Bienvenue par ici !Cette refonte de la fiche de Belphégor est désormais complète.
Bonne lecture à toutes et à tous, j'espère que celle-ci vous sera la plus plaisante possible.
Et pour les plus curieux, le chapitre 6 est en accord avec la précédente fiche de Belphy, que vous trouverez ici :
Petit lien de l'amour
Note préventive : L'histoire de cette fiche peut couvrir des sujets difficiles pour vous, tels que le meurtre infantile ou le cannibalisme.
Pleins de bises douces à vous o/ Identité : Belphégor Fuyne, Belphégor d’Aristale, Belphégor Mueller, Reine du Néant, Belphy.
Âge : 34 années désormais, du moins avec sa dernière enveloppe charnelle. Le cours du temps semble autrement peu efficace sur elle, mais il garde une emprise légère sur son vieillissement.
Sexe : Féminin
Sexualité : Pansexuelle non-assumée
Race : Entité Néantique.
Avec l’ensemble de ses souvenirs, Belphégor a découvert ses origines, et donc son ancestrale transformation en l’une des rares entités néantiques existantes dans l’univers. Si désormais elle n’en conserve absolument aucun des aspects, notamment à cause de son passage dans l’Oeuf, sa prison personnelle, cette race peut toutefois être décrite comme suit :
Les Néantiques, ou entités Néantiques, sont une forme de vie qui n’a nulle et aucune mesure dans le monde matériel. Ils représentent naturellement une conscience, une âme qui a su conserver forme et nature malgré une transformation vive et douloureuse suite au contact avec un objet de pur néant, ou à la compréhension de certaines clés de l’univers théorique dont l’intelligence naturelle ne devrait être capable de produire une conception. En ce sens, le nombre de personnes ayant pu connaître cette transformation sont extrêmement peu nombreuses, et celui de ceux qui ont survécu à une telle expérience est encore moindre.
À ce jour, et considérant les différents ratés qui ont été tout simplement annihilés dans leur tentative de devenir des néantiques, il y a en tout une dizaine de ces entités encore en activité, même si leur nature les mène à s’être écartés du monde matériel, de peur de produire quelques irréparables dégâts. Des mots de la première des néantiques, et de son observation minutieuse des cas de chacun, il en existe trois types, dont les capacités divergent selon la méthode par laquelle ils sont devenus l’une de ces entités sans réelle forme :
Les Bien-Nés : La première des Néantiques en est la représentation même. Reine, impératrice, archimage d’une époque révolue et d’une race dont les âges ont effacé l’existence, elle fut la première à concevoir la nature du néant par le biais de ses travaux autour de la magie pure, mais surtout d’une vie acharnée de recherches ésotériques et d’un don de naissance pour les arcanes les plus complexes. Les Bien-nés parviennent à trouver d’eux-même le chemin vers le néant, et en ont alors une manipulation et une conception plus pointue. Ils ont aussi l’avantage de ne pas être haï par leur opposé, la matière, ce qui fait qu’ils peuvent vivre dans le monde matériel sans faire de dégâts.
Les Brisés : Ils sont les résultats des expériences de la première des Néantiques. S’étant affairée à produire des vecteurs de ce pouvoir sans aucun égal, elle créa des outils purement tirés du néant, et se mit à les mettre en contact avec les êtres qu’elle perçut comme étant sensibles à l’influence de cette puissance. Cette action provoque une transformation brutale, souvent soldée par un échec cuisant, l’être subissant cette modification perdant rapidement la vie, puis l’âme, retournant à l’absolue inexistence. Ceux qui survivent deviennent en revanche des êtres sans aucun égal, des plus profonds enfers aux confins des cieux où trônent les divinités. Toutefois, ils payent le prix d’un tel changement : incapables de retourner dans le monde matériel, détruisant parfois l’univers dans lequel ils existaient lors de leur renaissance, les Brisés portent souvent les stigmates mentales et morales de cette évolution.
Le Natif : Au singulier, toujours, le Natif est une incohérence encore indéfinie par les autres Êtres du Néant. Il s’agit d’une forme d’existence s’étant auto-créée depuis la base même de cette source de pouvoir sans égale. Sa nature violente et belliqueuse a fait connaître, plusieurs fois, de nombreuses sueurs froides chez les Néantiques. Cette chose est naturellement considérée par la première Néantique comme étant à la fois sa création involontaire, sa première erreur, mais aussi leur naturel ennemi, à eux qui n’ont aucunes formes de matière suffisamment puissante pour se dresser contre leur jugement. Nommée Sourire par la première néantique, cette entité oscille du domaine matériel au domaine du néant de manière soudaine et imprévisible, et sa seule volonté évidente jusqu’ici semble être de consommer la matière dans le plus simple but de l’annihiler.
Belphégor d’Aristale est donc une Néantique de type Brisé. Et même si désormais elle ne possède plus la moindre forme de contrôle sur le néant, elle n’en reste pas moins capable, dans les quelques conditions suffisamment dangereuses pour éveiller son esprit à quelques instincts primaires de survie, d’user d’une partie de ses anciens savoirs pour se défendre. Ainsi, elle est en capacité, dans un rayon d’une dizaine de mètres autour d’elle, de tout simplement effacer de l’existence la moindre entité matérielle qu’elle souhaiterait viser. Soumises à de nombreuses règles et détails, et surtout passablement surveillée par les autres Néantiques, ces occurrences sont si rares qu’elles ne sauraient survenir que dans les cas les plus graves. Autrement, Belphégor Mueller n’est affectée que par les effets connus du type de Néantique Brisé, à savoir :
Le rejet de la matière : Le monde matériel est naturellement agressif envers elle. Un peu comme si le monde ou le destin était contre elle, elle connaîtra toujours les pires événements au pire moment. Ce qu’elle appelait autrefois une « malchance naturelle » se révèle donc être une réaction de rejet, comme si elle était un corps étranger que le système immunitaire de la matière cherchait à éliminer, sans jamais y parvenir. De ce fait, la femme est aussi intouchable par bon nombre d’effets qui sont censés affecter la matière, comme bon nombre de magies et de dons mystiques. Étrangement, son corps bâtard semble modérer toutefois ces effets, si bien que ce qui se base sur les sens (illusions, équilibre, perceptions) ou sur les substances (nourriture, drogues, poisons) semblent avoir recouvré un certain effet sur sa personne.
Psyché morcelée : Même si elle n’a pas souvenir des éons qu’elle a pu vivre, des traces restent encore sur son esprit, notamment sur sa manière dont elle conçoit le monde. L’extrémisme de ses pensées, mais aussi son apprentissage presque trop rigoureux du monde Tekhan ne sont que des flammèches délicates qui illuminent une toute petite partie de ce qu’était l’état mental perturbé de Belphégor d’Aristal. La santé d’esprit est une question délicate pour cette femme, surtout qu’elle doit désormais faire avec ses souvenirs d’antan, refaisant surface comme autant de torrents bouillonnant prêts à faire chavirer son humanité retrouvée. Plus d’informations apparaîtront dans le point « Caractère » de la fiche.
Physique :Belphégor a eu de nombreuses formes au fil du temps, et il serait difficile de toutes les décrire, si bien que ne sera fait ici que l’explication de sa forme finale, celle de Belphégor Mueller, citoyenne de Tekhos. Les autres apparences seront définies tout au long de l’histoire et si celles-ci peuvent avoir une forme d’utilité, seront ajoutées en addendum de fin de fiche.
Belphégor Mueller est une femme de quelques trente-six années. Haute d’un mètre soixante-dix-huit, elle se tient pour le coup comme une personne élancée, généralement plus grande que ses consœurs tekhanes, ce qui ne manque pas d’attirer plus d’une fois leur regard vers elle. Si les âges ne semblent pas avoir fait fané cette dame, c’est uniquement grâce à sa nature plus ou moins non-naturelle, si bien que son approche de la quarantaine est à peine similaire à ce qu’elle a connu dix ans plus tôt, au grand damne des autres membres de sa famille qui ont la belle tendance à lui rappeler qu’un tel don de la nature est rare, et que nombreuses sont celles qui jalouseraient un tel manque de changement. Belphégor n’ayant pas pour grand privilège de rester « belle » selon les standards, ce sont généralement des propos qui lui passent un peu à côté, sans prétention aucune.
Cette belle tekhane est donc une figure élégante, dont la chevelure flamboyante s’étend jusqu’au bas de ses reins, et dont le visage semble encore être marqué par quelques formes de défiance, une expression dure qui peut laisser ses interlocutrices de chaque jour plus ou moins mal à l’aise. Ses traits sont assez souvent tirés dans une expression mêlant suspicion et agressivité, la faute à cet aspect de la dame à ne faire que peu confiance à qui elle rencontre, tant et si bien que cela s’est profondément ancré dans ses airs naturels. Pourtant, cela ne serait pas suffisant pour mettre quiconque dans cet état de naturel embarras si l’on ne comptait pas en sus son regard. Ses yeux, deux rubis rougeoyants, ont la fâcheuse tendance d’être plus expressifs que la moindre de ses paroles, ceux-ci délivrant souvent le véritable message derrière les propos courtois ou tranchants de la tekhane. Et s'ils sont déjà tout particulièrement expressifs, ils connaissent l’apogée de leur beauté dans ces instants où la mercenaire se trouve au coeur de son travail. La pupille froide, les prunelles brillantes, le regard de cette femme où se côtoient le calcul le plus professionnel et la folie meurtrière la plus sauvage est un spectacle que rares sont ceux l’ayant contemplé, et encore plus rares ceux qui peuvent en parler.
Outre ce faciès qui en dit déjà long sur la mercenaire à la chevelure de sang, le reste de son corps peut se définir par sa plastique charnelle et sa tenue. Le premier est en lui-même assez évident, notamment quand la femme se permet de porter les tenues si chères à Tekhos, ces armures en tissus militaires aussi fins que résistants. Si Belphégor ne fait guère attention d’ailleurs à la mise en avant de ses attributs, c’est bien parce qu’elle voit avant tout son corps comme une mécanique bien huilée de muscles et d’os, le tout supporté par des nerfs aussi tendus et réactifs que la corde d’un arc bandé. Pourtant, de l’extérieur, hormis la vision d’un entraînement solide dessinant la musculature de cette femme, ce qui saute souvent aux yeux est la générosité avec laquelle le ciel a su faire grandir cette beauté froide ! Une poitrine généreuse, presque outrancière aux dires des jalouses et désireuses, présentée fièrement au dessus d’un ventre plat et de hanches larges. Un fessier rebondi, musclé par l’entraînement et façonné par son métier où quelques mains ont souhaitée s’aventurer hardiment, avant d’être cruellement punies par la poigne solide de cette tekhane aux mœurs peu collaboratives. Enfin, en dessous de cela, de longues jambes, souvent appréciées par leurs spectatrices, mais qui n’en sont pas moins un outil mortel avec lequel la mercenaire a su accomplir plus d’une pirouette, ou plus d’un fauchage meurtrier. Ces dernières, souvent grimées pour ne pas être un défaut évident de son être, sont d’ailleurs depuis cinq ans d’une tout autre nature que le reste de son corps : bijou de précision mécanique tekhane, les deux jambes sont, des orteils aux trois-quarts de la hauteur de ses cuisses, entièrement synthétiques, et ont demandé un long temps de réadaptation à Belphégor, qui les maîtrise désormais à la perfection.
Le tout de ce corps conserve sa droiture par une gestuelle et un positionnement relativement solennel. Même parmi ses éventuelles collègues, les femmes ayant eu l’occasion de la voir se détendre se comptent sur les doigts d’une main, et cela peut se deviner à la manière dont elle se tient. Généralement ancrée dans le sol comme les plus ancestraux des pins, dont le sommet va chercher vers le ciel quelques formes de supériorité, Belphégor donne relativement la même impression. Courbant rarement le cou, jamais le dos, elle semble donner par cette position une forme d’inexpugnable présence, de puissance naturelle qui ne saurait souffrir du moindre mal, du moindre affront. Ses bras ne gesticulent que très peu, restant le long de son corps, en se croisant dans un aveu de désaccord assez naturel. De même manière, ses jambes ne se baladent guère, et quand elle n’en fait pas l’usage pour se déplacer, celles-ci restent proches, comme d’un seul tenant, ou bien croisées lorsqu’elle s’assoit. Une sobriété d’actions qui dénote beaucoup de sa prime jeunesse, mais si elle a obtenu cette stature, c’est bien au travers de ses nombreuses expériences sur le terrain. De traumatismes en imprévues, la femme a appris à épurer ses mouvements et ses actions, n’offrant que le minimum compréhensible, et gardant pour elle le reste. Cela ne change guère la haine du monde matériel à son égard, mais au moins elle donne beaucoup moins du bâton pour se faire battre.
Enfin, au-delà de tous ces détails restent ses goûts vestimentaires. Belphégor n’est certes pas la plus coquette des femme de Tekhos, et honnêtement elle n’a jamais cherché à concourir pour ce genre de sottises, mais elle met quand même un certain honneur à ne pas se vêtir de n’importe quelle manière. En dehors de ses quelques tenues de mission qui sont à l’aune de celles de l’armée tekhane, le reste de ses tenues sont souvent assez simples mais féminines, et seules les deux femmes qui vivent avec elle ont eu l’occasion de la contempler dans d’autres attirails moins élégants. De costumes trois pièces à la nature bien charmante sur cette dame élancée, Belphégor peut aussi choisir de s’en libérer pour y mettre à la place quelques robes longues, voire même parfois un mélange de chemise à manches longues agrémentées d’une jupe. Contaminée par l’une de ses colocataires, elle apprécie aussi le port confortable d’un lourd et épais pull en laine, même si là, nous sortons définitivement des conventions tekhanes, ce qui fait qu’elle ne sort jamais en public avec. Et comme si elle n’était pas naturellement assez grande comme cela, elle agrémente souvent ces tenues d’une paire de bottines aux talons relativement élevés, le tout dissimulant souvent les jointures de ses chevilles, déjà dissimulées sous un épais collant, autre indispensable de son code vestimentaire après son opération.
Pour terminer sur un détail assez coquasse, les nouvelles jambes de la mercenaire peuvent passer d’une forme passive relativement peu dérangeante aux yeux des autres humains à une forme de combat qui semblait tout naturellement essentielle à cette femme vivant de fréquents affrontements. Leur activation demande une commande spécifique de la part de Belphégor via un terminal qu’elle installe généralement à son poignet ou à son cou. Étant donné que la transformation est relativement violente en terme de prise de volume, ses collants ne peuvent résister au changement, ni même sa tenue militaire. Toutefois, par un égard que Belphégor seule pourrait expliquer, elle se déchausse toujours avant si elle en a l’occasion, afin de protéger ses précieux souliers d’une future destruction, preuve que derrière l’ensemble de cet esprit méthodique et guerrier doit se cacher encore quelques formes de petites passions coquettes.
Caractère :Belphégor est l’exemple même de son nouvel héritage Tekhan en terme de valeur. Que ce soit au travers des ses propos ou de ses actes, la femme est facilement reconnaissable par ce qu’elle défend : la supériorité, en tout point, du sexe féminin et de la race humaine sur toute autre forme de vie. Ainsi, et ce dans une globalisation souvent outrancière, la femme ne présente absolument aucuns remords, ni même quelques formes d’introspections, sur la manière dont elle envisage à la fois Terra et la Terre en comparaison de son lieu de vie. Elle peut se permettre mille propos plus agressifs les uns que les autres au sujet des autres formes de vie, et possède une haine farouche envers le genre masculin, haine que l’on peut traduire de cette manière : nul être d’origine masculine ne mérite la moindre pitié, la moindre considération, ou même la plus petite once d’intérêt de sa part. Si l’être masculin présente une conscience personnelle ou sexuelle, son jugement est encore pire, et peut vite tourner à l’une des réponses les plus évidentes à ses yeux : La violence. Si ce cadre de pensée peut se généraliser à d’autres formes de vie, comme la vie terranide ou ésotérique, quelques événements récents l’ont forcées à ouvrir un brin son esprit sur le sujet, et ce malgré l’ensemble de son postulat de départ. Aussi, elle conçoit désormais qu’un minimum de sympathie est de rigueur envers les espèces qui, charmées par le havre de paix que peut sembler être le monde Tekhan, se décident audacieusement à tenter de s’y greffer, en quête de quelques nouvelles possibilités de vivre sainement. Toutefois, il ne faut pas croire que cette sympathie soit bienveillante. Il ne s’agit là que d’une forme de respect hautain envers sa propre personne, Belphégor ne se voulant capable de cruauté alors qu’elle est, très clairement, l’être vivant supérieur dans cette basse-cour qu’est Terra.
En parlant de violence, on ne peut pas dire que la femme n’en fait pas une parfaite démonstration, mais il est désormais évident, et pour elle et pour autrui, que cet aspect de sa personnalité est bien moins dépendant de son éducation que de ce qu’elle a été par le passé. Désormais, Belphégor ayant retrouvée à la fois une partie de sa mémoire passée, mais aussi une clarté d’esprit qui lui manquait depuis que le peuple Tekhan l’avait extirpé plus ou moins brutalement de sa prison, elle est devenue capable d’assumer cette nature qui encore autrefois la surprenait. Violente donc, assurément, et surtout capable des pires atrocités dès lors qu’elle se sait dans son bon droit. Ses deux compagnons de toujours, K’leir et Ter’er ne l’aident d’ailleurs pas plus dans ce genre d’exactions, les deux armes ayant naturellement une soif de sang telle qu’elles ne sont que bonheur quand la mercenaire aux cheveux de sang s’abandonnent à quelques démonstrations de cruauté. Souvent en compagnie de ses jugements et de ses crises punitives, l’art mortel de Belphégor fait partie du tout qui a fait sa réputation, et si les quelques personnes l’ayant constaté sont rares, la manière avec laquelle ils ont contés ses exploits (ou son unanime capacité à réduire en morceaux tout ceux se trouvant en face d’elle) ont été suffisant pour offrir à la femme une solide réputation. Désormais, elle connaît un relatif apaisement dans ce domaine, mais il est dépendant de sa baisse d’activité professionnelle plus que d’une volonté personnelle : N’opérant que moins sur le terrain, elle agit avec un calme beaucoup plus courant dans sa vie de tout les jours, et l’occurrence de ses élans de violences en a donc été grandement réduit.
Mais qu’y-a-t-il alors au-delà de cette entité si négative, emplie d’un racisme quasiment unanime et d’une violence qui ferait pâlir quelques divinités guerrière ? Eh bien si elle semble, socialement, aussi tranchante que ses armes, la vie à Tekhos lui a aussi permit de retrouver une grande part d’humanité, dans le sens où elle s’est séparée de ce qu’elle fut autrefois, une arme, pour ne devenir désormais qu’une simple humaine faisant de sa vie une histoire plus ou moins tranquille. En dehors de son travail, elle n’est donc pas bien différente de ses concitoyennes, et s’est intéressée depuis quelques années aux différents déboires scientifiques et technologiques de Tekhos. Curieuse désormais de combler son manque de connaissance, elle s’instruit de manière un peu aléatoire, cherchant dans diverses lectures et dans les conseils de sa famille ce qui lui permettrait de combler son manque d’enseignement lors de ses jeunes années. Appréciant le train de vie qu’elle mène, étant donné que chacune de ses missions se payent à prix d’or, et qu’elle est désormais quelques-unes des privilégiées possédant le passe-droit qui l’autorise à se déplacer sur Terra dans le cadre de son emploi, elle oscille couramment entre l’oisiveté des beaux jours dans son bel appartement et l’activité soudaine de ses différents travaux. Aussi, le tout de ses études ne sont là que pour combler sa vie de tout les jours, lui permettant d’avoir des activités chronophages dès lors qu’elle a amassée assez d’argent pour être certaine de tenir ses dépenses pour les mois à venir.
Car oui, la dame est dépensière. Bien peu somme-toute en terme de mode, chose qui lui passe un peu au-dessus de la tête, mais conséquemment dès lors qu’il s’agit de denrées et de sorties. Belphégor a beau haïr l’ensemble des espèces vivant en Terra, jugeant que la grande majorité mériteraient une extermination sommaire pour que Tekhos en prenne la gouvernance, elle ne peut démentir que nombres de saveurs en ce monde ne sauraient pâlir en comparaison de la cuisine du pays de la technologie. Aussi, c’est avec peu de retenue que la femme fait l’achat et la collection de nombreux breuvages et mets en provenance des différents lieux qu’elle a put visiter, le tout étant jalousement gardé, et modérément consommé au fil du temps. Une banque de la gourmandise frôlant presque les limites de l’avidité, et que la dame n’a jusqu’alors partagée qu’avec sa famille, même si elle eut parfois l’honneur d’en offrir à une collègue de valeur qui l’avait incroyablement impressionnée lors d’une mission qui avait frôlé l’acte suicidaire. Ce détail d’ailleurs est la preuve même que la femme met malgré tout un point d’honneur à récompenser les actes qu’elle juge valeureux ou grandiose, et que leur observation est devenu, maintenant, l’un de ses plus grand plaisir, ceux-ci prenant parfois même le dessus sur ses rancoeurs naturelles envers hommes et autres races étrangères. Mais outre ces exceptions des plus rares, elle n’accorde ses privilèges et ses compliments qu’à ceux qui sont au plus proche d’elle, et qui ont sût s’attacher à elle malgré l’orgueil démentiel dont elle est quasiment l’avatar.
Ces personnes, non-comptant sa famille tekhane, sont représentés par deux parties si précieux à ses yeux qu’elle fait tout les efforts du monde pour les protéger et les couvrir de tout l’amour qu’elle n’exprime pas autre part. Le premier de ces deux parties sont deux femmes, deux jumelles qui vivent désormais avec elle, June et Violette. Ces deux dames que Belphégor a sut tirer des griffes de quelques tristes entreprises Tekhane, partageant originellement le même corps, ont été séparées et reconstruites de manières à vivre chacune leur vie. Depuis lors la mercenaire s’est assurée de leur confort au point de développer pour les deux un amour sincère, qu’elle entretient encore et encore au fur des années. Le deuxième partie est sa famille originelle, et ce malgré le lot désastreux de contradictions que leur rencontre a créé en son être. Tout particulièrement avec son père et géniteur, les relations sont encore à un tel point chaotique qu’il est difficile de considérer que soit né entre eux le moindre amour, mais Belphégor respecte en revanche énormément cette belle-mère qu’elle a rencontrée, en dépit de ses origines inhumaines, et ses étranges demi-sœurs et demi-frères. Si la relation est donc conflictuelle avec son parent direct, la sphère environnant ce triste seigneur reçoit depuis les intérêts et l’amour de la mercenaire, suffisamment pour qu’elle puisse leur prouver depuis quelques années sa pleine et volontaire présence envers eux, et ce malgré leur différence de nature.
Outre l’ensemble de ces détails, reste le point de vue de la mercenaire sur ses origines. La nature même de son être lui ayant été révélée, elle put comprendre nombre des étrangetés qui gouvernent sa pensée et son corps, notamment l’éminente contradiction entre son esprit et sa chair dès lors que quelques actes hétérosexuels étaient pratiqués directement sur elle. Belphégor hait les hommes, et son corps les aime, pourquoi ? Il est devenu évident que le destin lui joue un tour savant, imprimant dans son être normalement néantique le plaisir d’être mis en contact avec la matière, plus encore quand son corps est usé à destination « d’en produire ». Ainsi, même si son esprit et son éducation l’ont menée sur un autre chemin, quelques malédictions d’ordre purement ésotérique joue encore avec son corps et ses nerfs … Et elle a apprit à l’accepter. Elle ne saurait lutter contre quelque chose qu’elle ne peut changer, encore plus après avoir vécu plus de vingts années à subir malchances et sévisses, au point même d’y avoir perdu une partie de sa chair. Elle y est à la fois résolue, compréhensive, et revancharde. Quoi qu’il lui arrive, elle peut toujours se venger ensuite, ou alors orchestrer plus tard quelques massacres pour se défouler. Voir passer l’éponge, si encore elle est dans ses beaux jours. Le fait est qu’elle ne lutte plus contre, elle comprends que certaines choses ne sauraient être maîtrisées, que certains événements passés l’amènent à vivre ainsi, qu’il s’agit à la fois d’une forme de punition et de chance pour elle.
Auto-destructrice, orgueilleuse, hautaine, fière, mais aussi aimante, protectrice et digne, Belphégor est le résultat final de tant d’histoires sordides qu’elle s’est développée dans des extrêmes de vie et de perception du monde. Ce n’est pourtant guère un mal à ses yeux. Elle est et restera ce qu’elle était destinée à être : Une entité sauvage et destructrice, vivant dans un chaos qui de toutes manières se rappellera toujours à elle. Et quand la paix vient à elle, alors elle en profite, avec celles qu’elle aime, un bouquin, une boisson exotique valant plus cher que le salaire moyen des scientifiques tekhanes et Araunaat’t, son lapin domestique servant de cage à une entité démoniaque.
Histoire :Chapitre 1 : Si peu d’innocence
Elle voyait les étoiles. Si hautes, si nombreuses, merveilles de la nuit froide. À ses côtés se trouvait son père, qui s’était assis dans l’herbe avant de l’inviter à s’approcher, à s’installer sur ses jambes pour qu’ils puissent contempler la voûte céleste ensemble. Elle fit quelques pas rapides et se laissa presque chuter sur les jambes énormes de son parent, l’air rieur, la mine radieuse. Elle était heureuse, après tout il était si rare, si précieux qu’ils passent du temps ensemble. Son papa était toujours perdu dans les forêts de ces hautes montagnes, à couper le bois qui permettait à la communauté de vivre sereinement, alors de l’avoir rien que pour elle était le plus beau des cadeaux ! Elle grimpa sur les jambes de son père, laissant sa courte chevelure rougeoyante lui caresser le menton, puis elle se laissa guider. D’un bras tendu, il lui montrait les constellations, les étoiles et leurs noms, lui offrait une fenêtre vers une réalité mille fois plus lointaine. Et elle était fascinée. Elle savait que son grand-père avait été un monsieur qui était expert en étoiles, même si elle n’en connaissait pas le nom. Alors même si elle n’avait jamais pu le rencontrer, quand son papa lui en parlait, elle avait l’impression que son papy les accompagnait.
Elle leva son doigt vers une grosse étoile bleutée, avec engouement :
«
Et celle-là, papa ?-
Il s’agit d’Atérion. On dit qu’elle abrite les esprits de ceux qui sont partis, avant qu’ils ne fassent voyage vers les plaines de Féerie, là où vivent les esprits de la nature.-
Papy se trouve là-bas ?-
Je ne pense pas mon petit ange. Il est sûrement déjà en chemin pour les plaines. »
Elle leva ses yeux en direction des deux petites billes grises de son père. Melphit Fuyne était un homme d’une bonne trentaine d’années, un compagnon précieux pour tous les membres du village, dès qu’il s’agissait de s’aventurer au delà des murs de bois qui leur servaient de protection. Au milieu de ses jambes, la jeune fille semblait ridiculement petite pour le coup, et elle n’avait guère les traits de son père, sa chevelure d’un rouge vif et ses yeux bruns étant hérités de sa maman. Mais cette différence physique ne changeait pas son amour pour son père, pour sa voix basse et calme, pour cette chaleur qu’elle ressentait lorsqu’elle se collait à lui en écoutant ses mots faire vibrer son torse. Et puis, son papa lui parlait plus clairement, plus directement. Il ne donnait pas l’impression de faire comme les autres adultes, ces derniers se laissant aller à des phrases simples, des phrases grossières et infantilisantes qui ne lui plaisaient pas. Comme s'ils la voyait encore comme un bébé. Alors qu’elle avait grandi depuis le moment où elle avait été un bébé. Elle ne portait déjà plus de couches, ni même n’avait encore besoin de lumière pour dormir. Seules suffisaient ces étoiles, qu’elle contemplait aujourd’hui juste derrière la maison, sur la butte herbeuse voisine, avec son précieux parent.
«
Hummm, et celle-ci papa, la petite rouge ?-
Je suis sûr que tu peux le deviner sans mon aide.-
Oh allez, dis moi, s’il-te-plaît ! Au moins un indice !-
Hé hé hé très bien, à ton avis, qu’est-ce qui est petit pour ton papa, rouge, et illumine ma vie.-
Hummmm, maman est pas petite, c’est pas maman hein ?-
Non ma petite étoile, ce n’est pas maman.-
Mais je ne suis pas une éto... »
Le jeune fille de quatre ans regarda haut dans le ciel, puis passa instinctivement sa main dans ses cheveux, même si cela ne lui permettait pas d’en vérifier la couleur. Elle ne sembla même pas oser le dire, se contentant de se tourner vers son père avec un regard interrogatif, puis de se montrer du doigt, avec un peu d’hésitation.
«
Oui mon ange, cette étoile s’appelle comme toi. Belphégor, l’étoile principale de la constellation d’Apogée. Selon les dits de Murin, la constellation d’Apogée est le bateau qui a permis aux grands dieux de quitter le monde après l’avoir façonné. Et à la poupe se trouve Belphégor, la lanterne qui permet de voir dans les ténèbres du monde d’en Haut. »
La petite but ces paroles, le coeur gonflé de fierté. Elle quitta presque instantanément les jambes de son père tout en levant la tête à s’en rompre le cou, ne souhaitant perdre de vue cette petite lumière scintillante au creux des cieux. Elle avait le nom d’une étoile, et l’une des plus belles de la nuit en plus. Elle ne pouvait pas se sentir plus heureuse en cette occasion, hésitant à bondir dans tous les sens, avant de tout simplement rester fascinée par son homonyme céleste. Elle entendit son père se redresser doucement et venir se glisser dans son dos, avant de l’attraper sous les aisselles et de la tirer du sol, coupant un peu net à son observation silencieuse. Un peu en arrière, la femme de Melphit, sa mère, leur avait fait un signe depuis la fenêtre, les invitant à rentrer pour le repas, aussi l’homme souffla quelques mots doux à sa petite fille pour l’en informer, avant de faire demi-tour.
Par-dessus son épaule, l’enfant continuait de contempler cette nouvelle amie. Belphégor, comme elle, une étoile rougeoyante qui trônait ce soir par dessus les montagnes environnantes. Elle aurait voulu rester là toute la nuit si elle le pouvait. Mais malgré tout, elle restait une petite fille. Avant même d’atteindre la maison, elle baillait, et le repas allait sûrement être la dernière chose qu’elle ferait de la journée, avant d’aller dormir. Ce soir, elle avait pu passer du temps avec son papa, c’était tout ce qui comptait. Elle était heureuse, sereine. Elle avait quatre ans, et espérait un jour pouvoir monter dans le ciel, se laisser guider au milieu des étoiles afin d’aller à la rencontre de cette jumelle étrange mais fascinante. Quand elle fut au lit, elle commença par la retrouver au travers des carreaux fraîchement lavé par sa maman, et lui souhaita bonne nuit, espérant qu’un jour, l’étoile l’entendrait.
*
* *
La famille Fuyne était une famille relativement humble. Le père de famille, Melphit, était un bûcheron, et un membre actif de la communauté dans laquelle ils vivaient. Il était né ici après que son propre père ait choisi de s’y installer pour ses études, n’avait guère voulu quitter les lieux, et avait hérité de la maison familial lorsque ses parents étaient décédés. À l’époque, le jeune coupeur de bois était déjà en couple avec Edell Troret, et avait organisé peu après leur mariage, de manière à offrir un peu de baume à leurs coeurs et à la communauté, tous ayant grandement pleuré le départ du savant astronome et de sa femme. Edell était une femme de milieu fort modeste, mais le fils unique des Fuyne n’avait guère la posture sociale à l’esprit, ni même le besoin de relatives richesses ou de prestige, y préférant le charme délicat et le caractère bouillonnant de la seconde fille des Troret. Cette femme de haute stature aux cheveux de feu, aux épaules fines mais à la détermination suffisamment entière pour l’amener à coller deux gifles à un dragon colérique s'il lui en venait l’envie, avait été son premier amour, et jamais l’homme n’avait cherché autre compagne. Ainsi s’étaient-ils établis dans la maison familiale avec l’ensemble du matériel de feu le père de Melphit, mais surtout assez de place pour élever leur propre enfant, qui vint quelques deux années plus tard. Prénommée Belphégor, de par les histoires et légendes qu’affectionnait le grand-père de son vivant, elle fut rapidement chérie et aimée par ce couple encore jeune, mais tendrement lié par une vie aussi précieuse qu’éphémère en ces temps anciens.
Melphit donc était un membre reconnu dans cette communauté, cette dernière portant le nom des Compagnons du Tertre. Si de nombreuses personnes dans ce petit village ne faisaient pas officiellement partie de celle-ci, leurs actions ne connaissaient aucune forme d’étrangeté ou de curiosité ésotérique, et même les plus innocents avaient en tête leur fonction : les compagnons avaient, depuis quelques décennies, mis la main sur un objet précieux et dangereux, qui était scellé au coeur des profondeurs de la montagne. En ce sens, leur présence servait de leurre au cas où quelques étrangers curieux auraient eu le désir de s’en approcher, et ils avaient par leur position toutes possibilités de renvoyer les badauds ou aventuriers trop imprudents. Melphit, dans tout cela, ne faisait pas partie de la communauté même, mais appréciait ce lieu. Ce village enclavé dans les montagnes, perdu dans des forêts de pins plus grandes et tortueuses les unes que les autres, le tout éloigné de nombre des dangers et monstruosités qui habitent le monde d’Aristale, était un petit coin de paradis pour l’humble père de famille. Alors, contrairement à son propre paternel qui avait encore, malgré ses recherches, quelques riches échanges avec des mages curieux et des savants de grandes villes et capitales, il n’a guère entretenu de contact avec l’extérieur, se concentrant sur sa contribution au village dans lequel il a toujours vécu.
Ainsi, l’homme quittait souvent sa petite famille tôt le matin, et partait au milieu des montagnes pour trouver ce qui permettrait à tous de se chauffer, de construire leur habitat, ou de se protéger des quelques risques et bêtes qui occupaient la nature sauvage les environnant. Belphégor s’y était tant et tant habituée malgré son jeune âge qu’elle ne faisait plus cas de l’absence de son papa, et ne cherchait même pas à se plaindre qu’elle souhaitait passer du temps avec lui. Elle préférait être une fière petite fille indépendante, aidait sa maman dans les diverses tâches ménagères de la journée, et s’occupait à jouer au milieu du village avec les autres enfants dès qu’elle avait le droit de sortir. Sociable, elle s’affairait souvent à entraîner ses camarades dans quelques aventures toutes factices, et se plaisait à jouer les chefs de bande et ce malgré le fait qu’elle était plus jeune que bien d’autres. Puis, le soir venu, elle rentrait chez elle, récupérait auprès d’elle son père, passant le plus clair de son temps avec lui pour combler l’attente qu’elle avait dû connaître dans la journée. Une vie douce et tendre qu’elle affectionnait déjà, et dont elle avait le plus grand des plaisirs à entretenir du haut de ses toutes jeunes et petites années.
Un matin, la petite se leva que son père était déjà parti au loin, pour bien des raisons qu’elle ne pouvait guère encore imaginer, mais qu’elle savait nécessaires à tous dans le village. Elle fit donc ce qu’elle faisait chaque jour, hormis le bisou qu’elle offrait aux joues à la barbe épaisse de son père, commençant la journée en se vêtant comme une grande, puis en prenant son petit-déjeuner avec sa mère. Aujourd’hui était un jour simple, ni linge ni écuelles n’ayant à être nettoyées étant donné qu’Edell s’en occupait, si bien que la petite fut rapidement libérée par sa mère pour qu’elle puisse aller s’occuper avec ses petits camarades. Belphégor aimait ces journées, c’était de celles où elle pouvait bien plus profiter de ses amis, et ainsi elle sortit de la maison en grande hâte pour aller se poster au coeur du village, hâtive, saluant les passants de la main ou d’une mine radieuse. Au coeur de la bourgade, elle trouva déjà certains des trublions qui faisaient autant rouspéter que sourire les adultes de la communauté, notamment le petit Josshua Hermant, de deux ans son aîné. Les deux ensemble étaient connus pour être une véritable source de surprises, quelques-uns des enfants ayant eu l’occasion de découvrir de visu combien ces marmots pouvaient bien s’entendre, mais surtout combien ils se poussaient l’un et l’autre au plus audacieux des défis. Ce matin, en revanche, Josshua semblait étrangement sombre.
«
Coucou, on est pas beaucoup encore !-
Non, c’est vrai.-
Ça va ? Tu n’as pas l’air bien ? … Oh, tu t’es fait gronder ?-
Je, non, pas du tout ! »
Le garçon tourna la tête, perturbé. Belphégor aurait bien voulu en savoir un peu plus, mais elle n’eut pas bien le temps de lui poser des questions, alors que d’autres enfants évoquèrent une partie de cache-cache le temps que les autres puissent eux aussi se libérer de leurs devoirs et les rejoindre. Belphégor suivit donc le rythme tout en restant inquiète pour son compagnon de malice. Les parties de cache-cache étaient toujours les mêmes, il fallait trouver les meilleurs endroits pour se dissimuler à l’intérieur du village, jamais au dehors, sinon c’était tricher. Ainsi, la petite trouva d’abord abri dans les hauteurs d’un arbre, puis se dissimula sous une des maisons, avant de finalement se retrouver à chercher ses petits camarades, de plus en plus nombreux. Ce fut à cette occasion qu’elle sortit l’une de ses bottes secrètes : elle se dirigea vers l’extrémité Nord du village, la plus pentue, pas loin du chemin qui menait aux confins des montagnes. Là se trouvait un grand pin, avec tellement de branches et de prises sur le bois tortueux du tronc qu’elle pouvait y grimper sans le moindre problème. C’était le meilleur endroit pour observer l’ensemble du petit village, et donc repérer une grande majorité de ses compagnons de jeu en un seul coup d’oeil.
Débrouillarde, et l’ayant déjà fait de nombreuses fois, il ne fut pas compliqué pour elle de réitérer ce mince exploit, même si elle prit tout le temps nécessaire afin de grimper avec la prudence requise. En revanche, elle ne s’attendit pas du tout à retomber sur son compagnon de malice à ce moment là, quand elle leva la tête afin d’observer la distance qu’il lui restait à parcourir. Il était là, morne, sur une branche, et la jeune fille s’en sentit un pincement au coeur quand elle vit le regard miroitant du garçon. Il n’allait pas bien, et la partie de cache-cache saurait attendre, alors elle finit son escalade pour aller s’installer peu loin de lui, deux branches plus bas. D’où ils étaient, le feuillage épineux les voilait du regard des grandes personnes, mais aussi de leurs amis, alors peut-être parviendraient-ils à échanger ? Peut-être même, avec un peu de chance, qu’elle arriverait à le consoler. Elle était jeune peut-être, mais elle savait bien que ses camarades n’étaient pas très différents d’elle, aussi elle pouvait bien trouver, avec un peu de jugeote, ce qui n’allait pas, non ?
«
Tu as l’air tout triste Josshua. Il se passe quoi ?-
Oh rien Belphy, rien. Rien du tout.-
Personne ne pleure pour rien. Et tu as l’air de vouloir pleurer. Allez tu peux me le dire !-
Mais… Et si…-
Ouiiiii ?-
Tu ne le dirais pas à ton papa et ta maman si je t’en parle, hein ? Rien du tout, pas le moindre petit mot.-
Bien sûr ! Je sais garder un secret !-
Eh bien… Je… Je suis sorti du village hier.-
Tout seul ? Tu aurais dû me le dire, je serais venue ! C’est parce que tu as eu peur que tu as envie de pleurer ? »
Peut-être avait-elle été trop directe en cet instant, trop rapide dans sa conclusion, car son camarade se tût immédiatement. Mince, elle avait sûrement dit une bêtise sans s’en rendre compte. Cela pouvait lui arriver, elle cherchait tant et tant à avoir réponse aux milles questions qui lui traversaient l’esprit que parfois elle se retrouvait à en poser une mauvaise. Mais visiblement, il n’était pas en colère, il avait juste cessé de lui répondre… Alors elle fit les derniers mouvements qui lui permirent de se rapprocher, puis de s’installer sur la même branche que lui, juste à ses côtés. Les pieds dans le vide, les mains posées sur les branches proches qui lui permettaient de garder son équilibre et sa posture, elle regarda son compagnon des hauteurs avec un air curieux, mais surtout soucieux. Elle ne l’avait jamais vu comme ça, normalement il est même plus enjoué et espiègle qu’elle ne l’est elle-même ! Alors c’est vrai que de l’observer dans un tel état lui faisait aussi de la peine, elle voulait le voir sourire à nouveau. Il était beau quand il souriait, quand ses joues rondes se gonflaient et que ses yeux pétillaient. Mais là non, rien de cela. Il avait le regard fuyant et humide, alors elle cherchait à sécher ses larmes par les meilleures de ses paroles, sans réussir à trouver le bon mot. Les adultes sont forts pour ça, ils trouvent toujours les bons mots pour elle… Alors qu’elle, elle peinait pour les sortir, même avec ceux qu’elle aimait bien. En tout cas, elle eut de la chance, parce qu’il finit par sortir de son mutisme, reprenant l’échange là où ils l’avaient laissé :
«
J’ai peur … snirfl… peur d’avoir fait une grosse bêtise.-
Que… Qu’est-ce-qu’il s’est passé ? »
Le garçon pleurait et elle était déroutée. Elle ne l’avait jamais vu réellement pleurer jusqu’ici, comme elle n’avait jamais eu l’occasion de le voir se sentir mal pour une bêtise ! C’est normal de faire des bêtises quand on est un enfant ! Alors qu’est-ce qui avait bien pu se produire quand il avait quitté l’enceinte du village et s’était aventuré au-delà ? Elle n’eut pas de réponse pendant quelques secondes, le temps que Josshua se calme, puis qu’il relève ses yeux sur elle, ses beaux yeux bleus emplis de crainte désormais. Et là, tout de suite, elle se sentit tout aussi apeurée que lui :
«
J’ai vu des hommes en armure, et ils m’ont vu. Ils m’ont demandé de dire où se trouvait le village. Je … Je … J’ai pas pu leur mentir, ils … ils ont voulu me couper les doigts avec leurs armes… Et j’ai tout expliqué, ils m’ont même… snirfl ils m’ont… snirfl suivi quand je suis rentré. Je sais pas ce qu’ils veulent… J’ai pas osé le dire à papa et maman. J’ai eu si peur … J’ai encore si peur …-
Josshua… Du calme, ça va all... »
Comme si l’aveu avait été le point final de l’histoire du garçon, Belphégor fut coupée dans sa tentative de consolation par le bruit des cloches de garde de la cité. Soudaines, rythmées, au bruit aigu et entêtant, elles furent sonnées à l’unisson depuis l’entrée Sud de la ville, à leur exact opposé. Belphégor blêmit de peur, tout comme son compagnon, et ils ne manquèrent pas de chercher du regard ce qu’il se passait, s’étant redressés sur la branche un peu en panique. Ils ne voyaient rien de précis comme ça, mais il y avait de l’agitation. Et rapidement la peur s’empara du coeur de la jeune fille, imaginant sa maman encore dans la maison. Elle était sûrement en danger s'il s’agissait des vilains messieurs qui s’en étaient pris à Josshua ! Oh non oh non elle ne pouvait pas rester là, elle devait rejoindre sa maman ! Elle regarda son coupable ami à côté d’elle, mais le garçon était tout simplement paralysé, incapable de bouger alors que d’épaisses et lourdes larmes roulaient sur ses joues. Elle aurait voulu l’emporter avec elle… Mais la peur d’imaginer sa maman en danger, et l’idée qu’elle puisse aussi l’inquiéter fut bien plus fort que son attachement pour le jeune homme… Alors elle partit sans finir sa phrase et se mit à descendre de l’arbre à toute vitesse. Elle se griffait sur les branches les plus fines, se râpait les genoux sur l’écorce inégale, mais n’en avait cure : seul comptait son besoin de retrouver sa mère.
Les deux derniers mètres, elle les fit en sautant. Intrépide et paniquée, elle roula dans l’herbe après un bond bien mal maîtrisé, mais elle parvint à se relever immédiatement pour courir de ses petites jambes en direction de la grande majorité du village. Maintenant qu’elle était au sol, elle les voyait bien, ces grands messieurs vêtus de lourdes armures, qui commençaient à envahir le village tout en faisant de grands arcs de cercle avec leurs armes. Il y en avait un à l’entrée qui hurlait des choses dans une langue qu’elle ne comprenait pas, mais de toutes manières, à cette distance elle ne pouvait tout simplement pas discerner les mots. En revanche, elle entendait d’autres choses : les cris, la panique, les gens qui courent et ceux qui, de rage, s’étaient munis de ce qu’ils pouvaient pour défendre leurs familles. Elle avait peur, si peur d’un coup, comment pouvait-on avoir aussi peur. Elle vit les soldat s’enfoncer au coeur du petit village et occuper la place principale, l’obligeant à faire le grand tour pour aller retrouver sa mère en toute hâte. Longeant l’enceinte, elle atteignit rapidement la butte sur laquelle elle s’installait le soir avec son père, monta maladroitement cette pente soudaine, glissant un peu dans sa hâte. Sa maman, elle avait besoin de sa maman, c’est tout ce qui importait à ses yeux.
Mais quelle horreur la cueillit en cet instant. A peine eut-elle atteint les hauteurs de la butte, ce poste privilégié de son bonheur, qu’elle vit sa mère sortir par l’arrière de la maison en titubant, la tunique couverte de sang. Belphégor se figea immédiatement. Sa maman était blessée ? Non ce n’était pas possible, on ne pouvait pas lui faire de mal ! La jeune appela sa mère, en panique, mais quand cette dernière tourna la tête vers elle, ce fut pour lui offrir un regard faible, épuisé. Un homme en armure apparut dans l’encadrement de la porte. La petite hurla. Edell n’eut ni le temps de réagir, ni celui de dire quelque chose à sa fille. La lame lourde et à l’extrémité crochue se planta dans le dos de la femme, s’accompagnant d’une giclée de sang qui vint zébrer la façade de la maison. Belphégor hurla à nouveau, de manière incontrôlée :
«
MAMAAAAAAAAAAAAN ! »
Une réaction parfaitement logique et instinctive, mais qui attira inexorablement l’attention. Surélevée, à la vue de celui qui venait de tuer sa mère sous ses yeux, Belphégor venait tout bonnement de dévoiler sa présence juvénile à tous ceux qui avait encore une ouïe dans les environs. Et quand la tête casquée de l’ignoble personnage encore tâché du sang d’Edell se tourna vers elle, la jeune fille eut à faire un choix instinctif : la colère ou la peur.
La peur l’emporta dès que le soldat sanguinolent fit un pas en sa direction. Les yeux embués par les larmes et le souffle court de sa course première, la petite fille fit marche-arrière, s’élançant pour aller le plus vite possible quelque part, n’importe où, loin de ce qu’elle venait de voir. Et elle pleurait, pleurait encore et encore, l’image du visage de sa mère ancré dans son esprit alors qu’elle apercevait la lame s’abattre cruellement dans sa chair. Les cris devenaient de plus en plus nombreux dans l’enceinte du village, et l’odeur âcre de la fumée envahissait les lieux à mesure que les maisons étaient incendiées pour faire sortir les riverains de leurs cachettes. Belphégor, petite forme craintive d’à peine quatre années, ravageait ses joues de chaudes larmes en s’enfuyant, perdue au milieu des maisons calcinées, des troupes en pleine extermination, des corps mutilés qu’elle franchissait avec encore un peu plus de terreur. Elle voyait à peine devant elle, incapable de se calmer, de tarir ses larmes, de taire sa voix. Elle se glissa entre deux maisons, courut encore, déboucha vers l’arrière de la cité…
Puis elle eut mal. Odieusement mal. Quelque chose perça le haut de son corps, traversa ses chairs, ressortit de l’autre côté sans la moindre difficulté. Une flèche, qui n’avait eu aucun mal à passer l’omoplate de la jeune fille, embrocha à la fois son poumon et son foie, plus bas. Arrêtée nette dans son élan, l’enfant s’écroula au sol en hoquetant, le goût du sang envahissait sa bouche, une toux terrible et incontrôlable l’amenant à cracher le liquide ferreux qui emplissait ses poumons. Elle n’entendit pas les bruits métalliques qui s’approchèrent d’elle, ces pas lourds qui venaient pour récupérer l’instrument de mort qui avait cueilli la jeune fille dans sa course. Elle sentait sa conscience partir, la douleur seule, vibrante, lui rappelant qu’elle était en train de mourir. La petite perçut le poids du pied armuré qui écrasa son torse contre le sol, mais n’en ressentit pas plus de douleur… Si proche déjà de sa fin, qu’on lui arrache la flèche de son petit corps ne provoqua même pas une plainte de sa part. Elle ne put que hoqueter quelques mots faibles, ses larmes abreuvant le sol de terre battue :
«
Pa… pa… Papa... »
Et ses yeux s’éteignirent.
*
* *
Quels rêves obstruèrent la conscience de la fillette ? Quelles songeries occupèrent son froid repos avant que la lumière n’apporte sa superbe sur son être et l’emporte au loin, vers quelques autres rivages ? De certains pourraient dire que le monde n’est pas si simple, qu’une mort ne s’occupe guère de ce genre de facéties, que l’instant où sa conscience s’échappa de son être, ce fut pour les ténèbres abyssales du vide. Pourtant, la jeune fille crû voir certaines choses tandis que son esprit s’éloignait vers de ténébreuses destinées…
Alors que nulle douleur n’était encore présente en elle, que ses yeux à la vie absente restaient ouverts sur un spectacle de mort, quelque chose, quelqu’un peut-être, se glissa à son chevet. Elle perçut une voix, ou peut-être l’imagina-t-elle, réconfort d’un instant face à l’inéluctable. Des mots de tendresse, un soupçon d’amour. Sûrement était-ce la fin, sans même qu’elle n’ait jamais eu à s’y préparer, face aux événements si soudains, si violents, qui la cueillirent dans sa pleine innocence. Pourtant, quelque chose lutta pour sa vie. Était-ce cela ? Est-ce que ces images qu’elle percevait sans les comprendre n’étaient rien d’autre que le résumé de quelque volonté de vivre ? L’ombre grandiose qui planait dans son champ de vision pouvait tout aussi bien être la mort, venue chercher son tribut, et si elle devait l’emporter, ce serait avec la peine de soulever une âme si jeune au creux de ses doigts. Mais à la place, quelque chose palpa son flanc, un poids se fit sur sa chair juvénile. Quelque chose de froid, de lourd. Quelque chose de si odieux que cela fit frémir son corps endormi par une mort certaine.
L’horreur dans la peau. Le dégoût de l’âme. L’instant où cette chose fit contact avec son être, c’est un sursaut de la conscience qui naquit au creux de l’être enfantin qui gisait dans son propre fluide de vie. Le sang autour d’elle, lit de velours pourtant déjà bu par le sol, sembla chercher à s’éloigner. Elle était rappelée au monde par une force aussi violente qu’écœurante. Son esprit hurlait, arraché à la torpeur de la mort. Sa vie, pourtant si précieuse, ne sembla pas faire le même chemin. L’incohérence créait un inconfort frôlant lentement les portes de la folie. La lumière des dernières heures semblait faire écho à la clarté du soleil de midi, tandis qu’une grande partie de son corps glissait encore vers les tréfonds de l’oubli. L’envie de vomir, de recracher cette chose qui s’infiltrait en elle, qui guerroyait contre ses derniers instants. L’enfant mort qui ne parvenait pas à atteindre le styx, qui chutait aux portes du paradis, qui ne pouvait prendre le même bateau que les dieux pour s’éloigner loin, très loin de la violence qui l’avait happée dans ce monde sans merci.
Et soudainement, la confusion devint réalité. Ce qui n’était que sensation emplit l’âme, désarçonna le corps froid d’une enfant pour le faire convulser. Les muscles se tendirent, les nerfs se rappelèrent leur fonctionnement premier. La douleur comme seul écho de ce retour à l’existence, celui d’une chair tant et tant malheureuse de ce qu’elle vivait qu’elle cherchait par tous les moyens à ne plus être, à retourner à son précédent domaine, celui du calme, celui du repos. Belphégor vivait à nouveau, c’était désormais une certitude, ses yeux rougissant avec la peine, avec l’affliction que subissait son corps, et elle roula sur elle-même tandis que ses membres faibles accomplissaient un bal macabre, celui d’un rappel à l’être après mille souffrances. Elle ouvrit la bouche, pas le moindre son n’en sortit, pas la plus petite forme de plainte, mais tout son être exprimait cette dernière. Les pleurs roulèrent sur ses joues, ses yeux s’exorbitèrent, elle ferma ses paupières et se roula en boule, tandis qu’elle était parcourue de sursauts. Elle parvint à avaler une bouffée d’air, et elle hurla. Elle hurla encore, et encore, et encore, cacophonie d’une souffrance atroce qu’elle put enfin exprimer, envahissant les lieux de sa présence miraculeuse, mais effroyable. Elle hurla et tout son corps hurla avec elle, son esprit manquant presque de saturer sous l’effet de ce chaos. Puis, lentement, cela se calma. Son corps cessa de se tordre sous l’effet du contact odieux qu’il avait ressenti. Son esprit cessa d’être saturé par la douleur infâme qui l’avait habité, et appela au repos. Son âme, elle, n’était plus là. Elle était loin, elle avait trouvé autre chose. Un nouvel écueil, un autre repos.
La fillette n’eut qu’un instant pour observer les ruines autour d’elle et s’effondra à nouveau au milieu des cendres du village. À peine à quelques mètres d’elle, quelque chose l’observait, un fin sourire sur les lèvres. Mais cette forme sombre s’éloigna alors lentement et disparut, laissant le village et ses ruines tomber dans un ultime oubli. La raison de sa présence et ce qu’il venait de se produire ne saurait encore être dits, et ce pour les nombreuses années à venir.
- - - - -
Quand elle s’éveilla à nouveau, Belphégor n’était plus chez elle. Ni village ne l’environnait, ni soldats, et les épaisses racines qui s’étaient formées sur son corps encore juvénile ne firent guère barrière à son mouvement, craquant doucement à mesure que la jeune fille appuya sur ses bras pour se redresser. Son coeur battait, lent, lourd, comme s'il s’était invité dans sa chair sans prévenir, parasite immoral qui aurait profité de sa torpeur et de ses blessures pour s’inviter en elle et lui donner un second souffle. Mais la jeune fille ne pouvait pas le comprendre, ne pouvait pas se l’expliquer. Elle se tira faiblement de son cocon végétal, et observa les lieux avec une certaine curiosité. Où se trouvait-elle ? Qui l’avait donc amenée ici ? Tout en s’asseyant, elle projeta sur cette végétation nouvelle un œil encore hasardeux, comme si le sommeil avait tant voilé sa vue que seul le flou, l’absence de réalité, pouvait encore lui être accordée. Mais lentement elle retrouva la netteté du monde. L’humidité de la rosée matinale la percuta au moins tout autant que le retour aux contours clairs et marqués de l’herbe et des feuillages. Elle était en pleine forêt, dans un lieu où sûrement nul ne s’était aventuré depuis des années, et elle était seule. Extrêmement et absolument seule. Elle eut soudainement peur, et la peur se mua tout aussitôt en tristesse. Les larmes coulèrent d’elle-même le long de ses joues, et ses mains s’écrasèrent sur son visage pour venir en étaler les traces, comme pour tenter de s’en débarrasser. Cela n’aida en rien. Toutefois, la panique finit par lui passer, et se redressant enfin, elle manqua partir en arrière, avant de se stabiliser maladroitement, cherchant un appui salutaire avant que le tronc d’un arbre ne se présente à ses doigts, longs et fins.
Elle était … non ce n’était pas normal. En fait, elle eut cru à quelques illusions, à quelques formes de perturbations dans sa façon de voir les choses si ses yeux n’avaient pas commencé à constater de vive vue ce qu’il s’était passé durant son inconscience. Elle avait grandi. Point comme l’on grandit de jours en jours, mais plutôt d’années en années. Désormais, elle était suffisamment haute pour pouvoir observer le monde d’un tout autre angle, et ses bras comme ses jambes s’étaient tant allongé qu’elle avait la désagréable impression d’être montée sur des béquilles. Perturbée, confuse, mais surtout désireuse de comprendre, elle se tenta au hasard de quelques pas, s’avança plus ou moins dans les fourrés et les hautes herbes, passa en faisant craquer feuilles et brindilles de son poids si … différent. Elle se glissa sous les branches, obligée de plier son corps pour les éviter quand, jeune, elle n’avait point cette nécessité, celle-ci étant toujours si haute par rapport à sa faible forme. Quelques mètres d’errances furent ainsi parcourus, tandis qu’elle reprenait lentement les rênes de sa chair, qu’elle redécouvrait sa vie, et son existence. Elle n’avait toujours aucune piste quant à ce qu’il s’était passé, quant à ses souvenirs, quant à sa présence ici et à la forme de son corps… Mais c’est au détour du lourd tronc d’un pin ancestral qu’elle les vit :
Au coeur de quelques fourrés sauvages, abandonné depuis tant d’années, elle aperçut la forme haute et en ruine d’une maison de bois. Les fenêtres d’autrefois n’étaient désormais qu’ouvertures béantes laissant la végétation s’y glisser avec langueur, lierres et autres pousses vivaces s’y étant invitées en nouvelles hôtes. Les quelques draps pendant encore au derrière de ces plaies de la civilisation étaient dévorés par l’humidité et les champignons, larges traces brunâtres qui avaient pris le dessus sur la couleur chatoyante de ces tissus d’autrefois. Plus de portes non plus, et le toit s’était depuis longtemps effondré, laissant à ce lieu une impression terrible de ruine d’un temps ancien. Combien d’années ? Combien d’années s’étaient-elles écoulées tandis que la jeune fille avait sommeillé, avait dormi, avait rêvé, avait souffert de ces derniers instants pour renaître sous cette forme aussi nouvelle qu’inconfortable ? Inexorablement attirée par l’endroit, elle se faufila comme elle put dans sa tenue d’Eve, laissant lentement sa peau lui révéler les irritations de la vie, les griffures de la végétation, la fraîcheur humide de la forêt d’automne, chaque pas devenant un apprentissage qu’elle n’avait jamais eu de toute son existence. Un esprit perturbé, trop développé pour les pensées encore juvéniles qui occupaient son égo et sa conscience. Elle n’avait plus quatre ans. Mais son esprit ne parvenait pas à atteindre cet état de fait dans la confusion, il manquait un déclencheur, et celui-ci se laissa attendre jusqu’à ce qu’elle parvienne aux abords de la ruine.
Là, dans le bois aussi ancien qu’abîmé, elle vit l’ultime preuve de sa déchéance. Ce ne fut pas grand-chose pourtant, car elle gravit les marches sans encore le remarquer. Ce ne fut qu’une fois sur le plancher vermoulu, ses pieds tâtonnant prudemment le bois pour s’assurer qu’il ne faillisse pas sous son poids, qu’elle put enfin s’approcher de ce qui allait enfin lui ouvrir les yeux. A la porte se trouvait quelques inscriptions, de celles qu’elle aurait eu bien du mal à lire si elle ne les connaissait pas par coeur, et n’avait ainsi pas besoin de pouvoir en faire la lecture pour les comprendre. Elle partit en arrière à leur vue, la terrible réalisation lui sautant à l’esprit comme la flèche d’autrefois lui perça le flanc. C’était vrai alors. La destruction du village. Sa vie perdue sous le tir argenté. Mais comment ? Et pourquoi ? Écrasée par le poids de la découverte, la fille s’écroula sur le bois vermoulu, et de sa gorge inutilisée depuis des lustres, se furent des gargouillis maladroits qui s’échappèrent, suffisants pourtant pour lui griffer la gorge. Elle s’appelait Belphégor. Elle était l’ultime survivante d’un carnage, et sans qu’elle ne puisse le comprendre, elle n’avait pas comme les autres perdu la vie dans ce massacre. Elle avait dormi, elle s’était … régénérée, tandis que la végétation avait pris le dessus sur la ville inoccupée, et avait même fini par recouvrir son corps en pleine croissance. Rien n’expliquait comment elle avait pu survivre, sans manger, sans boire. Mais se trouvait devant elle la preuve de cette réalité.
Dans les restes du mur se trouvait gravé « Hermant, père, mère et enfants ».