Alors que le crépuscule annonce doucement son heure, un soir comme les autres après une journée comme les autres, une page de l'histoire se tourne. Loin, très loin, dans une autre dimension, une autre galaxie, une autre planète, un peuple se bat pour sa liberté. Le tyran Mackenchie tombe, après des mois de révolution. Et, alors que les portes de son château tombent, et que les membres de sa garde personnelle gisent sur le sol ou se rendent, le tyran livre un combat perdu d'avance face à un jeune homme inconnu, arrivé de nulle part.
Alors que leur affrontement secoue un monde pour les centaines d'années à venir, la réalité se déchire. Une faille apparaît, spontanément, de nulle part, à quelques mètres au dessus du sol, près d'un lycée sans histoire...
Le lycée Seikuzu, immense et réputé, malgré son grand nombre d'élèves, n'est pas toujours fréquenté. Les aléas des heures de cours, des vacances et des manifestations font que, dans une de ses arrières-cours, près du local poubelle, collé à deux bâtiments abandonnés depuis longtemps, donnant sur une ruelle étroite, on ne trouve pas grand monde.
Le hasard -ou était-ce le destin ? - voulait qu'une personne, si petite et insignifiante, soit témoin de la fin d'une époque primordiale pour un monde qu'elle ne verrait jamais.
Alors qu'elle est chargée -ou plutôt, ordonnée- de faire son devoir aussi civique qu'ennuyant de nettoyer l'arrière cour au balai, elle peut voir que la poussière se lève.
L'air s'alourdit.
Ses narines picotent alors qu'une odeur d'ozone envahit la cour.
Les feuilles volent, et un vrombissement irréel secoue le monde entier.
Une faille. Comme un couteau à travers une motte de beurre, elle fend la réalité. Orangée, elle tremble, comme prise d'épilepsie. Puis, dans un bruit aigue, pulvérisant quelques vitres alentour, elle s'ouvre... et crache un homme.
Il est grand. Puissant. Un barbare, musclé, une vraie montagne de muscles, un simple pagne, le corps recouvert de vieilles cicatrices, mais aussi de blessures récentes. Il laisse une traînée de sang derrière lui alors qu'il traverse l'air à toute vitesse, s'écrasant misérablement contre le mur, enfonçant légèrement ce dernier. Il se relève, vacillant, apostrophant un autre homme. Ses yeux rouges sont injectés de sang, exorbités, déformant son visage, ses longs cheveux noirs tombant sur ses épaules.
- Gr... GRAAAAAAAAAAAAAAYLE !!!
Car ils sont deux à être sortis de la faille. Le deuxième est un jeune homme. De taille moyenne, au gabarit athlétique. Des bottes en cuir, une veste de lin déchirée, pleine de sang, sans que le torse en dessous ne semble être blessé. Un pantalon vert sombre plein de terre, et une grande écharpe orangée autour des épaules, flottant irréellement dans l'air. Ses traits sont apaisés, ses yeux bleus, plein d'assurances. Il est aérien, hérault de tranquillité en face d'une boule de violence.
- C'est fini Mackenchie ! Même si tu me vainc, ce qui n'arrivera pas, tu ne retourna jamais en... hey, mais je connais ce coin ! Il ne semble pas du tout inquiet, sûr de sa victoire.
Il regarde autour de lui. Ces rues... oh. Une élève. Mignonne, de longs cheveux blancs... un peu jeune. Une première année ? Cet uniforme... Seikuzu ?
Oh. Une élève.
Flute.
- Hey, petite, écarte toi !
- TROP TARD GRAYLE ! Le barbare, avec l'agilité d'une panthère, se rue vers la jeune fille.
Tel un pistolero de l'Ouest Américain, Grayle dégaine. A une vitesse faramineuse, il ouvre une sacoche, et en sort un fouet doré. En un instant, avant même que le barbare ne fasse trois mètres, il se retrouve plaqué au sol, les jambes saucissonnées par le fouet. D'un coup vif du poignet, Grayle le tracte vers lui, avant de le soulever comme une plume, et de balancer le barbare contre une poubelle.
Le fouet disparaît, et les yeux bleus du jeune homme plongent dans ceux de l'étudiante.
- Pas de panique. Ne criez pas. Je m'occupe de tout.
D'un mouvement fluide et presque gracieux, il tire un long parchemin de son sac, qui vole autour de lui, et explose dans une lueur bleutée. Il disparaît, ne laissant que des murs translucides.
Le silence. Le barbare hurle, mais aucun son n'en sort, étouffé par les murs. Il attaque le pérégrin. Ses mouvements sont vifs, puissants, mais aucun ne fait mouche. A chaque attaque du colosse, le jeune homme se courbe, saute, esquive, glisse, aérien autour de son adversaire, sa longue écharpe flottant derrière lui. Il frappe, esquive, ré-attaque. Ses coups sont forts, lestes, violents, mais d'une violence calme, maîtrisée. Le barbare plie, s'agenouille. Il grogne. Il lève le bras, et, après quelques secondes, un éclair fond vers Grayle.
Il s'est déjà préparé. Une grande épée en main, il encaisse l'éclair, l'absorbe, et le renvoie sur le barbare.
Toujours dans un silence complet.
Le colosse tombe. Le combat, unilatéral, est terminé.
Grayle claque des doigts, et les murs bleutés translucides disparaissent. Le vent souffle doucement sur Seikuzu, faisant voleter ses cheveux et son écharpe. Il fait une légère révérence devant l'adolescente.
Après 3 ans passé sur une planète peuplée de barbares et d'amazones, il est content de revenir à la civilisation. Là où on n'essaie pas de vous passer au fil de l'épée à la première incartade.
- Bonjour, petite. J'espère que tu n'a pas trop peur. Il fait un clin d'oeil. Avec Grayle, tout baigne !
Il ouvre son sac -de toute apparence, vide-, et y range l'épée, de toute évidence bien trop grande pour entrer dans le sac magique. Mais elle entre, défiant toutes les lois de la réalité et du bon sens. Il y sort un sceau, qu'il dépose sur le cadavre. Doucement, ce dernier se désagrège petit à petit, se transformant en des cendres volant au vent, avant de disparaître totalement.
- Dis, on est bien à Seikuzu ? Je reconnaitrais cet uniforme en milles. T'es en première année ? Il fronce les sourcils. Flûte, on est en quelle année ?