Niqa restait à terre, le regard porté vers le ciel, son corps ne bougeant pas d’un pouce. Il ne pouvait rien faire, son propre corps refusait de lui obéir, de se mouvoir et il n’avait pas assez de force de volonté pour y arriver. Toutes ses ressources mentales et sa concentration étaient tournées vers un seul et unique objectif, celui de maintenir son corps le plus longtemps possible. C’était une bataille perdue d’avance, il le savait très bien, ce qu’il désirait simplement, c’était de gagner un peu de temps. Il voulait repousser toujours plus loin l’échéance de sa mort, afin de vivre assez longtemps, d’être physiquement présent pour qu’une personne vienne l’aider. Cela pouvait sembler utopique, surtout perdu dans une montagne et proche d’un phénomène qui devait être connu dans le coin.
Pourtant, même dans cette situation, l’être de mana ne perdait pas espoir, il restait un profond Utopiste. Le temps continuait de passer, il n’aurait su dire si cela représentait des minutes ou des heures. Il se concentrait tellement et sentait s’on corps s’effriter lentement, que chaque instant semblait paraître une éternité. Sa jambe qui restait au loin commençait à ne plus être de ce plan du monde, s’étant effrité rapidement, elle n’était plus liée à Niqa. Il voyait donc cette dernière s’envoler vers le lac en un vol de poussière de mana. Il pouvait donc voire ainsi, ce qui attendait le reste de sa carcasse fissuré dans un futur très proche.
Le temps continuait de défiler, son corps s’effaçant lentement, lui donnant l’impression de jouer le rôle d’un sablier dans ce petit jeu qu’était l’arrivée de sa mort. Il commençait à ressasser toutes les idées qui se trouvaient dans son esprit. Voir la mort se faire lente, la faucheuse amusée de prendre son temps pour abattre sa sentence, commençait à faire remonter divers regrets, envies, désirs du plus profond de son être. Niqa était emplie de cela, lui qui avait travaillé si durement pour obtenir sa liberté allait donc la perdre aussi facilement. Lui qui voulait faire le tour du monde, découvrir les lieux que lui avaient racontés ses amis, connaître du monde, apprendre toujours plus de magie, manger, boire, dormir, se prélasser, explorer, courir, puis finalement vivre une vie tranquille, fonder sa famille, entouré de toutes les personnes qu’ils aiment. Le voilà dans une bien mauvaise passe pour voir cette envie-là se réaliser.
S’il avait pu pleurer, il serait entrain de le faire, mais son corps ne répondait presque plus, même cette possibilité de laisser sa tristesse fuir, s’échapper, se matérialiser, il ne le pouvait plus. Sous aucune façon qui soit. L’espoir le quittait lentement, toute cette tristesse le prenant aux tripes sur le moment. Lui qui était si joyeux d’habitude se sentait devenir l’inverse de sa personne, pourquoi faire face à la mort devait être aussi douloureux ? Il ne savait pas et n’avait encore une fois, pas la force d’essayer de réfléchir plus que de raison dans cette situation.
Heureusement pour sa personne, ce moment de désarroi ne dura pas longtemps. Du mouvement se faisait entendre et même sentir, lui qui était allongé à même le sol. Une personne pour le moment, se tenant loin. Niqa ne pouvait le voir, ne le discernant même pas du coin de l’œil. Il avait l’espoir que l’individu continue à avancer dans sa direction, mais il n’en fût rien. Il sentait la pression se dissiper, le bruit s’effacer, comme si on rebroussait chemin. On l’abandonnait donc à son sort ? Le destin lui jouait un bien mauvais tour si c’était bel et bien le cas. On l’avait fait endurer le Donjon, les pertes et les souffrances qui allait avec, pour finalement devenir libre et sa joie allait se terminer comme sa vie, aussi rapidement après sa sortie ?
Il sentait une forme de rage bouillir en lui, mais cela ne serait pas suffisant, la volonté de vivre, la hargne n’était pas suffisante devant quelque chose qui aspirait directement sa propre vie. Il essayait tout de même de se mouvoir, mais sans aucun succès. Sa démarche ne l’aidait pas non plus concernant le fait de devoir maintenir son corps en état. Ce dernier s’effritait encore plus vite à présent, sa jambe fracturée ayant totalement rendu l’âme en rejoignant le lac. Son autre jambe suivant doucement le même chemin et il avait même perdu une main et un bras pour le moment. Il n’était plus que la moitié de lui-même, au sens propre du terme.
Soudain, il se calma à nouveau. Il percevait un bruit, un deuxième, deux sons bien distincts. Cela s’approchait lentement de sa personne. Il sentait à nouveau cette pression sur le sol, deux poids, deux mesures. L’un à la carrure légère lui rappelant celle de tout à l’heure et l’autre bien plus imposante, pesante, ce n’était clairement pas le même gabarit. Alors l’autre individu était parti chercher quelqu’un ? Peut-être qu’il s’agissait aussi d’autres personnes n’ayant rien à voir avec les premiers sons qu’il avait perçu. Niqa attendait donc, n’ayant d’autre alternatives que de prendre les solutions que le destin lui offrait à ce jour. Même si cela devait l’emmener dans un autre bourbier, il prendrait toutes les autres portes de sorties, si cela l’empêchait de mourir ici même, sans avoir accomplis ce qu’il désirait vraiment.
Il pouvait enfin voir le duo face à lui, il en voyait un bien plus avancé que l’autre, comme si ce dernier préférait rester en retrait. Il passa bien vite à l’autre individus, le détaillant du mieux qu’il pouvait. Une drôle de chose qui lui faisait face, ça il pouvait en être certains. Non pas par son apparence, Niqa avait vu bien des choses dans le Donjon, mais plus par l’aura, la présence qu’il dégageait. Il pouvait le dire sans sourciller, cet homme aurait survécu longtemps, très longtemps dans le Donjon. Un sixième sens ? Un instinct aiguisé au fil des batailles ? Il ne savait pas comment il pouvait être aussi sûr de cette donnée, mais il était confiant à ce propos-là.
Il était concentré, détournant encore ses forces restantes sur cette action plus que complexe pour lui à présent. Et enfin la voix de l’individu lui parvint et rien que ses premiers mots confirmaient la pensée de Niqa. Il avait rapidement compris la raison de son état et aussi sa nature. Cela aurait pu sembler facile de comprendre, mais fallait-il encore que l’esprit de la personne qui réfléchissait soit assez ouvert d’esprit et informé pour ça. Il aurait voulu sourire, mais il se décidait à économiser le moindre soupçon de force qui lui restait. Il détournait cette dernière vers ses lèvres et sa gorge pour réussir à parler un peu, même si sa voix était basse.
« Je me prénomme Niqa… Niqa Masir… Je suis un magicien itinérant… Et je suis ici, car j’explore le moindre… Essayant d’en trouver les moindre recoins… »
Le mage était honnête, il disait la vérité, il n’était là que par hasard, simplement pour découvrir le monde pour sa propre personne. C’était sa curiosité qui l’avait amené dans cet endroit et cette situation compliquée. Il respirait lentement, essayant de donner ses dernières forces pour étaler une supplique une demande d’aide, car rien dans le comportement de l’homme ne semblait démontrer qu’il allait lui venir en aide.
« Est-ce que vous pourriez m’aider ? Me traîner loin de ce point si mortel pour moi ? Je n’ai pas envie de perdre la vie dans ce lieu et encore moins maintenant. Je n’ai pas pu profiter de ma vie, accomplir tous ce que je désirais… J’ai mis tellement de temps à obtenir ma liberté, à pouvoir fouler cette terre, j’ai aussi des promesses à accomplir. Donc s’il vous plaît, je vous en supplie, sortez-moi de là ! »
Il toussait, ce dernier ayant effort lui ayant demandé beaucoup de ressources. Il avait même réussi à tourner la tête dans ce dernier effort, regardant l’homme en face à face et du mieux qu’il pouvait.