Voilà maintenant quelques jours qu’elle est ici. Elle est parvenue à voler un carnet, une plume, de l’encre et, maintenant une besace. Est-elle fière d’elle ? Tout à fait. Lyra dessine cette ville, sur les toits, elle est fascinée par l’abondance d’étrangetés environnantes. Elle dessine tout ce qui sort de l’ordinaire, sur ses toits. Elle balaie l’immensité de ce petit monde et, soudain, pousse un soupir. Elle devrait dormir, se reposer. Cela fait deux jours qu’elle observe inlassablement les inconnus, les bêtes et les monstres. Elle est heureuse ici. En fermant les yeux, elle voit se dessiner une petite lumière qui danse… Elle joue avec cette petite lumière, la chasse des yeux, mais, toujours, elle revient. Lyra sent ses entrailles se tordre. Elle a faim cette belle harpie. Alors elle descend de son perchoir et décide de voler. L’humaine écoute les paroles, les brimades, les rires, les controverses, les querelles. Elle rit seule en écoutant. Elle aime ce monde. Il l’apaise, il lui semble qu’elle peut recommencer une nouvelle vie ici. Après tout, personne ne la connaît ! Alors, elle se demande si elle fait bien de voler de la nourriture… Cependant, elle n’a pas le choix, elle doit le faire.
Avec grâce et élégance, cette chapardeuse se glissa entre les étales commerciales, observant armes et denrées s’enchaîner à profusion, elle vola une pomme par-ci, une viande séchée par-là sans que personne ne s’en aperçoive. Elle avait peut-être un avenir dans le vol à l’étalage ou dans … le pickpocketisme, qui sait ? La belle amassa une bien belle dose de denrées toutes plus alléchantes les unes que les autres et elle s’éloigna de la rue passante. En grimpant sur les toits, elle sentit ses muscles s’étirer et crier. Elle était fatiguée… Lyra était éreintée oui, ces journées étaient éprouvantes. Le ciel était clair, pas de pluie en vue, elle s’installa sur un toit et, observant les cieux, elle commença à manger… Elle avait pris des pommes, beaucoup de pommes et de viande. Elle se souvint alors, en croquant dans un fruit, une journée d’hiver dans la neige. La petite américaine était partie au Canada cette année-là en hiver. Elle s’enfonçait dans la neige à grands bonds. Les arbres abattaient leurs branches sur les alentours et elle, décidait de jouer avec la physique. Loin de s’occuper d’elle, son père avait décidé de discuter avec le garde-chasse.
L’enfant avait donc commencé à faire un bonhomme de neige. Hm. Ce n’était pas vraiment un bonhomme mais davantage une sorte de… d’immense tas avec des yeux et une bouche. Elle s’imaginait que ce bonhomme improvisé lui répondait, qu’il jouait avec elle. Alors il se relevait et jouait avec elle. Lyra riait en voyant le bonhomme gesticuler, bouger, danser. Mais tout pris très vite fin lorsqu’une voiture fit taire ses rêves en les écrasant. Son père ouvrit la porte et lui ordonna de monter dans la voiture. Lyra n’avait pas pu s’amuser bien longtemps avec cet ami imaginaire. Elle n’avait d’ailleurs pas pu rire longtemps car, une fois dans la voiture, elle pleura. Ses petites larmes coulaient sur ses joues rougies par le froid. Lorsqu’il lui demanda pourquoi elle pleurait encore, elle répondit qu’il avait écrasé son bonhomme de neige. Alors il riait sans s’excuser et continuait sans la prendre dans ses bras. Lyra rouvrit les yeux et termina sa pomme en silence. Ce souvenir, pourquoi lui revenait-il maintenant ? Elle ne le savait pas, mais cette réminiscence lui sembla étrange.
Plus tard, en marchant dans des ruelles, elle fit tomber une pomme rouge, éclatante de brillance. Lustrée par les mains habiles de la demoiselle. Elle se craqua la nuque légèrement et marcha… Sans doute n’avait-elle pas encore remarqué que son sac était troué. Foutues coutures. Alors, de temps en temps une denrée s’échappait et tombait au sol… Elle traça sa route dans les ruelles pour essayer de cartographier mentalement la zone où elle se trouvait mais, quand enfin elle comprit non seulement qu’elle perdait tout ce qu’elle avait mais qu’en plus elle était suivie… Elle se tourna et tapa du pied au sol.
“... Excusez-moi mais…”
Ooouuuh il était grand. Elle déglutit nerveusement. Fort heureusement il n’avait pas l’air agressif, elle resta tout de même sur ses gardes et croisa les bras sur sa poitrine.
“Loin de moi l’envie de vous déranger mais… Est-ce que vous m’avez vraisemblablement suivie avec la nourriture qui tombait de mon sac ?... M-minute, qu’est-ce que vous êtes ? Qui êtes-vous ?”