle, alors que Megumi-sensei l’interpelle. Laura semble un peu nerveuse, sans doute à cause des regards qui se sont soudainement tous tournés vers elle. Elle qui préférait la discrétion au devant de la scène...

O-oui, mais je n’en ai encore jamais joué. Je ferais de mon mieux sensei !

Elle hésite à se pencher légèrement en avant pour ponctuer sa phrase, mais ça serait peut-être de trop ? Dans le doute, elle évite de le faire et regarde Sue à la place. Qu’est-ce qu’elle va tenter en premier ? La batterie visiblement ? Ça lui irait plutôt bien…
Elle sursaute presque en sentant une main se poser dans son dos, celle de l'autre jeune fille, qui lui adresse un sourire encourageant tout en lui signifiant qu’elle va préparer son instrument. Les autres élèves ont d’ailleurs l’air de faire de même, on dirait que la séance ne va pas tarder à commencer !