Il serre un peu la main de la jeune fille, avant d'approcher l'autre pour lui ébouriffer les cheveux. Debout l'un en face de l'autre, elle était clairement plus petite et fine que lui, arrivant à peine au niveau de son menton.
- Allons, hauts les cœurs ! Sans toi, je ne serais pas venu, et ces deux pourris seraient en train de marauder libres à faire dieu sait quelle saloperie.
Il la regarde, fronçant les sourcils, la regardant des pieds à la tête dans sa tenue amochée de super-heroïne un peu amochée.
- Hum, tu es vraiment bien là-dedans, mais je pense qu'on va devoir te couvrir pour être un peu plus discrets. Je n'ai pas ton sens du panache ! dit-il en ouvrant son sac, en tirant un anorak brun.
- C'est un peu grand pour toi, mais ca fera l'affaire ! Elle lui dit qu'elle avait laissé son anorak noir, dans un renfoncement de mur, quelques rues plus loin. Il consentit d'y aller. Ce n'était pas un gros détour, et il se sentirait mal de la forcer à abandonner son manteau, qui, caché ou non, allait sûrement être volé avant la nuit.
Il prit la tête du petit groupe, mais ils durent se rendrent à l'évidence : si elle allait un peu mieux, la pauvre brune avait encore du mal à marcher.
- La potion devrait bientôt faire effet. D'ici là, tu vas devoir me supporter un peu plus ! dit-il en la prenant par la taille, son bras coulant dans son dos, l'aidant à se tenir droite et à marcher. Leur rythme lent, sur la neige, donnait presque l'air d'une petite balade romantique nocturne. Il voulu plaisanter sur le sujet, avant d'y renoncer. La pauvre était moribonde. Les blessures physiques allaient guérir, mais celles de l'âme allaient clairement poser plus de problèmes...
Grayle n'était pas forcément un bon samaritain, mais il préférait savoir les gens heureux que triste, et une jeune fille comme Sanaé... bah ca le touchait un peu, beaucoup même. Elle avait confiance en lui, assez pour le suivre chez lui.
Alors qu'ils retrouvaient l'anorak de la jeune fille - qui l'enfila après lui avoir rendu l'anorak prêté -, ils reprirent leur route, et à un moment, il posa son bras sur ses épaules.
- Hey, hey Sanaé, je sais ce qui te passe par la tête. Je vais te dire, je suis pas un énorme expert en comics-books, mais j'en ai lu quelques uns et entendus parler d'autres. C'est Superman le plus fort, non ? Tout le monde l'aime, l'admire, il est grand, il est musclé, il sauve les autres, tout ca tout ca. C'est un symbole d'espoir, même un siècle après sa création. Et pourquoi ? Pour ce qu'il est, et ce en quoi il croit ! Pas parce qu'il gagne tout le temps. Même Superman perd et essuie des défaites. Mais il n'en reste pas moins Superman, non ?
Ils étaient arrivés devant un immeuble, à la frontière entre la Toussaint et un autre quartier qui, s'il n'était pas riche, était déjà plus fréquentable. A l'entrée, deux colosses de plus de 2 mètres et à la mine patibulaire. Des videurs qui, devant Grayle, firent un signe de tête.
- Allez-y monsieur. Bonsoir mademoiselle.
Ils franchirent les portes, se retrouvant dans la réception. L'immeuble était en fait un hôtel.
- J'ai une chambre ici. Enfin c'est plus un petit appartement qu'une chambre, mais c'est assez cool. C'est près de la Toussaint donc les gens ici sont proches de leurs dealers, mais c'est plutôt safe. Allez, 30e étage !
Alors que l'ascenseur montait lentement, Grayle, adossé à un mur de ce dernier, fixa Sanaé d'un air songeur.
- Tu sais, Sanaé, ce qui compte dans la baston, ce n'est pas être le plus fort, le plus rapide, ou le plus malin... ce qui compte, c'est combien de fois tu t'entraine à donner un coup de poing, ou un coup de pied, combien de fois tu prend un coup et tu te relève. Jusqu'à quel point tu es prête à saigner, guérir, et saigner encore.
Ding. La porte de l'ascenseur s'ouvrit, et ils marchèrent dans le couloir, avec un tapis rouge et des murs beiges, mal éclairés.
- J'ai connu une fille pendant une période. Une dure de dure, qui venait des favelas du brésil. La fille était plus grande et plus forte que moi, avec des abdos en béton. Et pourtant, à ses débuts, elle perdait plus de combats qu'elle n'en gagnait. Pas un jour ne passait sans qu'elle n'ait un pansement quelques part.
Tu me manque, Jessandra.
- ... mais elle n'a jamais abandonné, car elle avait compris qu'il faut savoir encaisser des coups avant d'apprendre à ne plus en recevoir.
Il ouvrit la porte de sa chambre. Un petit couloir d'entrée, donnant sur une salle de bain sur la gauche, et plus loin, une grande pièce avec un grand canapé en face d'une télé, une petite table, deux chaises et, séparé d'un rideau, un grand lit deux places. La pièce avait une immense baie vitrée permettant de voir la ville en contrebas... ou plutôt, le quartier de la Toussaint.
- Tu veux sauver des gens et faire le bien, pas vrai ? Alors ca fait de toi une heroïne, et que tu te prenne quelques baffes de malfrats ne change pas ca. Tes os vont un peu mieux non ? Normalement tu ne devrais plus rien sentir de cassé. Je te sert quelque chose à boire ?