Le soleil est encore haut, lorsque je quitte Kuala Lumpur, juste après avoir validé les codes qui, une fois la mission effectuée, feront grossir mon compte en banque par le paiement de mon dur labeur. Il suffit de mettre le prix, et le résultat sera à la hauteur. Je n'ai jamais failli à ma tache, et ça commence à se savoir, même si je sais que ça excite la jalousie de mes rivaux. Mais même eux, si la somme me convient, je les expédierai ad patres.
C'est quand même la première fois aussi que je suis reçu par un homme aussi important dans le milieu, disons celui de la vente d'armes. Vladimir Moussengko doit être son vrai nom, je pense. Je n'ai jamais vu un individu aussi bien protégé ! Même la lame en kevlar que je garde dans ma botte n'a pas franchi son système de surveillance. Et, quand cinq malabars vous pointent leur arme pour ça, vous ne forcez pas le jeu de scène.
Par contre, il semble que je n'aie pas le même humour que mon commanditaire. Quand il m'a dit que je devais tuer une femme, protégée par cinq femme, j'ai éclaté de rire. Moi qui ai transpercé même ma propre mère, je ne vais pas avoir peur d'un troupeau de donzelles ! J'en violerai même deux ou trois, avant de trucider le lot d'une seule traite. Et, si je suis dans un jour de bonté, je veillerai à offrir un traitement tout particulier à leur cheffe.
Comment elle s'appelle celle-là ? Noroko, à ce qu'il m'a dit. Elle s'appellerait Sabine Dupont que je m'en foutrait tout autant. Ma lame n'est pas raciste, et éventre quelle que soit la couleur. Par contre, je ne connais pas vraiment le milieu local, et, si j'ai quand même établi mon camp de base en Malaisie, c'était pour ne pas aller tout de suite me jeter dans la gueule de la lionne, enfin la petite minette en chaleur qui croit me griffer.
Tout est prêt, à la sortie de l'entretien ; je prépare et je vérifie moi-même tout mon matériel. J'arriverai en plongée, pour accoster sur l'île de Than Pênh. C'est là que cette pseudo-lionne donne une réception, pour faire œuvre de générosité. C'est ûr que, vu le marché à plusieurs milliard qu'elle a remporté face au dénommé Vladimir Moussengko, elle peut jeter quelques piécettes au bas peuple, alors que son rival me demande d'exécuter sa vengeance.
Tiens, je vais être magnanime ; je vais la laisser faire son généreux don aux pauvres, avant de la trucider.
Je perce le canot pneumatique à distance des côtes. Tenue de plongée, armement, tout est OK, et je me laisse glisser jusqu'à la plage. Il paraît que cette gonzesse a acheté toute l'île, avec une société genre Nolton truc, une banque qui ne serait pas très honnête. Tiens, si je peux en profiter, je suis sûr que je trouverai des trucs intéressants dans son coffre, du fric bien sûr, mais aussi quelques documents à revendre. Il n'y a pas de petits profits, du moment que la mission est exécutée.
Je grimpe sans souci sur un poteau de la jetée. Vu les yachts à quai, il y a du fric, il y a du beau monde, ça va boire et baiser à tout va ; il sera plus facile de profiter de cette ambiance, pour agir. Mais bon, pas de temps à perdre, il y a six gonzesses à éliminer. Au moins les renseignements de Vladimir Moussengko sont-ils exacts, il y a bien un hors-bord et un hélicoptère. Si je trucide sans bruit les six greluches, je n'aurai que l'embarras du choix, pour partir sans me presser.
Mais il m'est déjà arrivé de faire des erreurs, en cédant à trop de facilité, et je reste prudent. La jetée semble déserte, mais les rangs de réverbères auraient vite fait de révéler ma présence. Je suppose que, quand on se paie une île, on n'en est pas à quelques dizaines de caméras près. Bien m'en prend, car un autre hors-bord arrive, se garant au ponton dix, pour laisser descendre une créature de rêve, une asiatique à la silhouette de rêve et aux longs cheveux couleur jais, avec une espèce de robe verte. Si c'est ça les gardes du corps de la maîtresse des lieux, voilà une mission rêvée. En général, c'est plutôt de vieux industriels bougons que j'élimine, avec parfois un extra pour faire taire leur bourgeoise vraiment pas baisable, ou bien ce sont des ex-espions reconvertis en pire que ce qu'ils combattaient, et dans ce milieu, pour le côté féminin, c'est raté.
Finalement, il y a tant de mouvements, que les gardes en sembleraient presque débordés ; il faut quand même que je localise au plus vite le système de surveillance centrale. Cette Noroko est bien trop puissante, pour ne s'être entourée que de quelques Bruce Lee d'opérette. J'ai pourtant analysé les plans et les photos que Victor Moussengko m'a transmis, mais il y a des choses qui semblent avoir changé. D'après lui, la jetée donnait directement sur une porte d'arrière-salle qu'il serait facile de forcer. Or, là, c'est un bunker que je vois face à moi, au bout de la jetée. Le truc semble très récent, c'est donc que l'autre empaffé de russe m'a filé des infos qui doivent dater de la guerre froide.
Pas bon, pas bon du tout, quand une mission s'engage comme ça. Si ça se trouve, les cinq donzelles, qui font gardes du corps, sont autant de férues d'arts martiaux, ou d'armes tout simplement. La promenade de santé vite faite bien faite perd soudain son côté fastoche. Je suis dans la zone, mais je n'ai aucune certitude sur les infos en ma possession. Si ça se trouve, j'étais repéré avant même d'accoster ! Ça va être impro totale, et, vu ce que j'ai en face, ce n'est finalement pas si évident. Mais le chèque a de quoi lever toutes mes craintes.
Allez, je me console en me disant que, si je peux terminer ma mission en me tapant l'asiatique que j'ai vue tout à l'heure dans sa robe verte, ce sera le bonus.