Ses mots ne tardent à trouver l’écho recherché. Et avant d’autres, une jeune blonde se propose pour affronter June. Un sourire s’étend sur ses lèvres ; cette compagnie s’annonce plus agréable que les ivrognes au sang chaud qui ont défilé jusqu’ici. Dans le silence, la brune la détaille. Elle est bien différente, bien habillée, bien assise. Opposée, l’américaine qui a une jambe allongée sur sa chaise, le talon de l’autre s’appuie aussi contre l’assise. Ses bras entourent sa jambe, son visage se pose au-dessus de son genou et le dos courbé ; une position d’aise comme elle pourrait l’avoir seule sur son canapé. Aux vêtements débraillés - elle ne porte qu’un t-shirt et un short-, à la queue de cheval mal faite, elle fait bien mauvaise figure à côté de sa nouvelle adversaire. Cela se confirme même dans le choix de leur consommation, là où June détruit un peu plus son foie avec un cocktail -bu pour une rare fois avec modération afin de garder ses facultés mentales-.
« Avec plaisir, s’enthousiasme la brune quand la blonde a pris place. Certes mais si je veux gagner plus, il faut que la mise suive. »
La confiance acquise par les victoires mêlée à l’adrénaline du jeu deviennent ses pires ennemis. Elle s’aveugle et se tire une balle dans le pied, alors qu’elle aurait pu tourner les talons avec sa coquette récompense. Mais il est dans la nature humaine de toujours vouloir plus.
« June. Enchantée Mary ! T’en fais pas, j’ai perdu les miennes à force de fréquenter des vieux cons. »
Même si elle avait tenté de se présenter, ses précédents adversaires n'auraient répondu que d’un sombre regard désapprobateur. Sans le moindre intérêt pour la jeune femme, largement sous-estimée. D’ailleurs, ses paroles font réagir quelques-uns des individus encore présents, par de simples grognements bestiaux. Elle est confortée dans son idée : ceux ne sont que des vieux cons.
Mais Mary est différente ; elle détonne avec l’endroit, avec ses habitués. A l’instar de ses concurrents auparavant, la brune la sous-estime. Inconsciemment, l’image reflétée par la blonde fait naître quelques préjugés. Elle est vu comme une femme de bonne famille, à la recherche de nouvelles manières de dépenser son argent et non, comme la sérieuse opposante qu’elle est vraiment. Une lamentable défaite lui remettra les idées en place.
« Si tu peux suivre, on peut commencer ! Tu veux mélanger et distribuer ou je m’en occupe ? On peut toujours demander à une main innocente, ironise-t-elle, au vu de la clientèle dépravée. Elle pointe ensuite le jus de fruit. Tu es sûre que tu ne veux autre chose ? Le barman fait d’excellent cocktail. »
June ne s'était pas encore rendu compte de sa familiarité. Depuis les premières paroles adressées à l’inconnue, elle ne se gênait pour la tutoyer ; l’information est encore loin d’être montée au cerveau. Son attention est portée sur le jeu débutant, faisant fi des distractions et normes sociales habituelles.
La brune finit d’ailleurs son verre pour en commander un autre, plus léger. Très légèrement pompette et assoiffée, elle ne peut se permettre de perdre sa lucidité.
Les cartes distribuées selon les volontés de Mary, l’américaine se montre particulièrement enthousiaste face à son jeu.
« Je devrais te souhaiter bonne chance, avant de commencer. »
Excès de confiance, toujours. Elle est certaine de gagner alors que son jeu n’est pas terrible. A ses yeux, Mary tombera facilement dans le panneau, comme d’autres ivrognes avant elle.