Les jours se mirent à se suivre et à se ressembler dans la coloc de la cellule. Les mêmes schémas se répétaient inlassablement : lever d’Automne aux aurores, grognements de la créature hibernant dans la chambre voisine, petite course à pied, retour à l’appartement, regards appuyés de cette même créature, puis occupations aussi diverses et variées que geekeries sur pc, geekeries sur ps4, ou geekeries sur Switch. Au fil des jours et des semaines, la polonaise avait commencé à sortir de sa zone de confort, et avait emporté à sa suite un Nao bougon mais pas avare en efforts, à son rythme. Les cours de cuisine qu’elle suivait faisaient leur petit effet, et si elle était bien loin d’un cordon bleue (ou alors un cordon bleu sous vide), elle commençait à se débrouiller correctement et à diversifier leur alimentation. Il est vrai que le rythme des premiers jours, à base de pizzas et autres burgers réchauffés vite fait, n’était pas viable sur le long terme si elle ne voulait pas se transformer rapidement en cachalot
Entre les deux colocataires, le courant passait très bien, les taquineries et blagues potaches rythmant leur quotidien. Si le japonais ne se privait pas pour lâcher de petites piques à la polonaise concernant sa taille, son manque de poitrine ou sa propension à ne jamais s’arrêter, celle-ci n’avait aucune raison de ne pas lui répondre. Un observateur extérieur aurait pu trouver l’ambiance délétère mais il n’en était rien : les deux potes s’appréciaient comme ça, et Automne était heureuse de s’être fait ce qu’elle considérait désormais comme un ami. Elle n’était pas dupe et se doutait bien que Nao aurait espéré un peu plus que ça, mais dans l’état actuel des choses, ce n’était pas envisageable, tant pour le physique du garçon que pour leur manière différente d’aborder les choses. Pourtant elle le sentait changer, petit à petit, à son rythme, s’ouvrir à un rythme de vie plus sain. Il lui faudrait du temps, mais il était en bonne voix. Quant à ce désir que le garçon ressentait pour elle, eh bien...tant qu’il restait dans les clous, elle n’en parlerait pas. Ce serait bête de gâcher leur relation pour ça.
Lors des absences de l’étudiant, Automne vaquait aux occupations qu’elle ne pouvait ou ne s’autorisait pas à faire en sa présence. La dernière fois, elle avait emprunté la guitare qui traînait dans le salon pour gratter quelques notes, se satisfaisant de son niveau jusqu’à ce que deux voisins se mettent à cogner simultanément dans le mur. Si ils n’avaient pas l’oreille musicale, elle ne pouvait rien faire pour eux, et elle rangea la guitare en maugréant. Les voisins, justement, parlons-en. Que dire sur eux ? Hormis que Nao était peut-être l’une des personnes les plus séduisantes de l’étage. Il ne s’agissait que d’étudiants boutonneux, à peine majeurs, du genre à regarder leurs pieds dès qu’ils sortaient de chez eux, et dont le teint rougissait immédiatement si leur regard venait malencontreusement à se perdre et à rencontrer celui d’un étranger. Pour l’instant, elle n’avait jamais entendu un seul son sortir de leur bouche, ce qui l’amena à se demander si ce n’était pas un bâtiment réservé aux sourds-muets. Sauf qu’un sourd-muet, ça tape pas dans le mur quand on joue de la guitare…
Mais l’ennui parfois guettait notre héroïne. Elle n’avait pas encore trouvé de boulot, et si l’état de ses finances n’empirait pas, il restait toujours proche du critique. Un après-midi parmi d’autres, en l’absence de Nao, elle vivotait dans son lit, un vieux ventilateur aux claquements inquiétants lui soufflant de l’air chaud entre ses cuisses grandes ouvertes en quête d’un peu de rafraîchissement. La méteo dans cette ville était une catastrophe : les températures crevaient le plafond, presque autant que le taux d’humidité, et les pluies aussi soudaines que violentes ne parvenaient pas à faire durablement chuter le mercure. « La vache j’ai chaud » pensait-elle avachie dans sa couche, à moitié nue, le plus court et léger de ses débardeurs remonté au dessus de ses seins pour ne pas qu’il fusionne avec sa peau. Le plus terrible était quand même qu’elle ne pouvait rien faire contre cette chaleur : qu’elle agonise ou qu’elle s’active, rien ne changeait. Elle avait bien envisagé de déménager dans le petit frigo de l’appartement, ce qui aurait réellement été possible au vue de sa taille lilliputienne et de sa souplesse digne des meilleurs contorsionnistes, mais Nao n’aurait sans doute pas apprécié retrouver toutes ses victuailles éparpillées dans l’appartement.
A défaut, elle survivait tant bien que mal dans son lit, le ronflement du ventilo couvrant les rares bruits provenant de l’extérieur. D’une poigne lâche, elle piocha le dernier glaçon restant dans le saladier qu’elle était partie chercher il y a quelques minutes de cela, et le déposa sur son buste, ce qui lui arracha un soupir d’aise. Quel plaisir intense, mais bien trop court. D’habitude, les glaçons dans le lit, elle ne pratiquait pas seule. Et depuis son arrivée au Japon, sur ce plan, c’était le calme plat. Le cube glissait lentement entre ses seins, laissant derrière lui une petite traînée aux alentours de laquelle le petit duvet qui recouvrait sa peau s’était hérissé. Elle le dirigea comme par mégarde vers l’un de ses tétons percés, qui pointa immédiatement alors qu’elle lâchait un nouveau soupir. Ses doigts firent rouler le glaçon autour du mamelon, caressant l’aréole qui gonfla légèrement à son contact. Sa main libre, elle, se dirigea entre ses cuisses pour caresser ses lèvres déjà humides, tandis que son corps commençait à se tendre. « Quitte à crever de chaud... »
Ses pensées flottaient, imaginaient des corps de rêve, des actes intimes, de la tendresse, de la bestialité, de la chaleur humaine...toujours de la chaleur. Cette maudite chaleur, qui accaparait ses sens et ses pensées, les empêchant de divaguer aussi loin qu’elle le désirait. Cette chaleur qui avait terminé de faire fondre le petit cube de plaisir qui caressait sa poitrine. Dans un grognement, elle farfouilla dans le tiroir de sa table de chevet, à la recherche de représentations picturales pour remplacer son imagination, en vain. Le magazine avait disparu. Elle se maudit à cet instant d’avoir proposé l’idée d’une garde alternée. C’était une revue de cul, pas un enfant, merde ! Alors elle stoppa sa séance de masturbation, releva son shorty qui s’humecta directement de ses fluides au contact de ses lèvres, et se rendit dans la chambre de Nao d’un pas décidé.
Le garçon était absent, comme tous les sept jours à peu près, pour un...un cours, pensait-elle. Ca devait être ça. Elle n’avait pas la tête à penser à ce genre de trucs. Elle s’accroupit pour chercher sous le lit, tâtonna pendant quelques secondes avant de poser la main sur une couverture plastifiée et écornée. Satisfaite de sa trouvaille, elle la tira de sa cachette, avant de se rendre compte qu’il ne s’agissait pas de son fétiche mais bien du second magazine, qui la laissait de marbre. A la recherche de son précieux, elle continua son exploration sous le lit, s’enfonçant de plus en plus profondément dans cette antre du mal, avant d’accepter l’inacceptable : sa bible n’était pas là. Dégoûtée, elle se décida à accepter sa défaite. Le retour était plus compliqué que l’aller, et elle dut remuer dans tous les sens pour ressortir de cette espace dans lequel un corps humain ne peut pas rentrer (mais cela, Automne n’en avait cure). Elle remua tant qu’elle donna un coup de pied dans le mur, ce qui fait tomber à terre un énorme classeur depuis une étagère. Lorsque enfin elle parvint à s’extirper, elle constata que celui-ci avait répandu tout son contenu à terre. Et merde.
Elle dût alors s’affairer à ranger son contenu, qui s’était étalé dans toute la chambre. Il s’agissait pour une grande partie de feuilles imprimées en japonais, qu’elle ne comprenait pas. Cela ressemblait à des documents officiels, sans doute des choses importantes. Elle trouva cependant quelques photos de Nao enfant, ce qui lui arracha un petit sourire. Il avait l’air heureux, avec ses parents. Apparemment il n’avait pas toujours été aussi grassouillet : on aurait presque dit qu’il était plutôt en forme. Comble de l’étonnement, sur l’une des photos elle le trouva même sur un podium, en tenue d’athlétisme. Alors, dans sa prime jeunesse, il avait été sportif ? En voilà une découverte intéressante, qui fut corroborée par la découverte d’une petite médaille ayant glissé sous la table de nuit. « J’aurais jamais deviné... » Absorbée par sa découverte, elle n’avait pas entendu le bruit de la porte d’entrée qui s’ouvrit.