Malgré la pudeur qu'exhibait l'être, le chef du valeureux équipage témoignait avec douceur un intérêt particulier pour l'ashnardienne. Cet intérêt était similaire à ce que Terria avait entrevu dans quelques yeux de ses amours d'un soir. Certains cherchaient à placer un nom, une raison ou une histoire sur sa tête; ils recherchaient une profondeur à la compagnie. Ces hommes désiraient plus qu'être près physiquement, ils souhaitaient cette fausse proximité, cette rencontre forcée. Connaître l'individu était important et leur permettait de tisser un pond pour ensuite ouvrir leur coeur ou leur passion. Sans quoi, ils ne pouvaient faire confiance. Alors, selon la situation, Terria s'était présentée comme la femme infidèle, la rêveuse ou encore l'étoile filante. Elle racontait ce que le coeur voulait entente et l'on buvait de ses paroles comme l'eau jusqu'à s'en rendre ivre. Ses meilleurs récits dépeignaient souvent l'autre comme le sauveur ou encore la lueur d'espoir dans ce monde qu'il redoutait. Dans ces temps lourds, la promesse d'une compagne et de l'espoir valait plus que tout l'or du monde pour ces âmes errantes.
Toutefois, le blond en face d'elle dégageait autre chose. Il n'était pas venu à sa rencontre pour cette raison. Il y avait une sincérité rafraîchissante chez Lamnard. Nul doute, celui-ci était un être de pure bonté, un homme sensible, mais également preux. La grandeur de son âme partageait également une dimension d'attachement humaine, une personne qui avait besoin d'un sens dans le contact. Terria compris, elle ne pouvait être un partenaire d'affaire comme les autres. Lamnard avait besoin de connaître, c'était son prix. Enfin, c'était ce qu'il recherchait. Non pas que la chose lui déplaisait, mais le capitaine semblait vouloir traiter avec l'humain et la belle le vit dans ses yeux, dans ses mouvements, dans l’étreinte.
Elle connaissait le chemin, mais cette fois-ci, le sentier était différent.
- « Que souhaitez-vous connaître de moi ? »
Terria ouvrit les yeux pour le plonger dans le regard de Lamnard. Recherchant les émotions qu'il pouvait lui communiquer et essayer de tisser un lien avec celles-ci. Elle fut fascinée par cette dualité encrée entre une personne forte, mais fragile. Nul doute, un passé, quelque chose lui avait été arraché. On ne la regardait trop rarement sans désir charnel. Cet homme, n'avait pas de désir en ce sens. Sur cela, il était franc. Était-ce une dévotion totale pour sa cause ou encore une promise qui lui avait été arrachée ?
- « Lamnard. Je suis, vous le savez, je suis ancienne esclave. Tout comme vous, mais,... ça vous le savez déjà. Je ne sais quoi dire. Enfin. »
Décontenancée, Terria pris un moment. Elle ferma les yeux, tentant de cerner mieux ce qu'elle allait dire.
- « Je m'appelle Miss Terria et je cultive le mystère. Chaque jour je suis invitée au bal de la nuit où je danse. Je tente de me frayer un chemin vers l'avant-scène, j'avance sur le parquet entre blanc et noir comme sur un échiquier. Dans cette fête perpétuelle, je dois regarder où je mets le pied. J'ai de nombreux partenaires qui me verront seulement le temps d'une pièce et d'autre que je doute veulent ma place.
Dans mon monde, je capture les regards que je croise. Je tends la main à ceux qui me plaisent ou qui peuvent danser avec moi. Rare son ceux qui échappent à l'envoûtement.
Je crois que la fête qui est ma vie n'aura jamais de fin. Si j'arrête de danser, mon monde s'écroulera. La vie m'a appris à me servir de mon corps et c'est ce que je fais avec l'art que je pratique.
Mais vous, mon cher, vous me semblez appartenir au passé. Une partie de vous est scellée dans le temps. Moi dans mon monde tumultueux et vous dans une glace, que... »
Terria hésitait à poser sa question de peur d'aller trop loin.