Le buste bien droit, l’œil vif, j’arborai un sourire particulièrement insolent, et sûr de moi, pour faire face à ce prétentieux dont la seule erreur durant ce spectacle grandiose, fut de se croire plus grande gueule que moi. Mais au fond de moi-même, je n’en menai pas plus large que le pitoyable sac à puces que l’on amenait de force, coincé ainsi sous les aisselles transpirantes d’un matelot velu. Qu’était-ce d’ailleurs ? Ça ne ressemblait à rien, un vulgaire bâtard passant de main en main, un gros rat guère plus, exactement ce que je risquais si mon plan stupide échouait lamentablement.
Ce plan m’était venue spontanément. Alors que le bonimenteur m’adressait un sourire qui ne me disait rien qui vaille, prenant ses aises en me pétrissant les fesses et en déposant un baiser sur ma joue, je commençai à regretter mon idée. Car plus je voyais cette foule furieuse, plus j’étais en train de me dire que mon échappatoire était bien maigre, et que je risquais plus que de devoir enfiler une bile sale dans la bouche.
*Ricane enfoiré… J’suis pas encore à genoux…*
Le rugissement du public m’empêcha de ruminer mes pensées, et fit davantage courir un frisson glacé le long de l’échine. Non, décidément, je ne voulais pas me retrouver au beau milieu de ses cinglés en rut, à me faire matraquer la bouche par une queue puante et pustuleuse, ou pire encore ! Le maitre de cérémonie se sépara enfin de moi, et je suivis d’un regard légèrement anxieux son pas cadencé, ses gestes mesurés, et ce fichu regard provocateur qui masquait un énième coup fourré.
*Putain, non… Il va quand même pas oser en rajouter…* Pensai-je avec appréhension en l’écoutant additionner les récompenses et m'enfoncer davantage dans son business. *Oh bordel, il l’a fait…*
Mon plan initial étant de simplement jouer sur les mots, d’offrir une véritable pipe en bois au vainqueur, celle que je tenais justement dans ma poche et que la serveuse m’avait apporté, mais ce n’était plus vraiment d’actualité. Ma petite moquerie, cette maigre défense tombait à l’eau, et n’allait jamais se relever face à tant d’engouement viril… Et encore, ces mots sont faibles. Là, face à moi, une bonne quarantaine de mâles bourrés, hystériques, avec une demi molle dans le pantalon, et moi, la seule femme de l’assemblée avec une pauvre pipe en bois comme seule échappatoire.
La merde. C’était la merde. Malgré mon sang froid, un léger désarroi s’illustra sur ma trogne quand ces hystériques entrèrent en trombe, tenant dans leur bras un pitbull borgne, et un autre rat bâtard méconnaissable. Un ou trois, là n’était plus la question, le champion allait perdre, c'était inscrit. Cela se lisait sur le visage de mon propriétaire car il savait que je n’avais aucun moyen de refuser la faveur sexuelle désormais. J’avais lancé le pavé dans la marre, et monsieur n’avait fait qu’agiter les remous pour les transformer en vague, ce qui me vaudrait de sacrés emmerdes si je devais lutter contre le courant.
Un nouveau plan, et vite ! Les rugissements enthousiasmes retentissaient dans la salle tandis que le champion se faisait démembrer de manière prévisible… Évidemment puisque ce petit con trichait, je ne sais comment ! Cela m’était bien égal maintenant, parce que ma cervelle fonctionnait à plein régime pour trouver LA solution qui me sauverait de ce pétrin lubrique. Et là, cette solution, LA solution s’imposa brusquement sous mes yeux, en la matière de mon propre pantalon.
Rapidement, tandis que le combat faisait rage, je profitai de l’inattention générale à mon propos pour me décoiffer, tâchant de paraitre aussi laide que possible. Là-dessus, je glissai une main dans mon pantalon, triturait ma culotte à l’abri de regards, et réajustait finalement mon froc. Ce genre d’idée n’allait pas figurer parmi mes préférées, l’exhibitionnisme très peu pour moi, mais la faim justifiait les moyens ! Et ce qui devait arriver, arriva. Une dernière touffe de poil voltigea au-dessus de l’arène, et Sanzam rendit l’âme sans bruit, enfin déchiqueté sauvagement sous les hourras vulgaires des poivrots. Notamment les propriétaires des clébards, particulièrement enthousiastes de clamer leurs récompenses promises.
« Bravo aux vainqueurs ! » Hurlai-je bien fort en montant sur la table, histoire de prendre la parole en premier et de maitriser les choses. « Comme promis, ramenez-vos bites les vainqueurs ! »
Des rugissements d’enthousiasmes me répondirent. Déjà, au milieu des torses transpirants et des haleines alcoolisées, jouaient des coudes les trois types ayant ramenés les nouveaux champions, deux matelots rieurs et suants, plus un ivrogne bedonnant. Beurk. Je resserrai bien mon pull, celui-ci masquant déjà bien ma maigre poitrine où battait follement mon cœur, et commença de suite à desserrer ma ceinture. La foule n’en avait d’yeux que pour moi à ce stade et, silencieusement, je priai que mon ultime bluff fonctionne.
« Permettez que je sois dans l’ambiance… » Commençai-je avec un sourire se voulant coquin.
Je retirai mon pantalon lentement sous les « Oooh » lubriques… Avant de dévoiler mon caleçon masculin où s’affichait bien en vue, un membre en biais et ses bijoux de famille, sous les « Aaaah » surpris.
« … Dans l’ambiance parce qu’avec moi, c’est donnant-donnant les gars. J’espère que vous savez y faire de la langue aussi ! »
Si l’on m’avait dit qu’un jour, mon sexe allait me sauver. M’exposer ainsi ne me réjouissait pas beaucoup, je n’affichai qu’un sourire forcé, mais cela eut moins l’effet escompté. Déjà j’entendis de part et d’autre, force grognements réprobateurs, tandis que les trois vainqueurs hésitaient à avancer. Forcément, entre l’éclairage miteux, mon look de garçon manqué, ma poitrine cachée et ce membre masculin, on pouvait douter. Leur état d’ébriété avancé faisant le reste.
« C’t’y un faux ! » Brailla un soulard en me collant brutalement sa main à l’entrejambe, ce qui me fit souffler sous le choc, avant de la retirer comme s’il s’était brûlé. « C’t’y un putain d’vrai ! »
« Ta partenaire, c’t’UN partenaire ! » « Tu nous prends pour des tantouses ?! » « Putain d’salaud, approche pas d’ma bite ! » « REMBOURSE ! » Braillèrent-ils.
Crétin. Mais au moins son intervention eut le mérite de provoquer des braillements indignés, et un début de bousculade vers mon fameux partenaire. J’eus juste le temps de remonter mon froc tandis qu’on fit chanceler la table où j’étais perchée et, avec une souplesse exemplaire, je retombai sur mes pieds. Le moment était venu pour moi de prendre la tangente au milieu de la cohue. On ne badinait pas avec la virilité de ces messieurs. A pas de loups, je regagnai l’entrée de la salle tandis que l’on m’avait oublié, moi la fille au physique inattendu, et me faufilait discrètement vers la sortie.
Plantant là l’arnaqueur à l’ego démesuré, je lui souhaitai mentalement bien du plaisir pour se dépêtrer de cette situation !