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Tu.... Tu n'est qu'un gros tas de krouag têtu ! Et borné ! Et ... ET ... Et je ne viendrais pas m'excuser ! "
Furieuse, Elynie regardait son frère draconique partir haut dans les airs à grands battements d'ailes, s'éloignant à une vitesse folle de son champ de vision. Elle ... Elle savait parfaitement qu'il n'était pas dans leur intérêt de se battre, mais quand le dragon d'argent avait fait le choix de réfuter ses demandes, de ne pas l'écouter dans ses argumentations pourtant logiques et sincères, elle n'avait pas sût faire d'efforts pour modérer ses propos. Pourquoi s'était-il battu ? Eh bien une histoire sotte, même la jeune femme le savait. Dans les faits, son frère avait voulu, pour une fois, ne pas avoir à voler au loin et trouver un lieu où dormir dans les environs tandis qu'Elynie bivouaquait dans une auberge. La jeune prêtresse avait bien tentée de lui dire que ce n'était pas une bonne idée que d'apparaître devant le petit village, que les honnêtes habitants de ces lieux le prendraient pour un ennemi, risqueraient de sortit les armes qu'ils avaient à portée de main pour se défendre, mais il avait fait la sourde oreille, refusant d'être traité une nouvelle fois comme un problème. Non, il avait insisté, et la fine blonde au coeur empli de bonté ... Avait enfin craqué devant l'entêtement de son jumeau.
Les mots qui suivirent menèrent à cette situation. Avec un léger point noir dans le ciel, ultime forme d'un Kin'Dareb passablement vexé, et une Elynie seule au milieu de la petite route de terre battue, les cheveux battue par le vent.
Rageusement, elle ne put s'empêcher dans un caillou du bout de sa botte avant de se retourner en soufflant lourdement, comme pour essayer de vider un peu la pression intérieure qu'elle ressentait. Normalement elle ne se mettait jamais en colère, mais là c'était ... Trop ! Simplement trop. Frère stupide qui ne se rend pas compte de sa forme, pas compte de ce qu'il représente pour les humains ! Non franchement si elle en avait eut l'occasion, elle lui aurait rappelée combien de voyageurs s'étaient enfuis à toute-jambe, dans une peur panique, à sa simple vue, mais elle n'avait même pas eut le temps de le mettre en avant que le ton avait monté, réglant définitivement cette situation. Seule, maugréant, Elynie ne trouva le calme et la composition qui la définissait qu'après de longues minutes, au bout desquelles elle se mit enfin à relever le menton, et observer l'endroit où elle se trouvait. La réalité de la situation la frappa dès lors : Sans Kin pour lui indiquer le chemin, pour lui dire où se trouvait la prochaine ville ... Comment allait-elle pouvoir se repérer ?
A droite, des champs luxuriants, dont les beaux blés la dépassait de plusieurs dizaines de centimètres. A sa gauche, exactement la même chose, elle ne parvenait même pas à voir plus loin que ceci. Mais bon, qui disait champ disait aussi village peu lointain, n'est-ce-pas ? Personne n'allait planter des céréales à mille lieux d'une zone habitable où il pourrait les vendre, cela lui paraissait ... Sot ? En tout cas, elle ne s'y aventurerait pas dans l'espoir d'un raccourci. Elle se redressa et reprit la route donc en direction du plus proche croisement, où elle espérait avoir la chance de trouver un panneau lui indiquant la route la plus directe possible vers un abri salutaire. Surtout que l'après-midi avait fait un bon bout de son chemin lui, tandis que les jumeaux s'étaient prit le chou. A défaut de savoir où elle allait, la prêtresse d'écailles pressa tout du moins le pas, non sans laisser parfois glisser entre ses lèvres quelques ronchonnements à l'intention de son aîné, tout particulièrement quand elle sentit qu'il s'était suffisamment éloigné pour rompre le lien mental immédiat qu'ils partageaient. Mais quel goujat en plus, c'est elle qui était en colère et le voilà qu'il décide par lui-même de rompre le contact pour l'instant !
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Kin tu .... Tu es un imbécile ! Un crétin, une cervelle de lézard ! Quand je te retrouverai tu vas voir comment ça va barder ! Raaaah ! "
Elle s'approcha au bout d'une bonne demi-heure de ce qu'elle cherchait : un croisement. Presque invectivé par cette vision d'un bonheur proche, elle hâta le pas d'un coup, se pressant pour atteindre le coeur de ce dernier, et y chercher la présence salvatrice d'un panneau. Rien à première vue, puis finalement une révélation au milieu des hautes herbes qui envahissaient le bord des routes : La forme magnifique d'une flèche de bois brisée. Si le sabotage était une possibilité, Elynie ne manqua pas d'observer la base pour remarquer que l'attache était, de toutes manières, vermoulue. Finalement, une bestiole un peu vive ayant tapée dedans aurait largement put mettre ce panneau à terre. Enfin... si ça n'avait pas été déplacé, elle pouvait estimer que le chemin de gauche menait au bourg de Furache. Aussi se mit-elle en marche de nouveau, confiante. Bientôt elle aurait un lit, un toit, et éventuellement de quoi se décrasser, quelque chose d'agréable quand elle passait ses jours et ses semaines sur les routes. Pourtant ...
Pourtant la nuit tomba avant qu'elle ne trouve la plus petit forme de civilisation. Pas la moindre lumière au loin, pas la plus petite trace de roues sur la terre battue, point non plus de masure lointaine laissant entendre la présence d'un éventuel village dans les ténèbres. Était-elle perdue ? Le vent qui soufflait dans les blés voisins traversait ce mur de végétation pour l'atteindre, le froid lui mordant la chair. Elle se devait de trouver un lieu pour s'abriter, n'importe lequel. Bon sang si seulement son jumeau était avec elle.
Un craquement survint, elle se retourna avec angoisse. Rien du tout. Juste les profondeurs de la nuit. Mince c'était vraiment problématique. Elle n'y voyait rien en plus, se devait-elle de s'enfoncer à tâtons dans les céréales voisines afin d'espérer se protéger un minimum des éléments ?
Mais non, un nouveau bruit la paralysa. Le chuintement caractéristique d'une lame quittant son fourreau. Elle tenta de faire face dans un mouvement de courage, pivotant soudainement...
Elle ne fit qu'offrir sa tempe au coup de pommeau qui survint, la plongeant dans l'inconscience.
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* *
Quand elle ouvrit de nouveau les yeux, ce fut avec un énorme mal de crâne. Elynie était allongée sur la surface rude et odorante d'un bois humide, dont elle se redressa avec une certaine faiblesse. La première chose qu'elle remarqua furent les barreaux. Nombreux, resserrés, clairement graissés en plus pour rendre la prise difficile. La seule lueur de lumière se trouvait au-dessus d'elle, produite par une étrange pierre d'un noir violacé qui luisait faiblement. Visiblement, le joyau était fiché dans le toit, puis Elynie comprit de ce dont il s'agissait : Une obsidienne lugubre. Un type de joyau que personne n'aimait en Terra, un inhibiteur absolu d'énergie magique et psychique. Il n'y avait qu'un type de salopard pour en faire usage, aussi regarda-t-elle immédiatement au travers des barreaux pour s'en assurer, et ne fut pas surprise : Autour d'un feu de camp pâlichon se trouvait une dizaine d'individus, armés jusqu'aux dents, et aux mines patibulaires. Fouets et dagues étaient à leurs ceintures, blason de marchands à leurs cols, des esclavagistes dans toute leurs splendeurs. Bon dieu elle ... elle avait été capturée par la pire engeance de Terra.
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Ah putain ... ma tête. "
Redressant sa main vers son visage, elle sentie la gêne autour de son cou. Un collier ? Mince, que s'était-il passé durant son évanouissement ? Au moins elle avait encore ses vêtements, même si dans un triste état, en partie en lambeaux, le reste tâché de terre humide et de traces d'herbes fraîches. L'envie de vomir lui monta, elle se retint... Ce n'était pas le moment d'attirer l'attention. Encore plus qu'elle remarquait enfin qu'un autre corps se trouvait dans sa cage.