Quand quelqu'un vit, ou même se balade, dans le quartier de la Toussaint ce n'est jamais par gaité de cœur. Soit on est né dans ce quartier pourri, soit on y traîne pour survivre de différentes manières. Toutes aussi peu respectables les unes que les autres. La dernière catégorie est probablement celle des victimes en tous genres. Camés, femmes qui ont fait la mauvaise rencontre le mauvais jour.
Si on devait résumer un peu ce quartier, il serait le furoncle de la ville de Seikusu.
Et moi... je me retrouve en plein milieu de ce merdier au quotidien. Je vis avec les cartes qu'on m'a donné et je suis pas prêt de jouer tapis un jour. Tant que je n'ai pas à me coucher, c'est déjà bon à prendre.
Surtout qu'en ce moment le boulot de qualité ne court pas les rues. Pourtant j'ai l'impression que les rats s'engraissent plus que les humains vu leur volume qui ne cesse de gonfler. Les enfoirés bouffent mieux à leur faim que moi. C'est dire à quel point je suis tombé bien bas.
- Eh mec, on t'attendait.
- Désolé, les bouchons.
- Ah ouais ? Dans ce quartier merdique où il y a aucune bagnole qui circule ?
- Sûrement les rats, t'as vu la taille de ces saloperies ? Bientôt on pourra les monter comme des chevaux.
- T'es un grand malade. Tu sais ça ?
- Pas la peine de me faire des compliments.
- Quel con.
- Hé, je viens de dire quoi ?
- Pfff ! Allez, amène-toi, on doit gérer la protection d'un ou deux connards ce soir encore.
- Arrête, tu vas me faire rêver.
Le mec avec qui je cause est Jamal. On a déjà bossé plusieurs fois ensemble et arrive plutôt bien à se supporter l'un l'autre. Chose rare dans le milieu où, en plus de ça, les relations ne durent jamais longtemps car beaucoup crèvent. Les causes sont nombreuses : trahison, flics, un mari plus baraqué qu'on aurait pu le croire avant de cocufier sa nana, etc.
Ce soir on doit protéger un connard de première qui veut traîner en boite alors qu'il sait parfaitement que sa présence est indésirable et que la situation sera explosive si il croise les mauvaises personnes. Mais comme on est là pour prendre à sa place si ça dégénère, pourquoi il se priverait ?
Comme on pouvait s'y attendre, il n'aura pas fallu plus d'une demie heure pour que les coups de feu pleuvent dans la boite et qu'on extirpe notre client de là avec son entourage. Une bande de sangsues qui vient lui embrasser le cul en public contre des avantages financier ou en nature. D'autres les vois comme des amis, mais personnellement j'ai du mal à y croire. Toujours est-il que ça flatte l'égo des couillons de bas étage dans son genre.
Pour ne rien arranger, notre client est un mac et on doit parfois s'assurer de la protection de ses filles. Alors qu'un client semble vouloir un peu trop s'amuser avec la jeune femme, cette dernière réplique et gifle le client devant et quitte la chambre que l'on garde pour aller se réfugier auprès de son "patron".
Sauf que ce dernier lui retourne une seconde gifle en lui balançant que si elle y retournait pas rapidement, on irait la buter et balancer son cadavre dans la rue pour servir d'exemple.
D'accord, Jamal et moi ne sommes pas des enfants de chœur et il est arrivé plus d'une fois qu'on foute une correction à un mec qui ne méritait pas du tout ce qu'on lui a fait. Par contre, buter gratuitement des prostituées de sang froid... Faudrait pas déconner non plus. Le truc c'est qu'elles n'en savent rien et que ce genre de menace fonctionne sur la quasi totalité d'entre elles.
Malheureusement pour elles, on est payé pour protéger, pas pour bavarder, les rassurer ou cogner les clients. Sauf cas spéciaux. Et, bordel, c'est jouissif de casser la gueule à ces queutards quand on en a l'occasion. Il arrive même qu'on trouve des prétextes pour que ça arrive des fois.
Aaah, la soirée va être longue ce soir, je le sens.