Il n’était pas difficile pour une personne entraînée de soulever les points illogiques, hâtifs, ou encore affabulés que les néophytes se faisaient dans leurs esprits. Tout le monde s’imaginait pouvoir gagner en en faisant le minimum, en se mettant en tête que si ils agissent de telles manières, avec tel enchaînement, ou alors tels coups à tels endroits, ils seraient en capacité de défaire n’importe qui, de forcer au silence le moindre ennemi. En tant qu’experte, Belphégor était le parfait contraire. L’instinct, l’expérience, la tactique, elle avait pour elle un bagage sanguinaire, la parfaite éducation qu’elle s’était elle-même prodiguée afin de pouvoir, en toutes circonstances, se sortir des situations les plus loufoques et audacieuses. Alors quand elle s’était mise à faire la morale à cette petite demoiselle bouffie de prétention, elle l’avait fait pour deux raisons quasiment évidentes à ses yeux, mais qui pouvaient se trouver obscure pour la demoiselle en proie à la panique. La première avait été d’appuyer leur différence de niveau, de lui montrer que dans l’état actuel des choses, le seul moyen pour elle de ne pas sortir de cet affrontement avec une tête en moins serait de tout simplement se rendre céans. La deuxième était de prodiguer quelques informations, quelques corrections à un plan trop simple. Pourquoi cet élan de sympathie ? Encore une fois parce que la mercenaire ne comptait s’en servir que comme un appât, et rien d’autre. Elle n’avait dans le fond aucune inimitié pour cette jeune femme, on pouvait même atteindre l’extension où elle comprenait sa position et souhaitait ainsi lui offrir un petit plus, pour l’avenir. Car dans sa vie, cette première rencontre, même si ce n’était pas la plus facile, n’allait sûrement pas être la dernière.
Enfin, son dernier mouvement eut plus d’effets toutefois que ses paroles. La fuyarde fut arrêtée nette par l’attaque aussi soudaine que précise, et cela lui scia moralement les jambes, l’obligeant à rester fixe tandis que la tronçonneuse jurait grossièrement qu’elle n’était pas un couteau de lancer. Encore une fois, Belphégor n’eut cure des propos de K’leir, elle avait bien autre chose à faire, et ce n’était pas les protestations de son compagnon inanimé qui allait la déconcentrer de quelques manières que ce soit. Elle continua de s’exprimer avec un soupçon digne sur le visage, mais surtout une froideur glaciale, de celle qui fait craindre quiconque pour sa vie. Elle n’allait pas la ménager, même si elle avait la volonté de ne pas lui faire de mal. Et si elle se devait finalement de l’assommer pour pouvoir l’emporter sans avoir une furie craintive et désespérée sur le dos, alors elle n’aurait guère de remord à le faire. Mais pour l’instant, rien de cela. Juste quelques propos piquants, acérés, autant d’aiguillons et de crocs que ceux que possèdent K’leir, mais dont la blessure ne pouvait être physique, la mercenaire sapant le moral de cette inconsciente. Une tactique simple mais évidente dès lors que l’on avait gagné l’avantage, car la supériorité donne un aplomb de tout les diables au moindre propos que l’on peut ensuite énoncer. Et évidemment, la petite renarde qui se trouvait en face d’elle était lentement en train de perdre pied, muette, les joues couvertes de ses sanglots. Finalement, Belphégor fut presque en situation de se demander si elle n’y était pas allée un peu fort avec cette orgueilleuse, la sensation de faiblesse devant être particulièrement difficile à supporter pour sa petite tête. Mais tendit qu’elle tendit la main pour l’attraper, le sursaut d’égo de la demoiselle la prit, pour la première fois, de court :
« Silence!!! »
Oh ? Elle s’était attendue à ce que la jeune femme ne reprenne pas du poil de la bête avant un petit moment, en toute honnêteté, alors de la voir répondre avec autant d’aplomb, avec une telle hargne, eut l’occasion de faire naître un brin de retenue chez la tekhane. Oh rien de bien prudent, celle-ci n’étant pas de mise au vue de la situation, mais si elle avait tant envie de lui faire face, de s’opposer à elle, à ses paroles venimeuses qui avaient lentement instiller quelques venins dans l’esprit de la renarde, alors soit, elle acceptait d’écouter les propos de cette demoiselle. Se redressant légèrement, elle l’écouta donc tenter de se défendre, sans un mots. Eut-elle l’occasion de se préparer à une telle mièvrerie ? Nullement. Non, effectivement, l’idée même que l’on puisse s’imaginer faire un tel discours la mettait mal à l’aise. Plus encore lorsque sa vie était en danger, la moindre seconde perdue ayant put être une occasion pour la mercenaire aux cheveux de sang de quérir son arme et de la trancher en deux dans un mouvement net et soudain. Mais elle en rajoutait, encore et encore, comme si le fait de soutenir un peu plus encore son manque de contrôle, la quasi bêtise de sa façon de voir le monde, non sans parler encore de ce miel écoeurant qui s’échappait de ses lèvres, allait lui permettre de se sauver d’une quelconque manière. Le pire serait vraiment qu’elle puisse penser la convaincre de changer d’avis. Là, elles atteindraient toutes les deux les tréfonds de la sottise, la renarde pour avoir crû avoir une action intelligente en lui sortant son ramassis de foutaise, la tekhane pour s’être permise d’écouter ne serait-ce qu’une syllabe.
« Maintenant vas-t'en! Barre-toi! T'entends? Barre-toi avec ta tronçonneuse de merde et ton look à faire peur à tout le monde…
- Charmant. Allez, j’en ai marre, tu vas faire un somme désormais. »
Quitte à l’assommer, autant utiliser son arme, un coup de poing demandant un peu de force et Belphégor ne voulant pas risquer de lui briser une cervicale par inadvertance. Elle tendit donc sa main directrice au niveau de K’leir, qui attendait sagement qu’on le récupère, le nez encore dans la boue et le sable du terrain vague. C’est là que le manque de vision coloré induit par les effets des illusions de Setyhs lui fut favorable. Elle le perçut immédiatement, cet éclat lumineux qui déforma son ombre, qui vint éclairer son dos soudainement, sans crier gare. Son instinct fut le premier à réagir, et elle tordit le haut de son corps tout en faisant flancher son buste, un mouvement presque inhumain compte-tenu de l’élasticité nécessaire pour l’accomplir alors que les dagues solaires de son assaillant ne vinrent que griller son flan, sans entamer la chair.
« Setyhs ! Tiens bon soeurette je suis là !!! Tiens bon !!!
- Oh mais qu’avons nous là, la cavalerie ? »
Si la surprise était de taille, la réaction de Belphégor fut à l’aune de celle-ci. Pivotant dans sa position quasiment désarticulée, elle attrapa le manche de son arme, et voulut l’abattre immédiatement après sur la petite personne qui l’avait prise en traître. Mais elle n’eut pas le temps d’accomplir ce plan, pour quelques raisons des plus évidentes à ses yeux. Au vu de sa vision achromatique actuelle, elle avait déjà tout le mal du monde à repérer la forme qui l’attaquait, le surplus de luminosité dû à ses armes gommant les traits et les surfaces environnantes. De face, elle n’arrivait pas à le percevoir, ne pouvait se fier qu’au flux lumineux pour esquiver, et c’est ce qu’elle fit d’ailleurs avec une réactivité qui faisait preuve de ses capacités hors normes. Mouvement à droite, elle dévia la dague d’un mouvement ample, puis assaut à gauche, elle se cambra pour que l’éclair lumineux ne parvienne qu’à frôler sa tenue. Encore un coup, elle bouge la tête, un autre et elle plie le genoux pour se décaler. Une suite de déplacements purement défensifs au vu de la hargne sauvage qui semblait s’être emparé de celle qui l’avoinait d’assauts. Et face à cette rage, la tekhane commença à perdre patience, voulant amener le combat à un corps à corps plus violent. Cette fatigue fut suffisante pour qu’elle fasse une erreur bête : Prenant un pas en avant pour se positionner offensivement, elle sentit les deux armes de son adversaire énigmatique se planter en même temps dans son ventre, la chaleur et la radiance de ces morceaux effilés lui grillant la chair. Elle serra les dents, n’importe qui avec de telles armes pourraient en profiter pour aggraver la blessure, lui faire coûter son emportement malheureux. Par chance, celui qui hurlait en enchaînant ses assauts… Fit simplement une énorme erreur de débutant.
« Laisse ma soeur tranquille! Ne touche pas aux gens que j'aime tu entends? On s'est donnés beaucoup de mal pour venir ici! On a attendu depuis presque le tout début, pour pouvoir rencontrer aujourd'hui notre mère!... »
Un souffle. Alors qu’il venait enfin de la toucher, de gagner un point, il s’était écartés, ce qui avait pour conséquences de la laisser respirer, la laisser reprendre sa posture et le contrôle de la situation. Profitant de la douleur qui était capable de lui donner un coup de fouet démentiel, elle raffermit sa prise sur le manche de son arme, étendant K’leir vers l’arrière, tandis qu’elle vint s’écraser au plus près du sol. Jambes arquées, pieds ancrés au sol, main libre vers l’avant pour la tenir dans cette position d’équilibre, la position d’un félin prêt à fondre sur sa proie, et cela bien malgré les blessures fumantes au niveau de son estomac. Son problème ? La vision achromatique, qui faisait qu’elle était en fasse d’un mur d’une blancheur aveuglante. Sa solution ? Elle ferma les yeux, à l’instant même où cette curieuse cavalerie élança ses boules d’énergies solaires en sa direction. Une attaque saccadée et prévisible. Dès que la luminosité s’intensifia au niveau de ses paupières, elle s’élança : Voile blanc un peu sur la droite de sa vision close, elle se glisse sur la gauche, puis juste au dessus-d’elle et elle accélère le pas, s’écrasant à quelques centimètres du sol tout en évitant le second assaut. Encore un coup, puis un autre, le délai entre les attaques s’étend, elle peut prévoir que son adversaire force et foncièrement s’épuise. Cela joue en sa faveur, malgré sa blessure. Le dernier des coups est lent, hésitant, il cherche à bien le viser, mais cela le rend tant prévisible qu’elle a enfin son ouverture : Bondissant avec toute la tension qu’elle a emmagasinée dans son corps avec ses mouvements et sa posture, elle produit un salto avant complet pour amener toute la force cinétique au bout de son bras, abattant K’leir comme une forcenée dans cette concentration d’énergie densifiée.
Elle s’arrête nette dans les airs, la boule aussi, puis son mouvement se poursuit. Son talon arrive comme un couperet et vient percuter le bout de son arme, tandis que la tronçonneuse lui hurle à l’esprit qu’elle a beaucoup trop chaud. Ce dernier mouvement, tirant tout son effet de l’énergie centrifuge renforcée par la musculature de la mercenaire lui permet ce qui devait sûrement être impensable pour son adversaire : elle renvoie cette sphère de puissance solaire à son envoyeur. Honnêtement, elle ne sait pas où elle vise, elle espère même à côté ! Et ce fut le cas : La boule repart violemment plus loin et décharge son énergie dans le dos du damoiseau, la vive lumière détachant sa forme sur la rétine de la mercenaire. Au sol, l’instant d’après, il ne lui faut pas un quart de seconde pour être au contact, sa main juste au devant des yeux de son agresseur discret, qui lui avait donné un peu de mal.
« Je te tiens. »
L’instant d’après, elle attrape la figure énigmatique par l’avant, son faciès englobé par sa paume, alors qu’elle le tire du sol. S’ensuit le coup percutant, une charge d’épaule puissante, avec laquelle elle l’envoie faire un beau vol plané, avec l’estomac bien retourné. Une action d’impact, ça devrait être suffisant pour sortir un néophyte du combat, et au vu de sa situation, notant les deux fentes encore grésillantes qu’elle avait dans l’estomac, elle ne pouvait pas prendre le temps de s’assurer de son état. Se retournant vers son autre adversaire, elle abandonne son partie prit de plus tôt, et reprends son auto-suggestion pour récupérer sa vision de la couleur, ne pouvant se permettre de se laisser encore leurrer bien longtemps au vu du danger environnant. Elle se devait de pouvoir faire confiance à ses yeux ! En revanche, dès qu’elle se tourne, elle remarque immédiatement le problème. D’une manière ou d’une autre sa cible semble s’être terrée, dissimulée pendant que l’autre l’avoinait de coups. La simple idée de l’imaginer en train de se cacher après cette attaque surprise de son allié la mettait hors d’elle. La mercenaire aux cheveux de sang n’avait pas fait toute ces recherches pour rien ! De rage, elle plante son arme dans le sol et commence à se déchausser religieusement, se préparant à activer ses jambes.
« Tu devrais faire gaffe, pas sûr que ton bide apprécie ce genre de changement Bel’.
- Rien à foutre, m’ont saoulées ces deux là ! »
Elle expire longuement, découvre sa nuque, et passe le doigt sur le système d’empreinte lui permettant de passer ses deux jambes sous un aspect plus … convenable à la situation. Ses collants se déchirèrent instantanément, révélant la nature technologique de ses deux appendices inférieurs, mais surtout cette mécanique prit lentement une forme liant la mécanique et l’optimisation naturelle du règne animal. Longues, effilées, le minimum de surface possible en contact du sol et le reste composés de systèmes de tensions, tendeurs et claquoirs optimisés, pistons et stabilisateurs, un armada en l’honneur de la puissance et de la vitesse.
« Je vais être très claire désormais. Je peux très bien me ramener avec un cadavre si besoin. Alors sort de ta cachette, ou j’aurais le plaisir... »
Elle frappa le sol d’une de ses jambes, brisant celui-ci en de longues crevasses.
« … De réduire ces lieux en cendres, et d’y chercher vos pauvres corps mutilés au milieu de ses ruines ! »