Lorsque je jouais au Japon, cela me faisait toujours quelque chose. J'adorais ce pays. Ce n'était pas pour rien que je m'y étais installée. Et surtout, j'avais réussi à rallier le reste du groupe à ma cause. Faire une tournée en Asie était une bonne idée. Pour se faire davantage connaître, mais aussi pour les sortir un peu de ce carcan américain où ils restaient quasiment en permanence. Je n'étais clairement pas Japonaise de souche, mais ce pays était mon pays d'adoption, et je faisais tout ce que je pouvais pour m'intégrer. Et pour commencer, une des dates les plus importantes pour moi, nous étions présents à Kyoto. Cette ville était extrêmement importante pour moi, car j'y vivais, tant que je restais au Japon. Alors que nous étions encore chez moi, je sortais mon attirail. Une nouvelle seringue, une cuillère, mon zippo et un peu de poudre blanche. Il me suffisait simplement de la chauffer pour la rendre liquide, avant de la transvaser dans la seringue. Il ne me restait plus qu'à l'injecter. L'héroïne quasi pure était certes très chère, mais c'était l'une des seules que je tolérais. Celles qui étaient coupées me rendaient malade comme pas possible.
L'effet était toujours très rapide. Heureusement que mes instruments avaient été transférés sur place dans la matinée, car les transporter moi-même, alors que j'étais défoncée, cela n'aurait absolument aucun sens. Je commençais à avoir très chaud, et je me levais avec difficulté. Le temps que cette saloperie me monte au cerveau, j'étais dans un état indescriptible. Puis, le calme plat. J'étais heureuse. Je connaissais cette sensation par cœur. Un état où je ne comprenais rien, le temps que le produit me monte au cerveau, et un bonheur immense ensuite pendant plusieurs heures. C'était cet état qui me rendait accroc. Je savais que je n'allais pas pouvoir m'en passer, et que je devais faire avec. Je tendais les clés de ma voiture au bassiste, qui ne prenais jamais rien. Il était hors de question que je conduise dans un état pareil. Je n'avais tout simplement pas envie de nous tuer, ou de tuer qui que ce soit sur la route. J'étais une droguée, certes, mais responsable. Je savais parfaitement que les deux heures d'attente allaient être longues.
Au bout d'une heure et demie, sentant que cette came commençait à perdre en puissance, je décidais d'en fumer un peu. Sortant une feuille, un filtre, du tabac et mon sachet d'héroïne de mon sac, je mettais une dose considérable de tabac en comparaison de la faible dose d'héroïne. Il était simplement question de raviver l'effet, et pas de me mettre minable, surtout avant une performance. Roulant tout ceci avec un soin religieux, je l'allumais à l'extérieur. J'avais du respect pour les autres. Déjà que ça puait la mort, alors je n'allais pas en plus les intoxiquer avec ma fumée. Je ne supportais clairement pas l'odeur de l'héroïne fumée, mais si je m'en injectais à nouveau, je n'allais pas être en état de jouer. Autant la fumer à petite dose. L'effet que je recherchais apparut rapidement, et je pus aller me préparer. J'accordais mes trois guitares suivant les chansons que nous allions jouer. J'avais écrit, comme à mon habitude, la setlist le matin même. Même si j'étais la recrue la plus récente, cette responsabilité m'incombait. Et comme à chaque fois, la première partie était composée de reprises, tandis que l'autre était composée de compositions originales.
A l'horaire prévu, quand tout le monde était enfin arrivé, et que les autres étaient déjà sur scène, j'entrais, en jouant un riff relativement lent. En première chanson, j'avais toujours deux ou trois idées. Et je commençais souvent par
D-7. Une chanson qui commençait de manière très calme, avant de gagner en intensité. Je m'asseyais au bord de la scène, pour jouer ce riff de manière calme et planante. Je jouais toujours cette chanson de cette façon. Une vieille habitude, difficile donc de m'en débarrasser.