Cher journal,
Voudras-tu bien m'excuser de t'avoir délaissé ces derniers temps? Mes voyages ont été tumultueux et tu sais que le passage à travers les failles me laisse toujours avec une faim dévorante qui me prend plusieurs jours à satisfaire.
Je viens de poser mes valises à ce qui semble être une version alternative de la Rome antique, à quelques nuances prêt qui ne sont pas pour me déplaire.
Pour commencer, la peuplade qui vit en ces lieux est fortement similaire aux humains de notre Terre d'origine. D'ailleurs, le premier jour j'ai vraiment eu l'impression de me retrouver dans un documentaire ou une série historique. Tout y était, les villas, les thermes, les marchés, ces gens étaient vêtus sobrement de toges et de pagnes, bien que j'ai vu certains d'entre eux arborant fièrement des tenues plus proches des Égyptiens ou des tribus d'Europe du nord.
Tu me connaît petit journal, je ne suis pas des plus observatrices, certains me trouvaient même naïve autrefois, mais il ne m'a pas fallu longtemps pour remarquer quelques différences notables par rapport à l'idée que je me faisait des Romains.
Déjà, il n'y avait pas de soldats, pas de légionnaires, mais en plus personne n'était armé !
Ça c'était étrange, mais je m'y suis fait et je dois t'avouer que c'est plutôt reposant, vu que je ne sais pas trop me battre.
J'ai toujours ma dague attachée à la cuisse, mais c'est plus une façon de me rassurer, des fois que les mercenaires qui étaient à mes trousses trouvaient le moyen de parcourir les failles à ma recherche. Je dois t'avouer qu'égorger ces hommes au cours de l'acte était une expérience que je préférerai m'abstenir de reproduire.
Bref, je me sens plutôt en sécurité ici parmi ces gens étranges.
Pourquoi étrange ne me demandera tu pas fidèle journal ? Ces Romains ne parlent pas, ou très peu. Ils ne communiquent que le stricte minimum et il est possible de passer une journée à parcourir ces rues pavées sans entendre un seul mot. Le commerce n'existe pas, de même que la monnaie, ils prennent ce dont ils ont besoin et ils participent tous à leur manière à faire tourner la société. Je n'ai pas trop compris comment ils s'organisaient ni si ils avaient un chef, mais une chose est sûre : ils n'ont pas de lois ni de règles car ils n'en ont pas besoin. Ce sont des gens calmes et ordonnés.
Je vois bien à leurs regards que mon comportement est inapproprié, mais jamais personne n'a tenté de m'arrêter, aussi je ne risque pas de manquer de ressources avant longtemps.
Je dois même t'avouer cher journal que la situation me plaît beaucoup et qu'il m'arrive souvent de m'amuser là ou autrefois je subissais le désirs de mon parasite.
Eh oui !
Tu dois te dire que j'ai bien changé depuis les débuts de ma transformation et c'est ma foi vrai ; j'ai appris à aimer ma condition, et bien que la semina soit tenue en laisse grâce au Fnum qui embellit ma nuque, il me faut toujours nourrir mon parasite, ce que je fais de mon plein gré désormais.
Ça me rappelle un peu cette prière des alcooliques anonymes que rabâchait ma mère avant notre départ pour le Japon :
"Seigneur, donne moi la force de changer ce que je peux changer, le courage d'accepter ce qui ne peut l'être, et la lucidité de distinguer les deux."
C'est tellement vrai !
J'ai changé ce que je pouvais et j'ai accepté le reste. Que veux tu, c'est comme ça..
Maintenant, il faut que je te raconte la vraie raison qui m'a fait reprendre ce récit.
Parmi tous les mercenaires à mes trousses, l'un d'entre eux savait voyager à travers les failles et il m'a retrouvé. Mais tout ne s'est pas passé comme je le craignais et cette rencontre mérite certainement d'être immortalisée dans tes pages.