«
Tu sais je … j’l’aime bien moi, elle est pas méchante, j’suis même sûre qu’elle cherche à …-
Pas de ça avec moi, Mayu !-
Iiiirk ! »
Il avait monté le ton d’un coup, et tout aussi vite s’était-elle rétractée sur elle-même. Mayu n’aimait pas ces zones de conflits, ces moments où les personnes se donnaient le droit d’appuyer leurs propos par le biais d’un grand coup de poing sur la table et d’une voix tonitruante. Le pire ? Elle était sûrement celle qui, une fois en colère, pouvait être la plus effrayante de part ses … origines, mais vu combien elle détestait ce trait de caractère chez les autres, il était passablement évident qu’elle ne supportait pas de se laisser aller à une quelconque saute d’humeur, même infime. Alors là, quand Keiji se mit si soudainement à la rabrouer lors de ses explications, qu’il se mit même à gonfler un peu le corps et le torse pour se faire paraître encore plus musculeux que sa scandaleuse masse corporelle ne le laissait déjà entendre, la pauvre terranide binturong ne put s’empêcher de se faire la plus petite possible. Elle ne s’en était d’ailleurs rendue compte qu’un court instant après, mais le petit couinement qui s’était échappé de ses lèvres à cause de la surprise et du stress n’était pas passé inaperçu, le grand et puissant jeune homme l’observait avec un large sourire, ayant bien remarqué qu’elle n’avait pas les forces de riposter contre son soudain élan de mécontentement. Mais après avoir sursauté et s’être recroquevillée sur elle-même, elle chercha à se déplier lentement pour avoir l’air moins pitoyable… Et l’aîné de la petit demoiselle quitta quant à lui son fauteuil pour aller chercher la jeune fille, la tirant du sol pour la ramener contre son torse.
Dans le fond, ce genre de geste la faisait fondre tout autant que les grosses voix la faisait paniquer. Mais là, en cet instant, ce fut la soudaine impression de sécurité et de tendresse qui prima, tandis qu’elle écouta le puissant jeune homme lui parler chaudement à l’oreille. Le nez à peine au niveau de ses pectoraux, elle écouta tout en se ressourçant entre les bras de celui-là même qui avait manqué lui provoquer une soudaine panique, oubliant déjà la manière si étrange avec laquelle il pouvait parfois la traiter :
«
Elle fait genre, Mayu, mais dans le fond c’est une gosse de bourge qui de toutes façons n’a jamais rien risqué dans la vie. Elle peut bien jouer la délinquante, de toutes façons sa mère lui sauve son cul à chaque fois !-
J-je… je crois que …-
Ouiiiiii, je t’écoutes ? »
Le ton était si peu cordial que Mayu se sentit immédiatement rappelée à l’ordre. Non, c’est vrai, si elle voulait que tout se passe bien, qu’il n’y ai pas de conflit, il était mieux qu’elle aille en son sens. Après tout, il avait quatre ans de plus qu’elle, avait déjà bossé, et vécu bien plus de chose. Il devait avoir raison, et c’était… ou c’était elle qui était en tort à chercher, encore et encore, à trouver des bonnes raisons à son amie de ne pas être une enfant de riche. Pourtant, elle appréciait sincèrement Izumi. Elle savait que la jeune femme, malgré sa naissance, n’avait rien d’une connasse hautaine, d’une gamine capricieuse qui vivait sa vie comme le font bien trop souvent ceux qui descendent de prestigieuse lignée : à se moquer du commun des mortels, à prendre tout ce qu’ils peuvent sans réfléchir, et laisser seulement le minimum à grignoter aux quelques personnes qui auraient eut le malheur d’attirer son attention. Malgré tout cela, toute cette considération, elle n’avait tout simplement pas la force d’aller à l’encontre de son aîné. Elle ne se rendait même pas compte que le jeune homme à la carrure de dieu grec s’amusait à la faire tourner en bourrique pour ses propres intérêts, lui faisant miroiter tout ce dont elle avait besoin : du réconfort, de l’assurance, de la force et de l’intérêt de la part d’autrui. Malheureusement cela la menait aussi droit à sa perte, mais ça elle ne le comprendrait que plus tard, pour l’instant elle ne fit que simplement mine de se raviser, interdite :
«
Je crois que …. que tu as raison Keiji, pardonnes moi d’avoir chercher à dire autrement… S’il-te-plaît.-
Bien sûr. Et puis ne t’en fais pas, de toutes façons tu ne fera rien d’illégal ! Tu te lèves dans la nuit, tu ouvres la porte, et tout se passera parfaitement bien. Quand à Izumi et sa mère, j’suis sûr qu’elles ont souscrites à tellement d’assurances logement qu’elles seront immédiatement remboursé du plus petit poil de cul qui aurait disparu de leur demeure. Tu vois ce que je veux dire ?-
O-oui, bien sûr.-
Bien Mayu. Alors à demain, et surtout, pas de bêtise, hein ?-
Promis Keiji ... »
Elle baissa les yeux, soumise à l’influence du jeune homme, puis accepta qu’il rompe l’étreinte qu’il lui octroyant jusqu’ici à contre-coeur. Elle se sentait … terriblement mal de faire cela, mais elle n’avait pas trop le choix. Après tout, Keiji avait besoin d’elle, n’est-ce-pas ?
N’est-ce-pas ?
*
* *
Mayu avait rencontrée Izumi au lycée. Et au vu de la présence de cette camarade d’étude à l’intérieur des bâtiments scolaires de Seïkusu, l’alignement stellaire qui avait dut se produire pour que les deux jeunes femmes se rencontrent tenait sûrement du plus grand miracle des temps modernes. Surtout que tout les séparait, sans même qu’elles n’aient vraiment l’occasion de le mettre sur le tapis lors d’une discussion : Izumi était riche comme tout, Mayu pauvre comme les miséreux sans un toit. L’une avait une mère distante et stricte, l’autre une aimante et attentionnée. Izumi avait une réputation de forte tête, Mayu de gentille jeune fille obéissante et même éffacée. Et les opposés se poursuivaient, sur la question du milieu social, des classes qu’elles occupaient, de leur assiduité en cours, de leur style vestimentaire… Trop, beaucoup trop de choses qui n’avaient tout simplement aucune forme de ressemblance. Deux jeunes femmes, parfaitement opposées, et qui pourtant, avec le temps, avait eut une occasion de se croiser au détour d’une classe participative de chimie, leur permettant alors de s’installer l’un à côté de l’autre, créant en moins de quatre heure une amitié solide. La terranide n’y comprenait rien, mais elle aimait la compagnie d’Izumi, et l’inverse semblait de même. Parfois, la docile inhumaine avait le don de calmer les ardeurs infantiles et incontrôlées de sa camarade, et à l’inverse, celle-ci la poussait à s’affirmer, à se présenter comme une jeune femme à part entière, sans qu’elle ne se limite au moindre propos. Elles se complétaient, et c’était dans cette relation si particulière qu’étaient survenus les événements d’aujourd’hui.
Car elle l’avait invitée à venir chez elle. Si sa maman avait eut le don de trouver cette sortie hors de la maison proprement fabuleuse, ce qui était le plus proche à ses yeux d’un petit copain, Keiji, ne manque pas de voir ce rapprochement d’un très mauvais, tant et si bien qu’il… lui avait imposé un plan qui l’écoeurait : « Voler la bourge ». Ça…. Ne lui plaisait pas du tout, mais la perte d’une autre forme d’affection dont elle avait le plus grand besoin était trop dangereuse à ses yeux pour qu’elle parvienne à lutter contre.
C’est donc tiraillée entre diverses affections et loyautés qu’elle traversait, comme elle le pouvait, les beaux quartiers de la ville, bien loin des ruelles crasseuses qu’elle avait l’habitude d’arpenter. Observant tantôt les beaux jardins aux arbustes taillés en des formes tout à fait étranges, puis les beaux toits de tuiles rutilantes, sûrement traités tout les ans contre les mousses et autres lichens, Mayu ne se retrouvait que bien rarement à observer le petit papier sur lequel Izumi lui avait noté le trajet depuis la ligne de tram la plus proche afin d’atteindre sa maisonnée. Et franchement, fraaaaanchement, elle n’en menait pas large. La pauvre terranide ne se sentait pas du tout à sa place, mais que pouvait-elle y faire ? Rien du tout, elle n’allait pas fuir au loin, prise de panique face à tant de richesses objectivement remarquables à vue de nez. Non, à la place elle chercha dans l’absolu à trouver rapidement sa destination, tourna d’une petite rue coquette à l’autre, puis enfin trouva la rangée de numéros correspondante à celle marquée sur son plan de fortune. Alors, le trente-six. Le treeeente-six… Par déduction, elle comprit finalement qu’il devait s’agir de la belle bâtisse aux murs couleur crème et au toit noir, une alliance de style relativement nippon, mêlé à un large espace vert qui manqua lui faire tourner la tête d’incrédulité. Bon sang, cela devait coller avec l’image de la mère d’Izumi, mais imaginer la belle et provocante rebelle dans un tel milieu, c’était … Un peu comme imaginer un poussin couvé par un terrible et maléfique serpent. Cela ne collait pas du tout ensemble !
Mais elle était enfin arrivée, alors elle fit ce que l’on pouvait attendre d’elle. Se plaçant à l’interphone, elle vint appuyer sur le petit bouton jaune d’appel, puis se posta nerveusement en face de la caméra qui se trouvait en haut du portique. Dès lors qu’elle entendit la délicate sonnerie lui annonçait que quelqu’un avait décroché, elle s’empressa de prendre la parole nerveusement.
«
B-b-b-bonjour. Je m’appelle Mayu, Mayu Sorcelienne. Izumi Cho-sama m’a invitée à venir passer la nuit ici. »
La formule de politesse était sortie toute seule, de peur qu’elle se retrouve à se présenter à un valet, voire pire, à la maîtresse de maison, la mère de sa belle amie !