Qui que ce soit mon chasseur, il me faisait attendre alors que je l'avais pourtant interpellé. Cela n'avait donc pas été suffisant pour attirer son attention ? Bien plus lasse encore, je m'apprêtai à soupirer de nouveau quand deux lanières de cuir vinrent me lacérer le dos. Mon corps n'eût qu'une seule réponse à cela : s'avancer de quelques pas, déstabilisé. Mon visage n'afficha pourtant aucune grimace qui aurait pu annoncer à mon agresseur que j'étais blessée. Mes omoplates avaient beau rougir violemment suite à ce dernier impact, je conservai mon air impassible. J'étais effectivement insensible à la douleur et mon adversaire n'allait pas tarder à s'en rendre compte.
Je repris vivement mon équilibre en m'appuyant sur mon tachi, celui-ci m'empêchant de chuter vers l'avant. Quelques fils s'enroulèrent alors autant de mes cuisses, sans doute pour m'entraver dans mes faits et gestes. Il est vrai que cela aurait été efficace sur une proie classique, mais je n'étais certainement pas ce genre de gibier. Je me redressai promptement de tout mon long et balayai mes flancs avec mon arme, tranchant mes entraves comme si elles n'avaient jamais été là. Ceci fait, je ne pouvais m'empêcher d'être satisfaite à la vue du tranchant inégalable de mon arme ; c'était sans doute supérieur à n'importe quelle oeuvre de Masamune, selon moi. Bref. Trêve de rêveries. Après tout, j'étais censée être une pauvre proie sans défense. Je n'eus évidemment aucun mal à me mettre dans la peau d'un chasseur et à me demander qu'est-ce que ce dernier attendrait de sa future capture ? Qu'elle tombe dans un piège, évidemment.
Furtivement, je balayai l'environnement du regard. Des fils, des câbles, encore des fils, des murs, un espace restreint et une technique de combat faite pour restreindre. Mon adversaire avait sans doute placé quelques déclencheurs ça et là et attendait sûrement que j'en active un. Eh bien, il suffisait de le demander. Pour l'attirer à moi, je me reculai de façon volontairement imprudente et espérait effectivement déclencher un quelconque piège que ce soit. Je ne fus pas déçue, mais toute autant surprise. Il ne fallut pas plus de deux secondes pour que je sois entortillée dans d'étranges câbles et que je ressente une ombre fureter dans ma direction, sans doute mon chasseur tant attendu qui devait me penser à sa merci. Dommage pour lui ; j'étais en mesure de revêtir deux aspects différents et j'allais justement adopter le second afin de me libérer de mes nouvelles entraves.
Mon arme disparut aussitôt et mon corps se mit à radicalement changer. Ma peau s'assombrit, ma taille devint bien plus fine et mes membres disparurent jusqu'à ce que je ne sois plus qu'une lame, moi-même en l'occurrence. Si mon ennemi ne possédait aucun moyen de me sceller – ce que j'estimais impossible sans mon fourreau porté disparu, à moins qu'il ne soit une divinité – il ne me faudrait pas plus de trois secondes pour récupérer une forme humaine, alors que les câbles étaient désormais abandonnés et inactifs, à même le sol. Je prenais néanmoins le risque qu'il prépare un nouveau stratagème. Cependant, il ne connaissait pas mes capacités et j'aurais sans doute l'avantage de la surprise par rapport à lui, qui jouait simplement avec ses fils.
Un, deux, trois... Je n'avais pas eu le temps de capter mon adversaire lors de son passage, mais me voilà redevenue "humaine" et libre. Je m'étirai aussitôt, n'accordant aucun respect à cet inconnu et préférant surtout me focaliser sur mon confort musculaire. Et puis, pourquoi diable devrais-je le considérer ? S'en prendre à mon auguste personne est passible de mort. Oui, c'est ça. Le tuer, ce serait marrant.
– Montre-toi, petit rat. Viens te faire découper, chantonnai-je.
Ce corps générait de l'adrénaline. Je ne connaissais que trop bien cet état, il s'agissait de ma soif de ma sang. Et merde, non. Si je me laissais emporter par ça, je ne trouverai pas de propriétaire pour aujourd'hui. Cela ne devait pas arriver, ma quête n'a que trop tardé. Je me fis donc violence, oppressant ma propre langue entre mes dents jusqu'à la faire saigner, quitte à donner du temps à mon adversaire. Il fallait que je focalise mon esprit sur autre chose que le combat, mais quoi ? Je ne devais pas me laisser capturer et ne pas combattre, en plus de ça ? Que faire ? Cet affrontement tournait davantage à l'introspection. Heureusement, la solution miracle était juste sous mon nez : faire de cet inconnu mon propriétaire. Pour ne pas se faire choper alors que ma transformation est extrêmement rapide, il devait avoir de bons réflexes, et donc être en bonne santé. Parfait.
– Rectification : montre ce que tu vaux. Si je suis satisfaite, tu seras mon propriétaire.
Il voulait me capturer, cela ne pourrait que l'intéresser. Tout du moins, c'est ce que j'espérais. Je voulais qu'il me montre tous ses sorts, qu'il se révèle être un atout de première catégorie, digne d'être possédé par la célèbre Akasha. Mais le fera-t-il ? De toute façon, je comptais l'y pousser par la force, voilà pourquoi je fis immédiatement réapparaître mon arme et tirai profit de mes sens surhumains pour repérer mon agresser. C'était confus, mais je pouvais à peu près le localiser. Naturellement, je m'approchai donc de sa localisation en faisant traîner ma lame sur le sol. Il devait être au courant que je l'avais repéré, il devait se sentir menacé pour me montrer davantage de choses. Et pour cela, quoi de mieux que l'intimidation ? Je levai soudainement mon sabre et l'abattis sur une grande benne à ordures. Elle fut tranchée en deux sans trop de mal, ce qui fit au passage fuir les deux chats sauvages qui s'y cachaient et généra un maximum de bruit. Maintenant que j'avais probablement toute l'attention de mon chasseur, j'accélérai jusqu'à courir vers son emplacement exact, lame en main. C'est l'heure de vérité.